Chapitre second.
Cher Raphaël.
Cela fait déjà deux ans.
Deux ans que tu nous as quitté.
Depuis ta mort, il s'est passé tellement de choses, bonnes comme mauvaises, que je ne sais pas par où commencer.
Et si on commençait par le début de cette chute ?
Tu es mort, frappé par une voiture.
Comme si ce n'était pas suffisant, j'ai appris, des mois plus tard, que tu m'aimais, moi. Que tu étais amoureux de moi.
Je me sentais con de n'avoir rien remarqué. Mais surtout, d'avoir toujours pensé que tu avais le béguin pour Marine, mais pas le courage de le lui avouer.
J'étais persuadé que tu ne savais pas comment le lui annoncer et surtout que tu ne voulais pas prendre le risque de gâcher votre amitié.
Je me suis trompé...
Je me sentais tellement coupable, que je voulais mettre fin à mes jours. Pour moi, je ne méritais pas de vivre et de toutes façons, je ne pouvais plus vivre. Pas avec l'idée que mon meilleur ami, qui était amoureux de moi depuis toujours ait pu s'enlever la vie à cause de cette putain de société.
C'était trop pour moi.
J'ai alors tenté de me suicider, mais la mort n'a pas daigné m'adresser ne serait-ce qu'un regard.
Marine qui était repassée me voir quelques heures après, avait découvert mon corps et s'était empressée de contacter les urgences.
Ils m'ont sauvé la vie, elle m'a sauvé la vie.
En parlant d'elle, ça fait déjà plusieurs mois que je n'ai pas eu de ses nouvelles.
Notre amitié n'est plus la même depuis tout ça... j'avoue que, même aujourd'hui, j'ai encore du mal à digérer sa cachotterie : elle savait ce que tu ressentais, mais elle ne m'a rien dit.
Cependant, ça reste Marine... je sais que je peux compter sur elle au besoin, et vice-versa.
Après mon retour de l'hôpital, notre appartement est devenu mon pire cauchemar. Je te voyais, partout. Ton odeur me tourmentait, ton rire qui paressait si proche mais en même temps si lointain me faisait perdre la tête. Les souvenirs, c'étaient les pires. J'étais peut-être toujours en vie, mais ils me tuaient à petit feu, un peu plus chaque jour.
La situation était invivable.
J'ai alors décidé de retourner chez mes parents, tout en continuant à payer le loyer de l'appartement et une femme de ménage qui passait chaque semaine.
Une fois chez mes parents, les choses ne s'étaient pas tellement améliorées. J'avais plongé dans une tristesse sombre. J'étais au fond du gouffre, comme on dit.
La culpabilité me rongeait... j'avais l'impression que ta mort aurait pu être évitée si seulement j'avais réalisé plus tôt.
La mélancolie était telle... ! J'étais méconnaissable.
J'avais arrêté d'aller en cours et j'étais exécrable. Tu étais mort et mes parents – le seul entourage qui me restait – en payaient les frais.
D'ailleurs, je ne les remercierais jamais assez de m'avoir supporté, d'avoir tenté de m'aider...
Je noyais mon mal dans l'alcool et le cannabis.
Crois-moi, l'alcool et la drogue ne font pas un bon mélange.
Mes parents étaient inquiets et ne savaient pas comment réagir. Ils ne m'avaient jamais vu aussi bas.
Ils ont essayé de me faire voir des psychologues, mais je refusais catégoriquement de recevoir de l'aide.
Quelque part, je ne voulais pas sortir de cette routine, de cette souffrance, parce que je ne pensais pas mériter mieux que ça.
Et dans toute cette noirceur, je fis une rencontre qui bouleversa ma vie.
C'était l'une de ces rares fois où j'avais décidé de mettre le nez dehors.
J'étais allé à ce coin d'eau, pas loin de chez moi. Je n'y allais jamais, pourtant.
Bien sûr j'étais accompagné de ma très chère bouteille qui ne me lâchait plus.
J'avais besoin d'air, je commençais à étouffer. J'avais bu quelques gorgées et m'étais vautré sur l'herbe légèrement humide.
Il était très tôt.
Les yeux clos, je repensais à toi... je repensais au bonheur que tu m'apportais, mais qui n'était plus.
C'est alors que j'ai vu une ombre se former au dessus de ma tête. Quand j'ai ouvert les yeux, j'étais face à une tête ornée de cheveux rouge flamme. Mais ce qui a retenu mon attention, c'était ses mirettes. Deux grosses billes d'un vert si... vert ! Elle avait exactement les mêmes yeux que toi, Raph.
Elle avait la même lueur que toi...
Nous avons longuement discuté, d'abord de la pluie et du beau temps. Cependant et je ne sais pour quelle raison, je me suis mis à tout lui raconter. De ta mort à tes mots, de ma tentative de suicide à ma descendante au enfer... Je ne comprenais pas, mais je me sentais à l'aise. J'avais l'impression que tu étais là. Que c'était le moment, aussi.
Depuis, on se voyait à peu près chaque jour à ce même endroit. Parfois même, nous restions simplement assis, silencieux, à admirer les doux mouvements de l'eau, à écouter les agréables sons du vent sur les arbres.
Et ça me suffisait amplement.
De là, j'ai commencé à accepter l'aide de mes parents. J'étais maintenant suivi par un psychologue et sous médicaments.
J'ai peu à peu arrêté de boire, de fumer aussi.
Julie, m'encourageait, sans me brusquer.
D'ailleurs, c'est d'elle que me vient cette idée : celle de t'écrire des lettres.
Elle avait raison, l'écriture est la meilleure des thérapies.
Ce message n'est qu'un de plus parmi tant d'autres. Mais le dernier que je t'adresserai.
Aujourd'hui, je vais nettement mieux.
Je commence peu à peu à me retrouver. Je commence peu à peu à redevenir celui que tu as aimé.
Julie et moi ne nous quittons plus.
D'ailleurs, nous sommes ensemble. Je l'aime, et elle m'aime en retour.
Nous avons emménagé dans notre appartement. J'ai finalement trouvé la force de ramener tes affaires à tes parents.
Bien sûr, j'ai gardé quelques trucs !
Aujourd'hui, ta chambre est la mienne, et je m'y sens bien.
« Françis ! On va être en retard ! On a une longue route à faire ! crie une voix venant de la pièce d'à côté.
— J'arrive Julie ! je réponds à mon tour. »
Aujourd'hui, Julie et moi allons au parc d'attraction Harry Potter.
Elle aussi est une grande fan de cette saga.
Tu te souviens qu'on avait pour projet d'y aller ?
Bref...
Je ne sais toujours pas si ta mort était un suicide ou un accident, mais si je sais bien une chose, c'est que je t'aimais moi aussi Raphaël.
Un peu plus qu'en amitié.
Aure voir, mon Raph'.
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