Prologue

J'ai mis un temps fou à ouvrir ma porte. Non seulement parce que je le sentais mal, mais surtout parce qu'il fallait parcourir près de quinzes mètres d'escaliers impériaux et de couloirs tout en moulures et en lustres étincelant. Le genre de promenade qui réveille les yeux à sept heures du matin en lendemain de cuite. 

Il faut dire que j'ai du mal à résorber l'hébétitude qu'ont laissées derrière elles les deux bouteilles de champagne d'hier soir. Je bois quand je me sens seule. Je ne connais rien de plus triste que boire seule, assise dos en mur comme aux pieds de sa montagne de tristesse, une main sur le goulot de la bouteille. Mes parents sont souvent en déplacement, quelque part où ils n'ont plus de réseau pour me donner des nouvelles mais suffisamment pour appeler des limousine privés et faire des petites balades, se montrer dans la ville, dans la presse. Une des familles les plus riches d'Europe qui va exhiber sa fortune à Venise ou à Berlin. Sans la fille. L'enfant inconnu bien contente d'être seule chez elle quand ses parents se tapent la séance photo, mais l'ennui, c'est d'être seule dans une maison bien trop grande, bien trop riche, bien trop vide. L'alcool est mon compagnon d'infortune quand Madi ne répond plus. L'alcool ne connaît pas le montant du revenu de mes parents (ce qui n'est pas le cas du reste de la planète terre, qui lit la presse a scandale). L'alcool saoule et l'ivresse oublie, un peu comme de la méditation mais en plus rapide, parce que j'ai jamais su me laisser aller autrement qu'en étant bourré. Retour de balle dans les heures qui suivent, mais la migraine est un moindre mal. Et puis Madi n'avait qu'a réponde. Peut-être était-elle partie je ne sais quoi faire seule dans une rue déserte en pleine nuit, "pour l'ambiance". Ambiance de danger ou d'insomnie, on opte pour les deux. Peut-être est-elle sur une enquête légendaire qui va changer la face du monde, une nouvelle folie, des nouvelles révélation. Je t'écoute. Aller Madi, révèle moi...

Le jour. Violent, agressif, éblouissant, dès que j'ouvre la porte. Les yeux brûlent quelques secondes, et elle est là, dans son jean trop grand et son col roulé noir, accoudée au montant de la porte, desinvolte, un doigt qui bat le rythme sur la sonnette. Elle me regarde, sourit discrètement, continue de sonner pour me mettre les nerfs en pelotes comme si elle attendait toujours que je m'énerve après 5 ans à être volontairement agaçante. Alors je souris aussi. 

"- Parce que je me suis encore embrouillée avec ma sœur, je pars en Amérique, sans argent, sans boulot, avec un sac en tissu contenant le nécessaire pour un week-end, et je sais pas comment je vais le faire, mais je le ferai, aurait-elle pu me dire, mais elle ne l'ai pas fait parce que j'ai compris quand je l'ai vue à ma porte d'entrée, le doigts sur la sonnette, avec son demi-sourire.

- Rentre abrutie, tu vas avoir froid.

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