Chapitre 23 : Roman

Je n'étais pas vraiment jaloux. Pas vraiment. J'étais plutôt... plutôt... ok, j'étais jaloux. Les crispations incessantes de mon ventre me le prouvaient, tout comme mon envie d'appeler Jay pour lui demander avec qui il était et s'il comptait fricoter avec un autre.

Ça me foutait en rogne. L'imaginer embrasser un autre gars me donnait la nausée alors imaginer plus ! Pourquoi pensais-je à ça, de toute manière ?

Peut-être parce que Jay me faisait l'effet de ces mecs qui papillonnent en permanence, sûr d'eux et qui testent leur pouvoir de séduction pour flatter leur ego. Malgré son jeune âge, Jay était exactement comme ça, il l'avait avoué. Sa drague avec moi n'avait été que pour prouver qu'il avait un pouvoir sur moi, ce qui me blessait autant que cela me contrariait.

Les ruminations ne faisaient que s'amplifier. Ma tête, mon cœur et mon corps étaient en conflit. Qui devais-je écouter ? Voilà la question que tout le monde se pose continuellement ! 

Un week-end à réfléchir et j'étais toujours perdu.  

Jay avait proposé de rester discret et de mentir sur notre relation afin de n'avoir aucun problème. Est-ce que cela réglait ma situation ? Non.

J'avais pris en compte l'argument avec sérieux ces derniers jours. Jay avait la majorité sexuelle, nous pourrions donc entamer une relation sans craindre pour la partie intimité. En revanche, le fait qu'on travaille ensemble m'empêchait d'entretenir ce type de rapport.

L'idée de le virer afin de me protéger me semblait injuste, il était si enthousiaste de pouvoir observer les cours et maintenant, d'apprendre. Sa passion était importante pour lui, ce serait cruel de l'en priver.

Étant donné que je refusais de virer Jay, nous devrions attendre sa majorité civile avant d'avoir des relations sexuelles, ainsi je ne pourrais pas être accusé d'avoir fait pression sur lui. Son anniversaire était en février, nous pouvions nous retenir quelques semaines.

Pour le côté discrétion, j'hésitais. Dans l'idéal, il me faudrait l'accord de ses parents pour fréquenter Jay, histoire de paraître honnête et bienveillant et non un pervers mal intentionné. Une telle conversation me provoquait une montée d'angoisse. Et pourquoi parler d'une relation qui n'existait pas encore à ses parents ? Peut-être pourrions-nous au moins attendre que cela devienne concret et sérieux ?

Mais bon, je devrais quand même prévenir Théo. Ce week-end encore, il avait proposé une sortie et j'avais décliné par culpabilité, sauf que la fuite ne pourrait plus durer si j'entamais une relation avec Jay. Et j'étais décidé à lui révéler la vérité, quand bien même il le prendrait mal. Les sentiments ne se contrôlaient pas.  

En réalité, j'avais déjà pris ma décision. J'allais taire la raison et privilégier mes émotions.

Mes réflexions furent brusquement interrompues par la sonnerie de mon téléphone. Me penchant vers la table basse, je récupérai l'objet connecté. Le nom de Jay affiché sur l'écran fit bondir mon cœur. J'avisai l'heure, deux heures du matin. Pourquoi me téléphonait-il à cette heure si tardive ? Inquiet, je me redressai et répondis :

— Jay ?

Ouais, me répondit l'intéressé d'une voix lourde.

— Ça va ?

Hum, nickel.

En fond sonore, je captai des éclats de voix noyés sous une musique, il était donc toujours à sa fête.

— Pourquoi est-ce que tu m'appelles ? m'enquis-je.

Je n'ai pas le droit à ça non plus ? rouspéta Jay en soufflant dans le téléphone.

— Si, bien sûr, mais...

Cool, parce que j'avais juste envie de parler à mon mec.

Sa voix pâteuse m'apprit qu'il avait bu. Et sa déclaration renforça cette idée, tout en accélérant mon rythme cardiaque. Son mec ? Moi, j'étais son mec ? Je fus contraint de sourire, bien malgré moi.

Tu fais quoi ? enchaîna-t-il, sans me laisser le temps de me reprendre.

— Je suis chez moi.

Seul ?

— Oui, seul, répliquai-je, mon sourire s'accentuant.

Jay serait-il jaloux ? Eh bien, bienvenue au club mon beau !

Ça doit être calme chez toi, marmonna-t-il.

— Euh... oui.

J'ai vomi, Roman.

Une grimace déforma mon nez à cet aveu dont je me serais bien passé. Un soupçon d'inquiétude m'inonda, chassant le dégoût.

— Est-ce que tu vas bien ?

Ch'ais pas. J'ai mal à la tête. Y a trop de bruits ici. Franchement la vodka, c'pas top. J'ai pas aussi mal avec le rhum, et ça m'fout pas le ventre en l'air normalement.

— Tu devrais prendre une douche et aller dormir, suggérai-je.

J'ai pas trop envie de rester chez Agathe. Elle a pas de chambre d'amis et elle a invité Mike à dormir avec elle. Alors avec Hugo, on est obligé de dormir sur le canapé avec les autres, ça me saoule.

Un rire grave s'éleva pou devrais-je appeler cela un gloussement ?

J'ai fait un jeu de mots, t'as vu ? Ça me saoule parce que je suis complètement saoul.

Son état m'inquiéta plus que de raison. Il allait bien, même s'il se plaignait d'un mal de tête et de ventre, complètement normaux lorsqu'on avait trop bu. Il était dans une maison en sécurité et je n'avais donc pas à m'en faire ! Pourtant, une boule se logea dans mon estomac.

— Jay, tu veux rentrer chez toi ? Je peux venir te chercher et te ramener, proposai-je sans réfléchir.

Tu veux que mes vieux me tuent ? Non, merci, je vais dormir sur les genoux d'Hugo, rigola-t-il, comme si c'était une blague.

Ça ne me faisait pas rire du tout. Qui était ce Hugo ? Une pensée désagréable me poussa à agir :

— Prépare-toi, je viens te chercher, décidai-je.

Quoi ?

J'étais déjà debout, cherchant mes clés de voiture et ma veste. Je marmonnai à Jay que j'arrivais et raccrochai. Une fois le tout réuni, je franchis la porte de mon appartement à toute vitesse, dévalai les escaliers et rejoignis la rue pour trouver ma caisse.

À cette heure de la nuit, les rues étaient pratiquement désertes, je n'eus donc aucun mal à arriver Rue Villeneuve en moins de temps qu'il n'en fallait pour changer d'avis. En bas de l'immeuble où j'avais laissé Jay, je l'appelai.

Ouais ? décrocha-t-il.

— Je suis en bas, dans la rue.

Quoi ? Vraiment ?

— Oui, descends. Prends tes affaires avec toi.

Mais... d'accord.

Il raccrocha et quelques minutes plus tard, la porte de l'immeuble s'ouvrit pour laisser apparaître un Jay vraiment amoché. Ses cheveux châtains étaient en bataille, les yeux rouges et il lui manquait son pull et son manteau. Il frissonna dès qu'il mit un pied dehors. D'un pas rapide, je le rejoignis pour le prendre dans mes bras.

— Où sont tes affaires ?

— Pas trouvé, marmonna-t-il.

J'enlevai prestement ma veste pour la lui mettre sur le dos et le conduisis jusqu'à ma voiture, arrêtée au milieu de la rue, le warning en marche. Sur la route vers mon appartement, mon cerveau m'envoya plusieurs signaux d'alerte et d'avertissement, que je ne pris pas en compte.

Jay resta silencieux, somnolant contre la vitre. Après m'être garé, je dus supporter son poids pour lui éviter de tomber.

— Je veux... pas aller chez moi... mes parents, ils vont me tuer, baragouina-t-il.

— Je ne t'amène pas chez toi.

— Ah bon ? s'étonna-t-il en plissant les yeux.

Sa tête inspecta les alentours, mais d'après sa mine confuse, sa vision était trop floue pour lui indiquer sa position. Le chemin prit trop de temps, Jay titubait et grelottait, même dans ma veste, alors je pris la décision de le porter. Littéralement. Une fois soulevé dans mes bras, Jay poussa un couinement peu flatteur.

— Qu'est-ce que tu fous ?

— Tu es trop lent.

— Pfff, je... non... protesta-t-il alors même que sa tête se nichait dans mon cou.

Un frisson parcourut ma peau en un éclair. Son souffle me réchauffa agréablement et je jurai intérieurement face à ma faiblesse.

Porter Jay dans les escaliers fut une sacrée épreuve, heureusement que j'avais une certaine condition physique. Toutefois, les muscles de mes bras n'étaient pas habitués à tant d'exercice, et lorsque j'entrai chez moi, je poussai un lourd soupir de soulagement. J'entrai dans ma chambre et Jay s'affala immédiatement sur le lit dans un gémissement.

— Veux-tu prendre une douche ? demandai-je en m'approchant.

— Humm, non, pas la force. Veux dormir.

— Ok, soufflai-je, le cœur battant à tout rompre.

Avec précaution, je relevai Jay dans le but de lui retirer ma veste et il protesta.

— Hors de question que tu gardes ma veste pour dormir. D'ailleurs, t'as pas intérêt à vomir dans mon lit, le prévins-je.

Immédiatement, Jay se reprit. Ses yeux s'écarquillèrent et balayèrent la pièce. Son visage passa de complètement amorphe et ensommeillé à vif et alerte.

— Ton lit ? On est chez toi ?

— Oui.

Une pointe de culpabilité et d'angoisse chatouilla mes entrailles à cette constatation. Je parvins à lui retirer ma veste alors qu'il riva ses prunelles ambrées sur moi. Il ne parla pas et je lus sur ses traits délicats la confusion. Dans son état, difficile de suivre un raisonnement.

— Tu ne voulais pas rester chez ta pote, ni rentrer chez toi à cause de ton état alors je t'ai amené ici, expliquai-je.

— Je... d'accord. Merci, chuchota-t-il.

— Il faut que tu dessoûles et ensuite tu te ramènerais chez toi, tu as cours demain.

— J'ai prévenu mes parents que je dormais chez Agathe.

Ouais, c'était bien ce que j'avais cru comprendre. Quel bordel. Mon alarme intérieure m'avait prévenu pourtant ! Voilà que Jay allait dormir chez moi et...

— Allez, couche-toi, capitulai-je.

— Dans ton lit ? questionna-t-il, les yeux ronds.

— J'irai dormir sur mon canapé, ne t'inquiète pas.

— Je ne m'inquiète pas, répliqua-t-il avant de se racler la gorge.

Je fis un pas en arrière, loin du lit et de la tentation. Jay était la tentation. Il remarqua mon mouvement et tenta de me sourire, malgré l'engourdissement évident de son visage dû à l'alcool. Lentement, Jay retira son tee-shirt puis entreprit d'enlever son jean.

*

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