Chapitre 38
On m'a installé dans une chambre et on m'a dit d'attendre. On m'a dit que quelqu'un allait venir pour s'occuper de moi. On m'a dit de rester là et de ne pas sortir. On m'a dit de ne pas m'inquiéter et qu'à partir de maintenant, tout allait bien aller.
On ne m'a jamais autant menti en si peu de temps.
Je sais que ça n'ira pas. Je sais que rien n'ira et que l'on ne faisait que se bercer d'illusions si l'on croyait de telles paroles. Je sais que rien n'ira mieux tant que l'on ne fait rien. Tant que l'on se contente de rester là et d'attendre.
Augustus n'attendra pas lui. Il viendra.
Il est ce genre de serpent qui se terre et qui attaque à la moindre opportunité comme il venait de le faire. Pourtant, je n'arrivais toujours pas à haïr cet homme. C'est vrai que j'avais de la rancune et une certaine forme de dégout, mais je n'étais pas furieux, je n'étais pas en colère. Je n'étais pas dans cet état de transe dans lequel je devrais normalement me trouver.
Non. J'étais là, assis sur le rebord d'un lit, à attendre comme on me l'a sagement conseillé. De toute façon, j'étais bien incapable de gambader ici et là.
« - Tu as une horrible tête. Les combats de boue, ce n'est vraiment pas ton truc. »
Nina me regarde avec un demi-sourire amusé, mais moi, ça ne me fait pas rire. Ou du moins, je n'y arrive pas.
« - Je sais...Je suis nul. »
Elle s'approche de moi en attrapant mon visage d'une main et me disant droit dans les yeux :
« - Tu n'es pas nul. Plutôt pathétique, mais pas nul. »
C'est quoi la différence de toute façon ? Ça revient au même non.
« - J'ai quelqu'un à te présenter...Viviane m'a dit qu'elle t'en a parlé.
- Hmmm ?
- Entre ! Viens ! »
Une petite fille fit alors son apparition sur le pas de la porte. Deux couettes de couleurs châtains entouraient un visage rondouillet. De grands yeux marrons...Marrons comme les miens.
« - Tu sais que chez nous les sorciers, le concept même de la « vie » c'est bien particulier. »
Il ne m'en fallut pas plus pour comprendre qui elle était.
Il ne m'en fallut pas plus pour la prendre dans mes bras.
« - Par contre...Elle ne « sait » pas encore qui elle est...Mais ça peut être une copine de jeu, non ?
- Merci... »
Cela voudrait-il dire que ma mère était une Maganti ? Cela voudrait-il dire que ça me relie à cette famille ?
Quand je m'en suis écarté, heureux et soulagé, je me suis retourné vers Nina.
« - Et Julius ? Nathan ? Est-ce que...
- Ils en ont connu des pires...Ils s'en remettront. Julius est dans une chambre au bout du couloir il me semble et Nathan doit être avec Balthazar, à discuter.
- Et Viviane ?
- Avec son frère. Je présume que malgré tout, il lui manque un peu. Tu veux y aller ?
- Non...Je ne veux pas...
- Déranger ? Ils se sont battus pour toi Antoine. Ils se battront pour toi. Que tu le veuilles ou non, maintenant que tout a commencé, tu ne peux pas renier le fait que tu t'es entouré de trois familles. En soi, c'est un exploit.
- Et toi... ? Que vas-tu faire ?
- Comment ça ? Est-ce que je vais me battre pour toi ? Ah ça mon coco...On n'est pas assez potes toi et moi pour que je t'accorde ce privilège, mais je tiens à Julius et je l'ai toujours suivi dans sa folie alors bon...Je présume qu'indirectement, je fais partie du plan oui. Par contre...Dans tes futures décisions...Évite de précipiter notre mort. On renaît, certes, mais ça me ferait chier de mourir pour un rien. »
Ils parlaient tous de la mort comme de quelque chose d'anodin, comme un parcours d'obstacle à franchir. Ils s'en fichaient tous pas mal, car d'une certaine façon, ils savaient qu'ils allaient revenir.
Moi, c'était ma première fois.
Ma première expérience.
Je connais le mythe du Saint-Graal à travers la légende Arthurienne.
Je connais le mythe du Saint-Graal dans lequel serait entreposé le sang du Christ.
Mais je ne connaissais pas cette version. Ma version.
Je ne renaîtrais certainement pas en tant qu'homme. Peut-être est-ce ma seule et unique chance alors de changer le cours des choses.
« - Du coup ? Qu'est-ce que tu veux faire maintenant ?
- Prendre une douche. »
C'est vrai. J'en rêve secrètement depuis que je suis arrivé ici.
« - Je vais aller te chercher de quoi te rhabiller. Ne bouge pas. »
Après avoir discuté avec Nina, cette sensation d'oppression que je ressentais depuis le début m'avait enfin lâché. Je commençais à me mettre à l'aise et même si ma mère avait 6 ans présentement et même si ce n'était qu'une petite fille, j'étais bien heureux de voir qu'elle était « là ».
J'aurai au moins un souvenir d'elle. Un étrange souvenir, mais un souvenir quand même.
Quelques heures plus tard, Nathan venu me voir. C'est la première fois que je le voyais dans un état pareil, mais malgré tout, il affichait son même et unique sourire.
« - On m'a dit que t'as donné du fil à retordre aux Caligari. J'aurai aimé voir ça ! Ahaha ! »
J'aurai aimé être comme lui. Insouciant, riant de tout et surtout de ma famille. J'aurai aimé ne pas être impacté. Ou j'aurai aimé ne pas le montrer. Je l'enviais. J'enviais cette faculté qu'il avait.
« - Disons que j'ai essayé...Et toi alors ? Ça va ?
- Hmmm...Ça va. Oui. Je suis content que l'on soit tous ici.
- Est-ce que tu ne regrettes pas ta décision d'être avec moi ? Je veux dire...Ta famille et...
- Je t'arrête de suite. »
Il s'approche de moi réduisant à néant la distance qui nous séparait alors.
« - Je suis peut-être un sorcier, mais je ne suis pas une arme de destruction massive non plus. Je suis humain...Comme toi. Moi aussi j'ai des sentiments donc oui, je préfère être ici avec toi et non, je ne regrette rien. Si c'était à refaire, je referais exactement la même chose. Pourquoi te sens-tu responsable de la sorte ?
- Je me dis que tout ça...C'est un peu de ma faute.
- Non. Ça a toujours été comme ça. On s'est toujours battu, ce n'est pas d'aujourd'hui. Ça ne changera pas. La seule nouveauté est que cette fois, je suis dans un nouveau camp.
- Quel camp ?
- Le tien. Voilà ce qui change. On est tous dans ton camp. »
Parce qu'indirectement, on venait de créer une quatrième famille. Celle des « bras cassés », des « rebelles » et des « rejetés ». On avait créé un petit groupe à nous quatre parce que c'était mieux de se servir les uns, les autres que de servir une cause qui nous dépassait et à laquelle nous n'avons, sans doute, jamais rien compris.
La famille des « paumés » s'était formée autour de moi alors que je n'ai rien demandé.
« - Je viens de discuter avec Balthazar.
- Je sais...Nina m'a dit que vous étiez ensemble.
- Il est plutôt sympa. Je ne l'ai que rarement vu dans mes nombreuses vies. Il ressemble presque à Julius. »
Rien que d'entendre son nom me met dans un drôle d'état. J'ai peur pour Julius.
Peur de ce qu'il adviendra de lui et je crois que Nathan l'a compris depuis quelque temps au vu de son sourire. Il était tout aussi triste que mes yeux.
« - Tu sais, c'est un gars borné...Si c'est vraiment le chemin que tu choisis, je le respecterais, mais tu ne pourras pas l'empêcher de faire ce qu'il veut faire. Jamais. Julius est le vent...Il est libre. Toi tu n'es que le roseau....Tu te plieras à sa volonté.
- Ahaha...On dirait que tu connais.
- Tu n'as pas idée. Je suis passé par là avant toi Antoine. »
Je présume qu'être le « suivant » devrait m'attrister ou me rendre jaloux, mais ce n'est pas le cas. Je ne pouvais pas l'être. Julius et Nathan avaient leur histoire aussi et même si je ne la connaissais pas, je pense que c'est pour le mieux. Au fond, ce n'était pas mon histoire.
« - Tu ne veux pas aller le voir ?
- Et toi ? Que vas-tu faire ?
- Oh...Me faire martyriser par Nina. J'ai appris qu'elle m'attendait. Elle va peut-être faire mon infirmière personnelle...Qui sait ? »
Il me glisse un léger clin d'œil salace ce qui ne manque pas de me faire sourire. Nathan ne change pas. Nathan ne changera jamais. Toujours à courir à droite et à gauche. Ça aussi je l'ai compris.
« - Bon courage si tu crois qu'elle pliera devant toi.
- Tu n'imagines pas mes talents de grand séducteur !
- Ahaha ! Si, si je les connais même très bien figure-toi ! Je suis passé par là... »
Il éclate de rire en remarquant que je lui ai ressorti sa phrase dans la figure.
« - En tout cas...Si je peux te donner un conseil...Va voir Julius. Je te connais, tu le regretteras sinon. Et puis s'il tente quoi que ce soit, vu son état, tu n'auras qu'à l'assommer, ça ne devrait pas être trop dur.
- Tu veux que je l'achève ?!
- Ahahaha ! Je dis ça pour toi si tu as peur qu'il ne t'attrape et qu'il ne te mette dans son lit ! »
Avais-je peur de ça ? Non.
Finir dans le lit de Julius n'était pas le problème, lui faire face par contre...l'était. Je me sentais responsable pour ce qui lui était arrivé et je sais que m'excuser ne changera rien.
Nathan avait raison...Je devais y aller. Ne serait-ce que pour moi...Je devais y aller.
Je devais y aller et lui dire...Lui dire à quel point il m'est précieux.
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