Chapitre 13

Quelque part avoir eu ce moment avec Nathan me rappelle à quel point ce genre d'après-midi improvisée m'avait manqué. Le genre où l'on ne se prend pas la tête, où l'on parle de tout et de rien et où, l'espace d'un instant, on oublie que Nathan vit dans un monde différent du nôtre. Oui, ce genre de moment m'avait cruellement manqué.

« - Je te raccompagne jusqu'au campus attends.

- C'est bon, je suis un grand garçon, je peux rentrer tout seul. Je connais le chemin.

- Ce n'était pas une question. Je te raccompagne, point barre. Et puis de toute façon, j'ai des affaires à récupérer dans ma chambre aussi.

- Ah ? Tu déménages ? »

Je dois bien l'avouer, savoir que Nathan quitte le campus me fait un petit quelque chose. Je m'étais habitué à voir sa tête tous les jours. À savoir que les tous jours il dirait ou ferait quelque chose de déplacés. Je m'étais fait toute une petite routine autour de lui malgré moi.

« - Je déménage ? Non. J'embarque juste ma pile de linge sale pour ce week-end, c'est tout. Une fois qu'on a mis un caleçon une fois à l'endroit, une fois à l'envers, faut le laver, tu sais.

- Ah. Gros dégoutant...Tu mets tes caleçons deux fois ? »

Il me regarde alors avec un visage amusé et je comprends toute l'ironie de sa phrase.

« - Tu me faisais marcher...

- Non...Je t'ai fait courir là. C'est tellement facile avec toi Antoine.

- Faut dire qu'en ce moment, ça devient un sport de pouvoir te suivre aussi. Je suis à la traîne plus qu'autre chose.

- Devrais-je te prendre par la main pour être certain que tu me suives ?

- N'y pense même pas. »

Nathan et moi...Nous n'étions pas amis. On le savait. On le sentait.

Nous n'étions pas « amants » non plus. Hors de question de remettre le couvert. J'ai trop donné pour très peu en retour.

Nous étions une sorte d'entre-deux. Le style d'entre-deux où l'on peut se permettre certaines frasques, certains débordements. Certains sous-entendus. Certaines choses.

Et ça, il l'avait parfaitement compris.

« - Tu sais, je ne déconnais pas quand je disais que dehors c'est dangereux pour toi. Je n'aimerais pas qu'il t'arrive quelque chose.

- Comment il pourrait m'arriver quoi que ce soit ? J'ai trois super baby-sitters sur le dos constamment, et ce, apparemment, depuis ma plus tendre enfance.

- On le fait pour toi.

- Ou pour vous. »

Il s'arrête à mi-chemin, prenant un de ses airs de mauvais jours et me fusille du regard.

« - Quoi encore ? T'es vexé parce que j'ai dit la vérité ?

- Non...Je suis vexé par la façon dont tu l'as dit. On ne fait pas ça pour le plaisir Antoine.

- Seulement pour le pouvoir. J'ai bien compris. Je suis un objet.

- Hé...arrête. Je me casse le cul à te montrer que je ne te considère pas comme un objet.

- Peut-être bien...Mais tu me vois clairement comme un objet sexuel toi par contre. »

Et je le vois à son sourire pendant au bout de ses lèvres et à son air amusé.

« - C'est plus fort que moi.

- De quoi ? De faire de moi ta victime ?

- Pas ma « victime » mais mon « objectif ».

- Parce que je suis un objectif maintenant ?

- Ouais, carrément ! J'aimerais que tu me voies plus que cette espèce d'étiquette de violeur en série que tu m'as collée sur la tronche. »

Il n'a pas tort sur ce coup-là, mais en même temps à qui la faute ? Pouvait-il m'en vouloir de penser ainsi alors que je savais pertinemment qu'il trempait son biscuit dans chaque bol ?

« - Si tu veux que je t'enlève cette étiquette, fais un effort. Peut-être que je changerais alors d'avis.

- Est-ce une promesse ?

- En quelque sorte. »

Je ne sais pas vraiment ce que c'est. Je l'ai dit comme ça sur un coup de tête, juste pour voir sa réaction et pourtant, une partie de moi le regrette déjà.

Une fois sur le campus, chacun parti dans sa chambre et tandis que Nathan repartit avec son sac de linge sale, j'en profitai pour m'aérer le peu de neurones qu'il me restait. À ce niveau-là, je pourrais limite faire l'appel de ceux qui me restent et qui fonctionnent encore à peu près.

« - Ce fut une longue journée... »

Assis sur un banc, tête en l'air, je ferme les yeux quelques instants, prenant une grande et profonde inspiration.

Je revois Nathan. Je revois cet échange complice qu'il a eu avec Odela et...

Merde.

Oublie Antoine ! Oublie ! Plus tu vas lui prêter de l'attention, plus il sera heureux. Oublie. Oublie-le.

« - J'ai bien cru que ton chien de garde ne partirait jamais. »

Une voix résonne. Une voix siffle dans l'air. Une voix féminine. Une voix que je ne connais pas.

Je me retourne, ouvrant les yeux et aperçois une jeune femme, peut-être tout juste plus âgée que moi, se tenant juste là.

« - C'est compliqué de pouvoir te parler, Antoine. »

Je la connais ?

« - Qui êtes-vous ?

- Je m'appelle Nina et je crois que tu vas devoir venir avec moi.

- Mais bien sûr...Ma maman m'a toujours dit de ne pas suivre les inconnus.

- Je ne suis pas une inconnue, je viens de me présenter.

- Eh bien « Nina » je suis désolé, mais ça reste quand même un refus. Pourquoi devrais-je vous suivre ?

- Parce que si tu me suis pas, je te prends avec moi par la force et crois-moi, tu risques de ne pas aimer. De plus, j'ai demandé gentiment.

- La gentillesse ne fait pas tout. Je ne bougerais pas. »

À peine avais-je terminé ma phrase qu'un éclair jaillit de la paume de sa main droite et me fonça dessus. J'eus tout juste le temps de me jeter par terre.

J'aurais dû m'en douter.

Une sorcière.

Cet aspect-là ne me manquait pas en revanche.

« - Alors ? Seconde sommation.

- Toujours non ! »

Me relevant, je me précipite vers les bâtiments du campus tandis que cette dernière ne me suit même pas.

Je cours sans doute trop vite ! Ça doit être ça !

« - On peut savoir où est-ce que tu vas comme ça ? »

Elle s'interpose entre moi et ma course, se mettant juste devant la porte du bâtiment principal du campus.

« - Je t'assure, je ne te veux aucun mal. J'aurais eu l'opportunité de le faire une bonne cinquantaine de fois en l'espace de ces cinq dernières minutes. Maintenant, si tu veux bien...

- Laissez-moi deviner...Vous êtes l'une des trois familles n'est-ce pas ?

- Oh ! Je vois que tu as déjà eu un cours.

- Plus ou moins.

- Alors, tu sais que nous sommes en guerre et qui dit guerre dit que la façon justifie les moyens.

- Pas toujours. Mais je vous l'accorde, ça peut être utile. Supposons que j'accepte de vous suivre pour m'éviter de souffrir atrocement...Où est-ce que l'on va ?

- Ah ça...Je ne peux pas te le dire.

- Pourquoi ?

- Parce que moi-même je ne le sais pas. »

Elle frappe deux fois des mains et une sorte de portail se forme juste à côté d'elle.

« - Les artefacts magiques d'abord ! J'insiste... »

Elle me pousse pratiquement tandis que je m'enfonce à l'intérieur tel Alice tombant dans le terrier du lapin.

Peut-être que Nathan avait raison. Peut-être que le monde extérieur était bien plus dangereux que ce que je ne pensais. Peut-être que j'aurais dû me battre ? Mais je ne sais même pas donner un coup de poing correctement. Aurais-je dû résister ? Et risquer de me faire maltraiter ? Non, certainement pas. Si elle était comme Nathan, elle avait raison aussi...Elle aurait pu me faire du mal, mais elle ne l'a pas fait. Tout ce qu'elle a fait c'était une démonstration de force, de quoi me convaincre je suppose.

C'est ainsi que je suis censé rencontrer la seconde famille du tableau ?

Charmant.

Je présume que c'est à ce moment-là que je crie au secours, non ?

Est-ce un kidnapping au moins que je puisse porter plainte correctement ? Théoriquement non, étant donné que je la suis de mon plein gré.

Je suis complètement baisé, et ce, par ma propre incompétence.

Pourquoi y'a-t-il fallu qu'il aille laver ses chaussettes maintenant celui-là ?

« Sorcier le plus fort » mon œil oui !

Je viens de me faire soustraire juste sa garde. Je parie qu'il va l'avoir mauvaise. Bien fait !

Finalement, j'ai bien fait de la suivre cette « Nina ».

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top