Chapitre 19 : Jay




Un pas de plus. Sans comprendre comment, ni pourquoi, Roman vint à moi et mon corps fut comme attiré irrépressiblement, réduisant ainsi la distance entre nous. Roman me happa grâce à son regard gris et mon cœur rata un battement. Ce n'était pas que mon corps, c'était tout mon être qui se tendait vers lui. Et cette réalisation me déstabilisa.

—   Jay, souffla-t-il.

—   Oui ?

—   Tu m'as embrassé.

Cette phrase qu'il répéta une fois encore déclencha un frisson le long de ma colonne vertébrale. L'intonation me laissait penser qu'enfin il était prêt à en parler. Il était temps. Des images de notre baiser s'imprimèrent dans ma tête et j'en eus l'eau à la bouche. J'avais envie de goûter Roman encore une fois.

Comme à chaque fois que mes émotions me dominaient, je jouais avec l'humour et la provocation. Ainsi, j'avouai avec un soupçon de bravade et une énorme dose de vérité :

—   Et j'ai adoré ça.

Mon vis-à-vis inspira vivement avant de pincer les lèvres, visiblement perturbé par ma réponse. Rapidement, il se reprit et plissa les yeux.

—   Je pensais que j'embrassais mal, énonça-t-il.

Le coin de ma bouche se releva en un sourire en demi-teinte. Roman avait retenu cette agression verbale non fondée ? C'était marrant. Je le soupçonnais de faire de l'humour pour masquer la tension qui grimpait en flèche entre nous. Il n'était plus question de colère, et même si la plaisanterie s'immisçait entre nous, je saisissais le désir qui palpitait. Le malaise aussi.

—   Je retire ce que j'ai dit, t'es pas si mal.

—   Pas si mal ? s'amusa-t-il.

—   C'était trop rapide pour me faire une idée. Mais ça peut s'arranger.

Un court instant de silence s'ensuivit et Roman secoua la tête, le gris de ses iris paraissant s'assombrir.

—   Non, Jay, parvint-il à articuler.

—   Pourquoi ?

—   Pourquoi fais-tu ça ? contra-t-il en fronçant les sourcils.

Sa voix trahit un soupçon de cette colère qu'il gardait enfouie en lui. Je ne la comprenais pas, tout comme je ne comprenais pas le sens de sa question.

—   Pourquoi je fais quoi ?

—   Ce petit jeu ? Cette drague, cette provocation, m'embrasser ?

—   J'en avais envie, expliquai-je avec simplicité. Et tu as fait un pas vers moi.

—   Ne vois-tu pas à quel point c'est inapproprié ?

Inapproprié ? Qu'est-ce qui était inapproprié exactement ? Je ne faisais rien de mal et j'en avais plus qu'assez d'entendre toujours la même chose.

—   Non, je ne vois pas. Qu'est-ce qui m'empêcherait de te draguer un peu ? On est deux dans ce jeu, Roman. 

Au moment où ces mots franchirent mes lèvres, une horrible pensée traversa mon esprit.

—   Tu es en couple ?

—   Non, Jay, soupira-t-il. C'est inapproprié parce que je suis plus vieux que toi, que je suis l'ami de ton grand frère et que...

—   Je te plais, l'interrompis-je avec force, heureux d'apprendre qu'il était libre comme l'air.

—   Quoi ? s'étonna Roman, le dos raide.

—   Je te plais. Ça se voit et tu as répondu à mon baiser, je te rappelle. Je n'étais pas seul et je ne t'ai pas forcé !

Roman resta interdit, le regard trouble, les poings serrés le long de son corps.

—   Tu ne m'écoutes pas, finit-il par dire dans un souffle exaspéré. Tu es mineur, Jay et tu es le petit frère de Théo, je ne peux pas...

À cette distance, le parfum du gel douche qu'il utilisait dans les vestiaires m'imprégna. Une odeur marine et virile, quelque chose de frais qui me retourna l'esprit. Roman pencha la tête afin de garder un contact visuel avec moi. Je pourrais simplement m'élever légèrement et l'embrasser à nouveau, mais je n'en fis rien. Non, je voulais qu'il vienne à moi.

Mon désir pour lui me faucha, me ravageant de l'intérieur. Encore ces fourmis dans le bide. Merde, ce n'était pas qu'un jeu. Ça me plaisait d'être remarqué par lui, d'avoir ce pouvoir de séduction sur un homme sexy tel que Roman. J'aimais son attention, sa prévenance, nos discussions, ses conseils et son humour.

Et si c'était réciproque, alors pourquoi se retenir ? Pourquoi nier l'attirance et la complicité ?

—   Tu as aimé m'embrasser, déduisis-je dans un souffle.

—   Ce n'est pas la question. C'est impossible.

—   Moi, j'ai adoré t'embrasser. Et ça n'a rien d'un jeu.

À ces mots, Roman tiqua. Son visage se fractura pour laisser passer autre chose qu'une neutralité forcée. Ses prunelles brillèrent et sa bouche s'entrouvrit dans une inspiration vive. Je fixai cette bouche, m'intimant de ne pas bouger.

Et je n'eus pas à bouger.

Roman s'agita avec rapidité, saisissant ma nuque pour me rapprocher de lui et écraser ses lèvres sur les miennes sauvagement. Surpris par ce geste, je mis deux secondes à suivre le mouvement.

Seulement deux secondes, ensuite, une décharge électrique traversa mon bas-ventre et me poussa à m'accrocher au tee-shirt de Roman. Il grogna et approfondit l'intensité du baiser, sa langue pénétrant ma bouche pour caresser la mienne en un geste pressé et avide.

Le goût m'incita à plus, ma prise se resserra, Roman colla nos corps ensemble et nos bouches dansaient l'une contre l'autre avec ferveur. L'empressement et l'urgence couraient dans nos veines, la sensation électrique qui se dégageait de notre échange était palpable.

Animé par cette ardeur, mes mains relevèrent son tee-shirt pour atteindre sa peau que je découvris chaude et douce sous mes doigts. Ses muscles se contractèrent violemment à mon toucher et Roman se décolla de moi d'un bond. Le souffle court, je jurai mentalement.

—   Qu'est-ce qu'il y a ?

—   On ne peut pas faire ça, dit-il de manière hachée.

—   Bien sûr que si, réfutai-je en me rapprochant.

—   Non.

Roman secoua la tête et releva une main pour me dissuader de venir à lui, mais je n'en tins pas compte. Je voulais me rapprocher, entrer dans son espace vital, respirer le même air que lui. L'excitation me guidait.

—   Roman... soufflai-je, submergé par mes émotions.

Ce dernier reculait toujours, au point de heurter le mur de glace. Immobilisé et coincé, j'en profitai pour me poster devant lui. J'avais tellement envie de lui que c'en était indécent. Mon sexe tressauta dans mon survêtement et je me mordis la lèvre pour juguler un peu de ce foutu désir dévorant.

Roman persista à me refuser son regard alors j'entrepris de le toucher. Mes doigts retrouvèrent le bas de son haut, Roman haleta en réponse et ses mains saisirent mes poignets. Ce geste révéla un refus de sa part, pour autant, il ne me dégagea pas et j'osai alors passer le bout de mes doigts sous le tee-shirt afin de retrouver la chaleur de son ventre.

Pas de protestation. Mes mains s'aventurèrent plus haut, caressant les bosses de ses abdominaux pour flatter ensuite ses côtes.

—   Bordel... grogna-t-il.

— Dois-je arrêter, Roman ?

— Tu devrais.

— Ce n'est pas ma question. Veux-tu que j'arrête ? Parce que tu me reproches mes initiatives, mais elles sont guidées par ce que je perçois de toi. Alors dis-moi, s'il te plaît.

— Il y a un monde entre ce que je veux et ce que je dois faire, murmura-t-il.

— Et que choisis-tu maintenant ?

Roman plissa les yeux, atténuant la lueur dans son regard. Je ne déchiffrais pas sa signification, j'étais perdu dans l'ambiance. Et par dessus-tout, j'avais besoin de l'entendre dire que je n'étais pas seul dans cet échange.

— Toi, chuchota-t-il en rejetant la tête contre la glace.

Ce geste m'empêcha de voir son expression et je me demandais si c'était une reddition ou une manifestation de sa honte. Mais pourquoi aurait-il honte ?

Sa gorge exposée attira ma bouche. Je cessais de réfléchir pour profiter de cette opportunité. Ma langue joua, sa peau avait un goût exquis et Roman sursauta. Tout mon corps devenait dur. Aussi dur que les muscles que je découvrais enfin sur le corps magnifique de Roman. La tête nichée dans son cou, je frottai mon nez, ignorant la légère sensation de piqûre de sa barbe.

—   Embrasse-moi encore, suppliai-je sans honte et avant qu'il ne proteste.

Roman planta ses prunelles grises dans les miennes, les lèvres pincées. L'une de ses mains s'empara de mes cheveux pour tirer ma tête en arrière, tandis que l'autre s'accrocha à ma hanche. Sa force m'excita encore plus, provoquant un frisson dans mon dos. Un gémissement m'échappa et Roman l'avala, me donnant ce pour quoi j'avais supplié. 

Le baiser fut dur, agressif. J'eus l'impression que Roman se vengeait pour l'avoir fait capituler. Ce dont il n'était pas conscient, était que j'adorais ce moment. Ses lèvres qui suçaient ma langue, ses dents qui meurtrissaient ma lèvre inférieure, sa prise dans mes cheveux qui me faisait monter les larmes aux yeux et ses doigts qui marquaient la peau fine de ma hanche.

Malheur... j'allais m'enflammer sous le désir.

Je me frottai à lui, mon bas-ventre plaqué contre le sien et je sentis clairement la preuve de son excitation pour moi. Ma poitrine nue se plaqua à celle de Roman et chaque friction m'enflammait davantage.

Nos bassins bougeaient en rythme pour se frotter le plus possible et notre baiser devint de plus en plus addictif. J'adorais la façon dont il m'embrassait, dominant ma bouche tout en me laissant la chance de diriger parfois.

Puis à nouveau, tout s'arrêta. Ma tête fut tirée en arrière violemment et Roman m'écarta de son corps jusqu'à ce que je doive reculer. Il s'échappa furtivement, marchant rapidement sur le parquet, la tête entre les mains.

—   Putain, c'est pas possible, gronda-t-il.

—   Roman... commençai-je, tentant de reprendre mon souffle en même temps.

—   Non ! cria-t-il en se tournant vers moi. Non, Jay, ne dit rien. C'est... n'importe quoi !

—   On en a envie tous les deux ! fulminai-je à mon tour, la colère grondant en moi.

—   On ne fait pas toujours ce qu'on a envie dans la vie !

Son visage devint aussi rouge qu'une tomate, ce qui me signifia qu'il était vraiment très en colère. Cette réaction m'assécha la bouche. Je percevais encore la force de notre baiser et le changement d'attitude était trop brutal. Je n'y comprenais rien. Mon attirance pour Roman me sautait aux yeux à présent, mais depuis quand ressentais-je cela ? Depuis combien de temps niais-je ce désir ?

Visiblement, le désarroi était le même pour Roman, lui non plus ne comprenait pas vraiment ce qui se passait. Cette attraction qui me poussait à le draguer, à le provoquer et cette alchimie qui obligeait Roman à répondre.

—   Je ne suis pas d'accord, claquai-je.

—   Pardon ?

—   Je... je ne vois pas pourquoi on devrait se priver. Pourquoi en faire toute une histoire ?

Roman haussa les sourcils dans une expression complètement ébahie. Peu à peu, il se reprit et inspira profondément avant de relâcher l'air lentement.

—   Tu es jeune, Jay. Visiblement trop jeune pour comprendre, mais toi et moi, ça ne peut pas exister, point. Alors s'il te plaît, arrête de me provoquer.

Les paroles de Roman me firent l'effet d'une claque. Insinuait-il que tout était de ma faute ? Que j'avais été le diablotin qui le séduisait éhontément jusqu'à le faire craquer ? Comme s'il n'avait jamais eu de regards pour moi ! Comme s'il ne riait pas à mes blagues, ne me rendait pas mes taquineries ! Comme s'il n'avait pas répondu avidement à mon baiser !

—   Tu n'es pas de marbre, Roman, je te provoque parce que tu y réponds ! avouai-je.

—   Et je ne devrais pas, contra-t-il d'une voix rayée.

—   Pourquoi ça ? On se plaît, non ?

Roman soupira en se passant une main dans ses cheveux, le regard voilé et perdu. La tension était revenue, l'air me manquait affreusement. Je n'aimais pas comment la situation tournait mal... Mon cœur cognait si fort dans ma poitrine, j'étais bouleversé par ce baiser si intense, pourquoi Roman paraissait-il aussi neutre et en colère ? Ne ressentait-il pas la même chose ? 

—   Jay, ne complique pas les choses... Oublions tout ça. Récupère tes affaires, je te ramène, dit-il avec résolution.

Peu à peu, la situation devint glaciale, au point de raidir mon corps, de faire disparaitre le désir, le contentement et la joie. Roman restait froid et un brouillard de colère commença à me recouvrir.

Il me rejetait avec simplement une malheureuse phrase. J'étais quoi moi ? Un torchon ? Il pensait qu'il pouvait m'embrasser ainsi à me faire durcir comme un malade pour ensuite me jeter un seau d'eau glacé à la figure ! Quel culot ! Et quel connard, putain.

Roman se détourna et s'apprêta à sortir lorsque je balançai avec rage :

—   Inutile de me raccompagner, je suis assez grand pour rentrer chez moi par mes propres moyens ! Et pour ta gouverne, je ne suis pas stupide, je sais très bien que je te plais alors n'essaie même pas de me faire croire que c'est moi le vilain allumeur qui t'a ensorcelé ou je ne sais quoi ! Assume ce que tu ressens, pauvre con !

Je traversai la salle, raide comme un piquet, passai devant Roman et sortis dans le couloir pour récupérer mon sac à dos avant de quitter le studio. Une boule énorme se logea dans mon ventre et mes mains se mirent à trembler. La déception se mêla à un sentiment amer d'humiliation.

À ma grande honte, je me rendis compte que j'avais des sentiments pour Roman et il venait de les piétiner.

*

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