Revenir du paradis


Je n'arrive pas à me dire que je m'en vais ce soir alors que Shawn va vraiment mal. Hier en rentrant de l'hôpital après avoir terminé son premier jour de chimiothérapie il a passé la nuit à vomir mais je ne l'ai su que ce matin car j'étais tellement fatiguée que je m'étais endormie dans le canapé du salon sans m'en rendre compte. Karen vient juste de rentrer des courses alors je l'aide à les ranger dans le frigidaire avant d'aller voir si Shawn dort toujours ou s'il a peut être faim même si ça m'étonnerait beaucoup. Lorsque je pousse la porte de sa chambre je découvre un lit vide. Je me rends dans la chambre d'Aaliyah, de ses parents, dans la salle de bain mais rien... aucune trace de lui nul part. La seule pièce qui reste à l'étage sont les toilettes alors je toque légèrement et m'aperçois que la porte n'est pas fermée à clé. Je la pousse et découvre Shawn agenouillé devant la cuvette en train de tousser. Il se retourne furtivement vers moi puis détourne le regard.

_"Ne regarde pas ça Mel, je ne veux pas qu'on me voit dans cet état."

Évidemment je ne l'écoute pas et vient entourer légèrement mes bras au niveau de son torse pour poser ma tête dans son dos. Qu'est-ce qu'il croit ? Que je vais le laisser souffrir tout seul dans son coin et continuer mon chemin ? Jamais je ne pourrais faire une chose pareille. Enfin je dis ça mais dans quelques heures je vais pourtant m'en aller loin de lui.

Je l'entends dire mon prénom plusieurs fois en me suppliant de partir mais dommage pour lui je ne suis pas du genre à abandonner si facilement. Pour se débarrasser de moi il m'en faut beaucoup plus. Je relève donc ma tête qui était jusqu'ici confortablement calée dans son dos pour aller lui embrasser le bord de sa mâchoire et finir dans son cou. Il se retourne pour me repousser.

_"Arrête... arrête de faire semblant d'avoir encore envie de moi. Tu fais ça juste par pitié."

_"Dans ta chanson Mercy tu dis pourtant "ai pitié de moi" dans un sens." le taquinais-je.

_"C'est pas le même contexte." répond-il en esquissant un léger sourire.

_"Je m'en fiche et de toute façon tu ne me fais pas pitié, au contraire je t'admire encore plus qu'avant."

_"Tu sais cette chanson j'ai toujours dit qu'elle n'était destinée à personne en particulier mais maintenant que tu es là elle prend soudain une toute autre envergure pour moi."

_"Je suis désolée de te faire du mal..."

_"Étrangement ce n'est pas le cas. C'est vrai que ça me fait souffrir que tu dois partir mais j'ai tellement aimé passer tout ce temps avec toi que je ne regrette rien. C'est pour ça que je ne veux pas passer mes derniers instants en ta compagnie comme... comme ça. Je ne veux pas que tu me vois en train d'agoniser. Pas toi..."

_"Pourquoi ?"

_"Parce que j'aimerais que tu gardes l'image du Shawn qui t'entraine pour un bain de minuit dans une piscine alors qu'il fait cinq degrés, qui te fait danser dans un beau resto à Paris, qui t'emmène voir les koalas en Australie,... je veux que ça soit le Shawn d'avant qui te reste en tête."

_"Ce Shawn là est le même que celui que j'ai sous les yeux."

_"Non, celui qui est là devant toi n'est plus que le sombre reflet de lui même. Rien ne sera jamais comme avant et je ne veux pas t'entrainer dans ma chute."

_"Je ne te laisserai pas tomber."

_"Mel s'il te plaît. Je sais que tout ça n'est pas ta faute mais arrête de me faire espérer. Tu vas t'en aller et on ne se reverra pas."

_"Je... Shawn c'est compliqué tu sais." tentais-je d'expliquer en me décollant de lui pour qu'il me fasse face en s'adossant au mur.

_"Ne cherche pas d'excuses, je ne t'en veux pas. Dès notre rencontre tu as été clair sur le fait qu'après ces quatre mois tu retrouverais t'as vie d'avant. J'ai juste espéré que tu changerais d'avis."

_"C'est juste qu'entre les cours, les stages, les révisions,... j'ai plus le temps de rien faire. Même mes week-end sont chargés. J'aimerais tellement pouvoir venir ici de temps en temps mais je ne veux pas te donner de faux espoirs au cas où je ne puisse pas me déplacer. Mais dès que j'ai des vacances, donc dans plusieurs mois, je viens."

_"Merci. Merci pour tout ce que tu as fait jusqu'ici."

Je ne sais plus quoi lui répondre alors je décide de venir me coller à lui peut être pour la dernière fois et cale ma tête dans le creux de son cou. Je passe une main sous son pull pour lui caresser doucement le ventre en espérant calmer son envie de vomir. Je ne sais pas s'il a moins de nausées mais au moins ça semble le détendre puisqu'au passage de mes doigts sur ses abdominaux je les sens se relâcher. Il vient poser sa tête au dessus de la mienne, nous restons longuement dans cette position qui est confortable uniquement parce que nous sommes tous les deux. En réalité il doit avoir autant mal aux fesses que moi à rester assis sur le sol et le mur ne dois pas être très agréable pour son dos.

Son corps chaud près du mien est l'une des sensations les plus agréable qui m'est été donnée de tester. Sans m'en rendre compte ma main a cessé ses mouvements circulaires sur son ventre ce qui ne plaît pas beaucoup à monsieur. Il ne manque donc pas de me faire savoir son mécontentement en laissant échapper un petit gémissement. Avant de me faire engueuler de plus bel je reprends mon "activité manuelle" pour son plus grand plaisir. Après quelques minutes qui m'ont semblé des secondes comme à chaque fois que je passe du temps avec lui, il m'attrape par la taille pour me faire basculer sur lui. Je me retrouve donc à genoux sur ses jambes avec mes mains plaquées sur son torse tandis que les siennes sont toujours sur mes hanches. Il se redresse un peu le long du mur alors qu'il est toujours assis sur le sol des toilettes. Cette fois je ne prends même pas le temps d'admirer son beau visage et préfère venir embrasser ses lèvres indéfiniment. Je pense qu'il a été un peu surpris par cette action soudaine puisqu'il ne répond pas tout de suite à mon baisé et se contente de sourire. Je me détache donc légèrement en fronçant les sourcils.

_"Qu'est ce qu'il y a ?"

_"Je t'avais bien dit que tu finirais par me sauter dessus."

_"Rappel toi ce que j'ai fait la dernière fois que tu m'as dit ça."

_"Tu m'as pousser alors qu'on s'embrassait dans la cage d'escalier de notre hôtel à Paris tout ça pour que j'ai tort."

_"Exactement et je vais refaire la même chose. Tchao."

Je tente de me relever mais il me retient par le bras. Même affaibli il a encore de la force celui là mais j'avoue n'avoir pas vraiment résisté non plus. Si je pouvais rester accroché à lui comme un paresseux à son arbre, je le ferais sans hésiter. Sans rien demander il entreprend l'idée de laisser une traînée de baisé dans mon cou. Je savais pertinemment qu'en le titillant un peu il allait retrouver son envie de goûter à ma peau. Je souris donc de satisfaction, laissant traîner mes doigts dans ses cheveux bruns en batailles. Sa main posée dans mon dos remonte jusqu'à se poser sur ma poitrine qu'il prend bien la peine de toucher me donnant envie de beaucoup plus tout à coup. Mais en repensant à la pièce dans laquelle nous nous trouvons, mon excitation redescend aussi vite qu'elle est montée. De toute façon son père crie nos noms du bas des escaliers pour nous signaler qu'il est l'heure d'aller à l'hôpital. Il lève sa tête de mon cou pour venir coller son nez au mien en me murmurant un petit "je t'aime" adorable puis me dépose un léger baisé sur les lèvres avant de me demander de l'aider pour se lever.

On dit souvent que les minutes semblent des heures lorsque nous nous trouvons à l'hôpital. Ça n'a pas été le cas cette fois. La journée est passée à une vitesse folle, comme si quelqu'un avait appuyé plusieurs fois sur le bouton "avance rapide" de la télécommande dirigeant ma vie. Même les habituels bouchons semblent moins condensés que d'habitude, à croire que l'univers entier a décidé d'être sadique avec moi. Qu'aurais-je dû faire pour ne pas en arriver là ? Me convertir à une religion et prier ce dieu indéfiniment ? Au point où j'en suis je me dit que même l'action d'un être quelconque n'aurait rien pu pour m'éviter l'heure fatidique. Ça doit bien faire quinze minutes que je suis assise dans la chambre de Shawn ma valise ouverte juste devant moi. Je n'arrive pas à la fermer. Enfin si j'ai juste à rabattre le devant et tirer sur la fermeture mais ces simples gestes sembles si durs à réaliser que mon corps ne veux pas bouger. Une main vient se poser sur mon épaule me faisant lever la tête, il s'agit de Maria qui me sourit chaleureusement. C'est elle qui referme mon bagage et le descend en me disant de prendre le temps qu'il me faudra pour venir en bas à mon tour. Je regarde autour de moi, profitant d'être seule pour scruter les moindre détails de sa chambre. Il y a des photos de lui, des récompenses, des dessins ou lettres de fans mais le plus impressionnant est sa collection de guitares. Elles sont si belles, je suis totalement jalouse de ses modèles devant lesquels je bave dès que je les aperçois dans une boutique.

Mon petit tour terminé je me résous à descendre sinon je vais louper mon avion. En arrivant aux pieds des marches toute la petite famille m'attend sauf Shawn qui s'est assoupi dans le canapé du salon. Manuel me donne une tape dans le dos avant de prendre ma valise et sortir la mettre dans la voiture. Je déteste dire au revoir surtout quand je ne sais pas si c'est un adieu ou pas. Maria est la première à me tirer dans une longue étreinte, suivi de Karen. Aaliyah se contente d'un "bye" peu amical totalement justifié. Comment lui en vouloir alors qu'elle a eu raison ? J'ose à peine croiser son regard pour ne pas me sentir encore plus coupable que je ne le suis déjà. Je finis donc mon tour des adieux en allant rejoindre Shawn dormant toujours à point fermé. Le reste de sa famille nous laisse seul tous les deux mais je les soupçonne de tendre leur oreille pour écouter ce que je pourrais bien lui dire. En tout cas c'est ce que ma famille aurait fait. Je comprends mieux d'où me vient mon penchant pour l'espionnage maintenant.

Je me place à genoux près de lui en lui caressant doucement ses cheveux bruns. J'aurais aimé que ce geste le réveil pour que je puisse lui dire à quel point il est important pour moi mais au fond je sais qu'il vaut mieux le laisser dormir, ça lui évitera une séparation douloureuse. Lorsqu'il rouvrira les yeux je ne serai plus là, comme si ces deux derniers mois n'auraient été qu'un rêve. Je lui embrasse une dernière fois légèrement les lèvres avant de sortir rejoindre son père m'attendant au chaud dans la voiture. Le trajet jusqu'à l'aéroport se fait dans le silence, il n'est pas gênant mais plutôt apaisant. Le plus dur étant de quitter Shawn, maintenant que c'est fait la pression que j'avais accumulé est retombée et Manuel sait que s'il engage la conversation le sujet dériverait obligatoirement sur mon départ et me ferait de nouveau culpabiliser. Et dire qu'au début il ne m'appréciait pas... jamais je n'aurais pensé un jour le remercier de comprendre ma situation.

Une fois arrivés à destination il me prend une dernière fois dans ses bras en me disant tout simplement "au revoir Mélanie". Il ne s'attarde pas plus longtemps car d'autres voitures attendent sa place pour déposer des gens. Je regarde la voiture s'éloigner en lui faisant de grands signes jusqu'à ce que je la perde de vu au milieu de la marrée des autres automobiles. La nuit commence déjà à tomber laissant la lumière des étoiles briller. Je les contemple quelques instants avant de me décider à enfin entrer dans le terminal. J'enregistre ma valise en espérant qu'elle ne se perde pas cette fois-ci puis pars rejoindre ma porte d'embarquement. Mon heure d'attente défile à une vitesse folle, me voilà déjà assise dans l'avion à regarder par le hublot une dernière fois le sol canadien. Mon portable calé dans la poche de ma veste se met à vibrer me faisant presque sauter de peur. Il s'agit d'un numéro inconnu.

_"Allô ?"

_"Mélanie c'est Karen. Shawn est avec toi ?"

_"Non je suis dans l'avion on attend les derniers passagers avant de décoller pourquoi ?"

_"Il est parti en douce de la maison. Sa voiture n'est plus là, je suis sûre qu'il est parti à l'aéroport pour te dire au revoir."

_"Si c'est le cas c'est trop tard ils viennent de fermer la porte et je vais bientôt devoir raccrocher."

_"Oh attend il m'appelle sur mon portable. Shawn ? Oui elle est a l'intérieur. Quoi ? Non elle ne peut pas ça mettrait en retard tout le monde."

_"Qu'est-ce qu'il dit ?"

_"Il veut que tu demandes à une hôtesse de sortir."

_"C'est impossible l'avion a déjà commencé à reculer. Une hôtesse s'approche de moi je vais devoir te laisser. Avant que je ne raccroche est-ce que tu pourras dire à Shawn que je lui interdis d'abandonner son combat sinon je ferai de lui le nouveau Frank Einstein."

_"Je n'aurai pas besoin de le lui dire il t'a entendu. Je vous ai mis tous les deux en haut parleur."

_"Mel attend t'as pas le droit de partir comme ça !" j'entends difficilement Shawn crier à l'autre bout du fil.

_"Je suis vraiment désolée Shawn je dois vous laissez maintenant on est sur le point de décoller."

Je l'entends commencer une phrase par mon prénom mais raccroche avant qu'il n'est le temps de la continuer. Si le vol avait eu du retard j'aurais pu le voir une dernière fois, il m'aurait serré dans ses bras et dit à quel point il avait des sentiments pour moi mais évidemment pour une fois l'avion est pile à l'heure.

Plus nous prenons de l'altitude et plus je me sens m'éloigner de lui, de son monde, de ces deux mois magiques passés avec des personnes formidables. L'obscurité de la nuit laisse apparaître les lumières de la ville de Toronto sous mes pieds puis disparaissent pour laisser la pénombre la plus totale envelopper l'avion. N'ayant plus rien à regarder dehors je laisse tomber mon dos dans le creux de mon siège. Je sais que dès que j'aurais de nouveau du réseau en atterrissant mon téléphone passera son temps à vibrer pour m'informer des multiples messages et appels de Shawn auxquels je ne répondrai pas. A distance je ne pourrai lui apporter que préjudice, c'est mieux pour nous deux de s'en tenir à cette dernière journée passée ensemble. Ma vie reprend son cour tout comme la sienne sans lui dans la mienne et moi dans la sienne. Tous ces souvenirs seront à jamais gravés en moi mais il est temps de retrouver le monde réel. Je lui en serais pour toujours reconnaissante de m'avoir accorder cette petite parenthèse dans ma vie lambda. Je me sens comme une sorte de privilégiée ayant eu le droit de goûter au paradis sans pour autant avoir perdu la vie et ça c'est grâce à lui.

{FIN}

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Et oui après environ neuf mois passés ensemble sur cette histoire elle se termine. Ça me fait tout drôle de me dire qu'il va falloir dire adieu au point de vue de Mel (petit indice que je vous donne sur le tome 2 !).

Demain je poste les remerciements et un petit questionnaire qui me tient autant à coeur que cette histoire alors s'il vous plaît répondez-y ça me ferait plaisir et surtout ça m'aiderait. Donc avant d'enlever Grâce à elle de votre bibli attendez encore quelques jours. Vous pourrez le faire lorsque vous verrez "terminé" à côté (ce qui va briser mon coeur de pierre au passage).

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