Chapitre 8
« Cette guerre existe à cause de toi ». Je me demande si j'ai bien entendu. Peut-être qu'à l'exemple du téléphone arabe, les mots se sont mélangés dans ma tête et cette phrase en est ressortie. Peut-être faisais-je erreur ? C'est ça. Je dois forcément me tromper. J'ai dû mal comprendre.
« - Pardon ? »
Comment une guerre pouvait exister à cause de moi ? Je ne suis rien. Je ne suis personne. Je ne suis qu'Antoine, un gars venant de la campagne pour faire ses études et les ayant lamentablement ratés avec brio.
Alors comment pouvais-je être la cause d'une guerre ?
« - Tu ne devrais pas lui annoncer une telle chose avec autant de simplicité dans la voix. Ceci est indépendant de sa seule volonté »
Une voix résonne. Une voix nous interrompt. Une voix provenant des escaliers.
Mon œil suit un homme d'âge mûr, les cheveux immaculés de blanc. Il a un air grave, sévère. Une posture droite. Rien que sa simple présence dégageait un petit quelque chose que je ne saurais décrire.
« - Augustus. »
Nathan recule, baissant légèrement la tête devant lui comme s'il s'inclinait.
Qui était-ce ?
Soudainement, il lui met une claque sur la tête tandis que Nathan se tient cette dernière.
« - Je t'avais pourtant demandé de m'attendre ! Impatient !
- Je suis désolé...C'est juste que...
- Que quoi ? Tu as cru que tu pouvais faire l'affaire ? Les jeunes de nos jours...Aucune patience. Laisse-moi faire maintenant. »
Il se retourne vers moi et j'ai d'autant plus envie de repartir en courant qu'auparavant. Pourtant, il semble me tendre une main amicale et en vient même à me sourire.
« - Mille excuses pour le comportement grossier de mon petit-fils. Il ne sait pas encore de quoi il parle. La jeune génération ahahaha !
- Mais je...
- Chut toi ! Silence maintenant. Je ne veux plus t'entendre. »
C'est la première fois que je vois Nathan ainsi...Comme un chiot baissant les oreilles et la tête comme s'il venait de se faire gronder.
« - Je m'appelle Augustus, je suis le maître de cette humble demeure et de cette grande et bordélique famille. Bienvenue chez moi !
- Euh...Antoine... »
Je saisis sa main avec autant de poigne qu'une limace, ce qui me vaut une tape sur l'épaule qui limite m'aurait presque fait mal.
« - Voyons un peu de nerf mon garçon ! Je ne vais pas te manger, tu sais ?
- Ou...Oui... »
Pourtant, pourquoi ne me sentais-je pas en sécurité ? Il était évident que je prenais un plaisir malsain à voir Nathan autant malmené par un vieillard, mais une partie de moi me hurlait de m'enfuir. De me précipiter dehors. De prendre mes jambes à mon cou. Une partie de moi craignait cette puissance imposante.
Une partie de moi avait peur de cet homme. Réellement peur.
« - Je ne veux pas paraître impoli, monsieur, mais...
- Tu peux m'appeler Augustus, tu sais ? Après tout...Nous nous connaissons depuis longtemps toi et moi. »
Je ne suis pas certain de comprendre. Pour changer.
« - Est-ce en rapport avec ce que Nathan vient de me dire ?
- Plus ou moins. Antoine, mon petit, que sais-tu des sorciers ? »
Tout ! Ils reçoivent une lettre par La Poste les conviant dans une grande école ressemblant à un château. Ils apprennent les arts de la magie, les sorts et pratique un sport violent sur un balai volant.
Me trompais-je d'histoire ? J'adorerais la partie balai volant pourtant. Je rêverais d'en avoir un sous le coude pour m'enfuir d'ici.
« - Rien. »
Mais la vérité était bien plus triste que ma maigre culture sur le sujet « sorciers ».
« - Viens avec moi. Et toi, bon à rien, vas me chercher Anna. »
Je le suis tandis que mon envie première me crie de m'accrocher à Nathan. A sa jambe tel un koala.
Me voilà m'engouffrant dans les entrailles de cette maison sans fin, suivant un homme étrange.
« - Entre dans cette pièce. »
Mes premiers pas consistèrent à me faufiler dans une impressionnante bibliothèque qui en ferait pâlir plus d'une. Emmagasiner les ouvrages, à ce niveau-là, ça relève de la folie.
« - Hmm...Où est-il déjà ? Voyons, je pensais qu'il était sur cette étagère. Non ? Bon peut-être sur l'autre ? Alors, alors...Ah ! Le voilà ! »
Augustus attrape un impressionnant livre relevant des atlas de géographie et commença à déplier les pages. Immédiatement, de petits personnages prirent vie ce qui me poussa à échapper un cri.
« - Ne t'affole pas...Ce n'est qu'un livre d'histoire animé...Rien d'autre.
- Oui enfin...Je...Le livre...
- Il n'est pas vivant. Calme-toi maintenant. »
Oui chef.
Pouvais-je être calme ? J'avais toutes les raisons du monde de ne pas l'être justement. Je pouvais hurler, paniquer, crier, pleurer...Je pouvais tout faire présentement sauf être calme.
« - J'ai une histoire à te raconter, Antoine. Prends une chaise.
- Je..Je préfère rester debout, c'est gentil, merci.
- Prends une chaise. »
Appuyant sur chacun de ses mots, je m'exécute par peur de me retrouver changer en crapaud ou autres créatures étranges.
« - Maintenant, ouvre grand tes oreilles. Il y a des choses que tu as besoin de savoir. »
Vraiment ?
« - Il y a fort, fort, fort longtemps, à la création du monde, on confia la sécurité et la gestion de ce dernier à trois entités : La bonté, la tempérance et l'espérance. Ces trois entités eurent chacune une descendance qui s'ancra parmi les hommes et donna naissance ainsi aux premiers « sorciers » de notre histoire. Le terme barbare est « sorcier » mais nous n'apprécions guère ce terme, il englobe trop de choses. Passons. Chacune de ses branches disons-le, se diversifia et s'égara plus ou moins sur le chemin. Voyant que leurs branches s'écartèrent respectivement de leurs devoirs, les trois entités se réunirent pour n'en former plus qu'une et cette « boule » d'énergie, de pouvoir fut convoitée sous la forme d'un objet : le Saint Graal. Ce terme t'était-il familier ?
- Oui, mais je pensais que...Enfin la quête du Graal est une quête mythique de l'histoire du Roi Arthur de Camelot, non ?
- Arthur faisait partie de l'une des trois branches...L'espérance. On dit que le Graal est capable de réaliser n'importe quel vœu. Sans limites. Sans borne. Sans rien. Qu'il suffit de l'avoir pour être près de ce « tout » qui nous a donné vie en quelque sorte. Donc au fil des années, les trois branches, devenues trois familles, commencèrent à se disputer le Graal, entraînant ensuite une guerre sans fin.
- Ouais enfin c'est bien mignon, joli votre histoire, mais en quoi ça a un quelconque lien avec moi ?
- J'y viens ! Laisse-moi finir !
- Pardon...
- A chaque génération, sa guerre, sa bataille, mais à chaque fois, le Graal se métamorphose en une « autre » chose. Cette année...Cette génération-là...Cette « chose » concentrant tous les pouvoirs...C'est toi. Tu es le Saint Graal, Antoine. C'est pour ça que tu nous es précieux. »
Et j'ai remercié le seigneur de m'être assis tout à l'heure sur la chaise parce que je crois que je me serais effondré.
« - Attendez, attendez, attends ! Vous êtes en train de me dire que...Je suis une sorte de coupe ?
- Le modèle « coupe » est récurant, il est vrai et c'est la première fois que le Graal se manifeste en un homme...Pour nous aussi c'est tout nouveau. Mais ne t'en fais pas...Ici, tu ne risques rien. »
Je me lève précipitamment, faisant basculer la chaise en arrière avec cette impression que l'on m'écrase la cage thoracique. J'étouffe. Je suffoque.
« - Non. »
C'est une blague.
C'est un mauvais rêve. Je n'ai qu'à me pincer et...Aïe !
Poussant la porte de la bibliothèque, je me précipite une nouvelle fois vers la porte d'entrée devant laquelle Nathan m'attendait.
« - Pousse-toi ! »
Je n'arrive plus à respirer. Je ne sais plus comment on fait. Je ne..Je ...
« - Calme-toi... »
Il m'agrippe les bras avec le regard presque désolé.
« - Lâche-moi !
- Antoine...Calme-toi. »
Je ne suis pas sûr de le vouloir.
Je ne suis...Je ne suis plus sûr de savoir qui je suis.
« - J'aurais aimé te le dire, vraiment. Chaque jour, à chaque instant. J'aurai aimé te le dire. J'aurais aimé que tu l'entendes. Mais maintenant, c'est trop tard, nous ne pouvons plus faire marche arrière. Tu es avec nous.
- Non. Je ne suis ni avec vous, ni à vous. Je ne suis pas un objet de collection. »
Je me défais de sa poigne et passe la porte, retournant dans la rue tandis que le jour se lève à l'horizon.
Je ne suis pas et ne serait jamais cette « chose ». Je suis un être humain. Banal. Un être humain tout ce qu'il y a de plus normal avec tous ses défauts et son peu de qualité. Je suis qui je suis.
Je ne suis pas un objet.
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