Les paroles que chante le coeur
Lorsque la vie ne va pas dans le sens que vous aviez espéré ou envisagé, deux réactions s'offrent à vous. Broyer du noir et ruminer, ce qui ne tardera pas à vous emmener plus loin encore dans les méandres de la déprime, ou faire une pause au milieu de la tempête et chercher un début d'éclaircie au travers des nuages opaques.
De grands malins disent qu'à tout problème existe sa solution, que pour chaque serrure correspond une clé, et je crois que le pire reste pour moi le proverbe qui dit qu'après la pluie vient le beau temps.
J'ai beau être née avec une dose plus élevée que la moyenne en optimisme et en détermination, je dois avouer qu'à ce jour, je peine à entre-apercevoir la moindre lumière dans l'obscurité qu'est devenue ma vie.
J'ai perdu mon boulot chez Hank, les têtes de mes frères ont été mises à prix par un des pires voyous de Chicago, et je me retrouve enfermée dans cet endroit glauque, sans savoir pour combien de temps. Et bien sûr, j'oublie de préciser que le maitre des lieux, pour lequel je palpite comme une ado en rut, a l'air aussi intéressé par moi que peut l'être un végétarien par un steak.
Je peste, je m'ennuie, je déprime. Ça ferait un bon début pour un slam, tiens. Mouais, sauf que je n'ai même pas le privilège d'avoir une once de talent pour transformer mes états d'âme en oeuvre artistique !
Je ne peux même pas parler à mon amie Sarah par téléphone et encore moins la voir. Mel refuse que quiconque sache où nous sommes. Elle dit que pour l'instant, nous devons nous faire discrets, sans nous informer de ses avancements. Autant je respecte, voire j'apprécie le côté mystérieux et badass de Mel, autant à ce jour ça m'exaspère. Elle continue de m'envoyer paître lorsque je pose des questions, alors qu'il me semble que je suis une des premières concernées dans l'histoire.
Ça ne fait même pas vingt-quatre heures que je suis ici et je tourne déjà en rond, ou du moins, je fais les cent pas dans le couloir qui mène à nos chambres. Je ne suis pas la seule à m'impatienter. J'ai beaucoup de mal à contenir mes frères qui veulent prendre la tangente. Les seules choses qui ne les font pas déguerpir sont les douleurs qui les retiennent dans leur lit. Je n'ai jamais autant bénies les fractures d'os ! Au moins, nous sommes tous les trois réunis, vivants et en sécurité.
Ma patronne est allée récupérer quelques affaires à la maison, et elle m'a dit que Ray était toujours en compagnie de sa nouvelle pote dont j'ai oublié le prénom. Tant mieux pour lui... Il n'a même pas demandé où nous étions passés, mes frères et moi. Honnêtement, je n'ai pas la moindre inquiétude non plus à son sujet, donc je dirais qu'il y a un désintérêt mutuel et c'est très bien comme ça. Ce qui m'inquiète davantage, c'est que Allan et Edgar sont absents à leurs TIG, et là encore, ils vont devoir le payer. Mais à choisir, je préfère la perspective d'un avenir où ils partent en prison à celui où ils sont assassinés par ce connard d'Italien.
Il faut que j'arrête de penser à ce genre de choses. Ça ne fera qu'empirer mon envie de me jeter au travers de ces putains de vitraux qui me font flipper. Celui devant lequel je pleure sur mon sort représente un chevalier, ou un truc du genre, qui pose fièrement devant une église. Epée dirigée vers le sol, il piétine avec fierté le visage d'un démon, gisant à terre. Le chevalier blondinet, héros du jour, lève son index vers le ciel, sûrement pour dire à Dieu : « Yo, c'est pour toi que je lui ai mis sa race ».
Pour renforcer le blasphème que je suis en train de commettre, je m'imagine que le blondinet fait un énorme Dab. Imaginer qu'un tel vitrail puisse exister me fait pouffer de rire. Un rire qui résonne aussitôt dans l'immense couloir en pierre.
— Je ne pensais pas que les vitraux religieux pouvaient faire rire.
Crotte de bique ! Je n'ai même pas vu Goran arriver. Il se plante à côté de moi, et une main sur son biceps et l'autre sur sa bouche, il examine avec minutie le vitrail du blondinet, probablement à la recherche de ce qui peut prêter à rire.
— Je...
Oh et puis re-crotte de bique. Je n'ai pas envie de me justifier. De toute façon, je passe déjà pour une folle hystérique en permanence à ses yeux. Pas besoin d'en rajouter.
— Comment s'est passée votre nuit, Charlie ? me demande Goran en changeant radicalement de sujet
Tant mieux !
— Bien. Enfin, pas si mal, si on met de côté les bruits bizarres de craquement et de grincement qui m'ont donnée l'impression de passer la nuit dans une maison hantée, ainsi que les raisons qui m'amènent à être ici et qui m'ont conduite à dormir trois, quatre heures à peine !
— Oh, j'en suis navré. Le bois des planchers et de la charpente est vieux, mais je vous assure qu'il n'y a pas le moindre fantôme, tente-t-il de me rassurer avec son éternelle douceur et un sourire des plus taquins. Si vous n'êtes pas trop fatiguée, je voulais vous proposer de m'accompagner auprès des enfants ce matin. Je me disais que...
— Oh oui ! lui hurlé-je presque dessus avec un peu trop d'enthousiasme. Je veux dire, ouais, pourquoi pas, je reprends aussitôt en essayant d'adopter un ton beaucoup plus tempéré.
Ok. Celle-ci on la rajoute au reste de la grande liste : « Charlie se ridiculise quand mini dieu est dans les parages ».
— Bien, rétorque-t-il uniquement, néanmoins en plissant lèvres et yeux, certainement pour contenir un rire moqueur. Suivez-moi. J'en connais un qui va être ravi !
— Quoi ? Qui donc ?
— Mais votre plus grand fan ! Sunny, me glisse tout bas à l'oreille Goran, en se penchant vers moi.
Hé oh ! Pas si près, Monsieur belle gueule à la voix orgasmique, ou je ne réponds plus de rien.
A cette pensée, je me terre dans le silence, tandis que nous prenons une direction que je n'ai pas encore prise. Cependant le silence ne m'empêche pas de cogiter, et me vient la réflexion que Goran est légèrement cyclothymique, quand même ! Un jour il m'envoie bouler et me snobe quasiment, évitant jusqu'à me regarder dans les yeux, et le lendemain, il me propose de passer la matinée avec lui et m'adresse des sourires et des regards à faire décoller une nonne au septième ciel. Bien sûr, mes fichues hormones me gardent d'offrir des réactions adaptées et cohérentes. En fait, je crois que toute raison et bon sens se sont barrés avec ma détermination et mon positivisme. Et à présent, je n'arrive pas à me dépêtrer d'images bien salaces qui se nouent pour former un film bien cochon !
— ... c'est pour ça qu'après je revends les enfants au marché noir ou que j'en fais des esclaves.
— Euh... Ah d'accord... Attendez, de quoi vous me parlez ? Quels esclaves ?
— On est bien d'accord, vous n'avez pas écouté un traitre mot de ce que je viens de vous raconter, Charlie. Je ne sais pas où vous étiez, mais il semblerait que ça vous ait retenue à mille lieux d'ici !
Oh bon sang, si tu savais !
Machinalement, je m'essuie la bouche, persuadée que je suis en train de baver face aux images peu catholiques que je me suis imposées. Pire, j'ai l'impression que les statues religieuses que nous croisons me montrent du doigt et me disent que je vais brûler en Enfer.
Sérieux, Goran dit que cette baraque n'est pas hantée, mais moi, je crois qu'elle tente de me posséder en m'imposant des idées des plus luxurieuses. Tout compte fait, c'est moi qui suis hantée, pas la maison !
— Je vous disais donc, qu'ici, en dehors des enseignements théoriques propres à toutes les écoles, nous mettons en pratique divers ateliers, susceptibles de développer la confiance en soi et surtout de détourner les pulsions les plus destructrices des enfants. Les tragédies qu'ils ont pu vivre les ont pour la plupart contraints à adopter des comportements violents envers les autres et envers eux-mêmes. Notre but est d'arriver à créer chez eux une prise de conscience salvatrice et d'en faire quelque chose de positif pour eux.
— Comment ça positif ? En quoi un traumatisme peut être positif ?
Je me rends compte que je lui demande ça avec agressivité, ne pouvant m'empêcher de faire le parallèle avec ce que moi-même j'ai pu vivre, tel que l'abandon de ma mère ou même tout ce que j'ai pu subir et qui m'a conduit jusqu'ici.
— Ce n'est pas le traumatisme en lui-même qui est positif, bien sûr. Mais ce qui le devient, c'est ce que celui qui l'a subi peut en faire. C'est ce vers quoi la dernière étape du deuil, quelqu'il soit, amène. L'acceptation conduit à de nouveaux attachements et à la recherche de signification. A savoir, l'épreuve finit par trouver un sens et la vie s'investit autour de ce « gain ». Et pour conduire les enfants à faire ce travail, nous tentons de leur redonner une confiance en eux. Ils ont en eux ce sentiment bien ancré qu'ils ne sont bons en rien et qu'ils ne méritent rien de bon. Leur histoire de vie les renvoie à ce qu'il y a de plus dépréciatif et à un sentiment de culpabilité primaire. Alors nous essayons de leur prouver que chacun d'eux est une pépite, capable de faire de belles choses. Et mieux encore, nous voulons leur montrer que c'est leur diversité qui font d'eux des joyaux uniques.
Fascinant ! Je suis fascinée. Il est fascinant.
— Ils... consistent en quoi vos ateliers ? tenté-je de paraitre détachée de ce que je viens de ressentir, tout en continuant d'offrir, du mieux que je peux, un interêt adapté à ce qu'il me dit.
Je me sens si bête...
— En des choses des plus banals, au final. Chant, théâtre, dessin, sport... La créativité et l'art sont les moyens les plus accessibles et les plus utiles dont nous disposons, tous.
— Et vous, vous avez trouvé le chant, ne puis-je m'empêcher d'affirmer à voix haute, convaincue à présent que Goran s'est inclus dans le « tous ».
Sa façon de présenter les choses, la passion qu'il y met, mais également l'infime soupçon de souffrance que je viens de percevoir dans sa voix et dans ses yeux me mènent à ce sentiment. Goran ne me répond que par un timide sourire de bienséance et baisse aussitôt la tête. J'ai la vague impression d'avoir encore dit une imbécilité et surtout la chose de trop. Je le regrette aussitôt, et cherche quelque chose à dire, quelque chose qui pourrait briser le silence qui vient de s'installer.
— J'aurais aimé faire de la psychologie ou de la sociologie, ou même les deux, si j'avais pu faire des études. Surtout de la psychologie, m'embarqué-je avec un sentiment de honte, sur ce terrain de diversion.
— Ah oui ? Ce sont des études très intéressantes. Elles m'ont passionné. Et il n'est pas trop tard, vous êtes encore très jeune, Charlie, rajoute-t-il alors que je ne retiens que la bribe d'informations qu'il m'a donnée sur lui.
— Vous avez fait des études de psychologie ? lui demandé-je avec admiration, alors que l'image de Goran montant sur une marche supplémentaire de l'Olympe m'apparait.
— Entre autres, oui. Je... j'ai fait tout un tas d'études différentes, en fait, me répond-il comme s'il était gêné ou si sa réponse justifiait d'user de toute l'humilité du monde.
« Entre autres ». Je me demande ce qu'il a bien pu étudier d'autre. Des tonnes d'autres questions se pressent dans ma tête, comme quel lien l'unit à Mel ou pourquoi cet homme est entré dans ma vie ? Mais je choisis de ne lui en poser qu'une seule, avant que nous ne pénétrions dans la salle devant laquelle nous sommes à présent arrêtés. Une seule question s'impose face aux autres. Mais au moment où je la pose, je me rends compte qu'elle s'est transformée en demande, presque en prière, et que je n'ai aucun contrôle sur sa formulation à voix haute.
— Promettez-moi que vous m'enseignerez la psychologie, Goran.
— Je vous le promets, Charlie.
Seigneur ! Chacun de nous deux a parlé avec un sérieux des plus troublants. La réponse de Goran s'est enchainée aussi vite que ma demande de promesse s'est faite entendre. Il m'a promit cela avec la même intensité que s'il m'avait promis de revenir en vie de la guerre ou de me rester fidèle tel qu'Ulysse l'avait fait auprès de Pénélope. Je vois à présent l'échange de regards que nous nous offrons durer, comme si le temps s'était suspendu. Seul le bruit outrageusement fort des battements de mon coeur résonne dans le silence que nous nous imposons.
— Je... Il faut que...
Goran ne développe pas plus sa phrase, laquelle a sans nul doute le but débrider l'intensité de ce moment. Il finit par s'arracher à mon regard brûlant. Oui, mon regard a brûlé sous le sien, dans lequel j'ai perçues tant de choses contradictoires, et mon corps se consume encore sous les étincelles que mon coeur vient de subir et de propager. J'ai connu beaucoup d'hommes et toutes sortes de situations électrisantes. Je n'ai jamais eu à me plaindre de ce que je pouvais ressentir physiquement dans les corps à corps que j'ai pu partagés, mais je n'avais jamais ressenti une telle chose, juste en échangeant un regard et sans qu'aucune parcelle de peau ne soit touchée. Je ne comprends pas ce qui m'arrive...
Le bruit d'une porte qui s'ouvre me fait revenir à moi, et ce, avec soulagement. Je n'ai pas aimé ce que je viens de ressentir. Je n'ai pas aimé, parce que ça n'a aucun sens. Je ne comprends pas ce qui arrive...
Goran finit d'ouvrir la porte et des cris d'enfants envahissent la bulle qui s'était formée dans ce couloir.
— Les enfants, les enfants ! Un peu de silence, s'il vous plait, tente de se faire entendre Goran, sa voix trahissant encore son trouble.
Je reste dans le chambranle de la porte et découvre la pièce d'où émanent les cris. Celle-ci est encore une fois très grande, et aussi délabrée que toutes celles dans lesquelles je suis déjà allée. Les murs blancs s'effritent et le vieux plancher grince sous mon poids. Des chaises en bois sont posées un peu partout, et un vieux piano trône dans un coin. Des groupes d'enfants sont éparpillés un peu partout, respectant l'éternel différenciation des sexes. A savoir, les filles d'un côté et les garçons de l'autre. Il y a des mômes qui courent parmi eux, comme s'ils étaient habités par une entité démoniaque et des filles improvisent des pas de danse, sans se soucier des bousculades que les coureurs possédés leur font subir. Juste face à nous, des gamins s'adonnent à des simulations de combat, et j'échappe de peu à un coup de poing dans l'oeil. En d'autres termes, c'est un bordel effrayant !
Mais ce tableau d'apocalypse s'arrête enfin, lorsque Goran siffle avec puissance à l'aide de son pouce et de son index. Wow ! Je kiffe à mort.
— Merci, s'adresse-t-il à eux pour le silence qu'il vient finalement d'obtenir. Je voudrais vous présenter quelqu'un. Les enfants, voici Charlie.
Je n'ai pas bougé d'un iota et je reste comme pétrifiée, sans savoir si je dois mon état à ce que j'ai vécu dans le couloir ou à la vague de bruit et à la tempête de gosses que je viens de subir. Néanmoins, je parviens à tirer légèrement ma bouche vers la gauche pour tenter de sourire, et à lever la main en guise de salut.
— Wow ! Ça par exemple ! Mais c'est ma femme !
— Salut, Sunny, dis-je en soufflant au gamin qui s' approche de moi, avec la démarche du rappeur.
— Sunny, s'il te plait, s'interpose avec autorité Goran.
Celui dont je suis apparemment la « femme » recule alors, les mains en l'air en signe de rémission, et regagne le rang qui s'est mis en place.
— Je disais donc... je vous présente Charlie. C'est une amie...
Ah oui ? Une amie ? J'aime bien l'idée
— ... qui va rester quelques temps parmi nous. Je vous demande de lui accorder tout le respect et la gentillesse qu'elle mérite, les enfants.
— T'inquiète, Goran, je vais la respecter, moi, autant de fois qu'elle voudra bien...
— Sunny, tu te calmes direct ou je te fais copier cinq cents fois un texte qui parle du respect des femmes ! se met à lui hurler dessus Goran.
— Pardon, Goran, s'excuse sincèrement Sunny.
— Bien.
Je suis hallucinée par l'autorité dont vient de faire preuve l'homme que je trouve le plus doux au monde, et je suis encore plus sidérée par l'efficacité de celle-ci. Il semble imposer le respect auprès de ces enfants. A présent, on entendrait presque voler une mouche ! Il n'y a pas un gamin qui moufte. Même Sunny a le regard sur ses chaussures, ou presque... Au moment où je l'observe, ce dernier redresse à peine la tête et m'adresse un clin d'oeil des plus langoureux.
Non mais il n'est pas possible ce gosse !
— Puisque tout le monde a entendu et intégré ce que je viens de dire, que pensez-vous de montrer à Charlie ce que vous savez faire ? Enfin, si vous êtes d'accord pour les écouter chanter, Charlie ? me demande Goran tout sourire, mais en simulant le doute, comme si mon refus ou mon manque d'interêt pouvaient être envisageables.
Des « Oh oui ! » fusent de partout, et le brouhaha reprend aussitôt dans la salle, sous les échanges oraux des gamins entre eux.
— Ils n'ont pas souvent de spectateurs dans la salle de répétition, et ilsont récemment pris goût à avoir un public. Ils ont remporté un concours,ajoute-t-il avec beaucoup de fierté. Vous n'imaginez pas à quel point vous les rendez heureux, me glisse-t-il à l'oreille, dos à eux, et beaucoup beaucoup trop près de moi.
— Je serais ravie de les entendre chanter, Goran, je lui réponds souriante et rougissante, alors que mon coeur a déjà commencé la mélodie, et ce, de façon très rythmée et très bordélique.
Goran me rend mon sourire et se retourne vers les gamins.
— Alors, que voudriez-vous chanter à Charlie ?
Les enfants se concertent aussitôt, et des voix plus élevées que d'autres tentent de s'imposer au milieu des chuchotements, dont celle de Sunny, bien évidemment.
— Ok, Sunny... Mais je trouve ça hyper cliché, quoi ! se met à souffler de dépit une petite blonde, tout en adoptant des airs de Miss monde.
Les yeux en l'air et une main qui tourne dans le vide, pendant que l'autre est plaquée sur sa hanche, elle fait signe à mon petit prétendant qu'il a gagné les pourparlers.
— On a trouvé, Goran. On va chanter « Oh happy day », clame avec fierté Sunny.
— Evidemment... Très bien, mettez-vous en place.
Lorsque je vois les enfants se mettre en place, je comprends le « Evidemment » de Goran et la petite rage de Miss monde. Les enfants forment rapidement un seul et même groupe, tandis que Sunny se place tout seul, en avant des autres. Il est le soliste du fameux chant gospel.
Goran m'invite à prendre place sur la chaise qu'il a déposée aux premières loges, et il se positionne en chef de chorale. Je suis toute excitée par le spectacle que je m'apprête à découvrir. Je me rends compte que toutes les idées sombres que j'ai pu avoir depuis les dernières heures sont à présent chassées. Je sais bien que rien n'est réglé et que cet échappatoire est temporaire, mais les parenthèses que m'offrent ces enfants sont exactement l'éclaircie que j'espérais trouver au milieu des nuages opaques. Alors je prends cette occasion de me décentrer de ma petite personne comme une bénédiction. Et si les paroles qu'ils s'apprêtent à chanter peuvent réellement permettre à Jésus de me laver de tous mes péchés, c'est encore mieux !
Au premier coup de tête de Goran, les premières notes de piano sont émises par un garçon d'une quinzaine d'années, peut être. Et c'est parti. Sunny lance les trois premiers mots de la chanson, repris en suivant par les choeurs. « Oh happy day ».
Ils sont marrants. Ils m'offrent la même version que dans Sister Act. Sunny chante tout timidement, presque mal, puis sous l'impulsion de Goran et de ses « La la la », il se met enfin à chanter. Et là... Le choc.
Nom d'une pipe à pute ! Je suis bluffée par la voix de Sunny. Elle est douce et puissante à la fois, et la candeur qu'il met à chanter le ferait presque passer pour un ange, là où je n'ai vu jusqu'à présent que son côté de diablotin. Il est tout aussi à l'aise que dans ses démonstrations de super dragueur, mais toutefois, il dénote ici une humilité et un réel plaisir qui rendent son sourire contagieux. Je crois que j'ai en face de moi le vrai Sunny. Je ne connais pas son histoire ni ses traumatismes, mais je comprends maintenant ce dont me parlait Goran tout à l'heure. Ce dernier parvient à sublimer ce que chaque gamin renferme au fond de lui. Et en voyant les autres enfants s'en donner à coeur joie dans les choeurs, je saisis que ceci est valable pour l'ensemble de ces enfants. Tout comme moi, je sais que le chant ne règle pas tous leurs problèmes, mais au moins, il leur permet une évasion durant un certain temps, et la confirmation qu'ils valent quelque chose, qu'ils sont bien plus que des gamins abandonnés, invisibles aux autres. Des bons à riens. Des trainées...
Je regarde le chef d'orchestre, dont je ne vois que le profil. Il est totalement absorbé et passionné par ce qu'il fait. Alors qu'il n'est en rien dans la séduction, je suis pourtant une nouvelle fois prise au piège par ce que son physique me renvoie. Il agite gracieusement, et force à la fois, ses mains au rythme de la musique, me faisant facilement fantasmer sur leur dextérité s'il les utilisait sur mon corps. En bonne perverse, et malgré la présence des enfants, je ne peux m'empêcher d'imaginer qu'il dirige cette chorale, mais sans pull, voire même sans pantalon. Même d'ici, je vois les muscles de son dos rouler sous l'épais tissu. Et bon sang, il faut absolument qu'il arrête de froncer les sourcils comme il le fait, et pire, qu'il cesse de passer sa langue sur ses lèvres, où je ne vais pas tarder à me jeter sur lui.
Je me force alors à meconcentrer sur les enfants qui chantent, mais tout se mélange et s'embrouilled'un coup dans ma tête. Et malgré les paroles bienfaitrices qu'ils clament...
Il m'a montré comment regarder, me battre et prier.
Et il m'a dit comment vivre en appréciant chaque jour.
... j'entends celles d'une autre chanson, qui vient voiler celle qui se joue devant moi et que je n'entends désormais plus ...
Quand je tomberai amoureuse ce sera pour toujours
Ou bien, je ne tomberai jamais amoureuse.
Dans un monde agité comme celui-ci,
L'amour se termine avant même d'avoir commencé.
Quand je donnerai mon coeur ce sera entièrement
Ou je ne donnerai jamais mon coeur.
Et le moment où je peux sentir que tu ressens ça aussi,
C'est quand je tombe amoureuse de toi. *
* ( When I fall in love - Marilyn Monroe )
... et lorsque Goran tourne la tête vers moi, et m'offre un regard aux mille sens, j'entends alors les paroles que mon coeur me chante...
Je
suis
amoureuse.
https://youtu.be/E8Zh8-UTjDc
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Yo !
Vous sentez cette bonne odeur d'amouuuur qui laisse filtrer ses doux arômes ?
Notre pauvre Charlie ne comprend pas ce qui arrive. C'est pourtant pas si compliqué... Enfin pour nous, mais pour elle, c'est autre chose.
Quant à Goran, je vous laisse à vos ressentis. Moi, j'ai comme devoir de... me la fermer, encore un peu.
Pour celles et ceux qui n'ont pas lu « Chirurgicalement vôtre » ( ça, c'est très mal ), vous réfléchirez sur l'expression : « Tomber amoureux ». Cette drôle d'expression qui laisse entendre que cet état est accidentel, que nous n'avons pas eu le choix. Parce qu'après tout, « tomber », on ne le fait pas exprès !
Si je m'en tiens au plan ( que je n'ai absolument pas ), le prochain chapitre est THE chapitre.
Que les dieux de l'inspiration soient à mes côtés et me viennent en aide !
De tendres bisous goranesques,
Emma.
PS : La chanson du premier média me donne une de ces bananes !
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