Chapitre 3

«Tu ne vas pas me faire ça Justin ? »

Point de vue d'Abigail.

Je me réveillai très énervée. Certes, j'avais eu une discussion très intéressante avec mon parfait inconnu hier soir où je m'étais dévoilée presque inconsciemment alors que je n'étais toujours pas certaine qu'il n'était définitivement pas un psychopathe -mais ça m'avait fait tellement de bien de m'ouvrir à lui que ça s'était fait tout seul - mais aujourd'hui je devais parler avec Justin et je savais d'office que ça ne se passerait pas bien. De toute manière, ça ne se passait jamais bien entre lui et moi.

Je n'avais pas compris pourquoi, après avoir été déterminé pendant quelques minutes à ne pas me laisser lui donner de cours, il m'avait finalement donné rendez vous pour en fixer les heures. À quoi jouait-il ? Je savais très bien qu'il savait que ce n'était pas possible qu'on reste calme deux minutes seul à seul sans s'insulter alors pourquoi il avait choisi d'essayer ? Cela m'étonnerait qu'il accepte de me supporter juste pour obtenir un A en philosophie. Il devait me préparer une fichue blague.

Je partis de la maison pour regagner le lycée. J'habitais à Allston, un quartier de Boston situé à l'ouest de la ville, sur CommonWealth Avenue. Ici, les loyers étaient relativement bas mais c'était surtout un quartier où la moitié de la population fréquentait Harvard, me donnant la motivation pour réussir. Je voulais faire partie un jour de ces étudiants.

Je trouvai Briana devant le lycée où elle m'attendait. Nous rejoignîmes ensemble la salle de classe. Nous étions à l'heure comme toujours et nous nous installâmes au premier rang. Nous sortîmes nos affaires sur la table et nous discutions un peu avant que le cours ne commence.

Je mis au courant Bri dans quoi je m'étais embarquée à cause de Monsieur Beaton et elle grimaça sachant aussi bien que moi que le professeur de philosophie n'avait pas eu une bonne idée de me choisir. Parfois, être la meilleure élève avait des inconvénients.

J'espérais quand même que Justin me demanderait juste de lui photocopier les cours et qu'il se débrouillerait seul, je pouvais faire ça pour lui. Mais vu les paroles qu'il m'avait adressées hier juste avant de s'enfuir comme un lâche, j'imaginais qu'il ne se contenterait pas de simples photocopies.

Il arriva en trombe deux minutes après que le cours ait commencé. Je ne lui adressai aucun regard. Étrangement, Justin ne prononça aucun mot durant l'heure. Il m'avait laissée tranquille alors que les mathématiques étaient le cours où il m'embêtait le plus, même à huit heures du matin.

À la fin de l'heure, je quittai la salle avec Briana pour rejoindre l'autre quand Justin m'appela discrètement. Je fis signe à ma meilleure amie de continuer sans moi et je me retournai pour lui faire face. Il se tenait debout à côté de la porte du placard à balais. Il me fit signe de l'approcher avant d'ouvrir la porte et de pénétrer à l'intérieur. Je le suivis. Évidemment, nous devions nous cacher pour discuter parce que nous ne voulions pas tous les deux que les gens sachent que nous allions devoir passer du temps ensemble mais il aurait pu choisir un endroit moins petit.

Je fermai la porte derrière moi, allumai la lumière puis croisai les bras sous ma poitrine posant mes yeux sur les siens. Il passa une main dans ses cheveux qu'il ne coiffait visiblement jamais avant de mettre ses deux mains dans les poches avants de son jean.

- Faut qu'on se dépêche, dit-il.
- Je sais. Je t'écoute. Qu'est ce que tu veux ?
- Je veux que tu me dises quand est ce que tu pourras me donner des cours.

Justin était plus grand que moi mais de quelques petits centimètres. C'était peut être pour ça que je le craignais guère.

- Jamais Justin, répondis-je. Je ne peux pas et je ne veux pas.
- Tu as donné ta parole au prof, rétorqua-t-il.
- Pourquoi tu as soudainement envie que je t'en donne ?

Il sourit d'un air suffisant et je me controlais pour ne pas m'énerver contre lui. De un, parce que son sourire me provoquait totalement et de deux, parce que je ne pouvais pas m'empêcher de le trouver encore plus sexy quand il arquait ses lèvres comme ça. Merde. Pourquoi fallait-il qu'il soit un connard ?

- Il me faut ce A.
- Arrête Justin, je ne suis pas débile. Je sais que tu n'en as pas besoin.
- Tu penses que je n'en ai pas besoin.
- Mais tu n'en as pas besoin !

Il pouvait très bien continuer avec son D en philosophie, ça ne lui coûterait rien.

- Et moi si j'ai envie d'avoir un A en philo ?
- Bon... soufflai-je. Qu'est ce que tu veux vraiment ? Me faire perdre mon temps ? Je ne gagnerais rien à te donner des cours.
- Ça m'étonnerait que Beaton serait heureux d'apprendre que tu lui as menti.
- Mais putain c'est quoi ton problème Bieber ? crachai-je. Je ne peux pas te donner ces foutus cours. Je n'ai pas le temps pour ça !

Et ce n'était vraiment pas une excuse bidon. Je travaillais tous les soirs au café et le week-end, je travaillais encore chez moi puis je consacrais le temps qui me restait à me reposer ou à voir Axel après avoir fait un tour hebdomadaire sur la tombe de ma mère. Je ne voyais vraiment pas comment je pourrais donner des cours à Justin.

- Dimanche, à quatorze heures, chez toi.
- Non, refusai-je. Pas chez moi. Il est hors de question que tu entres chez moi.

Il sourit amusé.

- Pourquoi ? Tu y caches des choses ?
- Parce qu'un mec comme toi n'entre pas chez moi.
- Chez moi ce n'est pas possible non plus.
- Alors laisse tomber, dis-je avant de me retourner.

Il m'attrapa le bras et je grimaçai ressentant une douleur sur mon avant bras. Pas sur mes bleus putain. Je lui fis face à nouveau.

- À la bibliothèque, suggéra-t-il. Il y a bien une bibliothèque dans le coin ?

Je le regardais avec plus d'attention dans les yeux. Il avait des longs cils ce qui rendaient ses yeux beaux. Je crus pendant une seconde qu'ils s'étaient posés sur mes lèvres avant de rencontrer à nouveau les miens. Il fit un pas vers moi. Son odeur couvrait désormais celle de la petite pièce renfermée. Je déglutis.

- J'accepte à une condition, déclarai-je. Que je gagne aussi au change.
- Je m'arrangerai pour que tu aies un A en sport.
- Comment tu vas faire ?
- Tu verras.
- Et je suis censée te faire confiance ? ris-je presque.
- Je suis un mec de parole Waller. Tu as accepté de me donner des cours, je te rendrais la monnaie de ta pièce. Tu peux compter sur moi.
- Si j'apprends que tu t'es foutu de moi, je te garantie que tu pourras dire adieu à la première place, le prévins-je.

Il rit.

- Ouais, d'accord Waller, dit-il. Retourne en cours maintenant.

Il me contourna et quitta la pièce. Je n'arrivais pas à croire que je venais de passer un marché avec Justin. Mais je ne comptais pas le respecter totalement. Je ne lui donnerais que les parties de cours que j'aurais choisies et il devrait se contenter de cela. Il fallait maintenant que je me réorganise pour ce week-end. Ça allait encore me prendre la tête.

J'allai en cours de philosophie sans Justin bien sûr. Je racontais à Briana ce qu'on s'était dit et elle me dit de me méfier. J'étais bien consciente que Justin n'était pas dupe et qu'il ne respecterait pas non plus entièrement sa part du marché.

À la fin du cours, Monsieur Beaton me prit à part et me demanda si Justin avait finalement bien voulu suivre les cours. Je lui répondis positivement et il en fut très ravi. Je ne pouvais vraiment pas négocier pour qu'il donne mon rôle de professeur à quelqu'un d'autre.

En fin de matinée, au self, je mangeais avec Briana. Elle me parlait de son projet d'année sabbatique pour l'an prochain qu'elle ferait avec son copain. Ils comptaient voyager dans toute l'Europe mais je ne l'écoutais pas tellement. J'étais perturbée par ce qui se passait devant moi, à quelques tables plus loin.

Il y avait Justin qui me fixait et parlait en même temps à Valentin. Il faisait vraiment tout pour m'énerver.

- Qu'est-ce qu'il y a ? me demanda Bri remarquant ma dissipation.
- Ne te retourne pas mais il y a Justin et Valentin qui parlent sur moi.

Elle fronça les sourcils.

- Tu penses qu'ils parlent de votre marché ?
- Je ne sais pas, répondis-je. Je pensais qu'il voulait le garder pour lui.

Je fixais Justin qui continuait à faire de même en discutant avec son ami quand il finit par se tourner vers Kenneth, son autre ami. Mes yeux se posèrent alors sur Valentin qui me sourit avant de me faire un clin d'oeil. Je détournai immédiatement le regard et concentrais mes pupilles sur mon assiette.

- Valentin vient de me faire un clin d'oeil, dis-je à Bri sans la regarder.
- Tu es sûre ?
- Oui, il m'a souri puis il m'a fait un clin d'oeil.

Au début de l'année, j'avais été intéressée par Valentin. Je le trouvais très beau avec sa peau couleur chocolat, son corps bien entretenu, sa barbe, ses grands yeux verts, ses lèvres pulpeuses et son beau sourire qui montrait ses dents parfaitement blanches. Mais quand je l'avais vu se rapprocher de Justin, j'avais abandonné l'idée d'aller lui parler un jour pour faire connaissance.

Il ne m'avait jamais porté de l'attention jusqu'à aujourd'hui. Je ne comprenais pas. Ça sonnait très faux. Lui et Justin discuter de moi. Lui me sourire puis me faire un clin d'oeil. J'étais certaine qu'ils préparaient quelque chose.

De toute façon, peu importe ce que Valentin me dirait s'il venait à me voir pour parler, je le repousserais. J'avais Axel... et le parfait inconnu. C'était déjà assez compliqué comme ça.

- Tu penses qu'il sait pour toi ? continua Briana. Je veux dire, que tu étais intéressée par lui avant.
- Je ne sais pas. Je n'espère pas, répondis-je en la regardant.
- Fais attention. Ces mecs sont des fouteurs de merde.
- Je sais Bri. Mais je me laisserai pas faire.

Nous terminions de manger puis nous retournâmes en cours. Dans les couloirs, Valentin me lança un bonjour que je lui rendis timidement malgré moi et je commençais sérieusement à penser que les choses allaient mal tourner.

...

J'étais au café entrain de faire mon service quand je décidai d'envoyer un message au possible psychopathe. Il avait fait le premier pas en m'envoyant en premier un message hier, c'était la seule raison pourquoi je le faisais aujourd'hui.

«Tu as finalement trouvé quelqu'un d'autre qui violer, c'est pour ça que tu m'as oublié

- Abigail, pas de messages pendant le service, me dit mon patron Nicholas.
- Excusez moi.

Je rangeai mon téléphone dans la poche arrière de mon jean et me remis au travail. Le café était un endroit très populaire pour les personnes de la trentaine jusqu'au plus vieil âge ce qui m'arrangeait dans le sens où j'étais quasiment certaine que je ne croiserais pas des personnes de mon lycée ici. Je pouvais travailler tranquillement sans qu'on me cherche des ennuis.

À vingt et une heures, je quittai le café et retournai chez moi à pied. C'était à dix minutes de marche. Mon quartier n'était pas mal fréquenté donc je ne m'inquiétais pas pour rentrer quand il faisait nuit. Mon père préférait que je prenne le bus mais je n'aimais pas ça.

Je filai directement dans ma chambre, mon père travaillait donc j'étais seule chez moi ce qui me réjouissait grandement. J'étais beaucoup plus tranquille quand il n'était pas là. Je m'installai sur mon lit et pris mon téléphone. Il m'avait répondu.

«Je dois alors comprendre que t'en es jalouse ?»

Je mordis impromptement ma lèvre inférieure. Chacun de ses mots me charmait.

«Peut être...»

«Je ne savais pas qu'une fille pouvait vouloir se faire violer babe...»

«Tu es con ma parole.»

«Attention, je pourrais me vexer.»

«Dis moi, tu as des amis ?»

«C'est quoi cette question ? Tu penses que je suis un solitaire ?»

«Non. Je voulais juste savoir. Mais un psychopathe est souvent solitaire

J'aimais lui faire croire que j'étais persuadée qu'il en était un. Il commençait toujours à me parler mal après.

«Je suis peut être solitaire mais ma queue est plus convoitée que n'importe qui babe.»

«Donc tu aimes bien être comparé à une bite ?»

«Tu comprendrais si tu la voyais et que tu te la prenais. Tu ne t'en passerais plus.»

Et voilà. J'avais eu raison. Je l'avais bien cerné de ce côté. Je souris.

«Tu n'espères quand même pas me faire mouiller comme ça

«Babe... Je peux te faire mouiller de mille façon

«Épate moi

«Putain arrête. C'est moi que tu excites comme ça

Je n'arrivais pas à croire que j'étais entrain de faire ça avec un inconnu. Même avec Axel et n'importe qui d'autre, rien de tel ne s'était passé. Je savais que c'était le fait qu'il n'avait aucune idée de qui j'étais qui m'encourageait. Mais je serais très embarrassée si un jour il découvrait qui se cachait derrière mes messages.

«Je suis ravie de savoir que tu bandes sur mes messages.»

«Je ne bande pas sur n'importe qui en plus babe.»

«Est-ce que je dois être honorée ?»

«Tu comptes me laisser comme ça ou...?»

« Ou finir le travail ? Bonne nuit cher psychopathe. Ne te brise pas la main. Je me sentirais coupable

Je ris et posai mon téléphone sur ma table de chevet. Peu importe qui se cachait derrière tout ça, il me faisait vraiment rire. Je ne voulais pas qu'un de nous deux gâche cette complicité virtuelle qui s'était installée entre nous. Je décidai de prendre une douche et de manger avant de dormir avec mon dîner avec Axel en tête.

...

Je venais de terminer de me préparer. J'avais enfilé une robe noire moulante à longues manches. Elle descendait jusqu'au milieu de mes cuisses. Elle ne dévoilait pas ma poitrine. C'était simple mais suffisant pour mon rendez vous avec Axel. Mon père ne m'aurait jamais laissée sortir comme ça mais puisqu'il n'était pas là, il n'y avait pas de problème pour moi.

Je mis juste du mascara et ôtai mes lunettes pour mettre mes lentilles de contact soigneusement.

On sonna à la porte et j'attrapai une veste, mon téléphone et mes clés avant de descendre rapidement avec mes escarpins noirs aux pieds. J'éteignis la lumière et quittai l'appartement. Je fermai à clé la porte et descendis les deux étages avant de me retrouver dehors. Un coup de vent passa au même moment et fit voler mes cheveux que j'avais lissés quelques minutes avant.

Axel se trouvait en face de moi, debout devant un taxi. Je lui souris et enfilai ma veste pendant que je m'approchais lentement de lui. Je rangeai mes clés et mon téléphone dans une de mes poches puis lui fis la bise. Il posa une main sur mes hanches.

- Ça va ? me demanda-t-il.

J'hochai la tête. Je le trouvais très beau dans sa chemise bleue et son pantalon noir retroussé aux chevilles. Il avait soigné ses cheveux bruns et bouclés et il sentait très bon. Ses yeux verts me sourirent puis il m'ouvrit la portière du taxi. Il entra à ma suite puis nous partîmes en direction du restaurant. J'étais très nerveuse. C'était la première fois que nous irions manger ensemble dans un endroit pareil.

Il attrapa ma main et entrelaça nos doigts. Je le regardai surprise et lui lançai un de mes sourires les plus sincères. J'étais désormais certaine qu'à la fin de ce dîner, nous serions enfin en couple et j'arrivais déjà à entendre les cris de joie de Briana.

- Pas trop dure cette semaine ? me demanda-t-il.

Je frissonais à chaque fois qu'un son sortait de sa bouche. Son accent italien était ma plus grande faiblesse. Il roulait les "r" parfaitement et mettait un accent à chaque "e" même si son anglais était parfait.

- Non et toi ? Qu'est ce que tu as fait ?
- J'ai aidé ma tante à son travail mais j'ai surtout pensé à toi, répondit-il en souriant.

Je baissai les yeux et sentis mes joues rougir. Axel était vraiment gentil avec moi. Je me sentais mal d'avoir fait quelque chose derrière son dos. Il ne le méritait pas. À partir de ce soir, j'arrêterais toute discussion avec le mystérieux garçon. J'avais perdu mon temps avec lui.

- Tu es très belle Abigail, ajouta-t-il.
- Merci, murmurai-je. Tu es très beau toi aussi.

Il releva ma tête à l'aide de son pouce et embrassa le coin de mes lèvres. Je frissonai une nouvelle fois. Je le voulais vraiment comme petit ami et comme un vrai. Même si je savais qu'il partirait dans quelques mois quand son année sabbatique serait terminée, je voulais essayer. On s'appréciait et s'entendait tellement bien que ça valait la peine de tenter le coup.

Au restaurant, il me tenait la main pendant que nous marchions jusqu'à notre table. J'avais déjà l'impression que nous étions en couple. Je retirai ma veste et un serveur me la prit. Axel me tira la chaise et ainsi je pris place sur la table ronde. Il s'assit en face de moi sans ôter son regard du mien. Il était vraiment beau.

- Merci, c'est magnifique, dis-je.

Le cadre était très romantique. Il y avait de grandes fenêtres arquées sur chaque mur blanc décoré de longs rideaux dorées, une immense fresque au plafond, une ambiance très calme et apaisante, il ne manquait plus qu'un artiste joue du piano ou du violon. Le restaurant affichait complet.

Axel se contenta de sourire avant de prendre le menu qui se trouvait à la droite de son assiette et de le consulter.

- Dans quatre mois, tu t'en vas, fis-je la moue.
- Il faut qu'on profite au maximum Abby.
- Tu me promets que tu reviendras ? Pour moi ?
- Si tu m'en donnes une bonne raison, répondit-il avant de sourire.

Je voulais répondre qu'être sa petite amie était une bonne raison mais je ne l'étais pas. Du moins pas encore.

- Je t'en donnerai une bientôt, dis-je.

Je pris à mon tour le menu qui était posé sur la table pour moi et l'ouvris.

- C'est pas trop dur au lycée ? me demanda-t-il.

Je captai son regard à nouveau.

- Non ça va. Je dois rester concentrée pendant les trois mois qui me restent jusqu'aux examens finals.
- Tu vas être diplômée sans problème Abby.
- Je l'espère. Il faut que j'intègre absolument Harvard.
- Tu as des résultats excellents, il n'y a pas de raison qu'ils ne te prennent pas, sourit-il.

Il savait très bien comment me rassurer. Il avait raison, je n'avais pas à m'inquiéter... Si Justin ne se mettait pas en travers de mon chemin. D'ailleurs, je ne mis pas au courant Axel de ce que Monsieur Beaton m'avait obligé à faire parce que je ne voulais pas qu'il s'inquiète pour rien. Il ne se passerait rien avec Justin alors je pouvais très bien garder ça pour moi.

Le repas se déroula parfaitement. Il n'y avait pas eu une seule fois un moment de silence entre nous. Je me sentais bien avec lui, c'était certain. Et je pouvais penser que c'était réciproque.

Il me raccompagna en taxi jusqu'à chez moi. J'avais mon coeur qui palpitait. Je sentais que le moment du baiser approchait. Ma tête posée sur son épaule et son bras autour de moi, je profitais du moment présent.

Arrivés devant mon immeuble, nous quittâmes le véhicule. Je marchais devant lui jusqu'à la porte d'entrée puis je me tournai vers lui. Il avait déjà ses yeux posés sur moi. Je lui souris timidement. Mon coeur allait exploser à l'intérieur moi.

Il mit ses mains dans ses poches et fit un pas vers moi. Son visage n'était plus qu'à quelques centimètres du mien. Il faisait presque la même taille que moi puisque j'étais sur des escarpins. Ses yeux verts me transperçaient et me dévoraient clairement.

- Tu fais quoi demain ? me demanda-t-il.
- Comme d'habitude, mordis-je ma lèvre inférieure d'un air désolé.
- Quand est-ce qu'on pourra se revoir ?
- Je t'appelerai.

Il baissa son regard sur mes lèvres avant de se pencher vers moi. Mon cerveau ne répondit plus à cet instant précis. Je fermai les yeux automatiquement. Je sentis sa main se poser sur mon cou et son pouce sur ma joue. Puis, ses lèvres se posèrent enfin sur les miennes et enflammèrent tout mon corps.

Je répondis à son baiser en entrouvant ma bouche pour qu'elle s'emboîte parfaitement avec la sienne. Il posa à l'identique son autre main sur mon cou et me tira un peu plus contre lui.

Notre baiser se fit plus sensuel. Nos langues se mirent à jouer entres elles. Mon coeur gonflait. On ne m'avait jamais aussi bien embrassée.

Nous mîmes fin au baiser manquant de souffle. Je réouvris mes paupières qui papillonnaient et accrochai ses yeux. Il me sourit. Ses lèvres avaient gonflé et rougi de notre baiser.

- Alors c'est officiel ? demandai-je.
- Je crois bien.

Je mordis ma lèvre inférieure et déposai un baiser sur ses lèvres avant de lui dire au revoir et de retourner chez moi. Je venais de passer la meilleure soirée de ma vie mais surtout, j'étais enfin la petite amie d'Axel.

Et pour longtemps je l'espérais.

...

Il était dix heures et je quittai la maison transportant un petit sac à main avec moi. Je marchais d'un pas lent et tranquille pour rejoindre le cimetière qui se trouvait de l'autre côté de la ville. Me rendre sur la tombe de ma mère était bien les seules fois où j'acceptais de prendre le bus.

Assise au fond, je pensais à un tas de choses. À la soirée de la vieille mais aussi à cet après midi, quand je devrais passer une heure à expliquer la philosophie à Justin. Le fait qu'il m'avait promis un A en sport était la seule motivation qui me poussait à me déplacer pour lui.

J'arrivai au bon arrêt et sortis du bus. Le cimetière se trouvait juste là. J'entrai et traversais les allées jusqu'à me trouver devant la bonne tombe. Certaines fleurs avaient fané. Je m'occupai de les trier puis je m'assis en face de la pierre tombale de couleur noire. Il y avait inscrit «À la plus merveilleuse des mères. 1967 - 2012».

Il faisait très ensoleillé, la chaleur qui émanait du soleil me réchauffait très agréablement. Je sortis mon carnet de mon sac et un stylo noir. Puis, je commençai à écrire comme chaque semaine à ma mère.

«Maman,
Comment tu vas ? J'espère que tout va bien là haut et que tu n'es pas déçue de ce que tu vois en bas. J'ai une super nouvelle à t'annoncer. Axel et moi c'est enfin officiel. Il m'a embrassé hier soir. Je n'avais jamais ressenti un sentiment pareil avant ; mon ventre s'est retourné, mon coeur était au bord de l'explosion, c'était incroyable. Axel est un garçon merveilleux, tu le sais, je te l'ai déjà dit des millions de fois. Tu aurais été heureuse de le rencontrer, j'en suis certaine. Puis il y a... Il y a ce garçon... Justin. Je t'en avais déjà parlé. Un gros abruti. Je dois lui donner des cours de philosophie en échange d'un A en sport. Tu penses que j'ai bien fait ? Ou que c'est plutôt une stupide erreur ? Je le déteste mais c'est mon avenir qui est en jeu. Peut être qu'on pourrait s'entendre au final. Non... C'est impossible. Je dois aussi te parler de cet inconnu à qui je parle par messages depuis quelques jours. Je ne connais absolument rien de lui si ce n'est la couleur de ses yeux mais je ne sais même pas s'il m'a dit la vérité là dessus. Je me sens proche de lui, d'une certaine façon. Il a une vie merdique, comme moi. Et je me suis sentie moins seule tout d'un coup. Mais il y a Axel, c'est mon copain maintenant et je sais à quel point il serait fâché s'il savait que je parlais aussi intimement à un autre garçon que lui. Est-ce que je dois arrêter tout contact avec ce mystérieux garçon ? Je n'en ai pas envie mais si c'est ce que je dois faire, je le ferai parce qu'Axel est beaucoup trop important pour moi pour gâcher notre début de relation. Je ne suis pas encore amoureuse de lui mais je sais que c'est pour bientôt. Il me plaît tellement.
Je t'embrasse. Tu me manques. Je t'aime. Ta fille.»

Je refermai mon carnet et le rangeai avec mon stylo dans mon sac. Je regardais un instant la pierre tombale sans verser de larmes puis lui soufflai un baiser avant de partir. Ça me faisait toujours du bien de venir ici et de lui écrire. C'était comme si elle était toujours là et que je me confiais à elle. Je savais qu'elle m'écoutait.

Je retournai rapidement chez moi. Je devais préparer le déjeuner avant que mon père se réveille et se fâche parce qu'il n'y avait rien à manger. Il détestait attendre.

...

Il était bientôt quatorze heures. Il était temps pour moi de rejoindre Justin à la bibliothèque. Je traînais des pieds dans mes chaussures de ville. Je me demandais comment on réussirait à passer une heure ensemble juste tous les deux. Ça me paraissait tellement improbable que j'étais persuadée qu'il ne se pointerait même pas devant la bibliothèque. C'était tellement son genre. Mais cela voudrait dire que je ne ferais plus d'effort pour lui. Il ne fallait pas non plus me prendre pour une conne.

J'arrivai devant la petite infrastructure faite de briques à la bonne heure. Il n'était pas encore là. Je décidai de poser mon sac à mes pieds et de l'attendre. S'il n'était pas là dans dix minutes, je partirais.

Contre toute attente, il se pointa deux minutes plus tard. Était-ce un miracle ? Je le regardai un tantinet surprise retenant un rire amusé avant d'attraper mon sac. Je pris bizarrement le temps de l'observer. Il était vêtu d'un haut blanc à manches courtes qui dévoilait ses tatouages et d'un jean clair. Ses cheveux laissaient penser qu'il sortait de son lit et il portait son sac sur son dos.

- Deux minutes de retard Bieber, lui dis-je.

Il rit.

- Tu étais trop impatiente de me voir Waller ? dit-il en arrivant à ma hauteur.

Il passa sa langue sur sa lèvre inférieure et je me retournai pour entrer dans la bibliothèque. Un silence impressionnant nous parvint. Pourtant, il y avait du monde et ils étaient tous concentrés sur leur travail. Je cherchais du regard une table vide où on pourrait s'asseoir et en trouvai une un peu écartée du centre de la pièce. Je pris ainsi place à cette table et Justin s'assit en face de moi. Il ôta son sac et le posa sur la chaise à côté de lui. Je fis de même et sortis mon cahier de philosophie, de mathématiques et ma trousse.

Justin posa ses bras sur la table et me fixa. Mon regard s'attarda un instant sur ces derniers. Ils étaient quasiment totalement recouverts de tatouages. Je réussis à distinguer une étoile sur sa peau à travers les différents dessins. Je me demandais comment il avait pu se payer toute cette encre.

- Tu es prêt à travailler ? lui demandai-je.
- Ouais, répondit-il de manière non chalante ce qui avait tendance à me faire sortir de mes gongs.

J'ouvris mon cahier et m'arrêtai au premier chapitre, le bonheur. C'était pour l'instant sûrement l'un des chapitres les plus complexes de l'année.

- Tu as de quoi écrire ?

Il sortit sa trousse et la posa sur la table. On aurait dit un petit gamin à qui on était obligé de dire les choses pour qu'il se mette enfin à travailler.

- J'ai pas de feuilles, dit-il.

Je soufflai et attrapai mon bloc note pour en arracher une et la lui passai. Je me demandais vraiment comment il faisait pour être aussi bon en cours avec une telle négligence.

- C'est bon ? On peut commencer ? râlai-je.
- Oui, sourit-il d'un air moqueur.
- À cette allure, il te faudra plus d'une heure par semaine pour rattraper ton retard.
- Tu veux déjà me revoir en tête à tête ?
- Ta gueule Justin. C'est pour toi que je dis ça, rétorquai-je.
- On verra. Je suis pas souvent disponible.
- On se demande pourquoi, dis-je avec sarcasme.

Je baissai mes yeux sur l'encre bleue de mon cahier et je l'entendis rire. Pauvre con.

- Avant de commencer, il faut que tu notes quelque chose d'important, qui, pour Monsieur Beaton, est impératif à savoir, déclarai-je. «On n'apprend pas la philosophie, on apprend à philosopher.» C'est de Kant et tu dois la connaître.

Il hocha la tête et nota. Je fus étonnée qu'il ne m'ait pas dit que c'était pareil et qu'il ne voyait pas la différence.

- Qu'est-ce que le bonheur ? commençai-je. Beauc...
- C'est un concept imaginaire, me coupa-t-il.

Je relevai mes yeux sur son visage. Les siens étaient encore rivés sur moi. Une mèche de cheveux blonde tombait sur son front mais elle n'avait pas l'air de le déranger. Savait-il que ce genre de coiffure avait le don de me déstabiliser ?

- Ça c'est ce que tu penses mais je suis obligée de te faire étudier les thèses de quelques philosophes, repris-je mes esprits.
- C'est absurde. Je suis censé me faire ma propre opinion là dessus.
- C'est peut être absurde mais c'est comme ça.

Il ne dit rien et me laissai lui expliquer le cours pendant qu'il prenait des notes pendant une bonne demi-heure. J'avais réussi à lui parler de Calliclès et des Stoïciens sans qu'il ne m'interrompe pour dire des stupidités. Puis, inévitablement, il lâcha son stylo qui produit un son aigu en atterissant sur le plastique de la table avant de coller son dos au dossier de la chaise et prendre un air "j'en ai marre".

- Il faut que je fume, lâcha-t-il.
- Tu ne peux pas fumer ici.
- Je me casse alors.
- Non ! On n'a pas fini, refusai-je.
- Je m'en fous Waller, la philo ça me soûle.

Il se leva et rangeai le peu d'affaires qu'il avait dans son sac. Je le regardais furieuse.

- Tu ne vas pas me faire ça Justin ?

Il rit puis s'éloigna tranquillement, les mains dans les poches. Que quelqu'un me retienne ou je vais l'étrangler.

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