Chapitre 14 : Jay
❗️Prêtez une attention particulière à la photo... ❗️
Après cette soirée d'Halloween, Roman s'employa à faire l'autruche. Il refusa même d'en évoquer le sujet. Durant toutes les vacances, ce fut comme si rien ne s'était passé.
Pourtant, je me souvenais parfaitement bien de lui avoir embrasser le cou ! Et je me souvenais encore très bien de la facilité avec laquelle j'avais pu le séduire au point de le débaucher ! Parce que si je n'avais rien dit, il était clair que Roman m'aurait baisé. Dans les toilettes de cette boîte, putain ! Alors même qu'il me rabâchait que je devais faire attention.
Pfff, quel hypocrite.
Ce n'était qu'une blague, point. Inutile d'en faire une montagne ! Son mutisme m'agaçait. Et il me refusait même des cours de danse...
Le mois de novembre s'écoula lentement, à cause de ce refus et de sa neutralité parfaite, ainsi que de son ignorance ostensible.
Du moins, au début, parce qu'avec les jours qui passaient, il était redevenu le Roman que je connaissais. Pas trop aigris, mais plutôt cool et parfois même drôle. Les blagues avaient repris leur droit et je m'étais aperçu que cela m'avait manqué de le charrier autant. De lui faire la conversation le soir lorsque je nettoyais ou dans la voiture lorsqu'il me ramenait.
En fait, je n'appréciais pas l'idée qu'il m'en veuille ou m'ignore.
Ce fut la raison pour laquelle, j'étais assez content de voir ce message de Roman, ce soir.
— Tu comptes le rouler ce joint ou quoi ? m'engueula Hugo, assis en face de moi sur l'autre canapé de son sous-sol.
Je détachai mon regard du texto pour le poser sur mon cher ami. J'avais déjà entrepris de mettre dans la feuille, le tabac et le cannabis, il ne me restait plus qu'à rouler. Et je l'aurais fait si je n'avais pas reçu ce message de Roman qui m'avait grillé le cerveau.
— Tu n'as qu'à le faire toi-même si tu es si pressé, balançai-je.
— Pourquoi t'es si long aussi ?
Aria augmenta le volume de la musique et les basses vibrèrent éhontément. Le sous-sol d'Hugo était notre planque, l'endroit idéal pour une soirée entre potes en pleine semaine. Mike dansait avec Sarah et une autre fille alors qu'Aria enchaînait les verres, trépignant d'impatience d'attendre son rencard, une meuf aux cheveux violets, qui parait-il s'appelait Violette. Je doutais un peu de cette information.
Sur le canapé se trouvaient assez de mecs pour que la corvée du joint ne m'incombe pas, pourtant j'avais été désigné, sans comprendre pourquoi. Soupirant, je posai mon téléphone et roulai rapidement ce joint pour le passer ensuite à Hugo qui m'adressa un sourire radieux.
Exceptionnellement, Roman avait accepté de me déposer non pas chez moi, mais plutôt chez Hugo. Il avait rouspété, prétextant qu'il ne voulait pas être impliqué dans d'éventuelles conneries, comme si c'était mon genre.
Monsieur avait peur de participer à une fugue ou je ne savais quoi. J'avais été on ne peut plus convaincant, après tout, mes parents étaient toujours d'accord pour que je dorme chez mes potes, même en semaine.
Pourtant, malgré sa capitulation, je venais de recevoir un message de sa part. Mes yeux retombèrent sur mon écran pour lire une nouvelle fois les mots :
De « Roman, le vieux sexy » : Tu peux me prouver que tu es bien avec tes potes et pas chez un pervers ?
Non, mais c'était quoi ça ? Un pervers ? Je retins un rire parce que décidément, ce Roman était drôle. Il s'imaginait que parce que je faisais – avait fait, pardon – du strip-tease, j'étais également impliqué dans des rendez-vous secrets avec des vieux mecs dégueulasses. Alors que je préférais choisir des mecs de mon âge que je pêchais sur les réseaux sociaux, avec une certaine facilité.
À « Roman, le vieux sexy » : T'es un grand malade ! Je traîne pas avec des vieux et je couche encore moins avec eux. À croire que c'est toi, le pervers 😈
Le mec assis à ma gauche me donna un coup de coude et me refila le joint qui avait déjà bien tourné. Je pris une taffe tout en attendant une réponse de la part de Roman. Elle ne fut pas longue, même à minuit, l'ancêtre était vif.
De « Roman, le vieux sexy » : Je ne veux pas être complice de trucs bizarres et tu es du genre à faire des trucs inconsidérés.
À « Roman, le vieux sexy » : Tu veux appeler mes parents peut-être ? 😓
Ce type était désespérant. J'avais déjà de vieux adultes responsables de ma personne, inutile d'en rajouter un à la liste.
De « Roman, le vieux sexy » : Envoie-moi une simple photo, ça suffira.
Mes yeux s'écarquillèrent en voyant cette réponse. Un rire s'échappa de mes lèvres, Roman avait le chic pour me donner des ouvertures dans lesquelles j'adorais me faufiler. Les gars autour de moi me regardèrent bizarrement, mais je ne leur prêtai plus attention. Roman était bien plus intéressant.
À « Roman, le vieux sexy » : Pervers !! Je savais que tu finirais par craquer. Attends que je me trouve un coin tranquille pour me déshabiller et je t'envoie ça 😉
De « Roman, le vieux sexy » : Bordel, non, Jay ! Une photo de toi et tes potes !
De « Roman, le vieux sexy » : Ne m'envoie pas de nudes.
L'arrivée successive de ces deux messages me tira un autre éclat de rire. C'était si facile. Mes doigts tapèrent une réponse rapide avant de me positionner pour prendre un selfie avec en arrière-plan, mes potes avachis sur le canapé.
À « Roman, le vieux sexy » : Tu connais ce terme toi ? 😏
De « Roman, le vieux sexy » : Sûrement bien plus que toi, l'avorton.
Pour une fois, la réponse me coupa le sifflet. C'était bien envoyé. Un point pour Roman. Par contre, cela déclencha mon imagination fertile d'adolescent. J'aurais adoré voir des nudes de Roman.
À « Roman, le vieux sexy » : J'adorerais être celui à qui tu les envoies, coquin.
J'ajoutai à ce message la photo que j'avais prise. Et cela acheva ma conversation avec lui, il ne répliqua pas, certainement satisfait d'avoir sa preuve. La soirée se déroula sous les rires et la bonne humeur ambiante. Mon esprit n'arrêtait pas de me faire revenir à Roman alors même que je luttais pour ne pas penser autant à ce gars. Franchement, c'était ridicule.
*
Le lendemain, dernier jour de cours avant les vacances de Noël, alors que je posai mon plateau à la cantine, mon téléphone sonna. Tout en m'asseyant sur la chaise en plastique, j'avisai mon téléphone pour découvrir que l'appelant n'était autre que le patron du club de strip. Mon cœur sursauta dans ma poitrine et je courus littéralement jusqu'à la sortie pour pouvoir répondre.
— Oui ? décrochai-je, après m'être raclé la gorge.
— Jay, j'ai une excellente nouvelle pour toi, mon beau ! s'écria Jim.
— Quoi donc ?
— Je t'offre la chance de faire un solo. C'est pour demain soir, une soirée fille.
Jim parlait tellement rapidement que mon cerveau eut du mal à intégrer ses propos puis une ampoule s'alluma dans ma tête. Un solo ! Je le demandais depuis que j'avais été embauché. Le patron refusait systématiquement, prétextant que je ne pratiquais pas assez pour avoir un show à moi tout seul. Il avait raison, bien sûr, mes prestations ne se déroulaient que lors des soirées LGBT et donc peu fréquemment.
— Pourquoi avez-vous changé d'avis ? interrogeai-je avec suspicion.
— Un de mes danseurs s'est foulé la cheville, soupira Jim. T'es partant ou pas ?
La réflexion fut coriace. J'avais promis à Roman de démissionner, mais je ne l'avais pas fait. Pas encore. Je comptais le faire. Pas vrai ? Ok, peut-être pas. Le principal était que Roman soit persuadé que j'avais quitté ce job et qu'il lâche l'affaire. Ce qu'il avait fini par faire. Donc techniquement, rien ne m'empêchait de continuer à faire le strip-teaseur quelques soirs par mois et empocher l'argent dont j'avais besoin.
— Oui, je suis partant, décidai-je.
— Super ! Je savais que je pourrais compter sur toi ! Tu verras, les filles laissent des pourboires de dingue, tu ne seras pas déçu. Allez, je dois y aller. Rendez-vous demain soir, petit cul !
Sur ce surnom hautement déplacé, mon patron raccrocha. La mine mi-heureuse, mi-inquiète, je repris ma place à la table de la cantine et mangeai mon repas en compagnie d'Hugo et Mike. Tout l'après-midi, mes pensées dérivèrent vers cette conversation et le solo que je devrais mener. Je n'avais aucune chorégraphie en tête et je ne pouvais pas servir ce que je faisais lors des spectacles de groupe. Après plusieurs heures de réflexion, une idée me vint enfin.
Autant me servir de Roman. Ses cours m'inspiraient chaque jour un peu plus, alors pourquoi ne pas récupérer quelques pas que j'avais enregistrés dans ma tête en regardant ? Il suffirait que j'ajuste les pas pour les rendre plus sensuels.
Lorsque j'arrivais au studio ce jour-là, Estelle était en pleine répétition avec sa classe et je retrouvais Roman dans son bureau, le nez dans des papiers.
— Salut, dis-je en pénétrant à l'intérieur de la pièce.
Deux yeux marron glacé se posèrent sur moi instantanément. Dans ce bureau, ses prunelles paraissaient bien plus brunes que d'ordinaire. Lorsque la luminosité frappait son visage, le gris prédominait. Enfin, ce n'était pas comme si j'avais une préférence. Ses yeux n'avaient absolument rien d'incroyable. Mon papi avait les mêmes.
— Tu es drôlement en avance, remarqua Roman en jetant un coup d'œil à sa montre.
— Ma journée s'est finie très tôt.
— D'après qui ?
Son sourcil gauche se rehaussa pour lui donner une expression comique. Était-ce un trait d'humour ? Plutôt mourir que de lui avouer que j'avais séché le cours de français.
— D'après la gastro de ma prof de français, relatai-je naturellement.
Avec nonchalance, je m'assis sur l'un des fauteuils dans un coin de la pièce et déposai mon sac à dos ainsi que ma veste en jean noire.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je m'assois, exposai-je.
— Tu n'as pas du travail ? Ou un cours de danse à observer.
L'ami de mon frère fourra sa main dans ses cheveux et s'adossa à son fauteuil de bureau comme s'il s'y installait pour la nuit. Les cheveux de Roman étaient d'un brun tout à fait banal, une nuance comme on en voyait quotidiennement dans la rue. Ils étaient coupés court, la masse du dessus ne semblant pas très épaisse. Mais tout ceci ne m'intéressait pas vraiment.
— Les cours d'Estelle ne me branchent pas. Ce n'est pas contre elle, mais je préfère te mater, toi.
Le visage de Roman afficha cette incrédulité habituelle lorsque ma bouche disait des choses qui lui semblaient inappropriées. Pour le coup, ma provocation cachait une vérité. Seules les chorégraphies et les classes qu'animait Roman me plaisaient vraiment.
— Jay... soupira Roman en se levant pour contourner son bureau et venir vers moi.
Il plaça son joli derrière sur l'autre fauteuil, le regard intense dirigé vers ma personne. Oups. Je sentais la remontrance arriver.
— Je veux dire par là que seuls tes cours m'intéressent, précisai-je.
Son regard gris s'adoucit même s'il garda les lèvres serrées. Un signe que j'associais à présent à sa contrariété.
— Tu ne peux pas... dire des trucs comme ça.
— Comme quoi ? insistai-je, feintant de ne pas comprendre.
— Ça semble t'amuser de faire semblant de me draguer. Ton rentre-dedans n'est pas approprié. Tu es déjà allé trop loin.
— À cause d'Halloween ?
Pour une fois, je sentis qu'il fallait mettre les choses à plats. Roman détourna les yeux, mais répondit avec honnêteté :
— Oui. C'était une farce, j'ai compris, sauf que ça ne m'a pas amusé.
Dans un coin de ma tête, ma conscience me donna un coup de pied mental. J'avais abusé de la situation, néanmoins, je n'avais pas agi avec méchanceté, c'était la soirée d'Halloween, tout le monde faisaient des blagues !
Son contrôle me donnait envie de le briser. Et en même temps, je voulais pas qu'il soit réellement en colère, je préférais quand c'était un amusement entre nous, une façon de nous charrier... Notre petit truc, quoi !
— Jay, tu n'as pas l'air de te rendre compte...
— Ça va Roman, désolé si tu l'as mal pris, mais c'était pas la mort quand même ! On s'est même pas embrassé ! m'exclamai-je.
Roman ouvrit la bouche puis la referma avant d'inspirer profondément. Sa poitrine se gonfla, ses pectoraux épousant le tissu fin de son tee-shirt gris.
— Ne fais plus ça, s'il te plaît, lâcha-t-il avant de sortir du bureau sans un regard en arrière.
Cette demande qui ressemblait fort à une supplique me choqua. Ne plus faire quoi ? De blague ? De drague humoristique ? L'avais-je troublé ? Pour de vrai ?
Jamais je n'aurais pensé qu'il puisse prendre mal mon sens de l'humour et jusqu'ici, nous avions trouvé un bon terrain d'entente dans nos farces et notre rapport pince sans rire... Pourquoi tout à coup, était-ce mal ?
J'eus un pincement dans la poitrine à l'idée de ne plus avoir ce type de relation avec Roman. J'aimais ce faux conflit, cette amitié peau de vache. Mon cœur manqua un battement à cette pensée. Considérais-je Roman comme un ami ? Ou plus ?
De son côté, il était évident qu'il pensait que je le draguais vraiment et il considérait ça comme inapproprié. Moi aussi, je n'aurais pas aimé que Hugo me drague alors qu'on était amis, mais la situation était différente avec Roman.
J'en vins à la conclusion que je ne savais pas du tout définir ma relation avec lui.
Cette idée grilla beaucoup trop de neurones dans ma tête, alors que j'en avais besoin pour réussir mon bac. Étrangement, j'étais prêt à sacrifier mes synapses neuronales pour déterminer si, oui ou non, je voulais réellement draguer et séduire Roman... et surtout...
Pourrais-je réellement l'intéresser ?
*
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