Déclaration ?
Mes poumons sont en haleine, pendus aux lèvres du chanteur. J'attends qu'il termine enfin sa phrase laissée en suspens.
- Les jeunes, on est un peu pressé, nous interrompt John.
- Juste deux minutes ! Lui crie Shawn, ses yeux ne quittant pas les miens.
- Mel, tu sais que...
- Ce n'est rien, le coupais-je précipitamment. Ce n'était qu'un stupide rêve un peu farfelu. Si tu veux tout savoir, ça m'est déjà arrivé aussi. Enfin pas exactement pareil mais c'était très étrange. En fait, j'ai rêve que mon meilleur ami faisait du patinage artistique en caleçon et que je l'avais trouvé incroyablement bon. Je lui en ai parlé et on en a bien rigolé. Depuis, c'est devenu une bonne vieille histoire à raconter durant les longues soirées d'hiver entre copains, lâchais-je sans m'arrêter.
Paniquée à l'idée qu'il termine sa phrase, j'ai pris les devants en lui racontant une de mes histoires rocambolesques qu'il affectionne tant. Je suis consciente que ce que j'ai vécu n'a rien à voir avec la situation actuelle, néanmoins j'espère avoir réussi à noyer le poisson grâce à ce moment ridicule de ma vie.
- On appelle ça se faire friendzoner, pouffe Liam.
Shawn détache enfin ses yeux de moi, me laissant de nouveau respirer. Il lance un regard noir au batteur qui rapidement, efface son sourire. Sa remarque ne semble pas lui avoir plu.
- Tout ça pour dire que ce n'est rien hein, tentais-je de minimiser la scène.
- Oui, tu as raison.
Sans un mot de plus, il tourne les talons et dépasse John et Liam. C'est donc dans une atmosphère merdique, comme c'est le cas depuis le début de nos problèmes, que nous cherchons la voiture de cette généreuse donatrice. Grâce à ses indications, nous parvenons rapidement à la localiser. Elle disait vrai, son véhicule est bon pour la casse. C'est un miracle si nous parvenons à le faire démarrer.
John laisse parler ses quelques bases en mécanique et après des petites manipulations que je serais incapable de refaire, ce tas de ferraille rouge parvient à se mettre en marche. Shawn suit son garde du corps à l'avant du véhicule tandis que je prends place avec Liam à l'arrière. De la boite à gant, nous trouvons une vieille carte routière que nous tentons de déchiffrer. Il nous faut un bon quart d'heure avant de trouver la ville d'Hong Kong normalement au sud mais placée dans le nord à cause du manque d'orientation du chanteur. Ce dernier a mis la carte à l'envers, nous faisant perdre un temps fou pour rien.
Sur la route, le silence est roi. Mon voisin de siège dort à point fermé et je ne tarde pas à l'imiter. Doucement, je laisse ma tête se poser le long de la vitre alors que mes paupières se ferment. Mais les voix de John et Shawn, en pleine discussion, m'empêchent de sombrer dans le sommeil. Je fais alors mine de dormir pour pouvoir les écouter en cachette. Je sais que c'est mal seulement la tentation est beaucoup trop grande.
- C'était stupide de faire barrage à cette plaque de tôle, le réprimande son garde du corps.
- Je sais, mais je n'allais pas la laisser frapper Mel.
- Depuis quand t'es-tu trouvé une âme de super héros ?
- Je n'en sais rien, c'était dans le feu de l'action.
- Pour avoir eu un geste aussi stupide je me doute que ce n'est pas ta tête qui a parlé mais ton cœur. Fais attention Shawn, les sentiments peuvent être parfois destructeurs.
- Je n'ai pas de sentiments, dit-il froidement.
John laisse échapper un long soupire. Ses doigts tapent en rythme sur le volant alors qu'il semble réfléchir à ses futures paroles.
- J'apprécie beaucoup Mel et j'espère qu'un jour ma fille sera aussi intelligente et pleine d'esprit qu'elle, mais là n'est pas la question. L'amour est quelque chose de compliqué, même pour toi Shawn et en ce moment, tu as d'autres priorités.
- Mais pourquoi vous pensez tous que je suis attirée par elle ?! S'énerve-t-il soudainement.
- Même si tu ne veux pas l'avouer, ton subconscient t'a trahi tout à l'heure, lui répond-il d'une voix posée.
- Quoi, j'ai dit Mélanie en dormant c'est ça ? Et alors ? Elle n'est pas la seule fille avec ce prénom dans le monde !
Son ton cinglant me donne la chaire de poule. Plus les heures passent et plus j'ai l'impression que la relation qu'il y a entre lui et moi s'approche du point de non-retour. Je vois d'ici la ligne rouge qui, une fois franchit, scellera à jamais notre destin commun.
- Le simple fait que tu t'énerves en dit long.
- Tu veux savoir pourquoi ça me gonfle ?! Grogne-t-il les dents serrées. Parce que j'en ai assez que sous prétexte que pour une fois je parle avec la petite nouvelle, elle me plait !
John comprend que son protéger est bien trop buté pour continuer cette discussion. Il le laisse se calmer durant de longues minutes qui me paraissent interminables avant de reprendre.
- Qui hantait donc ton rêve ?
- La française de la dernière fois, lâche-t-il en soupirant.
Shawn m'a déjà parlé de son ex-copine qui l'a largué sans ménagement parce qu'il n'était pas assez célèbre pour elle. Mais cette fois, c'est différent. Même avec les yeux fermés, je peux discerner du regret dans sa voix. Je ne connais que trop bien ce sentiment destructeur. Cependant, je croyais qu'il n'en était pas doté. Je réalise alors que son « vivre dans le regret c'est néfaste, je l'ai appris à mes dépends » faisait référence à cette fameuse fille.
Prétendre que cette révélation ne me touche pas serait mentir. Le fait qu'il ne m'est pas dit la vérité me déçoit encore une fois mais il y a autre chose. Et cet autre chose fait souffrir mon cœur un peu plus en profondeur.
- Pourquoi tu ne l'as pas dit à Mel.
- Je n'en sais rien, bougonne-t-il. C'est une histoire peu glorieuse que je n'ai pas forcément envie d'étaler au grand jour.
Je me sens soudain stupide. Contrairement à lui, je lui ai fait par de ma pire peine de cœur alors que dans son cas, il n'a pas assez confiance pour m'en parler. Je comprends enfin que notre relation n'allait que dans un sens. Toutes ses fausses révélations pour que je finisse par déballer mon sac me donnent envie de vomir. Il m'a manipulé comme le font toutes les célébrités. Shawn ne vaut pas mieux que ces grosses têtes sans cervelle !
Cette tournée était une très mauvaise idée. J'en ai assez d'être avec eux, je veux rentrer chez moi ! Les États-Unis me manquent, j'aimerais retrouver ma vie à New York, celle où je ne me sens pas désespérément seule. J'ai envie que Zack me console avec un bon café de chez Jimy's, notre fief quand l'un de nous a un passage à vide, ou qu'Aby me fasse rire avec ses imitations de présidents. Sans eux à mes côtés, je prends réellement conscience de leur importance dans ma vie. Je donnerais n'importe quoi pour les avoir près de moi ne serait-ce que durant quelques brèves minutes. Je tuerais pour un sushi à Chinatown avec eux.
Ce qui me fait cruellement défaut à l'heure actuelle, c'est de pouvoir m'appuyer sur une épaule sincère. J'ai l'impression de tout remettre en question, que les moments vécus jusqu'ici n'étaient que du vent dans le but de me faire miroiter une vie de rêve lorsque nous sommes célèbres.
- Je sais que cette histoire est importante pour toi mais est-ce qu'elle vaut la peine d'entacher ton amitié avec Mel ?
- Je crois qu'elle est déjà en péril de toute façon.
Au moins désormais sa position est claire, il ne compte pas arranger les choses entre nous. Je vais donc opter pour la position de la fille indifférente, il est hors de question que je me batte alors que c'est lui le fautif.
Après de longues minutes sans aucune parole échangée entre les deux garçons, j'en conclu que la discussion est close. C'est incroyable comment nous pouvons apprendre un tas de chose en simulant un petit somme. Comment dans notre dos, les langues se délient à une vitesse fulgurante. J'aurais mieux fait de dormir et de rester ignorante, entendre Shawn parler ainsi de moi m'a donné la nausée. Je laisse le sommeil m'envahir pour apaiser ce mal de tête, mon cœur est lourd et lui aussi a besoin d'un break.
J'ignore combien de temps je me suis restée endormie mais à mon réveil, des bruits sourds retentissent à l'avant du véhicule. Je crois d'abord qu'il s'agit de la voiture faisant des siennes avant de réaliser que c'est Shawn qui est à l'origine de ce raffut. Le canadien est pris d'une toux bruyante. Elle est d'ailleurs si virulente qu'il doit se pencher en avant, sous peine de s'étrangler avec sa salive. A-t-il chopé un vilain microbe ? Et bien tant pis pour lui ! Ce n'est pas moi qui vais pleurer sur son sort.
Je maugrée des paroles d'agacements, peu ravie d'avoir été extirpée de mon sommeil. John jette un rapide coup d'œil vers moi et s'aperçoit que mes yeux sont ouverts.
- Bien dormi ma grande ? Me sourit-il chaleureusement.
- Bof.
Malgré sa gentillesse, je ne parviens pas à faire bonne figure. Être réveillée de la sorte après s'être endormie sur de douces et cruelles paroles, cela me semble difficile de lui rendre son sourire.
- On va s'arrêter un peu dans une station-service parce qu'on arrive à court d'essence. Te dégourdir les jambes te fera du bien tu verras, m'informe-t-il.
- Il y un petit village pas loin normalement, annonce Shawn, les yeux rivés sur la carte.
- Parfait, je te laisse me guider.
- On doit sortir là, pointe-t-il du doigt une route cabossée arrivant à notre droite.
John s'engouffre dans ce chemin sur lequel nous voyons les minutes défilées sans jamais voir l'ombre d'une habitation. Le réservoir se vide jusqu'à ce qu'il n'y ait plus une goutte d'essence à l'intérieur. Notre véhicule s'arrête au beau milieu des rizières. Si nous n'étions pas perdus sans un sou en poche, j'aurais sans doute été ravie de me retrouver dans ce décor de carte postale. Ces flancs de collines aménagés pour la culture du riz sont tout bonnement spectaculaires.
- On est officiellement à sec, souffle d'exaspération le conducteur.
- Je ne comprends pas, la carte indique pourtant qu'on aurait dû tomber sur le village ! S'agace Shawn, tentant de tourner la carte dans tous les sens possibles.
- On fait quoi maintenant ? Il n'y a pas de réseau pour prévenir qui que ce soit, annonçais-je.
- On continue à pied.
L'idée de John ne me semble pas lumineuse mais nous n'avons pas vraiment le choix. Personne ne viendra nous chercher si nous restons ici alors autant marcher avec l'espoir de rencontrer quelqu'un. S'il y a des rizières, c'est qu'il y a des agriculteurs quelque part dans ces collines. Ne nous reste plus qu'à les trouver.
A cause de la mousson, le chemin de terre sur lequel nous sommes est gadoueux. Nos chaussures s'enlisent au fur et à mesure que nous nous enfonçons sur cette route menant, je l'espère, à la vie. Nous sommes tous exténués par les épreuves qui n'arrêtent pas de se succéder ces dernières heures. Et même lorsque nous parvenons à dormir, notre sommeil n'est jamais réparateur. Il n'y a qu'à regarder nos visages pour voir les stigmates de ce périple tournant au fiasco.
Comme nos places dans la voiture, John et Shawn sont devant tandis que Liam et moi marchons derrière. Le batteur passe nerveusement sa main dans son imposante barbe sombre, je vois bien que toute cette histoire l'attriste. Il se croit responsable de chaque malheur qui nous arrive et ça, c'est la faute du chanteur. A lui répéter qu'il est la cause de tout ceci, il a fini par véritablement le croire.
- Reese aime allez camper en forêt pour profiter de la nature. Elle adorerait être avec nous en ce moment, me confie-t-il.
- Qui est-ce ?
- Ma copine. Enfin bientôt ma fiancée j'espère.
- Tu comptes la demander en mariage ?
- Oui, c'est prévu si on se sort de toute cette merde, dit-il tristement.
- Ne t'en fais pas, on va retrouver les autres, continuer la tourner et tu vas pouvoir faire ta demande, lui souriais-je tout en attrapant son bras.
- Elle me manque tu sais.
- Je sais, on a tous quelqu'un qui nous manque terriblement.
- Et toi, qui est-ce ?
- Mes amis, ma famille, ma ville, tout j'ai l'impression.
Mes paroles sont plus tristes que je ne l'aurais voulu. Liam serre un peu plus mon bras enroulé au sien alors que nous continuons à suivre les deux chefs de file sur le chemin longeant les rizières.
- Le mal du pays te passera mais celui de tes proches non. Tu ne pourras qu'apprendre à vivre avec.
- En parler me fait déjà beaucoup de bien.
Pour la première fois depuis de nombreuses heures, il me sourit sincèrement. Son geste me réchauffe le cœur et m'apporte l'énergie pour continuer notre promenade forcée. Je comptais lui remonter le moral mais au final, c'est lui qui m'a redonné goût à nos aventures. Reese est obligée de dire oui à un homme pareil.
- On doit accélérer, le ciel devient encore menaçant, remarque John, la tête levée vers le ciel teinté de gris.
Chacun de nous l'imite, nous rendant compte qu'il n'a pas tort. Mais comment aller plus vite alors que nous sommes tous à bout de force ? Sachant que nous ne sommes même pas sûr de trouver une once de vie humain à la fin de ce chemin. C'est difficile d'avancer quand le but est incertain. Il n'y a aucune certitude à laquelle nous pouvons nous accrocher pour placer nos dernières forces dans cette ultime étape.
- Je suis désolé.
Liam laisse ses genoux rencontrer le sol et continue à s'excuser sans jamais s'arrêter. J'aurais beau lui dire toutes les paroles réconfortantes du monde, tant que ce n'est pas Shawn qui en est l'émetteur, il continuera à se sentir responsable. C'est injuste, il n'a pas à se mettre dans un état pareil alors qu'il n'est en rien le fautif. Mais à mon niveau, je ne peux plus rien faire. C'est le chanteur qui a les cartes en main à présent.
Ce dernier reste figé sur place alors que son « ami » évacue toujours ses pêchés avec d'inlassables « je suis désolé ». Il continue à le regarder durant de longues minutes puis, pressant ses paupières, il se rapproche doucement jusqu'à poser ses mains sur les épaules de Liam.
- C'est moi qui suis désolé. J'ai dit des choses qui ont dépassé mes pensées et je me suis comporté comme un gros con avec tout le monde ici. C'est donc à moi de m'excuser.
Le voir reconnaitre ses torts permet de le laisser briller sous un nouveau jour. J'ai eu la chance de voir le Shawn amical, joueur, blagueur, concentré, mais aussi le malheur de connaitre le Shawn en colère, nonchalant et têtu au point de blesser ses amis. Désormais, il laisse parler son côté sensible, celui qui prouve qu'il est bel et bien un humain ordinaire avec des faiblesses. Montrer au grand jour les choses qui nous touchent est certainement le plus beau des gestes. Liam l'a bien compris, il s'empresse de sourire en tapant l'épaule non douloureuse de son ami retrouvé.
- Je te promets qu'à partir de maintenant je retrouverai ma place de plus âgé des musiciens. Je serais votre grand frère.
- On n'a pas besoin d'un grand frère, juste de Liam, le gars de vingt-huit ans dont la grosse barbe noire renferme des idioties monumentales, plaisante Shawn.
- En parlant d'idiotie, je crois que je vais avoir besoin d'un nouveau pantalon.
En effet, ses genoux sont recouverts de boue. Il vient d'abimer un Levis à au moins quatre-vingts dollars. C'est un crime dont je vais lui faire l'amabilité de ne pas relever, heureuse qu'ils se soient enfin réconciliés car c'est ce qui compte le plus.
L'orage grondant au loin nous rappelle la réalité de la situation, chassant tout le bonheur que nous avons éprouvé durant un court instant. Nous sommes toujours perdus au milieu des rizières, aucun signe de vie à l'horizon et la pluie menace de tomber d'une minute à l'autre. Nous devons nous activer si nous ne voulons pas bénéficier d'une douche en plein air gratuite. Ça ne fait pas partie de ma liste de choses à faire avant de mourir.
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Trailer chapitre 20 :
"Moi : "Et qu'est ce que tu fais pour que ça passe ?"
Shawn : "Je me tape une meuf.""
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Sur ce coup là Shawn a été un peu con il faut l'avouer.
Merci en tout cas pour tous vos commentaires adorables et vos votes. À très vite pour la suite ❤️
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