Chapitre 36

Je me suis réveillé en sursaut en pleine nuit. Je me suis réveillé avec le dos trempé, les mains moites, le cœur battant. Je me suis réveillé avec le regard perdu. Non pas que j'ai fait un cauchemar ou alors je ne m'en souviens pas, mais je me suis réveillé à cause d'une impression, à cause d'une sensation.

À ma fenêtre, Julius se tenait droit comme un piquet. Il scrutait l'extérieur et la lune se reflétait dans ses yeux. Julius attendait quelque chose. Quelque chose qui était là, dehors. Il avait ce petit sourire satisfait comme s'il savait.

Comme s'il savait que là dehors...La tempête est au-dessus de nos têtes.

« - Habille-toi.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui se passe ?

- Ne discute pas. Fais-le vite, c'est tout. »

S'il y avait bien une chose que je détestais le plus au monde après les épinards, c'était de recevoir des ordres, plus particulièrement de quelqu'un de mon âge. Je sais que théoriquement, les sorciers sont beaucoup plus vieux que moi malgré leurs apparences trompeuses, mais quand bien même, je détestais ça.

« - Ils sont là. »

Nathan arrive à son tour dans ma chambre tandis que Julius s'écarte de la fenêtre.

« - Bien.

- Nous sommes encerclés...

- Je n'en attendais pas mieux de leur part. »

Mon regard joue au tennis entre ces deux-là qui semblent prendre un malin plaisir à parler dans un langage codé que seuls eux comprennent.

Et moi ? Est-ce que l'on se rappelle que je suis au milieu ?

« - Viviane est... ?

- Dehors, comme convenue. Elle va les occuper pendant qu'on sort avec Antoine.

- Alors, on y va. »

À peine ai-je enfilé mon blouson que Julius m'attrape par le bras et m'entraîne dans les escaliers.

« - Est-ce que l'on pourrait avoir l'amabilité de m'expliquer ce qu'il se passe ? Où est-ce que l'on va ?

- Loin. Le plus loin et le plus vite possible.

- Pourquoi ? Qui est dehors ? Qu'est-ce qui se passe ?

- Disons qu'une famille en particulier nous en veut encore pour notre dernière visite de courtoisie chez eux. Viviane a dû s'occuper de la première vague à l'heure qu'il est, mais les Tenebris sont pires que de la mauvaise herbe. On ne s'en débarrasse pas comme ça. »

Tenebris ? Ai-je bien entendu ?

À peine avait-on passé la porte arrière de la maison qu'un fouet d'eau nous manque de peu.

« - Bonsoir les garçons. On peut savoir où est-ce que vous allez comme ça ?

- Ah parce qu'on a le droit à la casse-couille de service. Dit donc, t'as l'âge de sortir toi ? C'est pas un peu tard pour toi ?

- Nathan...Toujours aussi fort avec la langue, mais si peu avec la magie. Laisse-nous le Graal et peut-être, je dis bien peut-être, que je te laisserais la vie sauve.

- Mademoiselle est bien bonne malheureusement ça ne se passera pas comme la dernière fois dans les vestiaires.

- Tu me parais bien sûr de toi flammèche.

- Tu veux venir essayer ?

- Nathan ce n'est pas le moment de jouer ! »

La voix autoritaire de Julius se fait entendre tandis que sa poigne se resserre autour de mon bras. Était-il inquiet ? Non. C'était autre chose. Il y avait autre chose. Autre chose qui se dissimulait là, dans le regard de Nathan. Une lueur. Une flamme. Un incendie.

« - Pars devant. Je vous rattraperais de toute façon. Je vous fais une allée d'honneur ! Si tu perds Antoine, je t'assure que je te ferais bouillir comme une écrevisse.

- Comme si j'allais le perdre. Plutôt mourir que de le voir loin de moi. »

Je présume que je devrais me réjouir d'une telle déclaration ?

Soudain Zoé, si c'était bien son nom, lança une énorme bulle d'eau que Nathan contra avec une boule de feu de taille équivalente. La rencontre des deux provoqua un important nuage de vapeur, nous camouflant totalement du champ de vision des Tenebris venu jusqu'ici. Ouverture largement exploitée par Julius qui se précipita dans les champs.

« - Surtout, tu ne me quittes pas. Tu ne te retournes pas. Tu cours en regardant toujours devant toi ! Compris ?

- Mais et...

- Ils nous rattraperont ! Aller, cours Antoine ! Cours ! »

Il ne nous fallut pas longtemps pour commencer à entendre les explosions, les cris et divers autres sons.

Ne te retourne pas. Cours. Ne te retourne pas. Cours. Ne te retourne pas. Cours.

« - Attends ! Stop ! Pause ! »

À bout de souffle, j'attrape la manche de Julius qui me passe devant pour le signifier que j'étais à l'arrêt total. C'était bien connu, je n'étais pas le plus grand des sportifs. À vrai dire, courir cent mètres était pour moi, un exploit en soi.

« - Qu'est-ce que tu fous putain ?

- Je...Je...Je ne peux plus...

- Quoi ?!

- J'ai...J'ai...J'ai un point de côté en plus. Ça fait vachement mal.

- Tu crois vraiment que c'est le moment ? Endure un peu, souffre en silence et avance Antoine ! On n'y arrivera pas si tu restes planté là ! »

Il me traine de force par le bras et m'entraine avec lui. Je ne sais pas comment mes jambes font pour avancer. Je ne sais pas comment mon corps fait pour suivre son rythme, sa cadence.

On arrive au bout des champs sans voir Viviane ou Nathan nous revenir.

Qu'est-ce qu'ils foutent ?

« - On s'arrête là les garçons. »

Soudain, face à nous une rangée d'hommes et devant eux, dans son costume fait sur mesure, tenant grâce à sa canne de luxe, Augustus.

« - Augustus Caligari. »

Qu'est-ce qu'il fait ici ? Venait-il aider ?

Non.

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

« - Maintenant, mon garçon, remets-nous le Graal. Il sera en de meilleures mains.

- Non. »

Julius m'attrape une nouvelle fois et me cache derrière lui, ce qui, au vu de sa carrure, n'était pas très compliqué.

« - Cela a déjà été toute une histoire par le passé alors que ta famille avait le Graal. Tu veux réellement répéter les mêmes erreurs ?

- Vous ne voulez l'utiliser que dans votre intérêt personnel. Mais cette fois, les règles ont changées. Il est humain...Laissez donc Antoine choisir.

- L'appeler par son nom d'humain ne te sera que plus compliqué le moment venu. Remets-le-moi.

- Vous pouvez aller vous brosser.

- Je sais que tu es un ami de Nathan, non ? Il me semble que vous avez eu une aventure tous les deux non ? Cela me ferait du mal pour lui que de te blesser alors soit un garçon intelligent et écarte-toi.

- Non. »

Que valez Julius contre une mini armada de sorciers ? Même seul, ils nous sont largement supérieurs.

« - Comme tu voudras. Je dirais à Nathan que ceci n'est qu'un malencontreux accident et que dans, le feu de l'action, je t'ai confondu avec un Tenebris. Cela ne sera pas trop dur à avaler étant donné qu'ils sont juste derrière. Il le croira facilement.

- Vous irez jusqu'à mentir à Nathan pour ça ? »

Je ne sais pas pourquoi je m'en mêle, mais je sais que ma voix est faiblarde, tremblante.

« - Tu n'imagines pas, Antoine, ce que je suis prêt à faire pour en finir avec cette guerre grotesque.

- Vous savez que les Tenebris sont là-bas, n'est-ce pas ? Vous savez que Nathan est là-bas et pourtant...Vous n'envoyez personne l'aider ? Vous allez le laisser seul, est-ce que je me trompe ?

- Nathan est considéré comme un traitre. Il s'est délibérément emparé seul du Graal et s'est allié à une Tenebris et un Maganti. Cela va à l'encontre de nos lois. Personne n'ira là-bas pour lui et personne ne viendra pour vous. Maintenant, je te saurais gré de bien vouloir nous rejoindre qu'on en finisse.

- Aller vous faire foutre. »

Ça fait tellement longtemps que je rêve de lui balancer ça.

« - Tu as le même tempérament que ta mère...C'est regrettable, mais s'il faut employer la force...Vous ne nous laissez pas le choix. Messieurs...Faites-vous plaisir.

- Antoine cours !!! »

Julius me pousse d'une main au sol tandis qu'une terrible bourrasque souffle les quelques sorciers s'étant approchés de nous.

« - Aller ! Va-t'en ! Dépêche-toi !

- Mais...

- NE DISCUTE PAS ! CASSE-TOI ! »

Je me relève et pars dans une autre direction, vers la forêt. Le seul endroit dont je me souvienne réellement. Le seul endroit où je pourrais fuir.

Le seul endroit où je pourrais les abandonner.

« - Poursuivez-le ! Ne le laissez pas s'échapper !

- Dans vos rêves ! Il faudra me passer sur le corps en premier ! »

J'ai couru. J'ai couru avec la mort aux trousses et la peur au ventre. J'ai couru aussi vite que je l'ai pu.

J'ai couru sans me retourner. Sans regarder en arrière.

J'ai couru en me demandant si j'allais survivre à demain.

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