Un Cauchemar de Sablier

Ma main tremble. Assise au bord du lit. J'ai encore fait ce même rêve, un cauchemar. Le sable s'égrenant dans le sablier de la vie. Toi disparaissant à ma vue petit à petit. Tombant dans ce puits sans fond et moi restant, seule en haut, à te regarder partir sans pouvoir réagir. Nous sommes ensemble, au début pourtant. Mais tu abandonnes la lutte, tu m'abandonnes. Tu lâches la main que je te tends de peur de m'entraîner dans ta chute. Mais moi, je ne veux pas rester seule en surface. Le sable continue de tomber pour finir de te cacher complètement à ma vue. Ta tombe se dessine comme une sculpture de plage et je reste hébétée seule à observer ce manège infernal. Je sanglote, je crie, me réveille... Tu n'es plus là...

Je m'assois au bord du lit et je pleure comme tous les jours depuis que le sommeil a déserté mes nuits.

Tu es parti et avec toi tout est parti. Mon toi, mon abri. Plus rien ne dure, tout est démoli.

Je suis assise au bord de cette couche qui a connu de nous tant de vie. Ma main caresse l'oreiller où il y a peu tu posais encore ta tête épuisée par tes obligations.
Elle caresse le drap que je n'ai plus changé depuis plus d'un mois. Je cherche à me rattacher à ce corps qui se tenait encore là, il n'y a pas si longtemps que ça. Ta peau nue, contre la mienne, me manque tant. Mon corps gèle sans la chaleur de tes mains parcourant mon enveloppe charnelle.

Pourquoi n'es-tu plus là ?

Je voudrais tellement te dire que je t'aime moi aussi. Je n'ai jamais su te dire qu'idem.
Tu es parti sans crier gare et tu m'a laissée hagarde.

Pourquoi es-tu parti sans moi ?

Nous nous étions pourtant promis, juré, de ne jamais nous quitter. Amoureux pour la vie, pour le meilleur et pour le pire. Toujours rester unis quoiqu'il arrive.
J'ai respecté notre promesse mais tu n'en as fait qu'à ta tête. Tu es parti sans laisser ton reste.

Je t'en veux, tu n'as pas idée. De nous deux, j'aurais dû partir en premier.
J'étais malade, je me mourais. Tu m'as rattachée à la vie malgré le crabe qui me dévorait. Malgré la douleur qui me harcelait de ses frayeurs. Je suis restée car j'avais peur. Tu menaçais d'abandonner le souffle, si je te quittais. Je me suis battue en lionne pour te garder en vie.

Mais toi, tu as préféré m'abandonner une nuit sans prévenir. Tu es parti, tu m'as laissée en veuve éplorée.

Pourquoi ?

Qu'as-tu fait de ton engagement ?

J'ai dû préparer tes funérailles seule. Seule je me suis rendue aux pompes funèbres, seule j'ai fait le choix du cercueil, seule j'ai payé ta concession et seule je suis allée voir le prêtre.
Tu voulais une cérémonie religieuse, c'était ta seule instruction. Comment as-tu pu me faire ça ?

Je n'ai pas eu le temps de pleurer.
D'autres ont pleuré pour toi.
Je n'ai pas pu me poser.
D'autres ont pris les sièges devant toi.
Je ne savais pas chanter.
D'autres se sont lamentés sur toi.

Et moi, je suis restée prostrée, n'y croyant pas. C'était un cauchemar et j'allais me réveiller.

Et je me réveille tous les matins depuis un mois pour passer d'un cauchemar à un autre.

Je suis toujours assise au bord de notre lit. Je voudrais tellement me recoucher et ne plus jamais me relever mais je ne peux juste pas les abandonner comme tu l'as fait.

J'entends quelqu'un frapper à la porte. Je dois ouvrir mais je n'en ai pas la force...

- Maman, c'est moi, je peux entrer ?

Je dois afficher mon sourire de façade si je ne veux pas que Sarah s'inquiète encore. Mais je n'en ai plus le courage. Tu me manques tant.

- Entre chérie, je suis levée.

- Laisse-moi t'aider maman.

- Ça va aller. Ne t'inquiète pas.

- Tu es sûre que tu pourras t'occuper des petites pendant mon absence. Je peux rester si tu veux.

- Sarah, regarde-moi chérie. Ai-je l'air d'une personne grabataire ?

- Non maman, tu es juste fatiguée. En fait épuisée serait un meilleur terme.

- Papa me manque. Voilà tout.

- À moi aussi, il me manque, maman. Mais ce n'est pas une raison pour te laisser mourir. Nous avons besoin de toi ici.

Nous, c'est Sarah, notre fille unique, et ses deux enfants. Elle est revenue d'Angleterre pour assister à tes funérailles et n'y est pas retournée depuis. Maman célibataire, elle a passé sa vie à chercher l'homme idéal. Une copie de toi, en somme. Sans succès. Elle a rendez-vous aujourd'hui avec un homme rencontré sur internet. C'est leur troisième rencontre. L'homme parfait selon elle. Il est beau et riche et surtout célibataire. J'attends de voir. En attendant, elle m'a demandé de jouer les nounous. Comment le lui refuser. Je sais que tu m'en aurais voulu si je ne l'avais pas fait. Alors j'ai accepté. Voir ces petites me changera les idées.
Marie fêtera ses sept ans demain. Elle est de plus en plus dégourdie. Elle va m'aider à préparer son gâteau d'anniversaire aujourd'hui. On va faire une pièce montée. Et si nous n'y arrivons pas, Gérard m'a promis de m'en apporter une demain. Elle ne sera pas de trop d'ailleurs. Il faut dire que Sarah a invité toute l'Angleterre à cette occasion. Entre nous, je crois qu'elle cherche surtout à me changer les idées... Ça m'ennuie un peu mais je ne dis rien...  Agathe, quant à elle, n'a encore que trois ans mais elle n'est pas en reste. Ce sont deux petites-filles très débrouillardes. J'aurais tant aimé que tu les vois grandir.

Sarah m'observe de son regard interrogateur, ce même regard que tu affichais à chaque fois que tu me voyais perdue dans mes pensées.

- Oui, je sais ma chérie. Il nous manque à toutes. Laisse-moi juste le temps de me lever et j'arrive.

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