Chapitre 18

De toute évidence, je ne réalisais pas encore. Les récents évènements, les jours s'enchaînant, les nouveautés troublantes s'accumulant les unes à la suite des autres.

« - Tu y penses encore ? »

La voix de Anna, assise à côté de moi me rappelle à l'ordre. J'avais oublié. Anna était là.

« - Comment faire autrement ? »

Elle a ce regard désolé et ce sourire triste. Peut-être comprenait-elle vraiment ce que je ressentais ou peut-être faisait-elle semblant, après tout j'avais l'habitude maintenant. Quand je pensais que quelqu'un pouvait réellement compatir à ma situation, je me trompais.

Je ne sais pas pourquoi j'en attendais autant de Nathan et pourquoi je semblais si déçu et blessé par ses mots.

Je ne devrais pas l'être, cela serait lui donner trop d'importance.

« - Est-ce que tu m'en veux ? »

Elle ne me lâche pas du regard, je ne sais pas ce qu'elle cherche sur mon visage en me fixant autant. Une réponse ? Un indice ?

« - Pourquoi je t'en voudrais ?

- Je fais partie de cette famille moi aussi.

- Et alors ? »

Je présume qu'elle a raison. Je devrais lui en vouloir, à elle et à tous ceux qui sont comme elle. Mais je n'y arrive pas. Je n'ai jamais pu être en colère contre Anna, jamais.

Je la connaissais depuis aussi longtemps que Nathan et maintenant, je sais pourquoi, et pourtant, je ne peux pas lui en vouloir. Je vois en Anna une amie, une grande sœur. Un ange gardien. Elle m'a toujours aidé, toujours soutenue. Même quand j'avais plus de cent un plans pour tuer Nathan.

Comme maintenant.

« - Tu sais, cela peut paraître très étrange, surtout de la façon dont je vais le dire, mais je pense que tu es différente Anna.

- Dans quel sens ?

- Je pense que toi...Tu peux m'aider.

- Tu te trompes Antoine...Je suis comme eux. Je ne vaux pas mieux. Je crois que c'est notre défaut à tous.

- J'aime quand même à croire que tu es différente...Je pense que ça me rassurerait. »

Je pense que j'en ai besoin. J'arrive à un point où plus rien ne me semble « vrai », « crédible ». J'arrive à un point de non-retour où je ne sais plus quoi faire. Je ne peux pas quitter le campus sans avoir Nina sur le dos. Je ne peux pas être sur le campus sans avoir Nathan et Julius sur le dos. Je ne peux rien faire. Je me retrouve prisonnier. Prisonnier de ces puissantes familles, étant complètement à leur merci.

Était-ce vraiment une vie qui méritait d'être vécue ?

Dans une étreinte chaleureuse, elle m'attire à elle et je ne peux m'empêcher de caler ma tête sur son épaule.

« - Dis-moi...Je peux rester comme ça ?

- Si tu veux ça ne me gêne pas.

- Merci Anna. »

Je devrais redonner des points aux Caligari juste parce qu'il y a Anna, mais je ne ferais pas de favoritisme.

Après avoir passé un moment avec elle, je retournais au dortoir. Marc était apparemment revenu également. Je me sens complètement cerné cette fois.

« - Tu rentres ? »

La voix de Julius, alors assis sur un banc devant le bâtiment me surprend dans mes pensées.

Dès que nos regards se croisèrent, j'eus en tête ce moment dans sa chambre.

Lui sur moi.

Un frisson m'échappe alors.

« - Oui. »

Je m'apprête à lui passer sous le nez quand il se redresse brusquement et se mets devant les portes pour m'empêcher de passer.

« - J'aimerais que l'on discute toi et moi.

- Oh ? C'est étrange, je n'ai rien à te dire moi pourtant. »

Antoine et la rébellion, acte 1, scène 1.

« - Très bien, alors tu n'auras qu'à écouter dans ce cas. »

Même ça, c'était me demander trop d'efforts.

« - Je voudrais m'excuser. »

Ah ? Aurais-je bien entendu ? Mes oreilles me tromperaient-elles ? Serais-je devenu fou ?

« - C'est vrai que quand j'ai revu Nathan...J'ai un peu perdu les pédales et je voulais jouer avec lui. T'as juste été le dommage collatéral disons.

- Sympa...C'est rassurant de voir que je ne sers que de jouet à l'un ou à l'autre. Ma parole, vous êtes pareils...

- Écoute, je suis désolé pour toi, ok ?

- Je présume que je devrais t'être reconnaissant de m'avoir dit ça.

- Donc tu me pardonnes ?

- Là par contre...C'est une autre histoire. Je ne sais pas s'il est réellement question de pardon.

- Je te rassure...Il ne se reproduira rien de tel...Je veux dire par rapport à l'autre jour. Je voulais juste taquiner Nathan et je dois avouer que sa tête était à mourir.

- Très bien, ok. Dans ce cas, je veux bien faire un effort, mais je ne suis pas quelqu'un que tu peux utiliser pour ton petit plaisir.

- D'accord... »

Il se décale légèrement sur le côté, pour me laisser passer, me gratifiant d'un léger sourire puis avant que je ne franchisse les portes, me retiens par le bras et me chuchote tout bas :

« - Sauf si tu veux qu'il se passe quelque chose entre nous.

- N'abuse pas. »

Il s'écarte définitivement, éclatant de rires et je disparais dans les couloirs du bâtiment.

Dans les escaliers, alors que j'atteignais mon étage, Nathan apparaît, descendant au même moment.

« - Oh... »

Aucun de nous ne bouge. Il ne descend pas plus et je ne m'avance pas plus. On se contente de camper sur nos positions, ne sachant trop quoi faire de l'autre nous arrivant droit dessus.

Lassé de ce genre de situation, je m'engage.

Au moment même où j'étais à deux doigts d'atteindre l'étage, j'entends :

« - Tu vas me faire la gueule pendant longtemps ? »

Un soupir m'échappe au vu de son intonation désagréable et froide.

« - Je ne sais pas...Comme apparemment je suis un objet, je ne suis pas censé être doué de parole. »

Oh ! Bien joué Antoine ! Aller, + 2 pour moi.

« - Aller Antoine ! Tu ne vas quand même pas faire vœu de silence ?

- Et pourquoi pas ?

- Parce que ça m'attristerait...Je veux dire récemment on s'était rapproché toi et moi.

- Fallait y réfléchir avant. »

J'accélère le pas quand à son tour, il me retient également par le bras, manquant de me faire tomber en arrière, tête la première dans les escaliers.

« - Mais t'es fou ! Et si j'étais tombé ?

- Écoute, pour ce que j'ai dit...Je m'excuse, ok ? Je t'assure que je ne voulais pas le dire de cette façon-là. Vraiment je m'excuse. Je regrette. Qu'est-ce que tu veux de plus ? Que je me mette à genoux ? Je peux le faire »

Il commence à se baisser, sous les regards curieux des quelques garçons du dortoir encore présents à cette heure-ci.

« - Relève-toi abruti !

- Non, non attends...Je fais les choses bien.

- Relève-toi ! Relève-toi bon sang ! »

Un genou à terre.

On aurait presque pû croire à une demande en mariage et c'était ce qui donnait tout le ridicule à la scène.

« - Ok ! Très bien ! J'accepte tes excuses ! Relève-toi maintenant !

- Yes ! »

Cri de joie, il se remet à ma hauteur, tout sourire et complètement satisfait comme à son habitude.

Antoine – 10 points.

Va falloir que je revoie sérieusement mon taux de résistance. Entre Julius et Antoine, j'ai vraiment l'impression d'être ce bout de poulet complètement écrasé entre les deux miches de pain. Je suis à leur merci. A leur disposition.

Pouvais-je y faire quelque chose ?

Certainement pas.

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