Chapitre 25 : Jay

Quelle merde, cette conversation. Pourquoi fallait-il que le sujet Roman s'insinue dans cette sortie entre potes ?

Nous profitions d'une après-midi libre pour passer du temps ensemble, mais clairement, j'aurais dû rentrer chez moi après le lycée, ça m'aurait évité cet interrogatoire peu subtil.

Je retins de justesse un énième soupir. Hugo fixa Mike puis plongea son regard dans le mien et à nouveau, il regarda Mike avant de revenir vers ma personne.

—   Tu rigoles, n'est-ce pas ? finit-il par dire, hébété.

—   Pourquoi ? rétorquai-je, en plissant les yeux.

—   Même Mike s'accorde à dire qu'il est bandant.

Mes yeux se rivèrent d'eux-mêmes vers Mike qui pinça ses lèvres et haussa les épaules. La conversation commençait à faire de drôle de choses dans mon ventre.

—   Chacun ses goûts, conclus-je en faisant mine de m'intéresser à la vitrine sur ma droite.

Le magasin de baskets exposait tout un tas de modèles canons. Le centre commercial dans lequel nous avions décidé de faire un tour, était complètement bondé pour un vendredi, c'était fatigant toute cette foule. 

Les groupes de filles marchaient en ligne avec leurs cinquante paquets dans chaque main et à aucun moment, elles ne semblaient se rendre compte qu'elles gênaient. Et puis il y avait les mères et leurs mômes qui braillaient comme si c'était la fin du monde parce qu'ils n'avaient pas les Smarties dont ils rêvaient.

—   Ne nous prends pas pour un con ! Tu le kiffes ! tonna Hugo en passant un bras autour de mes épaules.

—   C'est clair, ça se voit, mec, renchérit Mike en rigolant.

—   Vous racontez n'importe quoi. Je vous dis qu'il ne me plaît pas.

—   Pourquoi tu mens comme ça ?

Hugo m'entraîna à l'écart de la vitrine pour continuer notre marche dans le dédale de magasins. Ils étaient insupportables. Depuis que je leur avais parlé de mes cours gratuits de danse, ils étaient comme fous.

Grâce à mon adorable minois, j'avais eu l'autorisation de Roman de venir une fois avec Mike et Hugo, et même Sarah. Les muscles saillants de mon professeur de danse eurent pour effet de subjuguer tous mes potes. Mais pas moi. Non, moi, j'étais complètement en transe devant ce corps parfait.

—   Je mens pas, insistai-je, priant pour qu'ils lâchent l'affaire.

—   Donc quand tu le vois à moitié nu avec son corps de rêve, tu bandes pas ?

Un énième soupir m'échappa. S'il savait... Cette semaine avait été une torture, je pouvais enfin laisser libre cours à mes sentiments et mon attirance, toutefois, pas au studio. Il fallait donc que je contienne mon envie de l'embrasser !
Heureusement, le faire uniquement dans son bureau avait quelque chose d'excitant.

—   Nous ne sommes pas tous comme toi, un coup de vent et tu jouis dans ton pantalon, m'esclaffai-je.

—   Eh ! C'est pas sympa, j'avais douze ans ! s'offusqua Hugo.

Nos rires couvrirent les bruits alentour, mais pas mes pensées. Mike se posa sur un des bancs aux pieds des escalators et une fois assis, le sérieux reprit tous ses droits. Hugo me fixait avec une drôle de tête, ce qui m'inquiéta. Il se racla la gorge, une main frottant sa nuque. 

Mon cœur palpitait drôlement vite sous mes petites côtes à force de mentir continuellement à mes meilleurs amis. 

Je pouvais donc comprendre Roman. Il m'avait assuré qu'il le dirait à Théo rapidement car il n'arrivait plus à mentir. 

—   On... on t'a vu, Jay, chuchota Hugo en jetant un coup d'œil furtif à Mike.

—   À la fête chez Agathe, précisa lentement Mike.

—   On t'a vu partir avec Roman, poursuivit Hugo.

Oh merde. Affolé, je scrutai le visage de mes potes alternativement, cherchant une porte de sortie, un mensonge crédible, une putain d'échappatoire ! Mais rien ne me vint.

—   Est-ce que... il se passe un truc entre vous ? osa Hugo en me regardant franchement.

—   Quoi ? soufflai-je, les yeux ronds. Bien sûr que non !

—   Allez, tu peux nous le dire, Jay. On se dit tout d'habitude, râla Mike.

—   Il se passe rien du tout, ok ? Il est juste venu me chercher parce que je me sentais pas bien, j'avais trop bu et... j'avais envie de rentrer chez moi, expliquai-je un peu maladroitement.

—   Donc il t'a ramené chez toi ?

La question de Mike avait toutes les nuances possibles du scepticisme. Je fronçai les sourcils vers lui, le regard dur, reprenant le contrôle de mon expression.

—   Beh ouais, répondis-je.

—   Il est taxi la nuit ? ironisa Hugo.

—   Non, mais c'est le seul gars qui a le permis et qui a un minimum de conscience pour pas me laisser dans l'état merdique dans lequel j'étais, lâchai-je.

Un silence s'imposa, mes deux amis semblaient réfléchir à mes mots. Peut-être ravisaient-ils leur idée première. Je l'espérais en tout cas.

—   Donc il n'y a rien entre vous ? Genre... rien du tout ? persista Hugo.

—   En quelle langue faut le dire ? Non, il ne se passe rien. Nothing. Nada. Niet. Il est sexy ok et peut-être que s'il n'était pas si chiant et vieux, je tenterai un truc, mais... non.

Mike ricana en hochant la tête et Hugo fit une moue étrange. La conversation s'arrêta là, mes potes choisissaient de me croire sur parole, parce qu'après tout, nous nous confions sur absolument tous les sujets. J'aimais cette dynamique entre nous, cependant, je ne pouvais rien dire concernant Roman.

Mes pensées me ramenèrent à cette nuit passée dans son lit, entouré de ses bras, appréciant ses lèvres. Mon cœur bondit au souvenir de ce que j'avais ressenti. Pour la première fois de ma vie, j'avais éprouvé une sensation de chaleur dans la poitrine.

C'était si différent des quelques rencontres que je faisais avec des mecs que je ne fréquentais pas plus que ça. Toutes mes expériences, aussi débridées n'avaient été que superficielles. Pas d'affection, de tendresse, de sentiments.

Pourquoi n'avais-je jamais rencontré un type sympa ? Pourquoi n'étais-je jamais sorti avec un mec attachant plus que quelques semaines ? Pourquoi l'amour avait été remplacé par les « crushs » et les flirts ? J'avais suivi le mouvement, comme tous ceux de mon âge. À présent, je me posais des questions sur la réalité de mon monde et notre vision des relations.

Quoi qu'on dise, les adolescents étaient en rut à un certain âge et le sexe était le challenge de tous. Il n'y avait pas besoin de sortir avec la personne ou de l'apprécier pour avoir une relation sexuelle. C'était triste, mais c'était les codes de notre génération.

Personne ne s'en doutait ou alors les gens faisaient semblant de ne rien comprendre, de ne rien savoir, de ne rien voir. Les adultes pouvaient être de grandes autruches puritaines.

Avec Roman, c'était différent. L'intimité que j'avais partagée avec lui était si délicieuse, à la fois physique et... émotionnelle. La cause semblait évidente, mais je n'osais pas le confesser.

Après cette après-midi éreintante dans les magasins, je filais au studio de danse. Mon petit-ami était en plein cours alors je passais directement au nettoyage. J'étais si excité à l'idée de voir Roman même si je le voyais tous les jours... Je me languissais de lui, de ses baisers, de son corps.

Qu'est-ce que je disais, les ados en rut... Oups.

Roman gardait une distance prudente au studio, mais ses regards vers moi ne passaient pas inaperçus. Depuis cette nuit chez lui, nous trouvions chaque jour des instants à l'abri pour s'adonner à notre exercice préféré, les baisers langoureux. Ses lèvres étaient tellement douces et appétissantes. Et il embrassait tellement bien !

C'était exaltant de ressentir ce désir entre nous, ce feu qui nous brûlait sans pouvoir succomber. Mes nuits étaient un enchaînement de rêves érotiques dont Roman et moi étions les acteurs principaux. Mais il y avait pire, bien pire. Travailler au studio ne m'aidait pas ; contempler Roman et son corps à moitié nu trempé de sueur, les muscles bandés et les joues rosies par l'effort... 

Et que dire de mon était lorsqu'il m'enseignait la technique en prive ? C'était un mélange d'euphorie propre à la danse elle-même et d'une excitation purement sexuelle à l'idée de danser aux côtés de Roman, l'objet de mes désirs.

Secouant vigoureusement la tête, je me repris quelque peu, le temps d'enlever mes baskets, mes chaussettes puis de récupérer le seau d'eau et le frottoir pour pénétrer dans les douches. J'effectuai mon nettoyage, mes pensées dérivantencore et toujours vers mes fantasmes.

Que je mettrais à bien après ma majorité civile en février. Ça arriverait vite, non ? Je me languissais de mon cadeau d'anniversaire ; le corps musclé et sexy de Roman !  

Pourtant, j'étais un peu angoissé, non pas que je l'avouerais un jour. Mais il avait plus d'expérience et moi, je... je ne savais pas si je pouvais me comparer à lui. Je faisais le malin parce que j'avais eu des expériences, peut-être plus que mes potes, cependant, ça ne voulait pas dire que je serais à la hauteur.

Bref, peu importait ces petits doutes, je me sentais heureux. Les écouteurs vissés dans mes oreilles, je me trémoussai sur la musique en lavant le carrelage des vestiaires et poussai la chansonnette. 

De temps en temps, j'irai voir le cours de Roman.

J'adorais voir ses yeux gris sur moi, affichant un mélange de tendresse et de passion. Il me désirait. Moi. Pas juste mon corps. Il affectionnait mon humour, mon intelligence, mon espièglerie. Il me faisait sentir important. Je me transformais clairement en une guimauve géante, c'était affligeant !

J'envisageais donc de tenter quelque chose. Ce soir, Roman m'avait proposé une soirée tous les deux. Il était resté secret sur ce qu'il avait prévu, mais moi, j'imaginais son canapé et nos deux corps se frottant l'un à l'autre, sans aucun vêtement.

Deux grandes mains chaudes attrapèrent brusquement mes hanches, me faisant sursauter. Je poussai un cri peu masculin en tournant la tête vers mon agresseur. Roman sourit et me vola un baiser. Le souffle court, j'enlevai mes écouteurs.

—   Dépêche-toi, nous sommes attendus, souffla-t-il en suçant la peau de mon cou.

—   Attendus ?

Au lieu de répondre, il m'entraîna jusqu'à une cabine fermée et me plaqua contre l'une des parois. L'excitation grimpa en flèche et Roman attisa le désir en moi alors qu'il me dévorait la bouche. Ses mains bloquaient mon corps que ce soit par une prise sur mes cheveux, ma nuque ou bien ma hanche, il gardait toujours le contrôle. Et je cédais parce que... nom de Dieu, c'était excitant !

Sa bouche dériva dans mon cou où il lécha puis suça ma peau. Chaque frisson me tira un gémissement de plaisir.

—   Astique plus vite, bébé, je me languis de partir, murmura-t-il.

— Astiquer quoi ? renvoyai-je, le sourire au coin des lèvres.

— Le sol !

Roman rit avant de planter ses dents dans mon cou. Frémissant éhontément, je hochai la tête et fus libéré de son emprise afin qu'il retourne dans son bureau.

Les élèves du dernier cours prenaient leur douche et je me dépêchais de prendre de l'avance en nettoyant la salle. En moins de quinze minutes, le parquet et le carrelage des vestiaires brillaient de mille éclats étincelants. Après avoir tout rangé dans le placard et récupéré mes affaires, j'avertis Roman que j'étais prêt.

—   Où on va ? m'enquis-je.

—   Surprise.

Roman me sourit avec un engouement qui déclencha des papillons dans mon ventre. Oui, j'avais bien dit des papillons ! Et ces papillons m'accompagnèrent tout le reste de la soirée.

Nous nous rendîmes dans un quartier industriel en périphérie de la ville. En arrivant devant l'entrepôt, ma curiosité s'attisa, surtout lorsque j'avisais le monde qu'il y avait aux alentours et la musique qui s'échappait du bâtiment. Sans avoir besoin de faire la queue ou encore de sortir ma fausse carte d'identité, nous entrâmes main dans la main, les videurs reconnaissant apparemment Roman.

À l'intérieur, la musique était assourdissante, c'était complètement démentiel. J'avais l'impression que le sol tremblait en rythme avec les basses. Les murs étaient bruts, partiellement tagués de phrases, de symboles ou de dessins complexes et colorés. Des armatures métalliques grimpaient au plafond pour supporter des spots lumineux de plusieurs couleurs et j'aperçus de multiples enceintes, semblables à celle du studio de danse.

La foule se composait de petits groupes à divers endroits, formant des cercles bruyants. Les acclamations provoquaient un engouement si fort qu'elles couvraient partiellement la musique. 

Cet entrepôt était le lieu de réunion des danseurs de break, de hip-hop et tous ces styles de danse de rue. Ils se regroupaient ici et s'amusaient à se confronter sous forme de battle. Mes yeux écarquillés voyageaient d'un duel à l'autre. Tout mon corps se couvrit de chair de poule, excité par l'ambiance.

Roman me traîna jusqu'au fond du bâtiment où se trouvait le DJ dans un angle et le bar de fortune. Je demandai une bière, toutefois, à cause de mon mec, je me retrouvais avec un soda dans les mains.

—   Cet endroit est génial ! criai-je, euphorique.

Sans me répondre, Roman me fit un clin d'œil. Nous passâmes devant plusieurs groupes de danseurs et il me soufflait à l'oreille des commentaires sur la danse effectuée ou encore les techniques utilisées.

J'étais au paradis. La joie électrisait ma peau, mon cœur battait à tout rompre et je ne savais plus où donner de la tête. Embrasser Roman jusqu'à lui grimper dessus ou admirer tous ces danseurs exceptionnels.

À plusieurs reprises, il m'encouragea à participer dans des cercles restreints et j'osai à la troisième proposition. Quatre participants, trois manches. Le défi, l'excitation et le stress se diffusaient dans mon corps. 

Lorsque le départ fut annoncé, mon cerveau se déconnecta au profit des sensations. Mes pieds bougeaient en harmonie avec le tympo de la musique, mes muscles vibraient au rythme des basses et je mis à profit tout ce que j'avais vu et appris au côté de Roman.

Ainsi, j'enchainai les passe-passes, les freezes et les phases acrobatiques que je maitrisais. La succession de mes shoulderspin – phase de rotation sur l'épaule – déclencha des applaudissements étourdissants. Je parvins à me retrouver en finale, néanmoins, mon adversaire était d'un niveau incroyable et il gagne. Cela ne m'empêcha pas d'être galvanisé par le moment.

Au bout d'une heure, Roman fut acclamé, son nom raisonna à travers la musique et un violent frisson dévala mon échine. Je le vis alors s'avancer au milieu d'un des cercles, tout sourire. Il m'adressa un rictus confiant et démarra un duel contre un grand blond tatoué.

Toute mon attention se rétrécit, se focalisa sur Roman, sur cet homme incroyable qui me rendait dingue.

À cet instant précis, mon cœur battait pour lui. Je tombais amoureux. Je le contemplais, entre émerveillement, fierté et désir. Oui, j'étais amoureux de Roman.

*

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