Chapitre 11 :


Une semaine plus tard :

Heureusement que c'était les vacances. Je n'avais beau plus aller au lycée, Alex et Callia y allaient, eux. Et si ça n'avait pas été les vacances, je n'aurais pas pu me rendre chaque jour chez eux, comme je le faisais.

Merci, les vacances de février.

Ça allait mieux. Le deuil, je veux dire. J'étais un peu moins triste. Je parvenais à ravaler mes larmes quand je pensais à eux.

Tous les jours, nous faisions surtout de la musique, et nous discutions.

Ce jour là, nous jouions Before You Go, de Lewis Capaldi, décidément un artiste que nous adorions tous les trois, quand Callia s'arrêta d'un coup.

Je continuai à jouer avec Alex, mais la regardai en fronçant les sourcils. Elle avait l'air d'avoir eu une révélétion.

-Mais... attendez !

Alex et moi nous arrêtâmes pour l'écouter.

-Qu'est-ce qu'il y a, Callia ? soupira Alex.

-Je viens d'avoir une méga idée !

-Dis nous ? m'enquis-je.

-Pourquoi on n'écrirait pas un morceau de musique ?

Je fronçai les sourcils :

-Quoi ? Pourquoi ?

Elle fit la moue, l'air mélancolique, puis dit :

-Pour nos parents. Ils le méritent, non ? C'est vrai, on est tous les trois musiciens, pourquoi on n'écrirait pas quelque chose ?

Alex et moi la regardâmes. Je comprenais son point de vue, mais je n'étais pas sûre que ce soit une bonne idée.

-Et après ? demanda Alex, exprimant mes pensées. On fera quoi ? On la jouera deux trois fois, puis on l'oubliera ? Je préfère qu'elle n'existe pas du tout plutôt qu'elle finisse par tomber dans l'oubli.

-Pourquoi veux-tu qu'elle tombe dans l'oubli ? Tu crois qu'on va oublier Papa ? Moi non. Et je préfère avoir que je lui ai rendu hommage avec vous deux. Si vous voulez, on pourra même se produire dans la rue, pour gagner un peu d'argent, pour Maman, qui travaille comme une folle maintenant que Papa n'est plus là.

Je la regardai :

-Tu aimerais le faire, toi ?

-Oui ! Pas toi ?

Je souris tristement.

-Je sais pas vraiment... mais si toi tu veux, moi je veux bien.

Elle sourit, reconnaissante. Juste voir cet air joyeux sur son visage me faisait apprécier mon choix. À Alex d'accepter, maintenant. Sa sœur lui adressa un regard de chien battu, je lui fis un sourire suppliant.

-S'teuplaît Alex, minauda Callia.

Elle fit la bouche en cœur, et il céda.

-Bon d'accord, mais on fait quoi ? Juste une musique, ou une chanson ?

-Bah, vous savez chanter ? demandai-je sur ton de l'évidence.

Alex pinça les lèvres et plissa le front, comme s'il attendait que quelque chose d'inévitable lui tombe dessus.

Et sa sœur lui tomba bien dessus.

-OUIIIII Alex il sait chanter !!!

Elle lui sauta dessus après avoir posé son violon et son archet.

-Callia, ma guitare ! s'écria Alex, mais on entendait dans sa voix qu'il avait envie de rire.

-Alex, mon grand frère chéri, accepterais-tu de chanter pour notre groupe ? le supplia Callia, qui était face à lui, assise sur ses genoux.

-Oui, oui, c'est bon... Mais c'est pas moi qui écris les paroles.

-Pas moi non plus ! clama Callia en se relevant, après avoir fait un bisous sur la joue de son frère.

Je fronçai les sourcils.

-Alors quoi, c'est moi ?

-Bah oui ! s'écrièrent les jumeaux en même temps.

Le soir, en rentrant chez ma tante, je m'assis donc sur mon bureau, attrapai une feuille, un crayon, et écris tout en mordillant mon crayon lorsque je réfléchis :


J'ai vu soudain ma vie partir en fumée

Un appel et tout était terminé

Fini la joie, finis les rires

Fini l'espoir, finis les sourires

J'ai tenté de me relever

Ou du moins, de ne pas davantage tomber

Mais ma chute n'est toujours pas terminée

Jusqu'où va ce vide à mes pieds ?

C'est comme se noyer seule au milieu de l'eau

On lutte pour garder la tête sortie des flots

Mais on n'y arrive pas, on abandonne

Et on coule dans cette tristesse qui nous emprisonne

Je voudrais le chasser, je voudrais le voir s'en aller

Oh, je sais que c'est fini, qu'il est vain d'espérer

Ce rêve futile, irréalisable, qui me brise chaque jour

Un peur plus le cœur, celui là même qui brûle encore d'amour...


Je décidai que ce dernier couplet sera le refrain.

Je n'arrivai pas à savoir si j'aimais bien ou pas du out, alors je décidai que je montrerai déjà ça à Alex et Callia demain.

Et malgré la tristesse qui m'avait envahi quand j'écrivais, j'étais étonnement soulagée. Poser ces mots sur le papier m'avait peut-être fait du bien.

Je leur envoyai la photo de ce début. Je posai mon téléphone, me relut.

Le silence autour de moi devint insupportable. Avant, il y avait toujours mes parents qui discutaient, ou Thalia qui riait. Maintenant, il n'y avait plus que ma tante qui lisait tranquillement.

Une solitude infinie m'envahit. Depuis que j'avais rencontré Callia et Alex, j'arrivais à la chasser la journée, mais quand je me retrouvais de nouveau seule, le soir... elle revenait au galop. Et ces idées suicidaires revenaient à nouveau.

Les mains tremblantes, j'attrapai mon téléphone, et activai la musique, en devant m'y reprendre à deux fois pour appuyer.

Elle finit tout de même par résonner dans ce que j'étais censée considérer comme ma nouvelle chambre. Mais ça ne suffisait pas. J'avais désespérément besoin de mon piano. Pas celui du défunt père de Callia et Alex, non, le mien. Celui que mes parents m'avaient offert pour mes dix ans.

Je me souvenais de ce cadeau là comme si on me l'avaient offert hier.

Thalia était encore petite. Moi, je me sentais grande. En soufflant mes bougies, face aux tendres sourires de mes parents, je m'en étais rendue compte. J'avais dix ans, j'étais à présent une grande.

Après que nous ayons mangé le gâteau, j'avais relevé la tête vers mes parents. Comme j'avais décidé que je serais désormais mature et responsable, je ne réclamais pas mes cadeaux, mais mes parents virent à travers mon regard.

-Ma chérie, ton cadeau est au garage ! avait déclaré ma mère avec un air ravi.

Je m'étais précipitée vers le garage, un sourire aux lèvres. J'avais hâte de voir ce que c'était pour qu'ils ne l'aient pas amené jusqu'au salon.

Au centre du garage trônait un magnifique piano noir. Un petit nœud papillon était posé dessus, faisant office de papier cadeau. Quand je l'avais vu, mon cœur s'était serré. De joie. D'émerveillement.

J'avais crié de joie, je m'étais empressée d'aller l'essayer. Il y avait un petit tabouret. Le dessus était tapissé de cuir noir, il était assorti à mon piano. J'en avais joué. Le son m'était monté à la tête, m'avait enchanté. Je ne m'étais plus jamais séparée de ce piano.

Jusqu'à maintenant. Actuellement, il était abandonné au fond de la cave de ma tante, en train de prendre la poussière.

Cette image me fit mal au cœur. Immédiatement, je me précipitai vers la chambre de ma tante, ouvrit brutalement la porte et déclarai sans filtre :

-Je veux mon piano.

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