La traînée

Je n'ai pas des tonnes de certitudes. Je dirais même que jusqu'ici, à cet instant précis,  je ne sais même pas si j'en ai jamais eues qui aient vraiment tenu la route. Mais suivre Goran dans les profondeurs de cet endroit terrifiant, et savoir que je ne risque rien, en est une, même si je sais qu'elle n'est en rien fondée. Je me donne le sentiment débile de n'être que la victime de mes hormones, et pourtant, un « je ne sais quoi », bien au delà de toute pensée cartésienne, me pousse à dire que j'éprouve bien plus qu'une simple attirance physique pour cet homme. Je ne sais pas. Je suis bien incapable de l'expliquer, et je me trouve idiote de ressentir un tel truc que je ne peux même pas nommer. Sérieux, on serait dans un roman d'amour à la noix que je trouverais ça complètement débile et pas du tout crédible. Qui dans la vraie vie tombe sous le charme - comme je suis pourtant entrain de le faire - d'un homme qu'elle ne connait même pas ?

Tout ce que je sais, c'est que Goran me fascine. Son physique me fascine, sa voix me fascine, ses attitudes me fascinent, tout ce mystère autour de lui me fascine, et le « je ne sais quoi » émanant de lui me fascine.

Voilà à quoi je pense alors que nous gravissons l'escalier en pierre, lequel conduit peut-être à une salle de torture, dans laquelle je vais être violée, torturée, tuée, découpée et peut-être même brûlée. C'est glauque au possible et si ça se trouve des plus exacts, mais en fait, je n'y crois pas une seule seconde. Et si tel devait être le cas, ce serait alors le moment de vérifier que mes cours de Krav-maga sont utiles. Il est hors de question qu'un homme me touche à nouveau, sans y avoir été invité. Jamais.

Dernière marche. Une grosse porte en bois. Goran l'ouvre. Et derrière...  

— Oh mon dieu ! ne puis-je m'empêcher d'émettre à voix haute en découvrant la pièce.

— Vous aimez ?

Il est sérieux ?

— Si j'aime ? lui demandé-je en me détournant de mon Eden découvert, juste le temps qu'il faut pour lui répondre. Comment ne peut-on pas aimer un tel endroit ? rajouté-je aussitôt.

— Je suis certain que tout le monde n'est pas sensible aux livres, Charlie. Apparemment, vous, vous l'êtes.

Je l'entends me parler, sans pour autant y prêter une réelle attention, tant je suis absorbée par ce que je vois. Je déambule dans la pièce, les mains tremblantes et hésitantes en avant, comme si j'avais peur qu'au moindre toucher, les vieux livres que j'ai face à moi deviennent poussière.

Je confirme néanmoins sa dernière phrase par un empressé et vigoureux hochement de tête. Sensible aux livres, oui, je le suis. Je l'ai toujours été. Et vu avec quel émerveillement j'arpente cette somptueuse bibliothèque, je sais que Goran peut le deviner sans peine.

— C'est une bibliothèque ! continué-je d'admirer en ne parvenant plus à filtrer ce qui devrait rester uniquement des pensées.

— Sensible et perspicace ! Bien ! rit-il ouvertement de moi.

Je lui renvoie un roulement des yeux et une grimace de sale gamine.

— Ce chocolat, vous le voulez toujours ?

— Quoi ? Ouais. Oui. S'il vous plait, rajouté-je poliment, sans lui accorder de regard, tant ce dernier est accaparé par les nombreuses et hautes étagères, emplies de vieux livres aux couvertures colorées.

Lorsque je tourne la tête, Goran n'est plus là. Comme l'enfant mal élevée que je suis, je profite de son absence pour enfin toucher aux quelques ouvrages auxquels mes petits bras ont accès.

Je n'avais jamais vu un tel endroit. Je suis allée dans plusieurs bibliothèques, mais elles avaient toutes, maximum, une trentaine ou une quarantaine d'années d'ancienneté. Avec celle-ci, j'ai l'impression d'être Hermione Granger à Poudlard. Je n'ai aucune idée de l'âge de cette bibliothèque, mais elle est sûrement très vieille. La pièce n'est pas immense, mais les plafonds, eux, le sont. Des livres y sont rangés jusqu'en haut, si bien que je comprends aisément la présence d'une grande échelle, posée contre une des étagères en bois. 

Je tourne de tout mon corps dans la pièce, le menton en l'air et les yeux ne sachant plus où se poser, à m'en donner le tournis. Les quatre murs de cette pièce rectangulaire, qui ne sont que livres, deviennent aussitôt arrondis. 

Une odeur de chocolat chaud me fait soudainement cesser ma danse. Lorsque je détourne la tête vers le point d'origine, je découvre Goran à la porte d'entrée, tasses à la main, en train de me regarder. L'instant dure à peine une seconde, mais je perçois, comme tout à l'heure derrière les grilles, une pointe d'obscurité et d'autre chose, dans le regard qu'il m'accorde. Mais une fois de plus, il le chasse en fendant son visage du plus magnifique sourire que j'ai jamais eu à regarder.

— Elle n'est pas si vieille qu'elle y parait. ( en plus il lit dans ma tête... ) Beaucoup d'églises, dans le quartier, ne datent que du début du siècle dernier, commence-t-il à me conter tout en déposant les tasses chaudes sur une petite table, posée à droite de la pièce.

— Des églises ?

Goran m'invite de la main à m'installer sur un des deux fauteuils qui lui font face. Je n'hésite pas une seule seconde et prends place dans le premier. Ce n'est que lorsque je suis assise que Goran fait de même. Merde, je pars en live dans ma tête, et je me demande s'il va bientôt me baiser la main ou simplement m'offrir une révérence obséquieuse ! Sérieux, je n'ai pas vraiment l'habitude qu'on me tienne la porte, alors voir un gars s'assoir uniquement après que je l'aie fait, ça me troue le... D'ailleurs, je me demande si...

Je me relève de mon siège à toute vitesse et attends la réaction de Goran. Ce dernier, toujours assis, me regarde comme si je venais de parler à l'envers ou d'imiter le cri du singe. En clair, il arbore le regard qu'il accorderait à une folle à lier.

— Quelque chose ne va pas, Charlie ?

— Je... Si, tout va bien.

Ok. Je voulais juste voir s'il allait faire comme dans ces films d'autrefois, genre, se lever du fauteuil dès que la nana se lève. Bon, une fois de plus, je me ridiculise. Je reprends alors place dans mon fauteuil, m'installe bien au fond, et me saisis d'une tasse de chocolat pour cacher mon visage rougissant derrière.

— Je disais, reprend-il alors, luttant clairement contre un sourire et m'épargnant la gêne d'avoir à justifier mon comportement, que les églises dans le quartier sont principalement du début du XX ème siècle. Elle s'inspirent des églises romaines, d'où le fait d'avoir l'impression qu'elles ont des siècles. L'orphelinat est rattaché à l'une d'entre elle, la « Shrine of Christ the King », dont l'entrée donne sur l'autre rue. Après l'incendie qu'elle a subi dans les années 70, la ville a participé à sa restauration et conclu un accord avec l'Eglise, permettant alors d'y inclure l'orphelinat. Il occupe, depuis, les parties les plus anciennes. Les dortoirs des enfants étaient ceux des prêtres et la bibliothèque où nous nous trouvons était la leur. Beaucoup de livres ici sont en latin. Les enfants n'y ont pas vraiment accès, et de toute façon, je ne pense pas que ce genre de livres les intéressent. Mais moi, j'aime y venir et m'y détendre.

Putain. J'ai l'impression que je vais m'endormir. Non pas que je ne sois pas intéressée par ce qu'il me raconte, bien au contraire, mais je me sens bercée par sa voix si posée, si calme, si passionnée. Goran tient sa tasse entre les mains, le regard perdu au milieu des étagères, et moi, à défaut d'avaler mon chocolat, je bois ses paroles, et bouffe du regard ce que j'arrive à choper discrètement. Il a les jambes croisées et cette position assise lui donne un air dominant, sûr de lui. Je vois sa bouche si appétissante bouger quand il ne la recouvre pas de sa tasse, et je me jette sur ses yeux lorsque je n'ai plus que ça à regarder. Bon sang, même son nez est parfait. Ni trop grand ni trop petit. Juste parfait.

— Il... il fait chaud, ici, m'exprimé-je d'un coup, tout en me dandinant sur mon fauteuil. Très chaud, rajouté-je comme si ça ne suffisait pas, en retirant ma veste difforme et ma casquette.

Zut, j'avais complètement oublié que j'étais habillée...  comme une « clocharde » !

— Oui, très chaud, confirme-t-il en s'agitant lui aussi, comme s'il était d'un coup mal à l'aise. Je... je vais baisser le chauffage, m'informe-t-il en se levant à toute vitesse.

Goran rejoint à grandes enjambées l'imposant radiateur en fonte, posé au fond de la pièce, et dos à moi, il s'active sur ce dernier. Tête penchée dans sa direction, je profite alors de sa position pour admirer ce que je n'avais pas pris le temps de regarder, encore. Lui de dos, notamment la partie en dessous de ses reins. Une vraie pub pour jean ce gars. Enfin, il seraitparfait dans ce rôle s'il ne gardait que son jean et retirait son pull bleumarine qui lui moule parfaitement le dos et les bras. Au vu de ce que je vois,même caché par le tissu, ça ne peut être que... parfait. Liam, j'ai faim.

Je. Suis. Une. Putain. De. Perverse.

Mais il me tire subitement de ma séance de matage.

— Pourquoi m'avez-vous ramené ma chemise, Charlie ? Je vous avais dit que je viendrais la récupérer.

Il m'a dit ça sur un ton presque agressif qui ne manque pas de me surprendre. Toujours dos à moi, les mains posées sur l'énorme radiateur, il attend ma réponse sans bouger.

Une réponse que je tarde à lui donner, tant j'ai l'impression de passer pour folle et de me ridiculiser. Je trouve ma démarche d'un coup totalement idiote, et il est clair qu'elle doit lui paraitre bien évidente maintenant, la raison ! « Je te l'ai ramené, parce que je fais un gigantesque kiffe sur toi » serait la vérité. Et pourtant, je m'embourbe dans un énorme mensonge - ou presque. Un mensonge qui, je le sais, ne sera pas le dernier.

— J'ai été vache avec vous, hier soir, et euh... je... je voulais m'excuser pour vous avoir traité de... vous savez quoi, et puis, tout ce que j'ai dit après, comme... vous savez quoi, bafouillé-je au possible.

Il se retourne alors, et je suis certaine de l'avoir vu ravaler un sourire. Ses lèvres se pincent d'un coup, et les mains sur les hanches, il avance doucement vers moi, semblant se concentrer sur ce qu'il va dire. A présent à quelques pas de moi, les yeux sur ses chaussures, les bras croisés sur son torse, il acquiesce mes dires en silence et se racle la gorge, avant de finalement prendre la parole. Comme je l'avais perçu, il cherche ses mots et les prononce un à un, avec une lenteur, je dirais alors... humiliante.

— Je vois. Effectivement, faire de moi un aristocrate gay, coincé en terre australienne, dont la particularité est d'avoir un langage, comment avez-vous dit, déjà ? Ah oui, « tout aussi pompeux que ma bouche en action »..., notez que j'ai beaucoup apprécié l'effet de style pour ne pas dire « bouche à pipes », ... méritait toutes les plus grandes excuses.

Oh bordel de merde ! 

Cette fois, il éclate de rire, et je suis certaine que lorsque j'arriveraià y repenser sans mourir de honte, c'est-à-dire dans à peu près trente ans, leson de ce rire me reviendra alors comme une des plus belles choses que j'aiejamais entendue de toute ma vie. Mais pour l'instant, je me sens bien trop mal pour fantasmer sur quoi que ce soit. 

— Je suis vraiment désolée, Goran, trouvé-je uniquement à lui rétorquer.

— Je sais, Charlie. Je vous taquine. Mais je me dois de rétablir la vérité : je ne suis pas gay.

J'LE SAVAIS !!!! Bon sang, j'le savais !

Pourtant, il semble d'un coup regretter cet élan de paroles et s'empourpre à son tour. Dieu que c'est beau un homme qui rougit...

— Ecoutez, Charlie, reprend-il, cette fois, tout agité et avec de nouveau une certaine dose d'agressivité dans la voix. Je ne voudrais pas vous paraitre grossier, mais je... je dois m'occuper des enfants. La récréation touche à sa fin et...

— Oh ! Oui, bien sûr ! m'écrié-je alors en me levant du fauteuil. Je vais vous laisser. Je n'aurais jamais dû venir sans prévenir. Pardon.

Il ne répond rien à mon charabia d'excuses et la tête basse, il ouvre le chemin conduisant à la porte d'entrée. Il ouvre cette dernière et j'ai le vague sentiment qu'il cherche à fuir mon regard. Je n'ai pas le temps ni l'envie, à vrai dire, d'en tirer toutes les conclusions pourtant claires, et je m'engouffre dans l'escalier en pierre que je sais dès lors me ramener vers mon triste quotidien.

Nous traversons de nouveau le couloir, rendu encore plus austère par le silence que nous lui imposons. Un silence qui, ajouté au comportement de Goran soudain si froid et si distant, me fait douloureusement prendre conscience qu'il est temps pour moi d'oublier mes rêves de conquête. Je ne sens même plus les odeurs de moisi et d'humidité ambiantes. Je n'ai pas froid, bien que j'aie perdu cette sensation de chaleur qui m'a assaillie, il y a quelques minutes à peine. Et c'est uniquement parce que j'éprouve une peine incommensurable que je serre mes bras autour de moi. Ce putain de couloir ne s'arrête jamais !

C'est avec soulagement que je retrouve l'air froid du dehors. Je n'ai jamais été aussi heureuse d'avoir à subir le vent si intense qui donne son surnom à ma ville. Je le laisse en l'instant emplir mes poumons de cet oxygène dont je les avais privés, durant ce chemin de retour qui m'a semblé interminable. J'étouffe, et je reçois comme un assaut salvateur la puissance de l'air qui s'engouffre dans mes bronches.

Goran me raccompagne jusqu'au portail, toujours sans dire un mot et sans plus m'accorder une quelconque attention. Je n'ai même pas envie de regarder les enfants jouer ni même cette imbécile de biche trôner comme une conne au milieu de la cour. 

— Hey, beauté ! On te revoit bientôt ?

Sunny est à son poste, grimpé sur son muret, sûrement à la recherche d'une personne à insulter. Je lui offre tout de même un sourire ténu, mais je ne lui réponds pas. A vrai dire, je crois que j'ai perdu la parole. Non en fait, je crois que si je prononce un mot, je vais fondre en larmes. 

Merde ! C'est vraiment n'importe quoi ! Je suis ridicule. Mais qu'est-ce qui m'arrive bon sang ? Si ce con de français ne veut pas de moi, et bien qu'il aille au diable et pourrir en Enfer. J'ai d'autres soucis et d'autres centres d'interêt que sa face de mannequin. Alors je me ressaisis et réponds comme il se doit à Sunny. 

— Ouais, bien sûr, beau gosse ! Comptes-y.

Et je rajoute un énorme clin d'oeil. 

Pathétique. Je me venge en faisant un clin d'oeil à un gamin !

— Cool, ma poule. Hey, Charlie ! Tu me files ton phone ? Je te dirai des mots doux durant toute la nuit, et crois-moi, tu vas glousser, princesse. Sunny sait donner du plaisir rien qu'avec sa voix.

— Sunny ! Ça suffit ! Dégage de là et va te ranger! hurle soudainement Goran.

Je ne suis pas la seule que ça étonne, voire que ça effraie. Je vois Sunny descendre de son muret, la bouche et les yeux ronds. Sans quitter des yeux Goran, mais en silence, il regagne le rang des enfants, rapidement formé après que la sonnerie a retenti.  

— Putain, c'est qu'un gosse ! C'est quoi votre problème ? Vous n'êtes peut être pas gay, mais vous êtes un sacré connard. 

Et je le plante là. 

Je m'empresse de sortir de son orphelinat pourri, sans me retourner et à un million d'années lumière de l'idée d'y retourner pour m'excuser.

Bon, une fois de plus, je reconnais que ma colère est un tantinet disproportionnée, et je ne suis même pas certaine quelle soit justifiée. Parce que clairement, qu'est-ce que j'en ai à foutre qu'il gueule après ce môme ? Absolument rien. Non, je sais pertinemment que je suis en colère après moi-même, parce que je me suis largement ridiculisée et surtout plantée. Une nouvelle fois. 

C'est clair comme de l'eau de source. Goran a compris que j'étais attirée par lui, et voilà, je me suis prise une bonne veste. Comme à mon habitude, lorsque je m'attaque à du gibier en dehors des terres sur lesquelles j'ai uniquement le droit de chasser. 

Je reprends mon bus de retour et détourne intentionnellement mes yeux lorsque je passe devant la faculté. Aucune envie de voir les sourires béats des étudiants. Je suis suffisamment déprimée et en colère.

J'ai essayé de croire en des rêves plus accessibles, ou du moins, en un seul, et voilà. Fin du rêve.  Faut croire que Ray a raison. Sur mon visage doit être inscrit « Traînée », et mes manières de nana des quartiers sud ne font que le confirmer. 

Quelle imbécile d'avoir cru que je parviendrais à séduire un gars normal, un gars bien ! Goran a raison lui aussi, on ne mélange pas les torchons et les serviettes. Il est prof ou un truc du genre, et moi, je suis serveuse dans un bar miteux et caissière au grandiose Able Market.

Mais je crois que ce qui me fait le plus mal, c'est la façon dont il m'a chassée. Je l'ai clairement gêné ou exaspéré, et incontestablement vexé avec mes insultes, mais il n'avait pas besoin d'être aussi agressif. 

Bah, allez, Charlie. T'es pas à ta première déception sentimentale et encore moins à ton premier connard. 

******

Rentrée chez moi, je fais abstraction de Ray qui me gueule après, comme à son habitude. Il a des bouteilles pleines d'urine autour de son fauteuil, et son cendrier déborde de mégots. Je ne sais pas si je ne préférais pas l'odeur de moisi de l'orphelinat à celle de tabac froid qui stagne ici.

— Débrouille-toi, Ray. J'en ai marre de tes conneries.

Je l'envoie paître, en me réfugiant dans ma chambre, dont je claque la porte.

— Charlie ! Vide mes bouteilles ou je pisse sur le sol, hurle-t-il pour la troisième fois.

Tant que je ne l'aurai pas fait, il continuera de crier, jusqu'à en crever s'il le faut, mais il continuera.

— Fait chier, me dis-je à moi-même en redescendant, vaincue.

A défaut de les lui casser sur la face, je m'exécute et vide les bouteilles dans les toilettes, avant de les lui rendre. 

La télé braille si fort que je sens ma tête au bord d'exploser. Je n'ai que très peu de jours de congés, mais je sais à quoi je vais passer celui-ci. A dormir. 

Je prends des comprimés contre la migraine déjà bien installée, et je me jette sous ma couette.

Lorsque je rouvre les yeux, je suis surprise de voir que j'ai autant dormi. Il fait maintenant nuit et j'entends mes frères, rentrés de leur TIG, se hurler dessus avec Ray. Quelques heures de répit dans les bras de Morphée, et me revoilà plongée dans ma merveilleuse vie ! Je referme alors les yeux pour tenter de puiser tout le courage nécessaire pour rejoindre ma fabuleuse famille. Mais la seule chose que je parviens à trouver, dans mon fond intérieur, est loin de pouvoir m'aider. Je suis toujours en colère. Je ne connais qu'un seul moyen pour passer à autre chose. Sortir. Je dois sortir d'ici. Aller le plus loin possible.

Alors j'enfile un jean noir et un débardeur blanc quelconque, attrape une veste, et sors au plus vite. 

Je passe devant mes frères sans leur accorder la moindre attention, et poursuis ma route jusqu'à la porte de sortie.

— Où tu vas, C ?

— Qu'est-ce que ça peut te foutre, Allan ?

— Y a rien à bouffer. T'as rien préparé ?

— Vas te faire foutre, Edgar.

Je quitte la maison, à présent deux fois plus en colère. 

Capuche sur la tête, je déambule à grands pas dans les rues sombres de Englewood. Je marche, vite. C'est le seul moyen que je connaisse pour calmer mes envies de meurtre, en dehors des horaires d'ouverture de la salle de Krav-maga. J'ai envie de buter mes frères, mon père. J'ai envie de buter tout ceux qui croiseraient mon chemin. J'ai même envie de tomber sur une bande de pétasses qui me chercheraient la merde. 

Mais non. Personne qui s'intéresse à moi, ou me regarde de travers. Je n'ai pour compagnie que le vent glacial et le bruit des voitures. C'est une sale nuit froide. Elle est à la hauteur de ma vie.

Alors, puisque je veux me confronter au monde, je pénètre dans le premier bar que je trouve. 

Comme je l'espérais, il est blindé. Je me noie ainsi dans la foule déchainée. La musique est assourdissante et je m'en délecte immédiatement. Elle fait taire d'un coup toutes les idées obscures qui ne cessent de tourner en boucle dans ma tête. Je jette ma veste sur un tabouret et me lance à corps perdu dans la danse. Tous les boum des enceintes rejoignent ceux de mon coeur, et ils trouvent ensemble la parfaite harmonie pour me libérer l'esprit. 

Mais après plusieurs heures, et bien que j'y mette toute mon énergie et ma volonté, je ne parviens plus à trouver l'oubli que j'étais venu chercher ici. Et je me rends compte que plus que tout, c'est un visage que je recherche au milieu des autres. Toujours le même. Mais il n'y est pas. 

Alors quand je sens le type en face de moi me frôler du bout des doigts et me lancer des regards on ne peut plus équivoques, je lui accorde ce que lui est venu chercher. Je l'autorise à me toucher. Je laisse un inconnu embrasser la traînée que je suis. 

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Aïe. Je crois que notre pauvre Charlie a mal. 

Mais comment lui dire que nous, nous savons des choses qui nous permettent de penser que Goran n'est sûrement pas le « connard » qu'elle croit qu'il est ? 

Croyez-vous, tout comme elle, que Goran pense que Charlie est une traînée ?

Moi, je dis que le prochain chapitre risque d'apporter quelques révélations bien croustillantes...

Bisous... goranesques 

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