Chapitre 37
«Je te pardonne.»
Point de vue d'Abigail.
Nous étions mercredi. Les examens débutaient aujourd'hui. Je n'avais pas arrêté de vomir de stress. J'avais tellement peur de ne pas finir major de promotion et ainsi de perdre ma place à Harvard. Maintenant que je savais que Justin était capable de tout pour gagner la compétition, il n'allait pas me faire de cadeau en s'assurant de répondre juste à toutes les questions. Il fallait donc que je sois moi aussi irréprochable.
Je n'étais cependant pas dans la meilleure forme pour appréhender cette semaine de tests. Je pensais encore sans arrêt à lui et à ce qu'il m'avait fait. Ça ne sortait pas de ma tête. C'était constamment là et ce n'était pas prêt de sortir. Pourtant, je n'avais pas arrêté de réviser pour l'oublier et oublier tout ça mais rien n'y faisait. Bien qu'il m'avait brisé le cœur en mille morceaux, il restait la première et la dernière personne pour qui j'avais une pensée chaque jour.
Mon père me souhaita bonne chance avant de partir au lycée où je rejoignis Briana. Bizarrement, elle semblait plus stressée que moi. Elle sautillait de partout et se tenait le ventre. Pourtant, elle aurait son diplôme sans aucun problème et les notes lui importaient peu tant qu'elle finissait diplômée. Moi, c'était plus compliqué. J'avais une place à Harvard en jeu.
- Prête ? me demanda-t-elle.
- Je crois. Et toi ?
- Je crois aussi. Plus que toi c'est certain.
- On y va ? proposai-je.
Elle hocha la tête et nous rentrâmes dans le bâtiment. Mon cœur battait la chamade comme si je jouais ma vie aujourd'hui. Et c'était le cas. Aujourd'hui jusqu'à la semaine prochaine. Tous les gens autour de nous semblaient aussi stressés. Nous serions tous dans la même galère jusqu'à la remise des diplômes. Je continuais de marcher aux côtés de ma meilleure amie, traversant les allés jusqu'à trouver notre salle d'examens. J'essayais de ne pas réciter mon cours d'histoire dans ma tête pour ne pas me mélanger alors je faisais le vide pour être la plus sereine possible.
Quand je percutai quelqu'un très durement. Je m'excusai aussitôt avant de relever la tête et de croiser le regard de celui qui m'avait mise dans de mauvaises conditions pour cette semaine d'examens. Un silence captura le moment. Mes yeux bleus dans ses yeux caramels, j'avais l'impression que le temps s'était arrêté.
Ses lèvres s'entrouvrirent et je crus lire bonne chance dessus. Puis il disparut en un coup de vent. Je mis du temps avant de réaliser ce qu'il venait de se passer. Briana me demanda si ça allait et ne manqua pas d'ajouter que Justin l'avait sûrement fait exprès ce que je ne croyais pas. Son bonne chance n'avait pas été ironique ou arrogant. Plutôt amical ce qui m'étonnait parce que si nous étions en froid aujourd'hui c'était parce qu'il avait choisi notre compétition au reste.
Notre salle trouvée - nous avions eu la chance d'être dans la même - nous nous installâmes rapidement. Ce nœud dans mon ventre ne voulait pas partir. J'espérais ne pas tout évacuer sur ma table, ce serait terrible. Il fallait que tout se passe comme je l'avais prévu. Il n'y avait pas d'autre alternative. Briana installée trois rangs devant moi me lança un dernier regard puis je plongeai entièrement dans ma bulle.
...
Il était midi. L'épreuve de ce matin s'était très bien passée pour moi. Je pensais avoir décroché la meilleure note. Briana pensait elle s'être plutôt pas mal débrouillée. Mais j'avais quand même le moral à zéro. Carrément en dessous de zéro. Négatif. La cause ? La même depuis tellement longtemps maintenant : Justin Bieber. Il avait réussi à entrer dans ma tête dans un moment important comme les examens finaux alors il était certain qu'il n'en sortirait pas jusqu'à la remise des diplômes au moins.
Nous décidâmes de déjeuner au self puisque c'était ouvert. Après avoir été servies, nous prîmes place à notre table habituelle avec nos plateaux.
- J'ai hâte que tout ça soit terminé, me dit Briana.
- Moi aussi. J'ai besoin de vacances. Avec mon père.
- Tu les mérites avec tout ce qu'il s'est passé ces derniers mois.
J'acquiesçai. Il fallait que j'aille me ressourcer très loin d'ici, que je fête mes années lycées terminées et que peut-être je trouve quelqu'un de bien pour oublier celui qui m'avait fait du mal.
En parlant du loup, il entra dans la grande salle entouré de ses deux copains. Tout le monde se tourna vers lui. C'était comme s'il n'avait pas perdu de sa popularité, comme si ce qu'il s'était passé n'avait rien changé. Il se dirigea assurément vers les plateaux et les couverts pour se servir, je le suivais du regard avec attention comme si je ne devais pas le perdre de vue.
Il était beau vêtu d'un simple t-shirt blanc qui moulait presque ses pectoraux et d'un jean claire qui ne tombait pas en dessous de ses fesses. Je n'arrivais pas à lui trouver un défaut physique malgré la haine que j'avais pour lui.
- Arrête de le fixer.
- C'est plus fort que moi, dis-je avant de poser mes yeux sur elle. Mais je vais bien. Ne t'en fais pas.
Elle fronça les sourcils.
- Tu mens.
- Je préfère mentir.
Je baissai les yeux dans mon assiette et commençai à manger. Je ne voulais pas qu'on rabâche toujours la même chose. J'irais bien, je me l'étais promis.
J'entendis après quelques minutes le groupe de Justin prendre place à leur table. Je ne pus m'empêcher de lever les yeux. Je croisai son regard une fraction de seconde avant de détourner la tête. Mon cœur se serra. La température de mon corps augmenta. Il avait réussi à me déstabiliser par un seul regard.
Je posai ma fourchette sur mon plateau et décidai d'aller prendre l'air seule. Je n'étais visiblement pas encore prête à partager la même salle que lui. Dehors, je m'appuyai contre un mur et j'essayais de reprendre mes esprits. Je ne pouvais pas me mettre dans un état pareil juste en croisant ses yeux, c'était ridicule. Je n'étais plus une petite fille depuis longtemps et je ne devais pas paraître faible face à lui. Je valais mieux que ça.
- Waller ?
Je tournai ma tête à ma droite et Valentin apparut dans mon champ de vision. Il me fit une grimace désolée tandis que je ne comprenais pas pourquoi il venait à ma rencontre après la dernière discussion que l'on avait eue.
- Valentin, dis-je sans enthousiasme.
- On peut parler ?
- Ça dépend de ce que tu comptes me dire, répondis-je.
- Je ne viens pas te prendre la tête ou te dire que je t'avais prévenue que Justin était un joueur parce que je ne le pensais pas. J'étais énervé à cause d'Elizabeth alors...
- Mais au final il a quand même joué avec moi, le coupai-je. Alors que tu le pensais ou non, ça ne change rien.
- Non Abigail, il n'a pas joué avec toi.
Je ris nerveusement. Il se gratta la tête.
- Ah bon ? Tu crois vraiment ce que tu dis là ?
- Tu ne comprends pas, il...
- Il m'a eue. Je sais. Il n'a pas joué, c'est juste moi qui ai été trop conne.
Il était en train de remuer le couteau dans la plaie alors je n'avais qu'une envie : écourter la discussion. Clara passa comme par hasard à côté de nous. Elle n'avait plus l'air fier qu'elle affichait quand elle m'avait fait voir le vrai visage de Justin mais je la regardais quand même avec jalousie. C'était stupide je savais surtout qu'elle n'avait qu'une seule chose que je voulais. Mais j'aurais pu tout donner pour cette chose.
- Tu n'as rien à lui envier, me dit Valentin comme en lisant dans mes pensées. Tu as quelque chose de plus qu'elle.
- Clara est la copine de Justin. Je ne l'ai jamais été. En quoi j'ai quelque chose de plus qu'elle ? Elle a couché avec lui la première, elle l'a embrassé la première, elle l'a intéressé la première. Je n'ai pas de quoi me vanter. C'était elle depuis le début.
- Tu as son cœur.
- Son cœur, ris-je nerveusement. Si j'avais vraiment eu son cœur, il m'aurait choisie. Il n'avait rien à craindre, il savait que j'étais toute à lui.
Je sentais ma gorge se nouer. Je ne devais pas craquer maintenant. Je ne devais pas craquer tout court. Pas devant Valentin, pas au lycée, pas chez moi, nul part et jamais.
- Tu ne sais pas tout Abigail.
- Alors dis moi ce que je ne sais pas.
Il soupira.
- Je ne peux pas. Ce n'est pas à moi de te le dire.
- Alors ne me demande pas de te croire quand tu me dis qu'il n'a pas joué avec moi.
Je voulus partir mais il me retint. Je ne comprenais pas pourquoi il essayait de donner une bonne image à son ami. Était-ce ce dernier qu'il lui avait demandé ? Ou le faisait-il de son plein gré ? Il planta ses yeux dans les miens comme prêt à me révéler quelque chose. Je ne dis rien et attendis qu'il parle.
- Abigail... Justin s'en...
- Valentin, le coupa une voix derrière moi. Tu fous quoi ?
Je n'eus pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agissait mais je le fis quand même. Mes yeux accrochèrent les siens brièvement avant qu'il ne les pose sur son ami. Un malaise immense s'installa entre nous. Je voulais juste m'enfuir en courant désormais.
- Rien, je discutais juste, répondit-il.
- Bon je te laisse Valentin, lui dis-je.
Il hocha la tête et je m'en allai. Je passai une main dans mes cheveux et soupirai. A cause de lui, une nouvelle question me trottait dans la tête. Qu'avait-il été sur le point de me dire ? Qu'était-ce cette chose qui justifierait soi-disant le comportement que Justin avait eu envers moi ? J'avais du mal à croire que quelque chose justifiait le fait qu'il s'était joué aussi salement de moi. Je partis rejoindre Briana que j'avais laissée seule à table. Elle sourit en me voyant comme rassurée que je sois toujours là. Je lui souris en retour puis repris place en face d'elle.
- Tu as parlé avec Valentin ? me demanda-t-elle directement.
- Comment tu sais ?
- Il t'a suivi du regard quand tu as quitté la salle. Qu'est-ce que vous vous êtes dits ?
- Rien d'important. Il a voulu essayer de défendre et de justifier son pote mais c'est rentré d'une oreille puis c'est sorti de l'autre.
Elle sourit amusée.
- Je n'arrive pas à croire qu'il trouve encore à défendre Justin après ce qu'il t'a fait.
J'haussai les épaules. Je ne voulais plus y penser.
Justin et Valentin étaient revenus rapidement manger. Je m'étais retenue pendant tout le repas de les fixer. J'imaginais qu'ils devaient parler de moi et c'était frustrant de ne pas savoir ce qu'ils disaient. Je savais que je devais m'en foutre et que je devais plutôt me concentrer sur l'épreuve de cet après-midi mais dès qu'il y avait un moment de latence, c'était Justin qui me venait à l'esprit.
...
Une semaine et demie plus tard...
Les examens avaient pris fin il y avait trois jours ainsi celui de la remise des diplômes était enfin arrivé. Je ne tenais plus en place. J'étais à la fois excitée et terrifiée à l'idée de connaître les résultats. Il n'y avait que la première place qui m'intéressait et si je ne la décrochais pas, c'était mon monde qui s'écroulerait encore une fois. Mon père essayait de toutes les façons de faire redescendre la pression en me disant que j'étais la meilleure, que ça ne pouvait pas être autrement, qu'il croyait en moi et que même si par malheur et par injustice je ne finissais pas major de promotion, il resterait fier de moi, en vain.
Je ne doutais pas de moi, j'avais plutôt très bien réussi dans chaque matière mais je ne pouvais rien faire contre les performances de Justin. S'il avait été meilleur que moi, j'aurais à l'accepter.
Mon cœur allait sortir de ma poitrine. L'attente était insoutenable et j'allais encore devoir attendre deux heures au moins jusqu'au verdict. Briana me rejoindrait chez moi pour qu'on aille au lycée ensemble et qu'on se soutienne.
- Ça va aller, me dit mon père.
Nos rapports étaient redevenus quasiment les mêmes qu'avant la mort de maman et cela faisait du bien. Je pouvais de nouveau compter sur un père présent.
- Je le sens mal, avouai-je.
- Pourquoi ? Si Justin t'aime vraiment bien, il a fait en sorte que tu aies la première place.
- Justin ne m'aime pas alors crois moi qu'il a plutôt tout fait en sorte pour que je ne sois pas la première.
J'imaginais bien qu'il n'avait pas essayé de me décrocher un A en sport comme nous l'avions conclu. Et comme une conne, moi je l'avais aidé en philo. Cela m'apprendra à vouloir faire confiance aux gens comme lui.
- Il ne t'aime pas ? Comment ça ? Il n'a pas arrêté de prendre ta défense quand il était face à moi.
- Les choses ont changé depuis, rétorquai-je.
- Il te l'a dit ?
- Quoi ? fronçai-je les sourcils.
Il se gratta la tête de la même manière que Valentin l'avait fait quand il m'avait parlé de Justin la dernière fois. Ainsi, ce qu'il avait failli me dire me revint en tête. Mon père était-il également au courant de cette chose ? Cela ne pouvait pas être possible, Justin ne pouvait pas s'être confié à lui. Mais de quoi parlait-il alors ?
- Non, rien, me dit-il finalement.
Je fis un pas vers lui.
- Non dis moi. Qu'est-ce qu'il devait me dire ?
Il semblait soudainement avoir de la peine mélangé à de la gêne dans ses yeux. Je ne comprenais pas pourquoi. Je ne lui avais pas dit pour Justin et moi, je ne lui avais pas dit qu'il m'avait brisé le cœur et qu'encore aujourd'hui, je ne m'en étais pas remise.
- Non oublie, je ne sais plus.
- Papa, tu ne peux pas me faire ça, dis moi.
- Pourquoi dis-tu qu'il ne t'aime pas ?
- Parce que c'est la vérité. Il ne m'a jamais porté dans son cœur. Il m'a juste fait croire que...
- Il t'a brisé le cœur ?
Je fronçais les sourcils comme pour essayer de masquer quelque chose sur mon visage. Il me regarda plus sérieusement.
- Tu l'aimais ? renchérit-il.
- Non, répondis-je amèrement.
Même si savoir qu'il aurait eu la gueule cassée par mon père si j'avais répondu positivement m'aurait peut-être fait jubiler au fond, je ne voulais pas que ce dernier rentre dans cette affaire et qu'il remonte à la surface une histoire que j'essayais de faire couler depuis trop longtemps déjà. C'était de l'histoire ancienne et il fallait que ça reste ainsi.
- Abigail, j'ai du mal à te croire.
- Pourtant c'est la vérité. Il devait juste rester à mes côtés jusqu'à ce que tu te portes mieux et c'est ce qu'il a fait. Alors je n'avais pas de raison de tomber amoureuse de lui.
- On n'a pas besoin d'avoir de raison pour tomber amoureux, ma fille. Tu peux tomber amoureux de quelqu'un sans savoir pourquoi.
- Je n'étais pas amoureuse de lui papa. Peut-être attachée mais ça s'arrête là, mentis-je.
- Si tu as peur que je lui casse la gueule, ne t'inquiète pas, je ne le ferai pas, dit-il amusé.
Je ris.
- Affaire classée, conclus-je en souriant.
- N'oublie pas que je suis ton père et que tu peux tout me dire, souligna-t-il avant de se diriger vers la cuisine.
- Justement, tu es mon père, soulignai-je à mon tour amusée.
Je partis dans ma chambre tout de même ravie d'avoir eu cette discussion avec lui. Maintenant il savait que Justin et moi ce n'était plus d'actualité et ainsi nous n'en reparlerions plus. Peut-être que quand mes plaies seraient définitivement refermées, je lui dirais la vérité mais pas maintenant, c'était encore trop tôt.
...
Briana et moi étions en route pour l'Imperial School. Nos parents nous rejoindraient plus tard. Nous avions environ une heure d'avance. Nous devions nous préparer, enfiler la tenue pour la cérémonie. Le stress n'était pas encore à son maximum pourtant je n'avais jamais été aussi stressée de toute ma vie. C'était insoutenable. Nous nous tenions inconsciemment la main. Nous avions toujours été ensemble depuis notre plus jeune âge et nous allions bientôt recevoir nos diplômes encore unies. Elle était ma plus belle amitié, mon acolyte.
Arrivées à destination, il y avait déjà du monde. Tous aussi nerveux que nous. Certains avaient déjà revêtu la toge. Nous nous dirigeâmes directement dans les vestiaires que occupaient normalement les joueurs de baskets de notre lycée. Puis Briana eut l'idée de pénétrer dans le bureau du coach pour avoir plus d'intimité. Ainsi, elle s'approcha de la porte et poussa sur la poignée et par chance, la porte n'était pas verrouillée. Nous entrâmes donc à l'intérieur et refermâmes derrière nous.
Nous sortîmes de nos sacs nos toges pour les enfiler ce qui rajouta une pression en moi.
- Ça va aller, tu vas l'avoir cette première place, me dit-elle.
- Justin a toujours eu ce qu'il voulait. Je me dis que ça ne changera pas aujourd'hui.
- Tu ne peux pas penser comme ça, rétorqua-t-elle. Il faut que tu sois positive.
- Mais ça va servir à quoi si je vais être déçue ? Je préfère partir défaitiste.
- Abby, je vais t'en mettre une si tu continues à parler comme ça !
Je levai les mains au ciel pour tout réponse et elle rit en secouant la tête. Elle commença à enfiler sa toge pendant que je fixais le vide sans vraiment penser à quoi que ce soit.
- J'ai ramené plein de bijoux et du maquillage. Il faut qu'on soit les plus belles pour ce grand jour, me dit-elle.
Je la regardai poser ce qu'elle avait emmené sur le bureau du coach qu'elle essayait de ne pas déranger. Je m'approchai de ce dernier pour voir si quelque chose m'intéresserait mais en réalité, je n'en avais rien à faire d'être la plus belle ou non aujourd'hui. Je voulais juste repartir avec ma place acquise à Harvard.
- Je reviens, j'ai oublié quelque chose, m'annonça-t-elle avant de quitter la salle.
Elle me laissa ainsi seule. Je parcourais de mes doigts les affaires qu'elle avait posées sur le meuble. Il y avait de tout. Avait-elle pensé que nous allions faire un défilé ? Je ris intérieurement. Elle n'était vraiment pas comme moi sur ce point là.
Soudain, j'entendis des pas entrer dans la pièce. Pensant qu'il s'agissait de Briana, je n'y fis pas attention. Je me mis à chercher un rouge à lèvres qui me conviendrait parmi tous ceux qu'elle avait apportés. Puis j'entendis la porte se fermer. Encore aucune réaction de ma part.
- Waller.
Séisme émotionnel. Mon cœur s'arrêta de battre. Tous mes sens se concentrèrent sur ce son. J'avais parfaitement reconnu sa voix. Masculine, rauque et douce à la fois. Sensuelle et qui savait me faire vibrer. Celle qui autrefois m'avait susurré des mots doux à l'oreille. Que faisait-il là ? Que voulait-il encore ? Pourquoi cherchait-il encore à me déstabiliser ?
- Abigail, j'ai juste besoin que tu m'écoutes cinq minutes, pas plus. C'est tout ce que je te demande.
J'étais dos à lui et ainsi je ne pouvais pas le voir. J'avais envie de me retourner mais je ne pouvais pas parce que mon corps était figé et parce que si je venais à pleurer, je ne voulais pas qu'il le voie. Je ne dis rien pour le laisser poursuivre. Je sentais déjà mes jambes fébriles, j'avais peur de ce qu'il allait me dire.
- Je suis désolé, commença-t-il. Désolé de ne pas avoir été à la hauteur de tes espérances, de t'avoir déçu, de t'avoir blessé.
La tête baissée, je fermai les yeux. Mon cœur se serrait dans ma poitrine. C'était dur, dur de l'entendre parler et de me dire tout ça. Surtout après tout ce temps.
- Je sais que je suis le plus gros salaud pour toi et j'accepte. Je comprends.
Ma gorge se nouait de plus en plus, au fur et à mesure que les mots sortaient de sa bouche. Mes mains appuyées sur la table tremblaient, j'étais déstabilisée.
- Je ne te mérite pas et ça je l'ai su dès le premier jour.
- Alors pourquoi... réussis-je à prononcer.
- Parce que...
Je l'entendis soupirer. Il semblait cogiter, mal à l'aise.
- Je ne pourrais pas te l'expliquer Abigail. Je veux juste que tu saches que ce n'était pas contre toi et ce n'était pas délibéré.
Je me retournai enfin. Malgré mes yeux bordés de larmes, malgré mon état. Je le vis là, debout au centre de la pièce. Il ne portait pas encore sa toge. Mes pupilles accrochèrent les siennes. Ces dernières brillaient aussi. Elles semblaient mener la même lutte. Pourtant c'était moi qui étais blessée, c'était moi qui avais perdu.
- Tu le savais Justin, tu le savais que j'étais amoureuse de toi. Mais tu n'as pas hésité.
Ma voix tremblait. Je me retenais de fondre en larmes.
- Avec elle en plus. Tu ne pouvais pas faire pire. Alors j'ai du mal à croire que ce n'était pas contre moi.
Il baissa la tête et sa mâchoire se contracta. Je mordais ma lèvre inférieure, je levais les yeux au ciel pour ne pas craquer. J'avais le garçon que j'aimais et détestais à la fois en face de moi et c'était difficile de rester imperturbable.
- Ce n'était vraiment pas contre toi, murmura-t-il presque sans me regarder.
- Est ce que c'était Zac le problème ?
- Non, ça n'a rien à voir.
- Alors je ne comprends pas.
Il n'osait plus croiser mon regard comme s'il cachait quelque chose, comme s'il n'était pas vraiment sincère. Je pourrais me mettre en colère, cracher une fois pour toute ma haine mais ce n'était pas le sentiment qui me passait à cet instant. Je voulais profiter de cette occasion pour tourner la page, pour avancer enfin.
- Mais je te pardonne, repris-je.
Il releva enfin les yeux sur moi, surpris.
- Je te pardonne parce qu'il y a pire dans la vie, parce que tu m'avais prévenue et parce que je veux tourner la page. Je ne t'en veux plus Justin.
Une larme coula le long de ma joue et je l'essuyai. Ses iris restaient fixés sur moi. Il ne savait pas quoi dire. Il ne pensait sûrement pas que j'enterrerais la hache de guerre aussi facilement.
- Et parce que si c'est avec elle que tu as choisi d'être c'est qu'il y a bien une raison. Je veux juste que tu sois heureux et si je ne peux pas te rendre heureux, c'est que ça ne pouvait pas marcher. Je sais que je m'étais toujours proclamée la personne qui te déteste le plus mais...
- Tu ne l'es pas, me coupa-t-il. Je le suis. Il n'y a personne d'autre qui me déteste plus que moi même.
- Arrête. Tu...
- Si. Je me déteste Abigail et c'est comme ça. Je t'ai brisé le cœur alors que tu es la dernière personne qui mérite d'avoir le cœur brisé ici. Je ne suis pas fier de moi, sache le.
- Je vais bien.
- Tu me promets que...
- Je te promets que ça va aller pour moi.
J'espérais que c'était vraiment le cas parce que là, à cet instant présent, ça n'allait pas. Il esquissa un sourire. Mon cœur réagit intensément à cela.
- Tu as été la meilleure rivale que je n'ai jamais eue Waller et j'espère sincèrement que c'est toi qui gagneras la compétition. Je dois y aller. Je te souhaite bonne chance pour la suite et merci, merci pour tout.
Sans attendre plus longtemps, il s'en alla pendant que ses mots résonnaient encore dans ma tête. J'étais sonnée. Je n'aurais pas pensé avoir une discussion avec lui. Aussi mâture, aussi calme. J'avais tellement eu l'habitude qu'on se déchire, qu'on se crie dessus que cette conversation ne me paraissait pas réelle. Je pris une grande respiration et essuyai mes joues humides afin que Briana ne se doute de rien.
Je me sentais quelque peu soulagée, étrangement. Même si c'était définitivement terminé, même si c'était sûrement les derniers mots que l'on s'adresserait. C'était plus facile pour moi d'aller de l'avant désormais.
...
La cérémonie venait de commencer. J'étais assise à côté de ma meilleure amie. Mes battements de cœur ne se comptaient même plus. Le proviseur présentait l'ensemble du corps enseignant, parlait de sa fierté de diriger un établissement comme celui-ci - bien qu'il était loin d'être le meilleur du pays et même de l'état - pendant que je fixais un point et que j'attendais simplement que mon nom soit sorti après la mention "major de promotion".
Je sentais à peine la main de Briana qui serrait la mienne. Tous mes membres s'étaient quasiment complètement déconnectés. Quand le maître de la cérémonie éleva la voix pour annoncer qu'il en venait au fait. Je jetai un coup d'œil à ma droite et Briana émit un petit sourire confiant.
- Et nous accueillons maintenant le major de la promotion, l'élève qui a été le meilleur aux examens...
Je retins ma respiration. Une bulle se créa autour de moi. Tous mes sens étaient tournés vers le nom qu'il allait prononcer. Tout mon avenir allait se jouer dans quelques secondes. Les battements de mon cœur tambourinaient contre ma poitrine et leur son résonnait dans ma tête. Le verdict était imminent.
- Celui qui décroche une place d'office à Harvard...
Je déglutis.
- Justin Bieber.
Bruit sourd. Éboulement. Crash. Cataclysme. Tout mon monde s'écroula une deuxième fois. Mon rêve venait d'être brisé en mille morceaux. Je restais figée, incapable de réagir. Complètement vide, anéantie. J'entendais dans ce bruit sourd les applaudissements de la salle. Je sentis la main de Briana se poser sur mon dos mais rien ne consolerait cet échec. Après avoir brisé mon cœur, il avait réussi à briser mon rêve. Il avait tout briser. Tout. Que me restait-il maintenant ? J'allais devoir travailler au café un an de plus sans savoir où je finirais. J'étais déboussolée et impuissante.
- Monsieur Bieber ? Quelqu'un sait où est Monsieur Bieber ? Il ne semble pas être là.
Je sortis de ma bulle et tous les sons revinrent au premier plan. Je regardai autour de moi confuse de constater qu'effectivement, Justin n'était pas là. La plupart des élèves se tourna vers Clara qui ne semblait pas non plus savoir où était son copain. Bizarre. Je regardai Briana qui haussa les épaules. Où était-il passé ?
- Bon, tant pis. Nous accueillons alors l'élève qui a terminé deuxième de la promotion aux examens et premier de sa classe, Abigail Waller.
La salle m'applaudit mais plus aucune émotion positive me traversait. L'annonce de tout à l'heure m'avait complètement refroidie. Je me dirigeai sans grand enthousiasme vers la scène. Je ne réalisais toujours pas qu'en plus d'avoir volé mon cœur, Justin avait volé mon rêve. L'amour était un jeu dangereux auquel j'avais perdu et qui m'avait coûté plus que des larmes. Face au public, mes yeux se posèrent instinctivement sur mon père qui me fit une grimace avant de me mimer de la bouche "ce n'est pas grave". Si ça l'était. Je faussai un sourire pendant que l'on me remettait mon diplôme. C'était dur de garder la face alors que je voulais juste crier de rage.
J'avais l'impression d'avoir définitivement tout perdu, bien qu'il me restait mon père et qu'il était guéri.
- Félicitations Mademoiselle Waller.
Oui, félicitations. Tu as tout gâché. Jusqu'au bout. Que vas-tu faire maintenant ? Tu es coincée, tu n'as plus rien. Je redescendis vers la foule et je choisis de partir directement pour me réfugier loin du monde. J'avais besoin d'être seule et de craquer un peu. Dans les couloirs, je courus vers mon casier avant de le heurter violemment avec mon poing et d'éclater en sanglot. Merde, putain. Tu l'as laissé te détruire. Je glissai le long de l'acier pour finir au sol. Je cachai mon visage dans mes genoux et je ne me retenais plus.
Pourquoi n'était-il plus là ? C'était son moment de gloire, son moment de célébrer sa victoire et de montrer à tout le monde qu'il avait réussi. Alors pourquoi avait-il préféré fuir ? Et pourquoi Clara n'était même pas au courant de son absence ? Je secouai la tête. Il m'aurait fait tourner la tête jusqu'au bout. J'essuyai mes larmes et me relevai. Je récupérai la clé de mon casier dans mon soutien gorge pour l'ouvrir. Il fallait que je récupère mes affaires restantes avant de quitter le lycée.
Mais mes sourcils se froncèrent en découvrant une feuille blanche enroulée au fond. Comment avait-elle atterrie ici ? Je posai mon diplôme et mon chapeau pour la prendre. Mon cœur manqua un battement quand je compris qu'il s'agissait de la copie de philosophie de Justin. Il avait eu un A mais ce n'était pas ce qu'il m'intéressait. Si elle était là c'était parce que je devais sûrement lire son contenu.
«Qu'est-ce que le bonheur ?
Je ne m'étais jamais posé la question auparavant. Jamais. Peut-être parce que je croyais que ça n'existait pas, peut-être parce que ça ne m'intéressait pas. J'avais des convictions avant, des convictions complètement fausses. Je pensais que si la vie était cruelle avec toi, il fallait l'être en retour. Je pensais qu'il n'y avait pas de justice dans ce monde et que si on voulait une place, il fallait la gagner. Je pensais que donner de l'importance aux choses c'était perdre son temps, je pensais qu'ouvrir son cœur c'était souffrir, je pensais que s'attacher aux personnes c'était s'auto-tuer. Je pensais un tas de choses en oubliant le plus important, vivre. Vivre et apprécier chaque moment à sa juste valeur. Mais il y a eu cette fille, cheveux châtains mais un peu blonde sur les bords, yeux bleus et des fossettes ravageurs. Ma rivale. En plus d'avoir tenté de m'apprendre quelque chose à la philosophie, elle m'a appris ce que c'était de vivre et apprécier chaque moment. Elle a réussi à briser ce mur que j'étais et je ne la remercierais jamais assez pour ça. J'étais trop renfermé pour voir plus loin que le bout de mon nez, pour voir ce que le monde m'offrait, juste là, devant moi. Elle a réussi à me faire passer pour le romantique que je ne suis pas, elle a réussi à casser tous mes préjugés, elle a réussi à me changer. Et c'est dur, parce qu'il était là le bonheur. Juste devant mes yeux et je n'ai pas su le garder. Je n'ai pas su y prendre soin. Et même si j'avais su y prendre soin, ça n'aurait pas pu durer car je m'en vais. Loin. Loin d'elle. Beaucoup trop loin. En Australie. C'était sûrement écrit et je l'accepte mais c'est dur. C'est dur de laisser partir la personne qui vous a ouvert les yeux, la personne qui a ouvert votre cœur, la personne qui a fait que vous êtes celui que vous êtes aujourd'hui. Je n'en veux pas à la vie ni à personne d'autre parce que ce qui m'attend est encore plus beau ; un bonheur encore plus grand avec toute ma famille mais le bonheur qu'elle m'offrait me satisfaisait. Je suis triste c'est vrai et je m'en veux parce qu'à cause de cette stupide pudeur, j'ai peut être laissé ma seule chance d'être pleinement heureux. Mais je ne regrette rien parce que pour une fois, j'étais réellement moi. J'aime cette fille. Je l'aime du plus profond de mon cœur et c'est sûrement cruel de le dire maintenant que je m'en vais mais je ne pouvais pas parler d'elle sans être sincère à cent pour cent. Peut-être que j'aurais dû le lui dire tant qu'il en était encore temps, peut-être que ça aurait changé quelque chose mais s'il y a bien une chose qu'elle n'a pas réussi à changer chez moi, c'est ma fierté. Je suis quelqu'un de fier et je me dois de l'être surtout quand la fille que j'aime est aussi ma rivale. La fierté est le pire des sentiments parce qu'il vous empêche de faire ce que vous voulez vraiment. Cette histoire m'aura appris que les histoires d'amour ne règlent pas tout. Alors je m'en vais, le cœur lourd et aussi brisé mais j'ai pu être heureux quelques instants grâce à elle et même si ça été court et intense, ça a compté et c'est le plus important.
Alors, le bonheur c'est quoi ? Tout ce que je peux répondre est qu'il est éphémère et qu'il faut en profiter tant qu'il est encore présent.
Je n'ai parlé d'aucun de vos philosophes bien que je connais toutes leurs thèses parfaitement et c'est entièrement voulu. Je voulais parler d'elle et seulement d'elle.»
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