Chapitre 27
Personne n'est venu me voir. Je crois qu'ils se sont passé le mot. Ils ont enfin compris. J'entends par moment des voix derrière la porte, des voix à peine audibles, comme un murmure et puis quelquefois, une fois sur deux, je reconnais les voix de Julius et de Nathan. Dans ma tête, ils sont devant la porte, faisant les vigiles. Je les imagine bien se tenir l'un à côté de l'autre alors qu'ils passent le plus clair de leur temps à se battre. D'ailleurs, je suis même étonné de savoir qu'ils arrivent à se contenir sous un même toit.
Je ne sais pas comment j'ai fini ici, comment ils m'ont ramené. Je ne me souviens de rien. C'est comme avoir trop bu lors d'une soirée, mais sans le mal de crâne...Non j'ai quelque chose de mieux moi...J'ai l'impression qu'on m'a roulé dessus. Pourquoi se contenter d'un vulgaire mal de crâne quand on peut avoir le bonus « mal du corps » ?
La seule chose dont je me souviens est le son de sa voix. La couleur de ses yeux. Les traits de son visage. Je suis parti sans elle. Je l'ai laissé là-bas. Je l'ai laissée seule. Je l'ai abandonnée.
Une vive douleur à la poitrine me lance quand j'y pense.
Je me sens nul. Je voudrais aller la sauver. Je voudrais jouer au super-héros, mais je ne suis qu'un super-looser.
Je ne saurais même pas par où commencer.
Alors, je me contente de rester là, regardant la pluie, l'écoutant s'écouler contre les vitres.
Je suis seul. Seul selon ma volonté.
Je suis seul. Encore.
Une larme, à l'exemple des gouttes de pluie, s'écoule le long de ma joue droite. Pourquoi pleurais-je ? Pourquoi me sentais-je aussi mal ? J'ai cette impression de me dégouter. Je l'ai tellement ancrée en moi qu'elle forme cette boule que j'ai en travers de la gorge.
Oui, je me dégoute. Parce que je ne sais plus quoi faire.
Je ne suis même plus certain de savoir qui je suis.
J'entends souvent dire « Quand tu ne sais pas où tu vas, retournes d'où tu viens et fais le point. »
Retourner d'où je venais...Un garçon de la campagne...Je fus alors pris d'un vieux sentiment nostalgique en visualisant le village où j'ai grandi. Le village où j'ai rencontré Nathan. Cet endroit me manque.
Tout me manque. Absolument tout. Comment pouvait-on ressentir autant de vide d'un seul coup ? Comment pouvait-on se sentir perdu à ce point-là ?
Malgré les avertissements de Julius, je tente de me redresser, de sortir des draps et je dois avouer que ce n'est pas une mince affaire, mais j'y arriverais. Même si je dois ramper...J'y arriverais. Je sortirais d'ici. Où que je sois.
J'enfile difficilement une chemise posée là, sur une chaise, et je me sens comme un manche à balai tout raide. Génial. Je ne sais même pas plier un bras. Le style épouvantail dépravé me va à merveille !
Tant pis. Je ferais avec.
J'ouvre la porte délicatement, jette un regard à droite puis à gauche et ne vois pas l'ombre d'une personne dans le couloir.
Chouette ! C'est l'heure de la grande évasion.
À peine avais-je fait un pas à l'extérieur de la chambre que j'entendis une voix derrière moi me dire sur un ton dès plus autoritaire :
« - On peut savoir où tu vas ? »
Merde.
Je me retourne pour découvrir un Julius au regard mécontent. Il a cet air de mauvais jour comme lorsque je l'ai rencontré pour la première fois. Sur son épaule, un sac à dos noir qui semblait bien rempli.
« - Je te retourne la question.
- Je t'ai posé la question le premier
- Oui, mais je te l'ai retournée.
- Antoine...Ne commence pas.
- Non, je termine seulement. »
Je sais que je ne suis pas aimable avec lui. J'ai du mal à vrai dire. Je me dis que vu qu'il est en mode « dragon », je peux être en mode « dragonnet » moi aussi...Enfin si c'est comme ça qu'on appelle les bébés dragons, car avant que je ne maîtrise les secrets du regard noir comme Julius le maîtrise...J'ai de la marge.
Il échappe un soupir, désespéré certainement devant un tel comportement désinvolte. Tant pis. Je ne m'en excuserais pas.
« - Tu sais très bien où il va, pourquoi tu lui poses la question ? »
Soudain, Nathan apparaît à l'autre bout du couloir, lui aussi équipé d'un sac. Y'a une sortie randonnée et je n'ai pas été invité ?
Pris entre les deux, je me sentais complètement cerné, mais également de trop tandis qu'ils se lançaient dans une joute silencieuse.
Ils me désespèrent.
« - Laisse-nous venir avec toi Antoine. »
Je ne sais pas comment je dois le prendre. Oserais-je voyager avec ces deux types-là à mes côtés ? Plutôt me jeter d'un pont...Ça risque d'être moins violent pour moi.
« - Hors de question. Chacun sa vie, chacun sa merde les gars. Moi, je rentre chez moi.
- Justement ! Laisse-nous venir avec toi ! Dehors, les Tenebris rôdent certainement et on ne sait pas ce qu'ils mijotent comme mauvais coup !
- Ah bah oui ! C'est vrai que vous avez été d'une efficacité exemplaire la dernière fois ! »
J'ai fait mouche. Je vois à leurs visages que j'ai touché une corde sensible, en même temps, il ne fallait pas me lancer sur le sujet.
« - Si ce n'est pour te protéger...Laisse-nous t'aider. Tu ne peux pas voyager dans ta condition.
- Vous êtes de piètres sorciers...Mais certainement de plus mauvais infirmiers encore. Pourquoi vous autoriserais-je à m'accompagner ? »
C'est vrai...Je ne leur dois rien. Eux par contre...C'est différent. Je le sais à présent. S'ils me suivent comme mon ombre si c'est juste pour servir un dessein plus sombre. Ils ne sont que les chiens d'une guerre sans fin.
Une guerre à laquelle je dois mettre un terme.
« - Vous savez quoi ? Cette conversation est ridicule et stérile. Moi, ça me gave. »
Je vois Julius, toujours en mode « dragon » s'approcher dangereusement de moi, allant jusqu'à me soulever comme un vulgaire sac à patates, me mettant sur son épaule.
« - Maintenant, on y va !
- Waw...Ça c'est de la mesure...Pas mal.
- HE ! POSE-MOI PAR TERRE ! POSE-MOI DE SUITE ! C'EST DU KIDNAPPING CE QUE VOUS FAITES !!! JE VAIS CRIER ATTENTION !
- Bah crie...Mais si j'étais toi, j'éviterais de m'agiter dans tous les sens ou tes plaies se rouvriront. Nathan, prends le volant !
- Ouaiiiisss !!! J'ai le droit à la voiture moi !!! »
Il lui balance des clés toutes droites sorties de la poche de son jean tandis qu'il plaque sa main forte et puissante sur mes fesses. Je me sens affreusement gêné...Pour tout. Pour sa main sur mon postérieur, ma position de petit cochon et le fait que deux ex-amants sont en train de comploter contre moi.
Si j'étais sans gêne aucune, je lui péterais dessus. Il le mériterait.
On descend alors deux étages avant de faire le tour jusqu'au garage. Il finit par me jeter sans ménagement dans une voiture, allant presque jusqu'à se baisser pour m'attacher.
« - N'abuse pas ! »
Je lui frappe la main et tente de me débrouiller tout seul tandis que les deux partenaires dans le crime montent devant, Nathan au volant.
« - C'est n'importe quoi...Depuis quand vous vous entendez tous les deux derrière ?
- On ne s'entend pas, mais quand il est question de toi...C'est différent. »
Différent comment ? Certes l'un est mon premier amour et l'autre...Mon plan du soir, mais à part ça...Je ne vois pas ce qui serait « différent » entre nous.
Nathan démarre et commence à reculer tout doucement dans l'allée principale tandis que Julius sort son Ipod de son sac, allant jusqu'à le brancher sur l'allume-cigare de la voiture.
S'il met de la musique de merde...Je hurle par la fenêtre.
« - Aller c'est parti ! »
Et c'est sous l'air de « Highway to Hell » d'AC/DC que l'on partit tous les trois pour ce qui allait être notre tout premier road trip.
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