Au moment où l'hôtesse nous annonce que tous les vols sont suspendus pour cause de cyclone qui approche, j'ai l'impression de revivre un moment qui s'est déjà passé. Je me revoie à l'aéroport de Toronto face à cette belle femme, aux dents parfaitement blanches, m'annonçant que ma valise était partie pour Paris. Les employées des compagnies aériennes ont toutes des rendez-vous hebdomadaires chez le dentiste ou quoi ?! A moins qu'elles portent des appareilles dentaires.

- Le concert est demain, on n'y sera jamais à temps !

- Calme toi Shawn, on va trouver une solution, le rassure John d'une voix posée. On a presque quarante-huit heures pour gagner Manille.

- Me calmer ? Comment je suis censé faire ça alors que ma première tournée en Asie se transforme en fiasco !

Il jette violement son sac à dos noir au sol, se fichant complètement des objets pouvant se trouver à l'intérieur. Je ne l'avais encore jamais vu dans un tel élan de colère.

- Peut-on prendre un vol pour demain matin ? Demandais-je à l'hôtesse tandis que John tente de calmer le chanteur complètement hors de lui.

- Demain il sera sur les côtes des Philippines. C'est pour cette raison que votre vol était le dernier à partir avant au moins un jour.

- Il n'y a aucun autre itinéraire possible ?

- Et bien il y a le bateau mais si les vagues sont trop importantes à cause de la tempête, vous aurez le même problème qu'ici. Mais vous pouvez toujours aller voir, vous n'avez rien à perdre.

J'hoche la tête en signe d'approbation et la remercie pour sa gentillesse. Je me tourne alors vers les garçons pour leur proposer ce plan mais m'abstiens en voyant Shawn tenir fermement le col du t-shirt de Liam. Dès l'instant où il lève son autre main, un sursaut de peur me gagne. Il semble vouloir le frapper mais John le retient in extrémiste.

- Tout ça c'est de ta faute avec ton stupide karaoké ! S'énerve à nouveau le chanteur.

- Je ne t'ai pas forcé à venir alors arrête de dire ça ! Se défend Liam. Tu t'es bien amusé en plus monsieur « c'est toujours la faute des autres » !

- Garde tes sarcasmes de merde pour toi !

Il pousse brutalement l'épaule de son ami avant de donner un coup de pied dans son sac à dos. Shawn a complètement pété les plombs, à tel point que son attitude me fait peur. Se mettre dans un état pareil, alors qu'il est tout aussi coupable que chacun d'entre nous, est disproportionné. Il est impossible de lui parler à l'heure actuelle alors je décide de sortir du terminal pour demander à un taxi de nous emmener jusqu'au port.

Un homme fermant le coffre de sa voiture interpelle mon regard, j'accours vers lui avant qu'un autre voyageur s'empare du dernier taxi restant. Après l'annulation de quasiment tous les vols pour la soirée, ils ont été pris d'assaut. Ce chauffeur est donc notre dernier espoir pour, peut-être, nous sauver la vie.

- Bonsoir, êtes-vous libre ?

- Oui, me répond-t-il avec un fort accent coréen.

- Mes amis et moi aimerions nous rendre au port d'Incheon.

- Pas de problème.

- Super ! Je vais les chercher, je reviens tout de suite !

Ne perdant pas de temps, je me précipite à l'intérieur pour retrouver les garçons. John tient vigoureusement Shawn entre ses bras musclés alors que le canadien déblatère des paroles virulentes envers le batteur du groupe. D'ici, il ressemble à un animal sauvage voulant bondir sur sa pauvre proie, j'en ai le souffle coupé de voir autant de violence pour si peu.

Leurs voix se font de plus en plus forte, comme si chacun voulait surenchérir sur l'autre. La hauteur sous plafond du hall ne fait qu'accroitre l'augmentation des décibels, je n'arrive même plus à m'entendre réfléchir. Cela en devient insupportable autant pour mes oreilles que pour mes yeux. Cette dispute puérile doit cesser et maintenant.

- Mais vous allez la fermer oui !

D'ordinaire, je n'élève que très rarement la voix. Je trouve cela bien trop fatiguant et inutile. Mais là, il est question de vie ou de mort car ma tête ne va pas tarder à exploser s'ils continent à se crier dessus.

Je me masse les tempes tandis que les deux sauvages se calment doucement, Shawn toujours entouré des bras de John pour ne pas qu'il bondisse sur Liam. Face à la force de son garde du corps, il ne peut plus bouger et finit par se calmer contre son gré.

- Un taxi peut nous emmener au port d'Incheon, annonçais-je en me pinçant l'arête du nez. Donc si vous avez fini de jouer à qui sera le plus con, bouger vos fesses parce qu'il ne nous attendra pas indéfiniment.

Je n'attends aucune réponse de leur part et regagne la sortie. S'ils décident d'enterrer la hache de guerre et bien qu'ils me suivent. S'ils n'en sont pas capables, qu'ils restent là à s'entretuer pour rien. Ce n'est plus mon problème, ni celui de John qui me rattrape rapidement. Désormais, cela se passe entre eux deux.

- Merci d'avoir trouvé un plan de secours.

- Ne me remercie pas tout de suite, on n'aura peut-être pas de bateau.

- De bateau ?

- Oui, j'ai pensé qu'on pourrait se rendre en Chine en bateau puis redescendre jusqu'à Hong Kong qui est tout proche des Philippines. Une fois là-bas et en fonction de la météo, on pourra se rendre à Manille sans trop de problème, lui expliquais-je.

- C'est une excellente idée !

- Merci, j'espère que ça fonctionnera, haussais-je les épaules sans trop croire au bon déroulement de ce plan.

Alors que John et moi avons déjà pris place dans le véhicule avec nos sacs à dos, vestiges de nos bagages, Shawn et Liam finissent par nous rejoindre. Le batteur prend place à ma droite tandis que le chanteur est à l'avant de la voiture. Les deux ne s'adressent ni un regard, ni un mot, chacun fait mine d'ignorer l'autre. La tension est palpable mais pour le moment c'est toujours mieux que rien.

Le chauffeur démarre et le silence perdure durant tout le trajet. L'atmosphère austère qui règne me met vraiment mal à l'aise, je n'ai qu'une seule envie : sortir d'ici au plus vite. Je déteste les tensions entre deux personnes qui, dans le font, s'apprécient. Il n'y a rien de pire que de se disputer avec un ami. Et même si aucun d'eux ne l'avouera, la situation les fait souffrir. Je n'ai qu'à croiser le regard de Liam pour confirmer ce que je devine déjà.

Arrivés au port d'Incheon, c'est John et moi qui prenons en main la suite du plan. Nous parvenons à dégoter un ferry pour Qingdao en Chine, le dernier navire partant du port avant que le trafic maritime soit suspendu le temps que le cyclone passe sur la Corée du Sud. La traversée est de dix-sept heures, autrement dit elle sera interminable mais nous ne pouvons pas nous permettre d'être difficile. C'est soit ça, soit nous attendons une durée indéterminée avant de pouvoir gagner les Philippines.

- Tu peux aller dormir un peu, je vais les surveiller, me propose John en regardant les deux garçons s'installer chacun d'un côté du navire.

- Tu crois vraiment qu'ils en seraient venus aux mains ?

- Shawn n'est pas du genre à se battre mais cette tournée est très importante pour lui alors j'avoue que je ne sais pas vraiment. Il met un point d'honneur à aller dans un maximum de pays afin de rencontrer tous ses fans, donc imagine sa déception de ne surement pas pouvoir assurer son concert de Manille.

- Je comprends mais ce n'est pas une raison de vouloir frapper un ami.

- Oh mais je ne cautionne pas ça non plus. Je pense qu'avec la fatigue et le stress, la déception était le sentiment de trop avant qu'il n'explose.

Ce genre de tournée mondiale est très éprouvante, surtout pour lui qui en est le chef de file. Malgré le rôle important de chacun, tous nos efforts reposent sur ses épaules à lui. Il doit porter toutes les responsabilités en gardant le sourire pour ses fans qui sont toujours là pour l'accueillir chaleureusement. Il a besoin d'un peu de repos et je crois que ces longues heures de traversée vont pouvoir le lui apporter.

A une heure aussi tardive, il n'y a presque aucun passager à bord du ferry. Les longues rangées de sièges sont pratiquement vides, j'ai l'embarra du choix pour m'installer. Je décide de prendre quartier près d'une fenêtre en espérant pouvoir regarder la mer quand les nausées me gagneront, et je sais qu'elles y parviendront. Je n'ai malheureusement pas le pied marin.

Les heures passent et mon envie de vomir stagne dans mon estomac. Dehors, la pénombre enrobe le navire, je ne vois donc strictement rien. La lutte devient si difficile que mon corps me lâche, je dois aller aux toilettes et tout de suite ! C'est donc en courant que je les gagne, me précipitant sur la première cuvette que je trouve. La houle que le cyclone engendre, malgré qu'il passe loin de notre position actuelle, fait tanguer le ferry. J'ai beau avoir la sensation que mon estomac est vide, j'ai encore envie de vomir toutes mes tripes. J'attends donc patiemment accroupie, la tête juste au-dessus de la cuvette, que mes flux gastriques remontent.

- Ça va ? M'interroge une voix masculine en faisant claquer la porte des toilettes derrière lui.

Il ne me faut qu'une micro seconde pour reconnaitre Shawn. Je tente alors de lui répondre mais je sens le liquide remonter le long de mon œsophage. Pour la énième fois, je viens de vider mon estomac par le mauvais côté et ce, devant le canadien qui plus est.

- Je crois que j'ai la réponse.

- Qu'est-ce que tu veux ? Lançais-je froidement.

- Juste m'assurer que tout va bien. Je me suis inquiété en te voyant partir en courant.

- Je suis une grande fille Shawn.

Mon ton cinglant lui fait comprendre que je ne suis pas d'humeur à discuter comme si de rien n'était avec lui. Par ailleurs, il campe sur sa position et vient s'assoir à côté de moi dans un mutisme digne des meilleurs films en noir et blanc. Ne pas avoir sa voix tambourinant dans ma tête apaise mon mal de crâne. J'arrive à me concentrer pour garder le peu de nourriture qui subsiste encore dans mon estomac.

- John aussi vit un moment difficile, il est toujours malade en bateau, m'informe-t-il.

- Ravie de le savoir.

- Il joue les balaises mais c'est un fragile en fait, plaisante-t-il.

Pourquoi s'entête-t-il à vouloir me faire la conversation ? D'autant plus si c'est pour me sortir ce genre d'âneries. Je ne suis pas d'humeur à rire et lui non plus ne devrait pas l'être. Il y a quelques heures encore la fureur rugissait dans ses yeux et désormais il joue le petit agneau en ma présence.

Son attitude changeante m'exaspère, je m'apprête à le lui faire comprendre quand doucement, il se met à chanter. Les paroles de Thinking out loud d'Ed Sheeran me percutent de plein fouet dans un tourbillon ravageur. Je me laisse emporter sans avoir le temps de m'accrocher, complètement prise au dépourvue par ce timbre si charmeur. Shawn a des défauts, comme tout le monde, mais ce qui est certain c'est qu'il a en lui un incroyable don. La nature lui a octroyé des cordes vocales ensorcelantes, personne ne peut y résister, pas même moi.

Mes muscles se détendent au rythme de sa voix, mon mal de cœur s'apaise progressivement tandis que je laisse mon dos gagner le mur où le sien s'y trouve déjà. Je ferme les paupières pour apprécier davantage la mélodie des paroles, et refrène toutes mes pensées négatives à son sujet. Du moins pour le moment. Je n'oublie jamais ce que les gens font aux autres.

Tous les deux assis sur le sol en carrelage blanc des toilettes pour femmes, nous sursautons au cri strident d'une dame ayant fait son apparition. Elle parait choquée et très énervée de voir un garçon dans les toilettes normalement réservées pour le sexe opposé. Elle hurle ce qui semble être des reproches à Shawn puis le frappe avec son sac à main. Le canadien a beau s'excuser mille et une fois auprès de cette grand-mère plus qu'en colère, le mal est fait. Étant donné que je me sens un peu mieux, j'emboite le pas à Shawn qui a déguerpi le planché à l'instant où la femme allait le frapper au niveau de ses organes génitaux.

- J'ai cru qu'elle allait faire un poster de ma tête sur le mur des toilettes !

La situation prête à sourire et dans d'autres circonstances, j'aurais certainement ri aux larmes. Mais aujourd'hui, après tout ce qui s'est passé, je n'ai pas envie de parler sur un ton léger avec lui et ça il l'a bien compris.

- Bon, j'ai fait quoi cette fois ? S'agace-t-il en s'arrêtant juste devant moi.

- Réfléchis.

- C'est ma dispute avec Liam c'est ça ?

Je place mes mains sur mes hanches et plonge mon regard droit dans le sien. C'est bien, il arrive encore à réfléchir. J'avais peur qu'il ait perdu cette capacité quand un boulon de son cerveau à céder et que ses nerfs se sont déchainés sur Liam.

- Tu me fais la tête pour un truc qui ne te concerne même pas ?

- On est un groupe alors forcément tes actes ont des retentissements sur tout le monde !

D'un air nonchalant, il croise ses bras sur son torse et me toise de bas en haut. S'il pense m'impressionner il se trompe complètement, ce genre de technique d'intimidation j'y ai déjà eu le droit des centaines de fois. C'est l'avantage d'avoir des frères et un meilleur ami, les garçons ont beaucoup moins de secret pour moi.

- L'Asie est une partie du monde que nous, artistes occidentaux, pensons impossible à conquérir. Alors quand je réalise que je ne pourrai pas assurer un concert ici, après tout le mal que je me suis donné pour parvenir à remplir des salles de concert dans cette partie du globe, j'ai pété un câble.

- Donc t'as laissé échapper ta colère sur Liam, dis-je hargneusement.

- Je sais que je n'aurais pas dû, il n'y était pour rien. Mais ce qui est fait est fait.

- Donc tu n'iras pas t'excuser ?

- Pas pour le moment.

Sa réponse me met hors de moi. Je ne pensais pas dire ça un jour mais il réagit comme une célébrité pourrie gâtée. Moi qui croyais naïvement qu'il était l'exception, celui qui avait la possibilité de prouver au monde entier que non, les stars ne sont pas toutes des êtres devenus stupides à cause de la gloire.

- Je n'en reviens pas que t'es aucun regret !

- Vivre dans le regret c'est néfaste, je l'ai appris à mes dépends.

- Mais merde ici il est question d'accepter ses torts ! Liam est tout aussi coupable que toi ou moi pour ce retard ! C'est ton ami et tu le traites comme un vulgaire employé !

- Ne me fais pas une morale sur l'amitié s'il te plait. On n'a pas tous un super meilleur ami avec qui on partage sa brosse à dent ou son gel douche.

- C'est normal que tu ne connaisses pas ça vu comment tu traitres tes proches, lançais-je d'une voix virulente.

Mon sang bouillit à l'intérieur de mon corps comme de l'eau dans une cocotte-minute. Je ne vais pas tarder à exploser face à un débile entêté et beaucoup trop fier pour admettre ses torts. En réalité, ce qui m'horripile le plus ce n'est pas son comportement mais ce que ses actions vont engendrer. Il aura beau crier sur tous les toits qu'il n'en a que faire de Liam, au fond il s'en voudra et le regret le submergera comme moi il m'a noyé lorsque je n'ai pas avoué à mon ami d'enfance que je l'aimais.

Cette simple pensée de Brent, celui pour qui mon cœur palpitait, me rend nostalgique. Un goût amer gagne ma gorge, m'obligeant à me calmer si je ne veux pas qu'il s'empare de ma bouche toute entière.

- Le regret est un sentiment destructeur, je le sais aussi, repris-je d'une voix triste.

- Alors fais comme moi et chasse le.

S'il y a un sujet tabou dans ma vie, celui qui me rend irrémédiablement morne, c'est bien l'histoire qui concerne Brent. Nous étions amis depuis toujours, mais je me suis rendue compte que j'avais des sentiments pour lui seulement le jour où il est parti pour Londres afin d'y faire ses études supérieures. Je m'en veux encore de ne pas avoir ouvert les yeux un peu plus tôt.

Désormais, c'est trop tard. J'ai été assez godiche pour me disputer avec lui au sujet de sa nouvelle petite amie, jouant les amoureuses jalouses alors que je n'en avais nullement le droit. C'est moi la seule et unique fautive de ce triste dénouement, je n'ai pas eu le cran de laisser parler mon cœur. Au lieu de cela, j'ai préféré le lacérer à coup de regrets, le rendant inapte à aimer quiconque.

- C'est cette aventure qui était censée me le faire oublier, murmurais-je.

La tête baissée, je l'esquive pour regagner ma place. Shawn ne me retient pas, je ne m'attendais de toute façon pas à ce qu'il le fasse. S'il ne s'excuse même pas auprès d'un ami, il ne le fera jamais avec moi alors que je ne suis qu'une simple collègue. 

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Trailer chapitre 16 :
"Moi : "Tu sais que tu vas me manquer quand tout ça sera terminé." avoue-t-il après avoir marqué un temps de pause.
Shawn : "Mais arrêtes de dire n'importe quoi, t'auras qu'à refaire un concours et comme ça tu rencontreras une nouvelle personne.""
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Un nouveau chapitre de 2000 mots ^^ quand j'ai de l'inspi on ne m'arrête plus.

Le froid est toujours présent entre Mel&Shawn, tout ne s'arrange pas en un claquement de doigt dans la vie (j'essaie que cette fic ressemble le plus à la réalité possible).

Merci pour les 900 vues et tous vos super commentaires ❤️ (bientôt le cap des 1k 👌🏻).