Chapitre 35
«Félicitations. Je te souhaite tout le bonheur avec elle.»
Point de vue d'Abigail.
J'étais rentrée hier soir chez moi et je m'étais jetée directement dans mon lit n'ayant plus la force de bouger. Mon programme de pré rentrée était désormais terminé et même si je savais que j'aurais pu mieux faire au niveau des cours, je trouvais que je ne m'étais pas mal débrouillée. Lily et Zac me manquaient déjà mais j'avais hâte de revoir Briana même si elle me devait des explications. Quant à Justin, je m'attendais déjà au pire. J'avais l'impression qu'il avait tout gâché bien que je ne savais pas ce qu'il avait pu se passer de son côté. J'aurais pu revenir et faire de nos retrouvailles un super moment mais au lieu de ça, nous allions nous prendre la tête parce qu'il avait préféré me cacher des choses et faire comme si je n'existais pas.
Je venais de terminer de nettoyer et ranger tout l'appartement pour accueillir dans de bonnes conditions mon père. Même si on m'avait garanti qu'il avait changé, qu'il n'était plus celui qu'il était quand maman était partie, j'avais peur qu'il m'engueule parce que l'appartement n'était pas propre donc j'avais préféré ne prendre pas de risque et tout remettre en ordre.
Je pris une douche puis enfilai des vêtements avant de partir pour le rejoindre. Mon cœur battait la chamade. Cela faisait deux semaines que l'on ne s'était pas vu et je mettais beaucoup d'espoir en ce renouveau. Je voulais retrouver un père aimant et qui se souciait de moi et de mon bien être. Un père qui me demanderait si j'allais bien et non si j'avais préparé à manger. Je voulais simplement avoir une relation normale avec lui.
Après une vingtaine de minutes de trajets dans le bus, j'arrivai devant le centre de cure de désintoxication. Si on m'avait dit avant la mort de ma mère que mon père finirait là dedans, je ne l'aurais pas cru. Je me présentai à l'accueil pour demander le numéro de la chambre puis me dirigeai vers cette dernière. J'avais apporté un sac au cas où mon père avait des affaires à emmener. Je toquai à sa porte, la main un peu tremblante.
Je n'entendis personne m'autoriser à entrer alors je toquai une seconde fois. Soudain, la porte s'ouvrit et me surprit. Mon père apparut en face de moi et sourit en me découvrant. Je lui rendis son sourire timidement. Je remarquai instantanément qu'il avait une mine plus réveillée, il n'avait plus ses yeux toujours rouges à cause de l'alcool qu'il buvait constamment.
- Ma fille, s'exclama-t-il.
Il me prit sans que je m'y attende dans ses bras. Je ne refusai pas son étreinte. Il était content de me revoir et j'étais contente qu'il le soit.
- Comment tu vas ? lui demandai-je après m'être détachée de lui.
- Je vais très bien. Même si le personnel est très sympa, je suis content de partir d'ici, me dit-il en souriant.
Son ton était tellement différent. Il n'avait pas parlé avec autant d'enthousiasme depuis la mort de maman. Il avait changé, c'était certain. Il était prêt à ouvrir un nouveau chapitre de notre vie. Nous quittâmes rapidement le centre avec ses affaires après avoir dit au revoir et remercié tous ceux qui l'avaient aidé à redevenir celui qu'il était autrefois.
Dans le taxi, il s'empressa de me questionner au sujet d'Harvard. Il me demanda comment s'était et si je m'étais faite des amis. Si c'était dur et si on mangeait bien. Il se souciait à nouveau de moi. J'avais l'impression d'avoir des étoiles plein les yeux même si je savais que je ne devais pas m'enflammer. La perte de maman n'allait plus être un fardeau mais une force. Je ne voyais que du positif pour la suite.
De retour à la maison, il ne fit pas un seul commentaire sur l'état de l'appartement. Il ne se concentrait plus sur les choses futiles qui avaient tendance à l'énerver autrefois. J'allais de nouveau me sentir enfin chez moi et non comme une femme de ménage. Et rien de tout ça n'aurait été possible sans l'intervention de Justin. Je lui devais beaucoup.
...
Il était midi. J'arrivai au lycée. Je sentais que mon cœur allait sortir de son orbite. Je n'avais jamais eu aussi peur de franchir le portail d'une école. Tout un tas de questions me passaient par la tête et à tout moment, j'étais capable de faire demi-tour. Briana pensait que je quittais Harvard que ce soir donc je comptais lui faire la surprise. Elle devait être au self avec les autres personnes de la classe dont Justin. Mon ventre se nouait dès que je pensais à lui. Je ne savais pas comment j'allais le prendre à part pour discuter. Il devait être avec Valentin et Kenneth en train de manger et je ne pourrais donc pas le faire là maintenant dans l'immédiat.
Je franchis le portail puis la cour qui était quasiment vide. Certaines personnes se retournèrent surprises de me voir arriver. J'ignorai cela et me dirigeai directement à l'intérieur du bâtiment. Mes pas fébriles, je traversais les couloirs jusqu'au self. Je pouvais entendre mon cœur taper durement contre ma poitrine. Cette situation était insoutenable.
La grande porte fermée qui couvrait tout le brouhaha qu'il devait y avoir de l'autre côté, je l'ouvris tout doucement avant d'entrer en me faisant le plus discrète possible. Mais, la porte claqua derrière moi et je me fis remarquer par tout le monde. Je déglutis en voyant toutes les têtes se retournées vers moi. Mon réflexe fut de chercher celle de Justin en premier. Je le trouvai comme je l'avais deviné avec Kenneth. Cependant, Valentin n'était pas là. C'était bizarre, même s'il n'était pas le plus fort en cours, il n'en ratait pas. Mon regard accrocha le sien une fraction de seconde avant qu'il ne détourne ses yeux sur son assiette. Bon. Ça ne commençait pas très bien.
Pas un sourire ou signe qui me rassurerait. Je sentais vraiment cette distance qu'il avait mis entre nous. Je m'empressai alors de chercher du regard Briana qui était assise avec deux autres filles. Elle me souriait déjà. Je la rejoignis à sa table et elle se leva pour me prendre dans ses bras.
- Tu m'as manqué Abby, me dit-elle.
- Toi aussi Bri.
J'écourtai l'étreinte car je savais que toute la salle nous regardait et cela me gênait. Puis, je posai mon sac à mes pieds et m'assis à côté d'elle. Je lançai un bref sourire aux deux filles avant de me reconcentrer sur ma meilleure amie.
- Contente d'être de retour ? me demanda cette dernière.
- Est-ce qu'on pourra parler en privé toutes les deux après ?
Elle me regarda en fronçant les sourcils.
- Tu sais très bien de quoi je parle, anticipai-je sa question.
- C'est à propos de Justin j'imagine.
- De lui, de Valentin et de toi.
- Et qu'est-ce que j'ai à voir avec eux ? se sentit-elle offensée.
- Bri... Ne fais pas comme si tu ne savais pas.
Je tournai mes yeux devant moi et recroisai ceux de Justin. Il était en train de me fixer. Je vis sa mâchoire se contracter et sa pomme d'Adam bouger quand mes iris se posèrent sur les siens. Il se sentait mal, cela se voyait. Mais pourquoi ? Parce qu'il avait fauté ou parce qu'il voulait me dire qu'il ne voulait plus qu'on continue à se fréquenter ?
J'espérais qu'il aurait dans tous les cas l'audace de me dire les choses en face. Si j'apprenais quelque chose de quelqu'un d'autre, je le prendrais très mal et pour moi, il n'aurait pas été sincère depuis le début. J'étais amoureuse de lui et maintenant que c'était clair et limpide, je ne voulais pas tomber de haut. Il fuit mon regard une nouvelle fois. Je compris alors que la dernière fois qu'il m'avait regardé avec désir et sans amertume, c'était le soir dans le parc, quand nous avions fait l'amour pour la dernière fois.
- Non, je ne sais pas de quoi tu me parles Abby, me sortit Briana de mes pensées.
Je continuais de fixer Justin, qui me tournait la tête, comme si je devinerais ce qu'il cachait en restant fixée sur lui. Il n'avait pas changé depuis mon départ. Il était toujours aussi beau et affreusement sexy avec ses tatouages qu'il montrait sans problème puisque nous étions quasiment en été. Je voulais l'embrasser, rattraper tous les moments qu'on n'avait pas pu partager quand j'étais à Harvard mais je savais que c'était impossible parce qu'il y avait cette chose qui l'avait complètement changé intérieurement vis à vis de moi.
Soudain, mon cellulaire se mit à vibrer dans ma poche. Cela devait être mon père. Je le pris mais je découvris un numéro inconnu. Je déverrouillai mon téléphone et ouvris le message que j'avais reçu. Ma confusion s'agrandit quand je vis que je n'avais pas reçu simplement un texte mais aussi une photo.
- C'est qui ? me demanda Briana.
- Je ne sais pas.
Je lis d'abord le texte. «Chère Abigail, il ne faut jamais rien prendre pour acquis. Surtout quand il s'agit d'une personne et que cette personne aime jouer. Je suis arrivée la première alors il est légitime que je sois sa première copine entre toi et moi, n'est-ce pas ? Ne t'en fais pas, des connards comme lui, il y en a partout. Tu en retrouveras un facilement. Je reste fair play et j'espère que ton petit séjour à Harvard s'est bien passé. Je ne vais pas te faire perdre plus longtemps ton temps. Bonne continuation "Waller" et ne verse pas de larmes. Clara.» Sans tergiverser, je cliquai sur la photo qui semblait sombre de loin. Et puis, ce fut la chute terrible. Plus aucun son ne pouvait sortir de ma bouche. Je restais stoïque essayant de réaliser que ce que j'avais vu était bien réel.
- Qu'est-ce que c'est ? Pourquoi tu ne bouges plus ?
Une envie horrible de fracasser mon téléphone contre le sol me vint en moi mais au lieu de ça, je le jetai sur la table avant de me lever et de partir en furie de la grande salle. Il n'en fallut pas plus à mon corps pour produire des larmes et à mon cœur pour se détruire. Je me dirigeai sans réfléchir aux toilettes, là où je pourrais me réfugier. Là où mon humiliation serait moins grande et ma tristesse plus libérée.
Il l'avait fait. Justin était allé voir ailleurs et ce message plus cette photo me l'avaient confirmé pour de bon. Je n'arrivais pas à croire qu'il avait pu me faire ça et avec elle en plus. Je n'arrivais pas à croire qu'il avait osé me dire qu'il n'y avait plus rien avec elle et que je n'avais pas à m'inquiéter alors qu'il n'avait pas hésité à coucher avec elle dès que j'étais partie. Je le haïssais au plus profond de moi même.
Je m'enfermai dans une cabine et glissai le long de la paroi. J'éclatai en sanglot. J'avais mal. Trop mal. Et je pouvais en vouloir qu'à moi même parce qu'il m'avait prévenue. Mais j'avais préféré ne pas l'écouter et désormais j'en payais le prix. Je me détestais pour avoir été aussi conne et naïve, pour avoir cru qu'il voulait être sérieux avec moi. Je me détestais d'être tombée dans son panneau et de lui avoir laissé prendre le dessus sur moi.
J'étais maintenant anéantie et je voulais juste crever ici.
Je n'arrivais plus à me contrôler et je pleurais sans m'arrêter. Je pleurais comme si c'était la dernière chose qui me restait à faire. J'étais pathétique. Putain. Comment avais-je fait pour en arriver là ? Il avait gagné et peu importe qui finirait premier de la classe, il avait gagné parce qu'il m'avait détruit, moi, sa rivale. J'étais certaine que tout ça avait été calculé et que ça avait été son but depuis que l'on s'était rapproché. Je ne pouvais que reconnaître qu'il avait été fort sur ce coup. Mais moi je n'aurais jamais osé aller aussi loin.
J'entendis la porte des toilettes s'ouvrir mais je n'arrêtai pas mes sanglots. J'étais beaucoup trop en colère, triste et brisée pour me contenir.
- Abby c'est moi. J'ai lu ce qu'on t'a envoyé, crois moi qu'il va payer cher ce qu'il t'a fait, lança Briana.
Je secouai la tête tout en me mordillant la lèvre inférieure. A quoi cela servirait-il de se venger ? Le mal était fait, rien ne pourrait réparer ça.
- Abby, s'il te plait, ne pleure pas. Tu n'as pas le droit de pleurer pour lui, l'entendis-je se coller à la porte de la cabine.
- Laisse moi être triste pour une fois, arrivai-je à peine à dire.
Je voulais qu'on me laisse me haïr en paix. Je voulais encaisser ça de la façon que je le souhaitais pour une fois. Briana avait été omniprésente à la mort de ma mère pour me soutenir, j'avais besoin qu'elle me laisse un peu de liberté pour une fois.
- Est-ce que je peux te rejoindre dans la cabine au moins ?
- Seule, précisai-je.
- Bon bah je vais aller m'occuper de lui alors.
- Non, Bri ne fais pas ça. Pas devant tout le monde.
- Tu me remercieras plus tard.
J'entendis ses pas s'éloigner, la porte s'ouvrir puis claquer et enfin plus rien. Je plongeai ma tête dans mes mains imaginant ce qu'elle allait bien pouvoir faire pour rendre à Justin la monnaie de sa pièce. Mais cette photo horrible revenait sans cesse dans mon esprit. Justin complètement nu allongé sur un lit, les yeux fermés - sûrement endormi - et Clara allongée sur lui, ses lèvres collées sur les siennes et ses yeux fixant la caméra de son téléphone (qu'elle tenait dans une main) et en l'occurrence le destinataire de cette photo qui n'était rien d'autre que moi pour me narguer.
Elle avait eu ce qu'elle voulait mais je ne comprenais pas pourquoi elle s'en était prise à moi. Je n'avais jamais cherché les problèmes avec elle. Et puis elle n'était pas censée savoir qu'il y avait eu quelque chose entre Justin et moi. Enfin, "quelque chose", je parlais autre chose que du sexe mais si on regardait où tout cela nous avait mené aujourd'hui, les sentiments n'avaient été que de mon côté.
Je secouai la tête. Tu l'as cherché Abby. Tant pis pour toi. Il y avait eu certainement une chance sur mille pour qu'il décide d'être sérieux avec moi et j'avais pourtant cru en cette seule et unique chance. J'avais cru au miracle. Il n'y avait que les cons pour croire aux miracles. J'étais donc une pauvre conne.
Loin d'être calmée, je me levai et décidai de quitter les toilettes. Je pensais à ma mère et je savais qu'elle n'aimait certainement pas ce qu'elle était en train de voir. Je sortis en espérant tomber sur personne. Je voulais juste rentrer chez moi et m'enfermer dans ma chambre jusqu'à ce que j'eus repris mes esprits. Je ne voulais pas faire de scène ici ni déballer ma haine tout de suite. Je pourrais dire des choses que je regretterais bien que j'avais juste envie de foutre mon poing dans la gueule de Justin à cet instant précis. Je voulais tout foutre en l'air d'ailleurs.
Je me dirigeais vers la sortie d'un pas accéléré. J'avais mal. Putain, tellement mal. Mon cœur me brûlait. C'était insoutenable. J'évitais les groupes de personnes dans les couloirs, la tête baissée. Je n'avais qu'un objectif en tête, sortir au plus vite. Arrivée au bout, je poussai violemment la porte de sortie mais mes pas se figèrent en tombant sur celui qui venait de me mettre plus bas que terre.
Ses yeux accrochèrent les miens. Sans vie, vides de tout sentiment et ainsi de toute culpabilité. Il avait donné raison à Briana et j'aurais aimé qu'il ne le fasse pas. Posté devant moi, sans bouger, il attendait sûrement que je lui dise quelque chose. Mais je n'avais pas envie de lui parler. Je n'avais plus du tout envie de parler. Je voulais juste qu'il m'oublie, qu'il oublie tout ce qu'il s'était passé et qu'il me laisse tranquille. Lui, sa copine et son ami.
Je fis un pas sur le côté pour le contourner mais il attrapa mon avant bras. Une décharge électrique traversa tout mon corps. Je le regardai surprise qu'il ose encore me toucher après ce qu'il m'avait fait.
- Abigail... Je...
- Garde tes mots pour Clara, dis-je la voix tremblante. Moi, je ne veux plus t'écouter.
Il baissa les yeux. Il me dégoûtait. Je n'arrivais à croire que j'avais pu lui faire confiance. J'avais été aveuglée par tellement de choses que j'avais oublié sa vraie identité, qui il était vraiment et qui il avait choisi d'être. Je m'étais disputée pour lui. Je m'étais mise dans des états stupides pour lui et encore maintenant j'étais dans un état déplorable à cause de lui.
- Je veux juste que...
Il lâcha ma main et se gratta la tête. Il était mal à l'aise. Pourquoi l'était-il ? C'était tout ce qu'il avait voulu depuis le début : me voir dans cet état là. Il n'avait pas besoin de me mentir pour se donner une bonne conscience.
- Félicitations, pleurai-je. Je te souhaite tout le bonheur avec elle.
Les larmes coulaient sur mes joues. Impossible pour moi de calmer. Je pleurais silencieusement mais mes larmes se chargeaient de crier ma douleur.
- Je ne voulais pas que ça se termine comme ça.
- J'ai besoin d'être seule.
Je lui tournai le dos.
- Abigail, attends.
- Quoi ? rétorquai-je en me retournant. Tu voudrais que je t'écoute me dire pourquoi tu as fait tout ça ? Je n'en ai pas besoin Justin. J'ai parfaitement tout compris. Si tu veux que je t'insulte de tous les noms pour rendre ta victoire encore plus belle, oublie. Mais maintenant que je suis brisée et que tu le sais, vas y, achève moi.
Il entrouvrit la bouche mais aucun son ne sortit de cette dernière. Il ne savait pas assumer ses actes jusqu'au bout.
Soudain, Clara arriva. Un sourire aux lèvres, elle se plaça à côté de Justin qui ne fit pas attention à elle. Elle me narguait, se moquait clairement de moi. Je n'aurais jamais cru qu'elle serait ce genre de personne. En tout cas, elle était finalement la fille parfaite pour Justin.
Cependant, je ne voyais pas ce qu'elle avait de plus que moi. Même s'il l'avait sûrement choisie parmi tant d'autres et que son but était seulement de me faire du mal, je me demandais pourquoi elle et pas moi.
Un malaise encore plus grand s'était installé. Je décidai alors d'écourter ce bref échange et de m'en aller. C'était trop dur pour moi. J'aurais préféré faire la fière devant lui et lui montrer que ça ne m'atteignait pas mais j'avais trop de douleur en moi pour faire comme si de rien était.
Je marchais sans savoir où j'allais. J'attirais tous les regards sur moi. Je devais donner l'impression de porter toutes les misères du monde. Mes pieds me portèrent finalement jusqu'au cimetière. Il était vrai que j'avais besoin de ma mère dans un moment pareil. Seule elle pourrait me consoler.
Devant sa tombe, je m'allongeais sur l'herbe et fixai le ciel. Bleu et ensoleillé, il était loin de refléter mon humeur. Je fermai les yeux et essayai de me calmer. Les seules personnes qui avaient réussi à me faire pleurer autant avant ça avaient été ma mère et mon père. Je n'aurais jamais cru que Justin aurait été le prochain. Pourtant, nous n'avions pas arrêtés de nous déchirer sans cesse, j'aurais dû prévoir que cela arriverait.
- Pardon maman, murmurai-je.
Je l'avais sûrement déçue et c'était ce que je regrettais peut être le plus. Mais il y avait tellement de choses que je regrettais aujourd'hui que je ne savais plus faire la différence entre celles qui étaient graves et celles qui étaient sans importance.
Les yeux fermés, je sentais encore les lèvres de Justin sur moi et même après ce qu'il venait de se passer, j'appréciais la sensation de sa peau contre la mienne, la façon dont mes poils s'hérissent et dont mon cœur palpite. J'avais savouré ces moments et peut-être bien que même si j'avais su que ça se terminerait comme ça, j'aurais quand même foncé là tête baissée là dedans. Parce qu'il m'avait rendu ivre de lui. Les dernières larmes coulèrent sur mes joues et je les essuyai.
J'entendis des pas s'approcher de moi. Je ne voulais voir personne alors peu importe qui cela pouvait bien être, ça ne m'enchanterait pas.
- Abby, je savais que je te trouverai là.
J'ouvris les yeux et Briana apparut dans mon champ de vision au dessus de moi. Elle avait la tête baissée vers moi et ses longs cheveux blonds tombaient autour de son visage. Elle portait son sac et le mien. Elle était un peu essoufflée, elle avait dû courir.
- Je lui ai dit ses quatre vérités devant tout le réfectoire, je peux te dire qu'il est resté de marbre.
- Je m'en fous Bri et je sais qu'il s'en fout lui aussi.
- Vous avez parlé ?
- Est-ce qu'on peut juste arrêter de parler de lui ?
Je déglutis. Je savais qu'il allait m'en falloir des jours, des semaines et même des mois avant de réussir à l'oublier. Surtout qu'en attendant la fin de l'année, j'allais voir sa tronche tous les jours.
- Oui, si tu m'assures que pour aujourd'hui, ça va aller.
Je me redressai avant de me lever pour me retrouver à sa hauteur. Elle ne quittait pas ses yeux de moi comme si je pouvais m'écrouler à tout moment et qu'elle voulait me surveillait.
- Non, Bri, ça n'ira pas pour aujourd'hui et encore moins pour demain et les jours qui viennent. Mais je fais avec, je n'ai pas le choix et tu ne peux pas m'obliger à faire comme si j'allais bien.
Je lui tournai le dos et fis le chemin inverse pour quitter le cimetière. Ma tête était lourde, je devais avoir les yeux rouges et faire pitié.
- Est-ce que tu veux retourner au lycée ou tu préfères rentrer chez toi ? me demanda-t-elle derrière moi.
- Je n'ai pas le choix, je dois sauver ce qu'il me reste.
Maintenant que j'avais le cœur brisé, il me restait à espérer que mon rêve ne subisse pas le même sort. Même si l'envie n'était pas là, même si je ne m'étais jamais sentie aussi minable qu'aujourd'hui, même s'il était là bas, même si j'étais encore à deux doigts d'éclater en sanglots, même si travailler était la dernière chose que je pouvais faire à cet instant précis.
Nous retournâmes à Imperial School en silence. Je ne voulais pas parler et Briana l'avait enfin compris. Dans les couloirs, j'attirais encore une fois tous les regards sur moi. Pour une fois, j'aurais voulu être invisible. Ma meilleure amie n'aurait pas du faire un scandale, tout le monde était désormais au courant et ce n'était pas ce que j'avais voulu.
En classe, je pris place comme d'habitude au premier rang avec Briana. Toute l'attention était portée sur moi. On me félicitait pour Harvard et on espérait que j'avais réussi. Je n'étais pas réceptive. J'étais ailleurs. Justin n'était pas présent. Il n'avait pas pu porter ses couilles jusqu'au bout. J'avais l'impression d'être abandonnée. Je me sentais terriblement seule, comme si le monde s'acharnait contre moi.
Je n'avais pas du tout écouté les cours qui avaient suivi. Peut-être que j'aurai dû rester chez moi. Je me sentais exténuée. J'avais un mal de crâne atroce et le cœur explosé. Heureusement pour moi, mon père avait décidé de reprendre le travail dès aujourd'hui et je pourrais ainsi encore pleurer avant son retour. Seule dans ma chambre bien que Briana avait insisté pour rester avec moi, je criais ma douleur dans mes coussins. Pourquoi ça faisait aussi mal ? Parce que tu es une fille bien et que c'est un salaud.
Pire qu'un salaud. Je ne comprenais pas pourquoi j'étais tombée amoureuse de lui et pas d'un autre. Pourquoi pas Axel ? Pourquoi pas Zachary ? Mais lui. On désire l'indésirable parce que c'est toujours plus excitant, parce qu'on a l'impression d'être quelqu'un d'autre et de faire des choses exceptionnelles. C'est vrai, je l'avais désiré plus que tout mais mon désir était passé à la haine et il était redevenu le rival que je devais concurrencer.
Comment avais-je pu croire qu'il oublierait notre compétition pour une histoire d'amour ? Maintenant j'étais fixée, je connaissais ses intentions et je ne serais plus jamais confuse vis à vis de lui.
Je nous ai jeté dans les flammes.
...
Je me réveillai avec une mine encore plus maussade que la veille. Je m'étais endormie dans mes larmes. Mes pensées étaient déjà confuses. Elles divaguaient entre les examens et ma désillusion. J'allais avoir du mal à me concentrer. Je n'avais toujours pas eu mes règles mais cela devait être à cause du stress. Mon corps avait arrêté de fonctionner correctement depuis deux semaines. Sans manger, je quittai l'appartement et mon père qui dormait encore pour aller en cours. J'espérais qu'il ne se rendrait pas compte de mon changement d'humeur. Je ne voulais pas qu'il sache qu'on venait de me briser le cœur.
Je rejoignis Briana qui m'attendait devant le lycée. Elle me fit une grimace pour compatir à ma douleur. Je ne dis rien et nous partîmes directement en direction de la salle de classe. Je savais qu'elle voulait me demander comment j'allais mais la réponse était évidente. Mal. C'était pire que la veille. Ma haine commençait déjà à laisser place à la déception et il n'y avait rien de pire que la déception - après le regret.
J'étais déçue de Justin mais je m'en remettrais. Je me promettais de m'en remettre.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top