Les cheveux dispersés autour de sa tête en auréole, les mains posées sur son ventre, un casque sur les oreilles, Juliette réfléchissait. Ce coup de pinceau, cette façon de représenter des personnages... Elle l'avait déjà vu. Et elle l'avait vu autre part qu'en cours d'art. Elle en était sûre. Mais où ? C'était la question qu'elle se posait, allongée sur son lit, les rayons de la lune éclairant son visage. Cet air qu'elle affichait, paisible, lui donnait presque l'air d'un ange. Un léger froncement de sourcil chassa cette apparence. Les engrenages tournaient dans son cerveau, sans jamais s'arrêter. Et sans jamais mener à une réponse.

À côté d'elle sa soeur dormait. Cela aurait dû être le cas de Juliette. Mais cette nouvelle obsession la secouait dès que ses yeux commençaient à se fermer.
Elle n'était pas artiste après tout, comment était-elle censée reconnaître au premier regarder ce coup de crayon ?

Pour s'endormir, Juliette décida de regarder la ville par la fenêtre. Tout était calme, les lampadaires n'allait pas tarder à s'éteindre. Les rues étaient vides. Pourtant, elle aurait juré voir une ombre passer près de son portail, mais la jeune fille était tellement fatiguée que ses yeux pouvaient très bien lui jouer des tours...

****

Ce matin-là encore, une foule était attroupée autour d'un mur. Cette fois-ci, il s'agissait de la façade d'une boutique de bijoux. Juliette n'avait même plus besoin d'aller vérifier qu'il s'agissait de la nouvelle oeuvre de Shadow, elle en était déjà certaine.
Habituellement, elle l'aurait observée en détail, afin d'y déceler le message que ce mystérieux tagueur essayait de faire passer. Mais ce matin, elle était en retard, et elle avait bien le temps de passer la voir en rentrant des cours.

Cependant, lors du voyage retour, l'oeuvre avait déjà disparu.

" Étrange... " pensa Juliette " On veut toujours faire disparaître ces graffitis, mais cela prend généralement du temps, et la plupart du temps, cela ne fonctionne pas."

Avec une pointe de déception, elle rentra chez elle, où sa soeur l'attendait. À sa grande surprise, son père était également présent, qui plus est le visage joyeux, ce qui était tout autant étonnant.
L'adolescente posa son sac, et s'approcha. Elle ne pouvait s'empêcher d'être suspicieuse, jamais elle n'avait vu son père heureux depuis ces deux dernières années. Depuis qu'il avait commencé à travailler sur le cas de Shadow, en fait.

" J'ai une bonne nouvelle. Pour nous tous " dit Monsieur Lorma, " et je t'attendais pour l'annoncer. "

L'aînée des deux soeurs regarda la plus jeune en soulevant un sourcil, mais sa cadette haussa les épaules pour montrer son ignorance sur le sujet.

" Nous avons enfin trouvé un moyen d'effacer les graffitis de ce Shadow ! Bientôt, les murs de notre ville seront de nouveau propre, et nous avons bon espoir concernant son arrestation . "

" Vous l'avez démasqué ? " s'écria Juliette, un peu plus fort qu'elle ne l'aurait voulu. Elle était censé être contente, après tout cela signifierait que son père serait plus présent. Mais elle aimait les oeuvres du tagueur, elle aimait passer devant chaque matin, elle aimait décrypter leur message.

" Pas encore " concéda son père, le visage perturbé par la réaction de sa fille. " Mais nous faisons tout ce qu'il faut pour. "

Agathe comprit que sa soeur allait insister pour en savoir plus, et elle ne voulait pas que la rare fois où son père était avec elles soit gâchée. Alors elle changea rapidement de sujet, et l'atmosphère se détendit.

Le soir, dans leur chambre, les filles eurent une conversation.

" Pourquoi n'es-tu pas heureuse pour Papa ? Voilà deux ans qu'il s'épuise à attraper ce bandit, et lorsqu'enfin il a espoir, tu réagis mal. " remarqua Agathe.

Juliette ne savait même pas la réponse à cette question. Il était vrai qu'elle aurait dû être contente d'entendre la nouvelle. Pourtant, elle avait l'impression de s'être attachée à Shadow, à travers ses oeuvres. Elle s'identifiait étrangement à lui. Elle, la petite fille riche gâtée par son père, s'identifiait à lui, qui défendait les plus pauvres, et accusait les personnes comme elle.
D'ailleurs, Shadow n'était peut-être pas un il mais un elle.

Juliette ne savait rien de lui. Alors pourquoi s'inquiétait-elle pour ce bandit ?

" Je suis heureuse pour Papa, je te le promets. " lui répondit-elle, " pourquoi ne le serais-je pas ? "

Sa petite soeur la regarda, essayant de déceler sur le visage de son aînée un indice sur son comportement. Finalement, elle dit juste :

" Viens, on va se coucher. "

Et cette simple phrase fit Juliette se sentir coupable.

***

Tout était rangé dans l'atelier des Rey. Juliette attendait poliment au milieu des toiles. Un jeune homme sortit de l'arrière-boutique. Elle reconnut Vincent, le frère de Gabriel.

" Je peux vous aider " lui dit-il.

" Je cherche Gabriel. Je suis une... camarade de classe " répondit la jeune fille en cherchant ses mots.

L'aîné des frères Rey sourit en entendant ça. Il se souvenait à présent avoir vu cette fille. Après tout, c'était la seule que Gaby avait jamais ramenée à la maison, c'était donc un moment mémorable.

Gabriel débarqua dans la boutique, et indiqua le chemin à Juliette. Alors que celle-ci était dans l'arrière-boutique,  le jeune pris le temps de dire à son frère, qui ricanait, de se casser, parole accompagnée par un geste impoli de la main.

Leur projet était déjà étalé sur le sol, et Juliette constata que Gabriel avait un peu avancé tout seul. Comme à leur habitude, ils travaillèrent en silence. La jeune fille  se demanda si le garçon avait quelque chose contre elle. Il ne lui parlait jamais, évitait toujours son regard. Elle était directe, alors elle lui demanda :

" Je t'ai fait quelque chose ? Parce que si c'est le cas, dis le moi. "

Le concerné releva la tête, surpris. Il s'attendait à tout sauf à cela. Il était vrai qu'il pouvait sembler désagréable, mais il s'agissait en réalité de timidité. Il secoua la tête.

" Non, tu ne m'as rien fait. "

Juliette s'arrêta de peindre, et le regarda. Timide, donc. Elle devait le décoincer un peu.

" C'est ton frère, le mec qui m'a accueillie ? "

Le jeune homme hocha la tête, et Juliette soupira. Elle n'avait jamais vu quelqu'un d'aussi taciturne que lui.

" Tes parents sont peintres ? " tenta-t-elle.

" Oui. "

L'exploit de l'avoir fait parler était tellement grand que Juliette eut presque envie de sortir le champagne. Elle estima que c'était assez pour aujourd'hui.

________

Rebonjour !
Ça fait un bon bout de temps que je n'avais pas pointé sur Wattpad, et ça me fait bizarre mais plaisir d'être de retour. J'espère sincèrement que ce chapitre vous a plu, car c'est un peu un mot d'excuse 😅. Je ne peux rien vous promettre, parce que je ne sais jamais comment ça va se passer, mais je vais essayer de trouver le temps d'écrire plus.

Xx

FondOfWriting