Chapitre 1
Je l'ai écouté...Pendant un moment me paraissant être une éternité, je l'ai écouté. Elle avait un débit de parole assez impressionnant et malgré nos quelques mois ensemble, je fus étonné de ne le découvrir que maintenant. Elle agitait les bras, faisait de fausses grimaces tristes pour me faire croire à son mensonge et moi, comme un con, je hochais la tête dans un signe d'approbation. Je crois que je voulais juste être débarrassé de ce moment. D'elle. De toute façon, elle y mettait fin d'elle-même.
Le traditionnel « Ce n'est pas toi le problème, c'est moi ». Mais oui, bien sûr ! Et les poules ont des dents aussi ? Ça ne prends pas sur moi, mais disons que plus vite j'en termine, plus vite je pourrais rentrer. Je suis supposé être triste, malheureux. Je suis supposé avoir le cœur brisé. Après tout, je me faisais larguer en beauté, mais ce n'était pas le cas. Je voyais ça comme un sentiment de légèreté, de renouveau, de liberté. Au fond, ça me faisait plaisir. C'est vrai que nos quelques parties de jambes en l'air vont me manquer. Sa férocité au lit va me manquer. Ses envies et idées folles vont me manquer.
Tout...Sauf elle.
Pendant des mois, je suis « sorti » avec cette fille. J'étais supposé être amoureux. Être fou d'elle. Pourtant, maintenant que je la regarde, tout ce que j'arrive à me dire c'est « Suivante ! ». Elles s'enchaînent, se croisent et ne s'installent pas. Personne n'y arrive. Je pensais qu'être amoureux viendrait naturellement, mais il faut croire que non. Ça ne vient pas comme ça. Pourtant, j'en ai essayé des filles. C'est un peu comme essayer une chemise, elles y passent toutes et on finit par n'en garder qu'une qui sera trop petite dans trois mois ou alors qui ne nous plaira plus tout simplement.
Avec elle, c'était pareil.
Ses longs doigts glacés se posent alors sur mon bras et dans un faible sourire, elle me dit :
« - Tu sais, ça me fait mal autant qu'à toi, mais nous pouvons rester amis si tu le souhaites. »
Rester amis ? Et puis quoi encore ? T'as cru que c'était marqué « bonne poire » sur mon front en lettres clignotantes peut-être ?
« Rester amis » signifie certainement que je devrais lui répondre le soir quand elle m'appellera à des heures improbables. Que je devrais la consoler quand elle aura le cœur brisé. Que je devrais la câliner pour la rassurer malgré tout.
Je sais très bien comment finit ce genre d'amitié et ça ne m'intéresse pas.
Elle ne m'intéresse pas. Elle ne m'intéresse plus.
Suivante.
« - Je suis désolé, je suis pressé...Je dois y aller.
- Oh ? Je pensais que tu avais libéré ton après-midi pour que l'on puisse discuter toi et moi ?
- Ouais, mais je viens de me souvenir d'un truc vachement important que j'ai oublié de faire et...
- Je comprends...En tout cas, j'espère vraiment que l'on pourra rester en contact toi et moi.
- Hmmm... »
Bien sûr, moi aussi je mens. Je suis même obligé de mentir ! J'ai besoin de me sauver et de me détacher de son emprise. Cela n'allait plus en finir. C'est incroyable comme les filles peuvent nous tenir la jambe pendant une éternité.
Attrapant mon sac et mon écharpe, remettant mes écouteurs dans les oreilles, la première musique que j'entends alors est « I Want To Break Free ». Même mon MP3 est avec moi. Heureusement d'ailleurs.
En rentrant dans la chambre, Marc me saute limite dessus avec un grand sourire :
« - Alors ? Elle t'a largué n'est-ce pas ? »
Un simple soupire de ma part et il s'empresse de fêter la « bonne » nouvelle. Je le sais, il veut se la taper. Il en rêve. Depuis des mois.
« - Oh ! Oh ! Oh ! Je le savais !!! Je le savais !!!
- Tu pourrais au moins cacher ta joie...
- On sait très bien que tu t'en fou alors je ne vais pas me priver. Tu t'en trouveras une autre, toi ! Bon, j'y vais ! J'ai un cœur brisé à réparer. À plus mec ! »
« Cœur brisé ». Elle me fait rire cette expression. Comme si un cœur pouvait se briser. Mais je présume que c'est plaisant de le dire même s'il est plus correct de dire « Peine d'amour ».
Je me suis alors lamentablement jeté sur mon lit, croisant les bras derrière ma tête, regardant le plafond en pensant que j'allais trouver là, les réponses à des questions existentielles. Ce ne fut pas le cas. Tout ce que j'ai trouvé c'est une fissure s'étalant sur une certaine longueur.
Il n'y a pas à dire, c'est une journée de merde.
Rater ses examens. Se faire larguer par sa « copine ». Se faire engueuler par son banquier.
J'ai connu mieux honnêtement, mais j'ai eu pire aussi. Je présume que je n'ai qu'à fermer les yeux, laissant ainsi défiler les heures et voir ainsi ce qui m'attendra la prochaine fois que je les ouvrirai.
« - Bon Antoine...Bouge ton cul. »
À cette heure-ci, il n'y a personne dans le dortoir. Tout le monde est dehors, à l'extérieur, profitant du retour du beau temps. Sortie entre potes, petite virée en mer, camping à la rivière et j'en passe. Le bâtiment était carrément désert et encore cela me paraît être un euphémisme.
Il n'y a pas âme qui vive.
Ce n'est pas plus mal. Je n'aime pas à avoir demandé « pardon » ou « excusez-moi » toutes les dix secondes parce que les couloirs sont bondés. Là, j'ai de la place et je n'ai pas à supporter les conversations habituelles et routinières des gens étalant leurs vies. Bon sang...Qu'est-ce qu'on s'en bat les cacahuètes de savoir si Pierre, Paul ou Jacques a passé la nuit avec telle fille ou s'il est parti en vacances à l'étranger parce que c'est un fils de riche.
« - Quand le chat n'est pas là, les souris dansent, n'est-ce pas ? »
Une voix me surprend, provenant du bout du couloir. Me retournant, j'aperçus Nathan adossé à sa porte de chambre, les bras croisés, un air tout fier.
« - Je n'aime pas danser.
- Tu n'aimes rien de toute façon. Depuis le temps, je suis habitué à ce genre de réponse de ta part. J'ai entendu Marc partir en hurlant de joie...Vous faites encore un échange de copines ?
- Non, il prend juste mes restes si je puis dire. Faut croire qu'il adore passer derrière moi.
- Ce n'est pas très sympa de dire ça de son pote...
- Ce n'est pas mon pote, c'est mon coloc, rien de plus.
- Pourtant, vous avez l'air de bien vous entendre ?
- Je suis juste un excellent comédien quand je le désire. »
Il se détache de sa porte pour s'approcher vers moi, se mettant presque à quelques mètres.
« - Et avec moi ? Tu joues la comédie aussi ?
- Je n'en sais rien. Je ne sais juste pas comment te prendre. »
À cet instant, il s'écarte, les yeux écarquillés et éclatant de rire.
« - Tu ne sais pas comment me « prendre » ? Intéressant...Ma foi, écoute...Je ne m'attendais pas à ça de ta part Antoine ! Ahahaha !
- Arrête de voir une connotation sexuelle partout, pervers. Si tu as fini, je passe mon chemin.
- Et tu vas où ?
- Qu'est-ce que ça peut te faire ? »
Il hausse les épaules en gardant son sourire amusé et finit par me laisser partir.
Avec Nathan, tout a toujours été différent. Nous avons été longtemps voisins et puis camarades de classe, puis colocataires dans une chambre durant la première année de lycée. Maintenant, il donne pratiquement en face de ma propre chambre et je croise sa sale tête pratiquement tous les jours. Je présume que c'est ce que l'on appelle communément un « ami d'enfance », mais il ne mériterait même pas un tel privilège et un tel siège dans ma hiérarchie amicale.
Nathan, lui, il serait tout en bas. En dessous de la pyramide. Sous le tapis avec la poussière.
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