Love under Rain
La nuit tombait bientôt sur le lycée, mais les élèves présents pour la fête étaient loin d'avoir envie de partir. Ils y avaient ceux qui mangeaient et buvaient les snacks en quantité difficilement raisonnable. Ceux qui dansaient sur la piste jusqu'à n'en plus pouvoir. Ceux qui profitaient de voir quelques corps assez mis en valeur. La vue était alléchante en général, mais les regards lubriques des lycéens ne pouvaient guère être satisfaits dans un lieu où les surveillants guettaient les moindres gestes des fêtards.
Et enfin, il y avait le dernier groupe, de ceux qui cherchaient leurs amis pour célébrer dignement la fin de l'année. Parmi eux, trois filles. Trois lycéennes issues de cursus différents qui recherchaient deux de leurs camarades. Après avoir fait le tour de l'intérieur de l'établissement, le trio se retrouva.
-Du nouveau ? Demanda une blonde.
-Rien, répondit une rosée.
La plus sage du groupe, au moins en apparence, fit son rapport. Elle ne les avait vus nulle part. Pourtant, elle ne s'inquiétait pas. Elle avait compris pourquoi ses deux amis s'étaient séparés d'elles. Ils en avaient bien besoin.
-Peut-être dehors ? Émit la rosée.
La blonde se tapa la paume avec son poing, comme si elle venait d'avoir une révélation. En l'occurrence, elle venait de deviner où étaient les portés disparus. Ils étaient dans un endroit calme et paisible où il y aurait personne pour les déranger. Suivant son instinct, elle courut au dehors, sous la pluie. Et elle les vit, tous les deux adossés contre le muret. Apparemment, ils n'avaient pas encore fait le premier pas. Elle tendit l'oreille pour écouter la conversation.
-Dis... Pourquoi tu t'es enfui ce jour-là ?
Pour une fois, la question avait été directe. Ce n'était pas dans les habitudes de la jeune fille et Audy s'en rendit compte. Toutefois, aussi déstabilisé que celle assise à côté de lui, le bleuet ne sut que répondre.
-Je ne te pensais si...
-Si...
-.. Non. Rien.
Et voilà, Audy s'était encore rétracté. Il fuyait, une fois de plus. La jeune fille brune elle aussi adossée contre le muret reposa de nouveau son menton sur ses bras croisés. Les deux adolescents avaient la même posture. Une position mélancolique sous cette forte pluie, dont les gouttes frappaient avec vigueur la partie de toit qui protégeait les deux jeunes gens.
-Désolé, Chloé.
La jeune brune releva et tourna la tête. Audy s'était redressé. Ses yeux se perdaient au loin vers les nuages gris sombre de la nuit.
-Désolé pour quoi ? Demanda Chloé.
Pour quoi ? Audy se le demandait aussi. Il s'excusait toujours de manière spontanée, sans vraiment savoir pour quoi. Pourquoi ? Il n'en savait rien. Mais il savait qu'il y avait une raison, enfouie au plus profond de lui-même. Les nuages lui donneraient peut-être la réponse. Son regard se perdit dans l'uniformité du ciel et son esprit dans ses souvenirs. Il se rappela ce premier jour. C'était le jour des élections du président du conseil des élèves.
"Cette année sera horrible. La cour du lycée était noire de monde. Le brouhaha des élèves me rendait plus que nerveux. Trop de bruit, trop de pipelettes filles et garçons. Il faut bien préciser les deux, car ces derniers peuvent converser aussi longtemps que les membres du sexe opposé. Moi ? Je n'ai pas pour habitude de parler. Je préfère regarder, observer... C'est mieux. Ca fait voyeur ou psychopathe, certes, mais je le vis bien."
-T'as intérêt à le vivre bien !
Audy haussa les sourcils et tourna la tête derrière son épaule.
Des petits yeux bleu électrique tentaient avec difficulté de lire ce qu'il y avait d'écrit sur son carnet de notes. Le bleuet se retourna alors pour faire face à une petite blonde.
-Pourquoi Hanna ? Demanda-t-il.
La blonde roula des yeux.
-Pourquoi ? Mais c'est évident ! Ca t'arrive de te regarder dans un miroir ?
Oui, bien sûr. Mais ce n'était pas sa faute si les cheveux d'Audy ne tenaient pas en place.
Et puis, critiquer les coiffures pas terrible, c'était bas. Audy soupira.
-Oui et mes cheveux sont bien comme ça.
-Comment veux-tu que je te la fasse rencontrer avec une tenue pareille ?
Hanna roula encore des yeux et secouant ses courts cheveux. Cette fille pouvait être adorable ou bien devenir une vraie peste lorsqu'elle s'y mettait. Et voilà qu'elle amenait encore le sujet sur le tapis. L'adolescent devrait dire "Merci" à l'amie qui essayait de le caser avec quelqu'un depuis leur première rencontre... Enfin, c'est ce que ferait un garçon lambda, un minimum poli et pas trop goujat. Mais Audy n'était ni lambda ni goujat, bien que poli. Il était seulement discret. C'est tout. Hanna par contre, osait prendre bien plus de libertés que lui. Comme se mettre sur la pointe des pieds pour regarder ce qu'il notait. Le bleuet ferma mon cahier.
-C'est mal élevé de lire par-dessus les épaules des gens, tu sais ?
-Je sais, répliqua-t-elle d'un air espiègle. Mais tu n'aurais pas réagi si je l'avais pas fait.
Audy dut au moins lui accorder ce point. Une fois penché sur ses carnets, il était difficile pour lui de se reconnecter à la réalité.
Audy notait dans son carnet presque tout. De la météo aux actions des gens. C'était comme un journal de bord, le quotidien du lycée, vu à travers ses yeux. Il se prenait pour un espion. Dans ces moments, il ne réfléchissait plus à rien et le faire sortir de sa bulle hermétique d'observation était mission impossible.
-Dy...
Audy commençait à penser à son repas du soir.
-Mmmh ...
-Dy...
C'était lui qui devrait s'occuper du repas le soir. Comme son père et sa belle-mère avaient prévu un dîner en amoureux pour cette soirée, il devrait s'occuper de sa soeur, Naela, seul...
-Audy !
-Oui, quoi encore ?
-Tu étais dans la lune ?
-Désolé, je n'entendais pas ce que tu disais.
Hanna soupira un moment.
-Faut vraiment que tu arrêtes d'écrire dans ce fichu carnet. Viens, je vais te présenter.
La blonde ne laissa pas le temps au bleuet de protester et l'emmena avec elle se frayant difficilement un chemin à travers la foule. Après quelques minutes, Hanna s'arrêta : ils étaient arrivés à bon port. Audy se tenait en face de trois jeunes filles de son âge.
-Voilà le club de littérature, présenta Hanna de gauche à droite. Je te présente Kaylie la toute mimi, Emma la sage et Chloé l'étourdie.
Audy scruta les trois filles. Elles semblaient toutes avoir un caractère différent, mais un lien très fort les unissait. Audy n'eut pas le temps de faire une meilleure remarque : la fille du milieu s'était avancé.
-Qui est-ce, Hanna ? C'est lui dont tu nous parle tout le temps ?
-Oui. C'est Audy, notre nouvelle recrue.
-Quoi ?! S'exclama le bleuet.
-Enchanté Audy, dit Emma. Je suis la présidente du club de littérature.
Pas de main tendue, pas de bises nécessaire.. Audy s'en sentit soulagé, il n'aimait pas trop les contacts physiques. La plupart du temps, une simple oscillation de la tête suffisait. Kaylie osa un timide "bonjour" et la dernière, Chloé, agita sa main en guise de salutation. Le bleuet en fit de même face à la brune...
Posant la main sur l'herbe fraîche, Audy respira un grand coup.
-Désolé... Pour t'avoir regardée différemment...
Chloé sentit ses joues se réchauffer à cet instant, qu'avait voulu dire le bleuet ? Ce dernier avait ressenti le changement d'humeur de son amie. Il se pinça la lèvre, il avait fini par le dire, et elle allait comprendre. Toutefois, il était trop tard pour renoncer. Trop tard pour que ce ne soit pas considéré comme de la fuite.
-Que veux-tu dire, Audy ?
L'adolescent déglutit difficilement. Il aurait fui en temps normal, mais pas cette fois. Fuir en ce jour, ce serait comme fuir pour la vie. Et ça, il ne le voulait pas. Pas après ces moments passés avec elle.
-Tu fais quoi, Audy ?
Surpris, l'intéressé détacha ses yeux de la feuille blanche qui lui faisait face.
-Oh, c'est toi Chloé. Tu m'as ...
-Fait peur ? Enchaîna-t-elle, le sourire espiègle.
-Déstabilisé, plutôt.
-Oh, lâcha la jeune fille l'air déçu. Mais, tu essaies de faire quoi ? Attends. Tu écris toi aussi, non ?
Chloé venait de laisser éclater son enthousiasme et le bleuté se sentait mal à ce sujet. Audy recadra sa vue vers la feuille de format A4. Cela faisait vingt bonnes minutes que son stylo tournoyait dans sa main sans que la bille ne se pose sur le papier. Oui, il écrivait. Il écrivait des scenarii, mettait en scène des personnages... Ce qu'il préférait faire, c'était créer tout un univers, parler de son histoire, des civilisations, de leur histoire, de leur religion... Et aussi créer des intrigues, des trames qui s'entremêlent... Faire compliqué : c'était son dada. Pourtant, lorsqu'il s'agissait de parler de sentiments, tout était bien plus compliqué...
-Et c'est pour ça que tu n'y arrives pas ? résuma Chloé.
-Oui, et ça m'énerve. Ca doit faire une demi-heure que je suis bloqué. Je n'arrive pas à écrire les émotions de mes personnages !
-Hum... Ca peut être parce que ce n'est pas ton style.
-Mon style ?
-Oui. Tu vois, j'aime beaucoup écrire les émotions de mes personnages. Mais toi, tu es plutôt dans l'action. Et ce n'est pas un mal, mais... Disons que chacun a son domaine de prédilection.
-Je vois... Donc question écriture, nous sommes complémentaires.
-Oui ! D'ailleurs Audy, ça te dirait d'écrire avec moi ?
Audy n'avait pas répondu à Chloé ce jour-là. Il l'avait fait quelques jours plus tard seulement. Lorsque par dépit et après un effort surhumain d'humilité, le bleuté avait enfin accepté de ne pas savoir faire. Il pensait que ce serait la dernière fois qu'il aurait à s'incliner de cette manière. Il avait eu tort. Lui et Chloé se parlaient plus souvent. C'était pour parler de leur journée, ou d'un autre sujet générique. Il lui apprenait beaucoup de choses. Il lui transmettait sa science, apprise lors de ses lectures nombreuses. Mais il recevait énormément en retour. Chloé lui apprenait tout ce qu'il ne savait pas sur les relations : comment se comporter, savoir distinguer les signes... La brune apprenait toute la vie sociale que le bleuet n'avait pas vraiment eu auparavant.
Et finalement, il était venu, ce sentiment qui se cachait tout au plus profond de lui-même. Cette boule au ventre qui grossissait de jour en jour... Audy tentait vainement de la canaliser, mais celle-ci lui faisait de plus en plus mal et prenait de plus en plus de place. C'était la raison pour laquelle il l'avait appelée. Pourquoi ils étaient ensemble, près du muret, presque sous la pluie.
-Je, balbutia le bleuté devant la brune. Tu as trop d'importance... Pour moi...
Chloé rougit violemment cette fois. Que voulait-il dire ? Est-ce que c'était..? Non... Pas ce qu'elle pensait. Si c'était le cas, cela voudrait qu'Audy... Dans son coin, Hanna dévorait la scène. Ils y étaient enfin, c'était le moment de vérité. Chloé tenta de dire quelque chose, mais sa bouche resta ouverte, sans qu'aucun son n'en sorte. Ce silence raidit Audy, qui avait tourné la tête. Il voyait son amie, figée dans l'espace, figée dans un temps. Ses yeux transmettaient une crainte mêlée d'une certaine nervosité.
Audy songea à se rétracter. Il était encore temps. Il pouvait encore tout reprendre, dire qu'il s'agissait d'un malentendu et...
"Personne ne peut fuir son coeur. C'est pourquoi il vaut mieux écouter ce qu'il dit."
Audy s'arrêta de penser. D'où sortait cette phrase ? Où l'avait-il entendue ? Des mèches vertes lui revinrent en mémoire, ainsi que quelques souvenirs.
-Personne ne peut fuir son coeur. C'est pourquoi il vaut mieux écouter ce qu'il dit.
Audy leva les yeux vers la présidente du club.
-Elle est de qui cette citation ?
-De Paulo Coelho. Je suis tombé dessus par hasard, un jour.
-Tu as toujours des proverbes qui sortent de nulle part, toi.
-Celui-ci est parfait, non ?
Audy se renfrogna. Oui, ce dicton était adapté à son problème. Mais que faire lorsqu'on ne sait pas déchiffrer son propre coeur. Lui qui avait toujours réfléchi de manière raisonnable et sensée, le bleuté devait maintenant faire face aux questionnements de son âme. Toutefois, il en était incapable. Au final, son coeur agissait de son propre chef, et Audy sentait sa propre impuissance à ne pouvoir le faire. Heureusement, Kaylie et Emma étaient là pour l'aider à y voir plus clair.
-Emma... Tu penses... Il est possible que... Chloé et moi...
Audy parlait en exécutant quelques signes. C'était bien compliqué pour lui de mettre des mots sur ces émotions, ces sentiments si inhabituels.
-Oui ? Fit Emma.
-Tu penses... Que... Nous pourrions être... amis ?
Emma ne put s'empêcher d'éclater de rire. L'innocence, ou plutôt la naïveté de l'adolescent le rendait presque ridicule, lui qui paraissait si mûr en temps normal. Audy fit mine de tourner la tête. Le rire, bien que non voulu, était vexant. Emma continua à rire pendant quelques secondes avant que Kaylie n'intervienne.
-Tu as oublié des mots Audy, non ?
-Comment ça ?
-Tu voulais dire "plus qu'amis", n'est-ce pas ?
La tête du bleuté passa du rouge pâle à la teinte écrevisse. Etait-ce le fait qu'il se soit trompé qui le faisait rougir ainsi, ou plutôt le fait qu'il soit découvert ? Il ne le savait pas non plus, et n'en était pas plus avancé. La rousse le remarqua et continua.
-Tu sais, Audy... Je pense que tu as encore du mal à accepter ce que dit ton coeur, même si tu l'as parfaitement compris.
-Tu crois ?
-Oui.
Très bien. Mais que faire alors ? Lui dire ? Mais cela allait le mener ? Et si elle ne répondait pas à ses sentiments, et si ce n'était pas réciproque ?
-Et si ?...
-Fais-le, le coupa Emma. Et suis ton instinct. Parce que...
"Le bonheur est éphémère, il passe sans s'arrêter, il s'attarde parfois, l'espace d'une illusion, mais rares sont ceux qui savent le retenir, le garder. Il est si fragile, si vulnérable, il suffit de trois fois rien pour l'effrayer, le voir fuir à jamais."
-Pardon ? Fit Chloé, tandis qu'Audy se rendait compte qu'il venait de murmurer cette citation de Fleurette Levesque.
-Euh...
Non. Fini les questions. Plus d'hésitation. Les iris bordeau d'Audy se teintèrent d'une lueur plus claire, dorée. Il allait le faire, il ne fuirait pas. Plus maintenant, pas maintenant qu'il l'avait, elle. Audy s'éclaircit la gorge et approcha sa tête de celle de Chloé, qui sentait son pouls s'accélérer. La brune frémit un peu devant le changement soudain de son ami. Il avait l'air déterminé, le regard plus sûr.
-Chloé... Il y a quelque chose que je veux que tu saches...
L'intéressée se perdait dans les yeux du bleuté. Son regard semblait vouloir dire quelque chose. Pourtant, il s'était arrêté de parler. Etait-ce réellement ce à quoi elle s'attendait ? Ces trois mots, si courts, si intense...
-Audy...
La jeune fille ne finit pas sa phrase. Son partenaire l'en empêchait, ses lèvres collées sur les siennes. Il lui avait fallu du courage pour essayer de lui dire, mais finalement, c'est son coeur qui avait fait réagir son corps. Il avait posé sa main sur sa joue, s'était approché et avait volé ce premier contact, ce délicat et intense premier baiser.
-Eh bah... C'est pas trop tôt, bougonna Hanna avant de sentir une présence derrière elle.
Emma, suivie de Kaylie, venaient d'arriver. Les deux observèrent le nouveau couple avait un sourire satisfait. Hanna haussa un sourcil : elles savaient pour les deux. Elles l'avaient laissée chercher pour rien.
-Ils sont mignons, remarqua Kaylie, reconnaissant volontiers que le couple pouvait bien être plus adorable qu'elle.
-On fait quoi ? Demanda Hanna. On les interrompt pour qu'ils viennent manger quelque chose?
-Non, répondit Emma avant de proposer à ses amies de partir. Ils doivent avoir encore plein de choses à se dire...
Les deux tourtereaux restèrent dans la même posture un moment, l'un suspendu aux lèvres de l'autre. Cela jusqu'à ce que Chloé ne recule un peu. Audy l'avait embrassée. Est-ce que cela voulait dire qu'il la voulait ? Ou bien était-ce une manière de la tromper ? De son côté, elle était sûre de ses sentiments depuis longtemps, mais Audy lui... Pourquoi l'avait-il ...?
-Audy...
-Je t'aime, Chloé..
C'est bon. Le bleuet l'avait enfin dit. Audy avait surmonté son blocage. Il avait enfin compris son coeur. Et il avait répondu oui à ses sentiments. Tout comme elle le fit avant de l'embrasser tendrement à son tour...
-Je t'aime aussi..
To M. and the GOT 5
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