Chapitre 32
On est rentrés tous les deux côtes à côtes dans le plus grand des silences. Je pense que malgré nous, malgré nos dires, on avait besoin de temps, tous. On avait besoin de temps pour digérer et pour « faire avec ». Parce qu'il n'y avait pas d'expression plus juste celle-ci pour moi...pour ce moment. « Faire avec ».
En entrant, on découvrit que Nathan était allongé sur le canapé, endormi. Peut-être que dormir était aussi une façon d'oublier temporairement.
Malgré nous, on sait que cette histoire mettra du temps à faire son chemin.
« - Je monte me doucher...Je crois que j'en ai bien besoin.
- D'accord... »
Je ne suis même pas certain d'avoir de l'eau chaude dans cette maison. Tant pis. Apparemment, l'eau froide ça fait circuler le sens.
J'ai commencé par enlever ma chemise et les quelques boutons que j'avais désespérément réussi à mettre.
« - Habiller vendredi avec samedi...Là c'est carrément vendredi avec lundi. »
Une fois torse nu, seul, devant la glace de la salle de bain, la seule chose que je vis fut cette marque sur mon torse, au niveau de mes reins, toute en bas. Cette marque faite au fer rouge. Cette brûlure inoubliable. Passer le doigt dessus ne faisait plus mal, mais le souvenir lui me hantait encore profondément.
Une marque en forme de « T ». Comme c'est original.
Maintenant, j'ai l'impression d'être l'un de ces vaches de campagne portant la marque de son propriétaire. Ça me dégoute, mais ce n'est pas comme si je pouvais la faire partir au lavage comme une vulgaire tâche sur le corps.
Je ne pouvais juste pas m'en débarrasser.
Je ne sais combien de temps j'ai passé sous l'eau, à penser. À penser à tout puis à rien et à nouveau à tout. Je ne sais combien temps je suis resté planté là à me demander « Et maintenant ? ».
Je ne sais combien de temps je suis resté là à m'imaginer le pire parce qu'il ne pouvait y avoir que le pire à venir.
« - J'ai fini. »
Ma voix ne trouve aucun écho et je me demande si Julius dort déjà. Peut-être. Je n'ose ouvrir la porte de la chambre pour vérifier si c'est le cas ou pas. À chaque fois que j'ai le malheur d'ouvrir une porte derrière laquelle il se trouve...On sait tous comment ça finit.
Je présume que je n'ai plus qu'à les imiter et à aller me coucher à mon tour.
Je ne sais même pas si je réussirai à dormir. J'aimerai sincèrement. J'aimerai dormir et arrêter d'être tourmenté par autant de pensées me venant d'un coup et d'un seul. J'aimerai mettre mon cerveau en « pause » et partir dans les bras de Morphée même si ce n'est que pour quelques heures.
Mais je n'y arrive pas. Je tourne et retourne, cherchant une position, mais rien n'y fait.
Je ne dors pas.
En même temps, comment le pourrais-je ?
Soudain, j'entends la porte de ma chambre s'ouvrir tout doucement, délicatement, et je m'arme d'un oreiller, prêt à le balancer au besoin....Ce que je fis quand j'entrevis une silhouette sur le pas de ma porte.
« - Aïe. »
Nathan apparait, s'étant mangé l'oreiller en pleine poire et j'aurai presque honte de mon geste, mais sur le moment, j'eut une petite vague de satisfaction. J'avais fait mouche.
« - Qu'est-ce que tu fiches ici ?
- Je venais voir si tu dormais...Mais apparemment, tu prépares une guerre de polochons.
- Ça t'apprendra à rentrer sans prévenir. »
Contrairement à Julius, Nathan n'a pas cet air malheureux sur le visage, non. Nathan est égal à lui-même. Je pense qu'il essaye, comme à son habitude, de se donner un genre...Celui qui dit « Je vais bien, tout va bien. Je suis gai tout me plait ». Ce tour aurait pu tromper n'importe qui d'autre, mais il ne me trompera pas. Je connais Nathan.
Oh oui. Je ne le connaissais que trop bien.
Prétexter de venir voir si je dormais en sachant que ce n'était pas le cas était juste une excuse de merde pour pénétrer mon intimité.
« - Est-ce que t'es en colère contre moi ? »
Je le savais.
Nathan peut essayer de me mentir, mais pas son corps.
« - Tu veux dire...À propos de ?
- Je te comprends, tu sais...Je comprendrais ta colère. Je le serais à ta place. »
Sauf que tu ne l'es pas et tu n'imagines pas ce que je ressens présentement.
« - Je suis en colère oui. »
En même temps, il l'aura cherché.
« - En colère parce que t'es rentré dans ma chambre sans frapper. »
Il me regarde interloqué, surpris tandis que je feins un petit sourire moqueur pour le rassurer.
Je ne leur en voudrais pas. Je ne peux pas. Je ne le veux pas.
C'est là toute la différence entre eux et moi. Je ne suis pas eux et ils ne sont pas moi. Je ne me laisserais pas avoir par la discorde. Je ne me laisserais pas berner par ce genre de tour vicieux et traite.
Lâche.
Lâcher une bombe au milieu de trois camps et attendre, voir lequel s'en sortira le mieux, je ne trouve pas ça fair-play comme technique, mais que pouvais-je attendre d'une famille comme les Tenebris ? Je présume qu'agir de cette façon correspond bien à leur façon d'être.
« - Je suis sérieux Antoine !
- Mais moi aussi...
- Réponds-moi !
- À quel propos ? Tu veux savoir si je suis en colère contre toi, non ? Eh bien, non. Par contre...Augutus...C'est différent. »
Parce qu'au fond, ça doit être lui le réel meurtrier du clan Caligari. Ça doit être lui qui s'est occupé de ça. Sur ce point-là, je n'ai aucun doute et ce vieillard ne paie rien pour attendre pour que je m'occupe de ses petites fesses que je prendrais un malin plaisir à frapper avec sa propre canne.
Là oui, je suis en colère.
Néanmoins, Nathan parait soulagé, comme si un poids venait subitement de quitter ses épaules.
« - Merci.
- Ne me remercie pas. Ce n'est pas parce que j'ai décidé de passer outre, si je puis dire, que l'on est amis.
- T'as raison... »
Il se relève et au moment de quitter ma chambre, il me dit :
« - On n'est pas amis...On est plus que ça et tu le sais aussi bien que moi. »
Refermant la porte, il me laisse dans la perplexité totale. Il ne lâche décidément pas l'affaire celui-là.
Nathan en plus d'être le cafard d'une vie c'est une liane. Le genre qui s'enroule autour de vous si elle vous aime bien et ne vous quitte plus, même si pour cela, elle doit vous broyer la jambe.
Avec lui, j'ai déjà perdu une jambe.
J'ai fixé mes orteils dépassant de la couette pendant un long moment. En plus d'être trop grand pour ce lit de gamin, j'ai des pieds dégueulasses. Je viens de m'en apercevoir. C'est fou tout ce que l'on peut remarquer comme détails quand on se fait chier. Mes orteils font partie de ces détails. Ils ne sont pas alignés bien correctement comme ceux de tout le monde, non...Y'en a toujours un ou deux, en fonction du pied, qui dit merde à tous les autres bien en rang. Pourquoi ? Pourquoi faut-il qu'il y ait des rebelles même sur moi ? En plus, mes ongles sont tous cassés eux aussi...Je crois que c'est à cet instant que je rêverais d'être une fille et de m'offrir une manucure. On dirait un loup-garou là...Avec les poils en moins. J'ai pas de poils, c'est horrible. Genre niveau barbe, je peux oublier le côté viril et sexy. Les bras ? Bof, ça va encore et les jambes...On dirait que je me suis épilé y'a une semaine. Pourquoi faut-il que je sois mal foutu putain ?
Et pourquoi faut-il que mon apparence me préoccupe autant à une heure improbable ? Je dois vraiment être crevé.
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