Chapitre 10

Cela faisait déjà une semaine. Une semaine à reprendre les petits boulots de secours et à continuer à vivre tel un mendiant sur le campus, tentant désespérément de suivre un cursus scolaire où je n'aurais pas la mention « Échec avec excellence ». Une semaine que je n'avais pas vu l'ombre d'un visage tel que Marc, Anna ou Nathan.

Je pense qu'ils ont compris le message et tant mieux. Néanmoins, leurs absences commençaient à inquiéter certaines personnes et j'entendais déjà les rumeurs les plus folles. Anna et Nathan s'envoyant en l'air, l'un aurait filé on ne sait quelle maladie dégueulasse à l'autre. Quant à Marc...En bon coureur de jupon, il a dû également avoir un problème avec son « petit frère ».

Je ne sais alors pas si je dois avoir pitié d'eux pour ce que j'entendais ou en rire. Disons juste que cela me passe au-dessus de la tête.

« - Hé ! Salut Antoine...On peut se parler 5 minutes ? »

La voix d'Émilie me surprend.

Elle est là devant moi et je l'avais presque oubliée cette dernière semaine. Elle m'avait largué en me sortant l'excuse la plus moisie du monde et pourtant, la revoilà, devant moi. Elle portait l'une de ces petites robes d'été en dentelle. Elle était belle Émilie. Elle a toujours été belle.

Chiante, mais belle.

Je la suis dans un couloir, elle s'arrange pour qu'on soit rien que tous les deux, dans un petit coin. Cela me rappelle tellement de choses.

« - Qu'est-ce qu'il y a ? »

Même si Émilie et moi c'est fini, j'en garde étrangement des bons souvenirs.

« - Est-ce que tu aurais vu Marc par hasard ? Ça fait une semaine que j'essaye de le joindre et comme t'es son coloc'...Je me disais que peut-être... »

Ouais, non, je n'ai rien dit. J'en gardais des bons souvenirs.

« - Non, désolé. Je ne suis pas son agenda. »

Je l'envoie promener et je sais qu'elle me connait assez bien pour le comprendre. Alors, elle pose une main sur mon bras comme pour essayer de me retenir.

« - Hé...ça va ? T'as pas l'air dans ton assiette en ce moment. Si tu veux...On peut parler toi et moi. Je veux dire, malgré tout ce qui s'est passé.

- C'est gentil, mais non merci. »

Elle est bien la dernière personne à qui je voudrais parler. Émilie et moi, nous n'avions jamais vraiment eu de conversations. On parlait rendez-vous, plan au lit, sorties et puis voilà. C'était ça et rien d'autre.

« - Antoine...Ne sois pas comme ça.

- Comme quoi ?

- Tu te renfermes sur toi-même. T'as cette sale habitude de le faire quand quelque chose ne va pas.

- Pas du tout.

- Si.

- Non. Et puis si ça peut te rassurer, je vais bien ! Mon ex se tape juste mon coloc'...Je ne vois pas ce qui me dérangerait là-dedans »

Au vu de la mine contrariée qu'elle prend, je sais que mes paroles l'ont blessée, mais je ne m'en excuserais pas. Elle le mérite. Et après tout, c'est bien vrai. Émilie m'a largué pour que Marc puisse s'occuper de ses fesses. C'était un résumé très simpliste, mais c'était vrai.

Reprenant mon sac sur le dos, je retourne vers ma chambre quand, devant le bâtiment, je remarque la silhouette de Nathan.

Il se tenait juste sous le rayon de soleil, lunettes de soleil au bout du nez, chemise blanche immaculée, impeccable. Les mains dans les poches. Il avait l'air d'attendre.

« - Je t'attendais. »

Il m'attendait.

Un soupire m'échappe devant sa déclaration alors je lui passe à côté et part m'installer sur un banc.

Il me suit sans rien dire, s'installant à côté de moi.

« - Qu'est-ce que tu me veux Nathan ?

- Je voudrais...Je voudrais m'excuser. Vraiment. Je voudrais sincèrement et profondément m'excuser auprès de toi.

- Pourquoi ?

- Pour t'avoir traîné dans tout ça.

- C'est vrai qu'il n'est jamais trop tard...

- Tu me pardonnes ?

- Non. »

Et puis encore ? Le beurre, l'argent du beurre et la laitière ?

Il aborde cette mine toute triste qu'il faisait quand il était enfant. Encore cette mine toute triste.

« - D'accord... »

Et il sait pertinemment qu'en faisant ça, je ne résisterais pas.

« - Non, mais... »

À l'annonce de mon « mais », il s'est redressé brusquement, les yeux pétillants.

« - Mais je peux comprendre. »

Du moins, j'essaye.

« - Écoute, Nathan, toi et moi on se connaît suffisamment depuis longtemps pour savoir, je le crois, ce que pense l'autre alors je vais être franc avec toi. Votre histoire de guerre, ça ne m'intéresse pas. Je ne veux pas me retrouver mêler à ça...

- Mais c'est trop tard pour...

- Laisse-moi finir. On t'a jamais dit que couper la parole c'est impoli ?

- Pardon.

- Je disais donc...Je ne veux pas me retrouver mêler à ça, mais je ne veux pas non plus que vous vous battiez pour moi. C'est ridicule cette histoire.

- Mais c'est comme ça. Tu ne peux pas changer les choses Antoine. Elles sont ainsi et ça a toujours été ainsi. Cela fait des années que l'on tente tant bien que mal de te protéger, de te préserver et de t'éloigner de tout ça. On se disait qu'ainsi...

- Qu'au moment venu je serais plus apte à vous écouter et à vous aider ?

- Sans doute...Mais je pense que nous avons eu tort. Nous n'avons jamais pris véritablement le temps de te considérer pour qui tu es. Nous n'avons qu'eu un intérêt certain en ce que tu es. Et je ne m'en cache pas, même si j'en ai honte.

- Du coup, que comptes-tu faire maintenant ? »

Dans un léger sourire coquin, il se lève du banc, se mettant face à moi et me tendant la main.

« - Apprenons à faire connaissance toi et moi ! »

Je le regarde, arquant un sourcil avec un air amusé.

« - Je te connais par cœur, laisse tomber. »

Je repousse sa main avec la mienne.

« - C'est faux.

- C'est vrai. Je sais que tu dors tout nu. Que tu écoutes encore du Madonna en cachette. Je sais que tu es allergique aux fruits de mer et que tu as une sainte horreur des épinards. Je sais que ton parfum préféré c'est vanille. Tu aimes te coucher tôt, mais détestes te lever. Tu préfères les comédies aux films d'actions que tu juges trop idiots. Et...Ah oui ! Tu préfères la piscine à la plage parce que le sable, ça gratte les fesses. Je crois que j'ai fait le tour. »

Complètement sous le choc, médusé, il me dévisage puis finis par éclater de rire.

« - Moi qui pensais que tu vivais dans ton petit coin et que t'en avais rien à faire des autres...

- C'est le cas. C'est juste que toi...T'es différent. »

Encore une fois, ce sourire coquin et cette lueur dans ses yeux.

« - Je t'arrête de suite...Ce n'est pas ce que tu crois.

- Dit-il alors que ce n'est pas la première fois qu'il me fait de telles allusions.

- J'ai juste du mal à m'exprimer, ne confonds pas tout s'il te plaît. On pourrait s'imaginer des choses après.

- Tu es un briseur de rêve et d'espoir, tu le sais ça ?

- Sans doute. Si tu le dis.

- Bon, viens, je te paye une glace !

- Waw...Monsieur est bien généreux !

- Ouais je sais, je sais. Profite, je suis de bonne humeur.

- Ahaha ! Je vois ça. Mais dit donc, t'es sûr que je suis autorisé à sortir ? Non parce qu'apparemment...dehors c'est dangereux.

- Je suis là non ? Y'a personne qui t'approchera tant que je serais dans les parages.

- Et la modestie tu l'as mise dans ton chaudron de potion magique ?

- Non...Je suis juste le meilleur sorcier de cette génération-là.

- Waw...Et t'as sans doute les plus grosses chevilles aussi. »

Pour moi, tout ce monde-là, c'était une nouveauté à part. Une autre dimension. Quelque chose que sans doute jamais, je ne comprendrais.

« - Bon, tu viens oui ou non ? Bouge les tes fesses un peu !

- Laisse mes fesses en dehors de ça.

- Je leur ferais bien un sort moi par contre... »

Je préfère faire abstraction de cette phrase complètement déplacée.

Mes fesses jamais il ne les aura.

Jamais.

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