Roman m'enlaça avec naturel, ses bras forts et réconfortant m'enveloppèrent dans une bulle de sécurité. J'éprouvais un puissant soulagement en constatant qu'il ne me repoussait pas après sa discussion avec Théo. Le fait qu'il ne m'ait pas maintenu à distance signifiait que Roman ne s'était pas laissé influencer. Il n'avait pas changé d'avis sur nous.
Lorsque nous nous séparâmes, il m'observa attentivement. Devant cette analyse trop évidente, je grimaçai et détournai la tête vivement.
Je ne voulais pas qu'il lise à quel point je me sentais mal et perdu. Il était clair qu'il finirait par me poser la question, tout comme je devrais demander comment c'était passé sa conversation avec mon frère. Cependant au milieu de toutes ces questions, une seule était en train de me ronger le cerveau. Une qui se répéta en boucle dans ma tête depuis que j'avais accepté la proposition de Jim.
Est-ce que ça valait vraiment le coup ?
J'avais l'horrible impression de faire quelque chose de mal. Alors il devenait évident qu'après cette soirée, j'arrêterai pour de bon. Définitivement.
D'ici là, mentir à Roman s'avérait aussi nécessaire que désagréable. Je n'avais jamais eu aucun problème avec le fait de cacher la vérité, mon travail dans ce club constituait mon plus gros secret et depuis plusieurs mois déjà. Je mentais pour une bonne raison, avec des motivations et un but important pour moi.
Pourtant, aujourd'hui, malgré mes objectifs identiques, la culpabilité m'empoisonnait. J'avais donc hâte de me débarrasser de ce sentiment. Dommage qu'il faille pour cela renoncer à un job amusant et super bien payé.
— On a le temps de faire notre cours de danse ensemble ? demandai-je pour détourner mes pensées.
— Bien sûr, murmura Roman en plissant les yeux. Allons-y.
De toute évidence, lui aussi évitait de me parler de sa conversation avec Théo. Je ne savais pas ce qui s'était dit, ni comment ça avait fini, par contre, j'avais reçu un message de mon frère tard dans la nuit. Un texto qui m'avait laissé une boule acide dans l'estomac. Une sorte d'avertissement.
« Roman m'a raconté. C'est du délire. Il n'y a qu'une seule chose qui l'intéresse et tu es trop jeune pour ça. Et pour lui. »
Théo laissait sous-entendre que Roman était avec moi simplement pour mon corps, pour le sexe ? C'était complètement absurde, il luttait chaque jour avec plus de hargne pour me résister ! Il était droit et respectueux, comment son ami ne pouvait-il pas le voir ? Comment cela se faisait-il qu'il ait une image de Roman que je ne connaissais pas ?
Toute la nuit, des pensées avaient assailli mon esprit. Notamment, le souvenir du comportement très direct de Roman à la soirée Halloween. Très entreprenant et pressé. Il m'aurait baisé dans ces toilettes sans connaître ni mon nom, ni mon visage. Alors évidemment, il fallait en conclure que Roman était lui aussi adepte des coups d'un soir sans conséquence. Et ? Je n'étais pas dans le même panier. N'est-ce-pas ?
— On y va ? reprit Roman, les sourcils froncés.
Reprenant du poil de la bête, je m'écartai et le suivi jusqu'à la salle 2 qu'il venait d'utiliser précédemment. J'enlevai mon pull pour me mettre plus à l'aise pendant que Roman s'affairait autour de l'enceinte.
— On reprend à partir du deuxième couplet, tu as du mal avec cette partie-là, commença Roman.
Il brancha son téléphone à l'enceinte, cherchant la musique adéquate. Distraitement, je me plaçai au centre tout en calmant ma respiration.
— Ok, je te suis, dis-je.
Roman enclencha la musique et courut vers moi pour se mettre en avant et commencer à danser. Il entreprit les trois premiers pas et je le suivis rapidement. Ma tête devait rester concentrée sur les mouvements, sur les notes et sur la coordination de mon corps.
Après seulement plusieurs secondes, Roman stoppa la musique avec sa télécommande.
— Tu maîtrises le six step, mais ton zulu spin est affreux, annonça-t-il en se frottant le front.
— Sympa, marmonnai-je.
— On va le décortiquer. Dans cette chorégraphie, on tourne à droite, ta jambe droite doit être tendue et tes mains doivent être au plus près de ta cuisse dès le départ.
Il vint se placer juste devant moi, s'accroupit et me fit signe de me mettre dans la même position. Comme indiqué, je décortiquai le mouvement, pas très serein.
— Ta position de départ n'est pas la même qu'à l'arrivée, ça pose problème.
Sa voix était tellement neutre lors des cours, cela me perturbait un peu. Roman effectua le mouvement, aussi lentement que possible, me montrant point par point ce qu'il fallait que j'améliore. La technique était de loin mon maillon faible et c'était clairement le plus chiant.
Moi, j'aimais bouger au feeling, sentir la musique parcourir mon corps et suivre les notes en fonction de mes envies, des vibrations que je ressentais. Évidemment, rien n'était jamais aussi simple et intuitif, il fallait toujours avoir des bases solides pour pouvoir correctement maîtriser les impros.
— Recommence, m'enjoignit Roman.
Ce que je fis. Plusieurs fois, sous son œil scrutateur.
— Jay, ce pas là se fait plusieurs fois d'affilé, quatre pour être exact, l'enchaînement est rapide et suit une trajectoire bien précise, énonça-t-il.
— Je sais.
— Alors tu sais aussi que si ton axe n'est pas bon, tu tourneras dans la mauvaise direction. Ta jambe droite doit être placée au bon endroit lorsque tu finis ta rotation, déplace-là en même temps que tu tournes.
Ses yeux gris se tachetaient de marron sous l'éclairage aux néons, ces pépites foncées ressortaient et rendaient son regard plus sombre, mais plus chaleureux. J'aimais bien. Et je divaguais. Encore. Ma tête n'arrivait pas à se concentrer. Je refis plusieurs fois le même mouvement, soupirant d'exaspération à chaque fois que Roman me reprenait. Et il me reprit encore et encore.
— Tu ne redresses pas ton chemin, Jay, répéta-t-il.
— Eh bien, j'y arrive pas ! m'impatientai-je.
— Lorsque tu l'auras refait une centaine de fois, tu y parviendras.
— Cent fois ? Tu rigoles !
— Non.
Roman me fixa durement et se contenta de ce « non ». Super, j'avais à faire à un robot dictateur.
— Recommence. Tant que tu ne parviens pas à exécuter ce pas, on ne peut pas passer au reste de la chorée.
À la fin de notre demi-heure, Roman vint vers moi avec une bouteille. Son visage était détendu, ses yeux brillants. Je récupérai l'eau pour me désaltérer, complètement épuisé par ce cours bien plus dur que les deux précédents.
— C'était une bonne leçon, déclara-t-il.
— Tu trouves ? Tu as été cruel, j'ai mal aux genoux, rouspétai-je.
— Oui, mais tu as progressé.
Je haussai les épaules, peu convaincu. Je n'avais pas encore réussi un enchaînement parfait. Roman enserra ma nuque de sa main, me rapprochant de lui. Mon cœur s'emballa aussitôt.
— Tu te débrouilles bien, Jay, me complimenta-t-il.
Je levai les yeux vers lui, me noyant dans son visage magnifique. Le contact visuel se mua rapidement en un rapprochement corps contre corps, bouche contre bouche. Il était si facile d'oublier mes douleurs aux jambes et mes soucis avec ce baiser.
Mes mains accrochèrent ses hanches lorsque Roman enfonça sa langue dans ma bouche, prenant possession de mon âme en même temps. Un de ses main flatta ma chute de rein.
Le souffle court, l'esprit embrouillé, je ne parvenais plus à me freiner. Mon sexe gonfla peu à peu, excité par la sensation de désir qui gonflait en moi. Lorsque Roman se détacha de mes lèvres, un gémissement fut poussé. Par qui ? Je ne saurais le dire.
— Allez file, tu as du travail. Et moi aussi.
— Je ne crois pas pouvoir marcher, soufflai-je.
— Ah non ?
— Non, mon érection est trop imposante, fis-je, le plus naturellement du monde.
Roman resta silencieux trois secondes, le regard interloqué avant de rire franchement.
— C'est embêtant, pouffa-t-il en se reculant totalement.
Il mit une distance entre nous, mais son regard se porta sur mon survêtement synthétique. D'amusé, il passa à lubrique, ce qui n'arrangea rien pour moi.
— Tu as l'air... sensible, s'amusa-t-il.
— Tu sous-entends que tu n'es pas excité ? répliquai-je, faussement acerbe.
Roman pinça les lèvres, le gris de ses yeux pétillants de malice.
— Sûrement pas autant que toi.
— Oh je vois, Monsieur est un grand garçon qui se maîtrise, n'est-ce-pas ? ironisai-je.
Trois pas dans sa direction et mon torse se plaqua au sien. Il ne recula pas, visiblement amusé par notre échange. Moi aussi, je m'amusais comme un fou. Encore une fois, Roman me provoquait.
— L'expérience, sifflota un Roman trop arrogant à mon goût. Tu vas vite comprendre.
Non, mais... étais-je en train de rêver ? D'où lui venait cette attitude ? Il me taquinait sans plus se retenir depuis que nous étions ensemble, ses répliques étaient offensives et faisaient cramer mes pauvres neurones. Et mon foutu corps sensible !
Mon excitation creva le plafond, mon sang ne fit qu'un tour et se dirigea droit vers mon sexe pour le rendre dur comme la pierre.
— J'aimerais bien en profiter, de ton expérience ! balançai-je avec un clin d'œil.
Roman inspira profondément et fourra ses mains dans mes cheveux, tirant dessus pour que je penche la tête en arrière.
— Oh mais tu en profiteras, Jay.
Oh, merde. Sa réponse provoqua une décharge électrique dans mes bourses qui me fit gémir. Oui, gémir ! Alors qu'il ne me touchait même pas. Ses mains étaient simplement figées dans mes boucles, me maintenant la tête, rejetée en arrière.
— Mardi soir ? proposai-je, sachant qu'on devait passer la soirée ensemble.
Ma tentative avait de bonne chance de tomber à l'eau. Mais qui ne tente rien n'a rien était ma devise.
— Peut-être.
Roman s'écarta finalement. Je n'insistais pas, cette réponse me satisfaisait déjà beaucoup. Nous avions décidé d'y aller doucement, pas à pas, de n'imposer ni barrière ni objectif à notre intimité.
*
Comme prévu, nous passâmes le reste de la soirée ensemble. Toutefois, Roman ne m'amena pas chez lui, mais décida de me payer un burger afin qu'on mange ensemble et que l'on discute.
Être en tête à tête, sans l'effervescence du travail et des obligations, permettrait de discuter pleinement, en ayant tous les détails.
Nous commandâmes puis Roman choisit une table dans un coin, à l'écart. Sans attendre, je croquai dans mon hamburger, le ventre grondant.
— Je suppose que tu veux savoir comment ça s'est passé avec Théo, non ? commença-t-il, hésitant.
— Beh ouais, répliquai-je.
Roman hocha la tête tout en soupirant avant de se mettre à parler. Racontant dans les moindres détails cette discussion avec mon grand frère qui ne s'était pas très bien passée. À mesure que les mots franchissaient ses lèvres, mon angoisse s'approfondissait. C'était un échec.
Théo avait été surpris, en colère, incompréhensif. Les frites devinrent rapidement de trop dans mon estomac comprimé. Je n'aimais pas ce que j'entendais. Il semblait jouer au grand frère qui a peur pour la vertu de son petit frère. C'était stupide. Théo était au courant pour ma vie sexuelle. Et il s'était montré plutôt compréhensif.
À mon âge, c'était normal d'explorer sa sexualité, c'était sain ! Alors quoi ? Il préférait que je me tape des inconnus sur des applis plutôt que Roman, son ami qu'il connaissait suffisamment pour savoir que c'était quelqu'un de respectueux ?
La colère remua la bile dans mon ventre, remontant jusque dans ma gorge.
— Je comprends sa réaction, j'espère juste qu'il prendra le temps d'y réfléchir et qu'il changera d'avis, murmura Roman, attristé.
— Il m'a mis en garde contre toi, révélai-je.
— Quoi ?
Je sortis mon téléphone afin de lui montrer le texto de Théo. Roman fronça les sourcils, le corps raide avant de grimacer en détournant les yeux.
— Il est donc vraiment en colère, il n'a rien compris.
— Je vais lui parler, décidai-je.
— Non, Jay, s'il te plaît. Laisse-le digérer l'information.
Je considérais la demande de Roman, réfléchissant à toute vitesse. Je connaissais mon grand frère, il était un peu comme moi. Impulsif, direct, franc, un peu brusque parfois. Sans filtre. Roman avait sans doute raison, sa réaction à chaud pouvait différer de celle plus réfléchie qui surviendrait plus tard. J'attendrais donc. Mais j'étais prêt.
Prêt à défendre mon choix et ma relation avec Roman.
*
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