Chapitre 2 : Et puis merde
《
"Le couple de choc Bérelli songe à adopter"
Ça a titré dans un magazine de merde. J'ai ouvert la boite aux lettres ce matin. Comme d'habitude, on reçoit tous les magazines de maman, parce qu'elle se paye des abonnements pour voir sa tête sur les couvertures. J'ai lu l'article. Et j'ai brûlé le magazine.
Je commence à être lasse de ne pas exister. Pour les médias, passe encore, mais dans l'interview exclusive de ma mère, elle n'a même pas mentionné le fait qu'elle avait déjà un enfant. Personne sur terre ne sait que je suis la fille de Francis et Eva Bérelli et je vais finir par penser que mêmes mes parents ne sont pas aux courant. Je suis lasse de me mettre dans tous mes états à cause d'un article ridiculement putaclic. Et puis je suis lasse d'apprendre des choses de cette ampleur dans un torchon pareil.
Alors j'ai attrapé mon téléphone. Longtemps, j'ai hésité dans mes contact entre Madi et Maman.
- Allô ?
- J'en ai marre, ai-je balancé à ma mère sans préambule. Depuis quand vous comptez adopter ? Je suffis pas peut-être ? Et puis t'en a tellement rien a foutre que t'as pas pensé à m'en parler. Tu veux qu'on communique comme ça maintenant, avec des articles ? Sérieusement, imagine ma tête ce matin quand j'ai ouvert la boîte aux lettres. Ça me déprime que tu te comportes comme ça. Encore, papa, ça m'étonne pas, mais alors toi...
Silence.
- Ah, tiens, bonjour ma fille !
Voilà. Comme si j'avais rien dit.
- Bonjour Maman, j'ai repris, monotone.
- Tu as lu le nouvel article, toi ?
- Oui, maman.
Je ne faisais même plus l'effort de donner une intonation à mes réponses.
- Ooooh, comme quoi, le titre marche bien ! s'est réjouie ma mère. Ça va parler de nous dans les prochains jours ma chérie, c'est moi qui te le dis !
- Ça va parler de vous, en fait. T'as pas mentionné mon nom, ni mon existence, dans ce torchon, lui ai-je reproché un peu plus calmement.
Ma mère a patiné quelques instants :
- Oui... mais Louise, tu sais, il n'y a pas eu suffisament de com sur ta naissance pour faire de toi une personnalité publique de la famille Berelli, et je ne voudrais pas que tu rejoigne le train en cours de route, tu comprends ? Ça ferait beaucoup pour toi, c'est un sacré monde la presse, tu sais ! Et aujourd'hui, il n'y a pas de raisons justifiant un intérêt soudain pour toi, à moins que tu ne fasse quelques chose de très médiatisé, genre une action illégale. Mais évidemment, ce n'est pas souhaitable, a-t-elle rajouté plus sèchement.
- Non maman, oublie. Laisser tomber cette affaire de médiatisation, en fait, ça ne m'intéresse pas. Désolée de t'avoir dérangée. À plus tard.
J'ai raccroché sans un mot de plus.
Le problème est là : si je n'existe pas dans la presse, je n'existe pas dans la famille.
J'ai envie d'exister. Tant pis si il faut le faire ailleurs.
》
《
Je rentre chez Madi en silence. Sa mère est là, squelette craquelé ancré dans le canapé, devant une télé qu'elle fixe sans la voir. Quand elle m'aperçoit, pour la première fois depuis que je fréquente les Haune, elle ne se lève pas pour vérifier à la fenêtre qu'aucun paparazzi ne m'a suivit jusqu'à chez elle. Je n'ai jamais été suivie, mais Clarisse Haune est particulièrement aux aguets depuis qu'elle est seule avec ses deux filles. Elle n'aime pas que je sois là, mais elle préfère me laisser entrer plutôt que Madi ne vienne à moi. Je remarque qu'aujourd'hui, elle est en mauvais état. Quand je passe à proximité, l'odeur de renfermé, de pisse et de sueur m'assaile avec une telle violence que je me mets à tousser.
- Salut Louise, m'apostrophe une voix raillée depuis la cuisine.
- Salut, Chloé, je lui réponds avant de replonger dans une quinte de toux.
La trentenaire est clairement en lendemain de cuite, les traits tirés, l'air hagard et grognon. Pourtant, à me voir tousser, elle lève un sourcil interrogateur.
- Je suis malade, j'essaie de justifier, pour éviter de lui faire remarquer qu'elle devrait aider sa mère à prendre une douche.
- Tu veux un grog ? Me demande-t-elle.
- Un quoi ?
- Une tisane.
- Non, merci. Juste un verre d'eau.
- Madi est a l'étage, me dit Chloé en me tendant un shooter.
- Euh... Chloé ?
- Quoi ?
- C'est un peu petit.
Elle reprend avec surprise le shooter et me remplit un vrai verre au robinet.
- Il y a quelqu'un d'autre...? Je demande, hésitante
- Non, je n'ai ramené personne, cette fois-ci. Tiens, me dit-elle en me tendant l'eau. Si t'as encore soif tout à l'heure, sers-toi quelque chose de plus fun.
Je ne réponds pas, un pied déjà sur la marche de l'escalier.
Quand je pousse la porte en bois, Madi est allongé sur le ventre, le nez plongé dans sa lecture. Je reste sur le pas de la porte, absorbée par le mouvent de ses pieds qui se balancent.
- Déjà ? Me demande-t-elle sans se retourner en me balançant vivement le magazine qu'elle était en train de lire.
En sortant mes mains de mes poches pour le ramasser par terre, je lance à mon amie, qui s'est levée d'un bond, un regard amusé. Un sourcil levé pour dire "sérieux ?". Un sourire spontané en guise de réponse .
- Déjà lu, oui.
- Fais moi plaisir, ouvre le s'il-te-plait.
À la première page sont glissés deux billets d'avion. Trois jour avant l'embarquement.
Je les regardes, fixement. Repense à ici, la France. Quelle vie j'ai, dans le fond ? J'ai pris une année sabbatique avant la fac de droit. "J'aurais pas le mental pour supporter ces études". C'est devenu une certitude, qui s'estompe seulement les soirs où je bois. Je suis faible avec l'alcool. Je sors tous les jours avec Madi, en ville ou chez elle, et on reste dans notre petite ville Bretonne à deux balle, et parfois on se bourre la gueule a 18h, seulement quand on s'ennuie vraiment. Ne reste que Lorie, une amie du college, qui prend de mes nouvelles une fois tous les deux mois. Mes parents sont à l'Île Maurice. Ils vont peut-être avoir un autre enfant. Qui ne sera pas d'eux mais lui, il aura de l'attention. Peut-être qu'ils n'auront plus besoin de moi.
Je suis seule.
Je m'assoie sur le bord du lit, les yeux toujours rivés sur les billets entre mes mains. Quelle vie m'attend là bas ?
Je ne sais pas.
J'aurais de quoi construire l'inverse de ma vie actuelle.
Le billet me toise, me nargue.
- Tu sais, les yeux-lasers c'est dans les films, me raille Madi, interrompant ma reflexion. Surveille bien mais je ne crois pas que ça brûlera juste par la force de ton mental, même avec ton regard de braise. Aaah... quoi que, il me semble avoir aperçu un petit filet de fumée ! Si si je t'assure, juste là...
J'attrape l'oreiller le plus proche et lui balance en pleine figure. Je jette un dernier coup d'œil aux billets, et, abandonnant ma dernière once d'hesitation, je m'en détourne et m'arme d'un deuxième oreiller.
Elle me sourit, d'un sourire un peu trop fière pour ne pas cacher quelque chose.
- You're such a child, Lance-t-elle avec son meilleur accent américain.
Elle connaissait ma réponse bien avant moi, ça s'entend dans le ton de ça voix. Ça se lit dans ses yeux, ça aveugle. Ça me fait rire.
- Si tu veux la guerre, tu aura la guerre ! Crie-t-elle soudain en se jettant sur moi avec l'oreiller entre ses mains.
》
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top