Chapitre 38
« Je suis heureux.»
Point de vue de Justin.
Je me réveillai dans mon nouveau lit. Le froid et l'odeur d'une chambre vide furent les premières choses qui me frappèrent à la tête. Je grognai et frottai de mes poings mes paupières. J'avais très mal dormi. Entre le décalage horaire et les au revoir, ce fut dur d'encaisser le coup. J'entendais déjà du monde s'activer en bas dans la maison. Ce devait être les déménageurs qui aidaient à monter quelques meubles. Je décidai de partir dans la chambre de ma sœur pour voir si elle dormait toujours. Son petit corps reposait sous les draps roses neufs. De profil, elle tenait son doudou contre sa poitrine. Elle dormait profondément. Je décidai de la réveiller gentiment. Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était et ainsi depuis combien de temps nous étions là. Je savais que j'allais devoir déballer des cartons jusqu'à ce soir et cela ne me motivait pas.
Je m'assis à côté de Jazmyn et lui caressai les cheveux pour avoir une première réaction. Les doigts autour de sa peluche se serrèrent avant que ses yeux papillonnèrent pour finir par s'ouvrir. Un léger sourire naquit sur ses lèvres quand elle me reconnut.
- Bien dormi ? lui demandai-je alors.
Elle hocha faiblement la tête positivement avant de se gratter le nez et de serrer encore plus fort contre elle son doudou. J'avais du mal à croire qu'elle était bel et bien de retour et même si c'était le temps d'une année pour l'instant, c'était super.
- C'est l'heure de se réveiller ? me demanda-t-elle d'une faible voix aiguë.
- Oui mais tu peux prendre ton temps, tu es en vacances maintenant.
Ma mère m'avait dit que Jazmyn avait pleuré quand elle avait dû quitter ses amis. Je voulais donc combler ce manque qu'elle avait en étant avec elle le plus de temps possible. Mais je savais qu'elle n'aurait pas de mal à se faire de nouveaux amis dans sa nouvelle école dès la rentrée. Elle n'était pas très timide et plutôt très sociable.
Je décidai de la laisser se réveiller tranquillement et descendis au rez de chaussée pour aller dans la cuisine. Une armada de déménageurs était effectivement là, en train de monter les gros meubles. Aucune présence de ma mère ni de celle de Thomas. Je leur saluai d'un hochement de la tête avant de soupirer en réalisant que j'allais devoir chercher dans les cartons de quoi pouvoir petit-déjeuner. Puis je vis que le petit déjeuner était finalement déjà prêt, sur la grande table à manger blanche. Il y avait des boîtes de céréales dont j'ignorais l'existence de la marque, des fruits locaux, du lait, de la confiture et du pain de mie. Je m'installai donc n'ayant rien d'autre à faire que de me servir.
Cela me dérangeait un peu de devoir manger entouré d'hommes que je ne connaissais guère mais je n'avais pas le choix. Je sortis mon portable de la poche de mon short et le consultai étant donné que je ne pouvais pas regarder la télé qui n'était pas encore branchée. Thomas nous avait déjà payé un forfait local à ma mère et moi ainsi je pouvais rester en communication avec Valentin sans payer de frais supplémentaires et de plus sans lui en faire payer.
Il me manquait déjà ce con mais il y avait quelqu'un d'autre qui me manquait encore plus jusqu'à ce que ça se ressente durement dans ma poitrine. J'avais encore en tête la discussion que nous avions eu hier - puisque nous étions déjà le lendemain en Australie. Elle avait pleuré comme je l'avais redouté mais je crois bien que j'aurais été déçu si elle ne l'avait pas fait parce que cela aurait voulu dire que ça ne la blessait plus et donc que ça n'avait pas tellement compté.
Je n'avais pas su lui dire que je partais et j'étais donc parti comme un voleur. Mais j'avais prévu le coup en lui laissant mon devoir dans son casier car c'est toujours plus facile d'ouvrir son cœur quand c'est écrit. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle vienne me contacter quand elle l'aurait lu, je voulais juste qu'elle sache ce que je pensais réellement. Je ne voulais pas de retour.
Mais j'avouais que cela me ferait plaisir qu'elle me fasse un signe, n'importe lequel mais quelque chose qui me dirait qu'elle penserait toujours à moi, même si quinze milles kilomètres nous séparaient.
...
La nuit commençait à tomber. Je m'étais posé dans notre nouveau grand jardin où le gazon était vert et fraîchement tondu, où l'air était frais et où je pouvais être un peu à l'écart de tous. Ma mère, Thomas et Jazmyn étaient dans la maison en train de déballer encore des cartons sûrement. Quant à moi, j'avais déjà fait ma part de travail pour aujourd'hui. D'habitude, j'aurais allumée une cigarette mais j'avais laissé tomber mes mauvais habitudes pour la plus grande joie de ma mère.
Je fixais le ciel noir parsemé d'étoiles. Je me sentais nostalgique. Je contractai ma mâchoire. J'arrivais à voir son visage. C'était troublant, c'était addictif. Elle continuait de me suivre partout où j'allais. Elle était là, accrochée à moi, trouvant toujours un moyen de rester à mes côtés, d'une manière ou d'une autre. J'entendis des pas derrière moi puis je vis du coin de l'œil un corps se poser à côté du mien. Je continuais de fixer le ciel sans être perturbé.
- Tu regrettes ?
C'était ma mère.
- Non.
- Tu vas t'amuser ici, je te le garantie.
- J'en doute pas.
- Regarde moi.
Je tournai ainsi ma tête vers elle et plantai mes yeux dans les siens.
- Merci, me dit-elle.
- Arrête maman, je t'ai dit que c'était évident pour moi.
- Tu n'as pas besoin de le nier. Tu préférerais être avec elle à l'heure qu'il est, n'est-ce pas ?
Je pris une grande respiration et baissai les yeux. Elle voulait que je sois entièrement franc avec elle et que je ne lui cache rien.
- Je n'ai pas su lui dire que je partais, avouai-je. Je t'ai menti quand je t'ai dit que je lui avais dit.
- Elle ne le sait toujours pas ? me demanda-t-elle surprise.
- Elle doit le savoir maintenant, je lui ai laissé un mot.
- Un mot ? Tu lui as laissé un mot pour lui dire que tu partais ?
Je savais qu'elle s'attendait à mieux de ma part. Mais ça avait été au dessus de mes forces. Je décidai alors de lui raconter la réelle histoire derrière notre "séparation" et elle s'empêcha de me mettre une tarte à la fin du récit même si j'en méritais sûrement une - voire plus.
- Justin... souffla-t-elle désespérément. Tu fais vraiment tout de travers.
- Je sais que j'ai merdé encore une fois mais de toute façon c'était voué à l'échec quoi qu'il arrive.
- Non, il y aurait pu avoir une meilleure fin à votre histoire.
- Je ne suis pas pour les relations amoureuses, encore moins à distance, rétorquai-je. Je te l'ai dit.
- Je ne parlais pas de ça mais vous auriez pu être de bons amis, même à distance.
- Avec elle, c'est tout ou rien maman. Je l'aime, je ne peux pas la voir juste comme une amie.
- Tu l'aimes ? afficha-t-elle un grand sourire.
- Ne fais pas comme si tu ne le savais pas déjà.
Elle posa ses mains sur son visage pour le cacher.
- Je vais pleurer, dit-elle. Je ne t'ai jamais entendu dire ça.
Une gêne immense s'empara de moi. Je ne savais plus où me mettre.
- Maman, tu ne vas quand même pas pleurer pour ça, soufflai-je.
Je m'empressai de me lever. Je ne pouvais pas rester là si elle comptait se mettre à pleurer.
- Non, reste, je vais me contenir.
- Je ne vais pas réussir à tourner la page si vous faites tout pour remuer le couteau dans la plaie.
- Quand tu trouves l'amour, tu dois être prudent avec parce qu'il se peut que ça ne se reproduise jamais.
- Sauf que le mal est déjà fait. Je demande juste qu'on me laisse l'accepter maintenant.
- C'est vrai, tu as raison. Je ne devrais pas te parler encore de ça si tu as décidé de tourner la page.
Elle me fit signe de me rasseoir et j'acceptai à condition que Waller n'était plus le sujet de la conversation.
- Est-ce que Jazmyn t'a dit quelque chose en particulier ? se pencha-t-elle alors sur ce sujet.
- Non. Je crois qu'elle est réellement contente d'être ici.
- Parce qu'il y a toi. Je pense qu'on va avoir plus de mal Thomas et moi pour la mettre à l'aise.
- Maman, qu'est-ce que tu dis ? Tu es sa mère et elle le sait. C'est aussi pour toi qu'elle a choisi d'être ici, rétorquai-je.
- Mais dans sa famille d'accueil elle avait aussi une mère. Pas de frère. C'est pour ça que tu es resté le numéro un dans son cœur.
- Arrête de dire des conneries, elle t'aime toujours autant.
- Je suis sa mère Justin, c'est quelque chose que je ressens. C'est comme ça, je l'accepte, je sais que ça reviendra avec le temps.
J'attrapai du gazon dans une main et je sentis celle de ma mère me taper.
- Justin ! Il est tout neuf ! me gronda-t-elle.
Je relâchai alors l'herbe que j'avais arraché et m'essuyai la main sur mon jean.
- Est-ce que tu trouves que Thomas s'entend bien avec Jazmyn ? me demanda-t-elle subitement.
- Oui mais ça se ressent qu'il ne fait pas encore partie de la famille.
- Il a fait tellement d'efforts et de sacrifices pour nous, je veux que ça marche.
- Ça marchera, il n'y a pas de raison pour qu'il nous arrive encore de mauvaises choses, la rassurai-je.
- Je suis contente de voir que tu es devenu quelqu'un d'optimiste.
C'était grâce à Abigail. J'aurais déjà été en train de péter un câble si elle ne m'avait pas changé comme ça. Je n'aurais peut être même pas accepté d'aller en Australie si on en était resté à être de simples rivaux.
- Je suis heureuse Justin, tant que vous êtes tous les trois à mes côtés et même si Thomas venait à partir un jour, je resterai heureuse.
- Je suis heureux aussi.
C'était vrai. C'était un autre bonheur, certes, mais ce n'était pas négligeable et c'était quand même bon. J'étais prêt à recommencer une nouvelle vie ici auprès de ma famille et de Thomas.
...
Un nouveau jour avait commencé ici en Australie. J'avais encore du mal à m'y faire mais ça viendrait avec le temps, j'en étais persuadé. Je me baladais dans les rues de la ville. Il faisait beau. Le vent balayait mes cheveux. J'essayais d'apprécier le cadre dans lequel j'étais. Je ne pouvais pas me plaindre encore une fois, ils auraient pu choisir un autre pays qui ne m'aurait pas du tout plu. Je tapais déjà dans l'œil des australiennes. Elles me souriaient quand elles me croisaient. Je ne savais pas si cela se voyait tellement que je n'étais pas d'ici mais on dirait bien qu'elles n'étaient pas habituées à voir quelqu'un comme moi dans le coin.
Jazmyn avait préféré rester à la maison et essayer son nouveau jeu. Moi j'avais besoin de prendre l'air et de visiter cette ville qui allait être la mienne le plus longtemps possible je l'espérais. Il fallait que je me fasse de nouveaux potes si je voulais passer de très bonnes vacances et pour cela, j'allais devoir sortir souvent. Je ne voulais pas tomber dans un chagrin et gâcher ma première et peut-être seule année ici. Je ne devais plus me soucier de quoi que ce soit. Pas tout le monde avait la chance de recommencer leur vie à zéro.
Mon portable se mit soudainement à sonner. Je le sortis de la poche de mon jean. Un sourire apparut bêtement sur mon visage en voyant que c'était Valentin qui m'appelait.
- Eh mec !
- Salut, comment tu vas ?
- Je vais bien et toi ? Comment c'est l'Australie ? Les filles sont belles ?
- Ouais mais tu sais que je l'ai toujours dans ma tête, dis-je avec un air amusé.
- En parlant d'elle...
Il prit soudainement un ton sérieux qui me fit froncer les sourcils. Ça ne sentait pas bon.
- Quoi ? demandai-je impatient.
- C'est toi qui as fini major de la promotion Justin...
Ma bouche s'entrouvrit mais aucun son ne sortit de cette dernière. Merde. Non, pas ça.
- C'est toi qui as gagné la place à Harvard. Elle n'a fini que deuxième.
Je déglutis. Cela n'avait pas fait partie de mes plans. Putain. C'est quoi ce bordel ? Je lui avais tout volé. Son cœur et son rêve. Comment faisais-je pour être si cruel à ce point avec elle ? Certes, j'avais gagné la compétition mais la compétition ne m'intéressait plus depuis longtemps. Elle devait encore plus me haïr désormais et avoir déchiré mon devoir en mille morceaux. Je frottai mon visage. Je devais régler ça, je ne savais pas comment encore mais je ne pouvais la laisser sans rien.
- Tu lui as parlé ? Qu'est-ce qu'elle va faire ? demandai-je.
- Non mais j'imagine qu'elle est perdue.
- Qu'est-ce que je peux faire pour elle ?
- Je ne sais pas mec. Je ne sais pas.
- Je ne peux pas la laisser comme ça Valentin, rétorquai-je.
- Je sais mais tu n'es plus là maintenant.
J'avais envie de fracasser mon téléphone contre un mur et de crier de rage. Moi qui pensais que je partais en lui laissant au moins son rêve mais non, j'avais tout emporté avec moi. Je décidai de couper court à la discussion. Il fallait que je réfléchisse. La première chose qui me venait à l'esprit était que maintenant qu'elle n'allait plus à Havard, elle pouvait me rejoindre ici. Mais non... Elle devait réaliser son rêve. C'était beaucoup plus important qu'une relation amoureuse.
Mais comment ? Comment rattraper toutes mes conneries ?
...
De retour chez moi, je m'empressai de dire la mauvaise nouvelle à ma mère et Thomas. J'étais paniqué. Il fallait que je répare ça. Ils ne surent pas quoi me dire alors c'était pire. Puis, évidemment, ils eurent la même idée que moi : de la faire venir ici. Je refusai catégoriquement même si au fond, c'était ce que je voulais.
Alors le problème était loin d'être réglé. Qu'allais-je faire ? Quelles étaient les solutions ? Je n'aurais pas l'esprit reposé tant que je saurais qu'elle avait annulé tous ses plans à cause de moi. Jazmyn débarqua dans ma chambre avec son doudou à la main. Elle s'assit sur mon lit à côté de moi. J'ôtai alors mes mains de ma tête pour reprendre un air normal.
- Qu'est-ce qu'il y a Justin ? me demanda-t-elle.
- Rien, tout va bien Jazmyn.
- Tu es sûr ?
J'hochai la tête.
- Alors tu veux jouer avec moi à mon nouveau jeu ?
- Oui, ne pus-je refuser.
Elle attrapa ma main et m'emmena dans sa chambre. Cette dernière était aussi grande que la mienne mais cela ne me dérangeait pas. Je n'étais pas du genre à chipoter pour un truc pareil. Je m'assis sur son lit et attendais qu'elle me dise ce que je devais faire. Elle le fit mais j'étais trop perdu dans mes pensées que je ne l'avais pas écouté. Je me sentais terriblement mal.
- Justin ? Tu ne veux pas jouer ?
- Est-ce que tu veux toujours qu'Abigail vienne ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top