Chapitre 14

«Un marché est un marché.»

Point de vue de Justin.

Je m'étais inquiété tout le restant de la nuit. Pas parce que je n'aimais pas savoir Waller seule dans un hôpital mais parce que je ne voulais pas être fautif d'un nouveau malheur qui pourrait tomber sur elle. Peut être que j'avais abusé en ruant son père de coups mais il n'avait pas le droit de lever la main sur elle comme il l'avait fait. C'était sa fille merde ! Et pourquoi elle ne m'avait rien dit ? Je lui avais pourtant demandé de nombreuses fois si il se passait quelque chose de grave chez elle et elle m'avait à chaque fois répondu négativement.

Je lui en voulais encore plus d'avoir menti sur ça. Plus que sur sa virginité et toute autre chose. J'aurais dû me douter qu'elle subissait les coups de son père. Elle ne montrait jamais ses bras et avait refusé que je lui ôte son haut. Pourquoi laissait-elle ça se passer ? Pourquoi acceptait-elle une chose pareille se produire ? Elle ne pouvait pas vivre d'une telle façon. Je pensais qu'elle avait plus d'estime que ça envers elle même.

Je ne savais par quelle force je m'étais rendu au lycée. Sans grande surprise, Abigail n'était pas là et Briana ne semblait pas savoir pourquoi. J'avais prévu de l'emmener la voir pour qu'elle réussisse à la convaincre de partir de l'hôpital. Elle était la seule qui pouvait réussir à lui faire changer d'avis.

J'avais annulé ma séance chez le psy. Je n'étais pas d'humeur à parler de mes problèmes alors qu'il y avait une personne qui en avait de plus graves à cause de moi.

À la fin de la journée, je pris Briana à part à la sortie. Elle accepta de m'écouter, méfiante.

- Abigail est à l'hôpital, lui annonçai-je.
- Quoi ? fit-elle choquée.
- Je t'expliquerai sur le chemin mais viens la voir avec moi s'il te plaît.
- Oui, d'accord ! Bien sûr !

Nous montâmes dans ma voiture et partîmes en direction de l'hôpital. Après Waller, Chambers était à son tour dans ma bagnole. Encore une chose improbable.

- Qu'est-ce ce qu'il s'est passé ? me demanda-t-elle.
- J'étais chez elle et son père a commencé à lui faire du mal alors je suis intervenu pour l'arrêter, expliquai-je.
- Qu'est-ce que tu foutais chez elle ?
- Il fallait qu'on parle.
- Je t'avais dit de la laisser tranquille Justin.
- Pourquoi elle ne m'a pas dit que son père la battait ?
- Vous vous détestez Justin. Tu n'es pas le genre de personne à qui elle voudrait dire une chose pareille, rétorqua-t-elle. Elle m'a raconté ce qu'il s'était passé entre vous et certes, tu connais beaucoup de choses sur elle mais Abigail est une fille réservée et parler de son père n'est pas une chose facile.

Nous échangeâmes un regard.

- Elle souffre Justin et elle préfère que le moins de personnes possible le sache.
- Mais je sais qu'elle souffre. Elle pouvait très bien me dire...
- Tu as couché avec elle alors qu'elle était soûl, me coupa-t-elle. Et tu as choisi de l'ignorer après. Tu crois qu'elle t'avouerait un truc si important après que tu lui aies gâché sa première fois ?
- Je n'ai pas couché avec elle. C'était une blague.

Elle me regarda surprise.

- Tu lui as fait une blague ?
- Oui mais seulement parce que je croyais qu'elle l'avait déjà fait. Elle m'a menti.
- Elle t'a dit qu'elle n'était pas vierge ?
- Oui.
- Pourquoi a-t-elle fait ça ? se murmura-t-elle.
- Briana, je ne l'aurais jamais approchée si j'avais su qu'elle n'avait jamais rien fait avant moi.
- Vraiment ?
- Tu sais les filles s'attachent vite et accordent de l'importance à n'importe quoi et...
- Et tu ne veux pas qu'elle s'attache à toi, finit-elle ma phrase.
- Non mais de toute façon on ne peut plus faire marche arrière.
- C'est sûr qu'elle ne pourra pas t'oublier après ce que vous avez fait ensemble mais je ne pense pas qu'elle s'attachera un jour à toi.
- Elle m'en veut déjà de l'avoir ignorée.
- Mais c'est normal Justin ! Elle croit que tu t'es servi d'elle ! s'exclama-t-elle.

Évidemment. Nous arrivâmes à destination. Nous sortîmes de la voiture.

- Ne répète à personne notre conversation, lui dis-je.
- Toi aussi tu es du genre à cacher beaucoup choses on dirait. Tu as de la chance qu'Abby est une personne de parole et qu'elle ne m'ait rien dit sur toi et tes secrets.
- Elle ne t'a vraiment rien dit ?
- Malheureusement. Sinon je me serais vengée à sa place.

Je souris. Nous entrâmes rapidement dans le bâtiment et nous nous présentâmes à l'accueil. On nous indiqua dans quelle pièce étaient Abigail et son père et nous les rejoignîmes. Nous trouvâmes Waller assise sur une chaise, endormie. Son père était allongé sur un lit devant elle et ne semblait pas avoir ouvert les yeux depuis hier. Il avait un bandage autour de sa tête et il était relié à des câbles qui devaient contrôler tout un tas de choses dans son corps.

Je me sentais mal. Je n'avais pas l'habitude d'être dans un endroit pareil et encore moins pour une cause très sérieuse. Abigail se réveilla à cause du cri que Briana poussa en entrant dans la pièce. Elle mit un temps à nous reconnaître et à se rappeler où elle était. Elle avait le teint pâle et des cernes sous les yeux. Alors pourquoi la trouvais-je quand même irrésistible ?

- Qu'est-ce que vous faites là ? nous demanda-t-elle d'une petite voix.
- Il m'a tout raconté, lui dit sa meilleure amie. Est-ce que ça va ?
- Bien sûr que non, intervins-je.
- Justin, me lança Abigail un regard noir.

Elle se leva et passa des mèches de cheveux derrière ses oreilles.

- J'attends qu'il se réveille, dit-elle en croisant ses bras sous sa poitrine.
- Qu'est-ce que les médecins ont dit ?
- Qu'il devrait se réveiller bientôt.
- Et qu'est ce qu'ils veulent dire par bientôt ? demandai-je.
- Je ne sais pas.
- Tu ne vas pas attendre indéfiniment ici Abby, lui dit Briana.
- Pourquoi pas ? C'est mon père.
- Mais regarde toi, tu es exténuée.

Elle soupira.

- J'ai peur, comme ma mère, de ne pas pouvoir lui dire adieu.
- Il y a des chances qu'il ne s'en sorte pas ?
- Non mais il y a toujours un risque. Il est tombé sur la tête. C'est l'endroit le plus dangereux.

Elle me lança un regard accusateur. Je savais qu'elle m'en voulait. Pas seulement pour son père mais pour tout. Je comprenais et j'avouais mes torts.

- Si il s'avère qu'il ne se réveillera pas avant quelques jours, tu devrais profiter de ce temps pour te reposer. Je vais prévenir le proviseur, il comprendra, lui suggéra-t-elle.
- C'est une bonne idée, dis-je.

Elles me regardèrent en même temps, l'air de dire "tais toi".

- Quoi ? J'ai mon mot à dire ! C'est de ma faute si elle est dans cette situation ! dis-je.
- Justement ! Tu devrais te faire tout petit ! rétorqua Briana.

Je soufflai et m'éloignai d'elles pour les laisser parler. La blonde semblait batailler pour convaincre la brune de quitter l'hôpital et elle réussit à la faire céder. J'aurais aimé avoir pu faire de même.

Nous sortîmes du bâtiment et j'étais bien content de ne pas être resté plus longtemps ici. Dans la voiture, j'étais seul assis devant tandis que les deux filles avaient pris place à l'arrière.

- Tu ne veux pas venir habiter chez moi jusqu'au retour de ton père ? Mes parents seront d'accord.
- Non ça va aller Bri.
- Tu veux que je prévienne ton patron que tu ne travailleras pas pendant un bout de temps ?

Patron ? Abigail avait un patron ? En plus de son père qui était violent et du rythme effréné des cours, elle travaillait ? Elle m'avait encore caché une chose et je n'étais plus certain de bien la connaître.

- Je m'en occuperai, lui répondit-elle.
- Tu es sûre que tu vas réussir à te débrouiller toute seule Waller ?
- Oui Justin.
- Si elle a besoin d'aide, c'est moi qu'elle contactera, me dit Briana.

On ne voulait pas de moi on dirait. Tant mieux, je pouvais dans ce cas retourner à mes occupations.

...

Abigail était de retour chez elle. J'avais laissé Briana au lycée pour qu'elle récupère sa voiture et j'étais également de retour chez moi. Je ne pouvais m'empêcher d'imaginer le pire. Je voyais Waller en train de pleurer, complètement désespérée, essayant de mettre fin à ses jours et c'était déstabilisant. Je ne pensais à autre chose qu'à elle.

Le lendemain, je pris seulement la peine d'aller chez mon psy pour lui parler de ce qui était arrivé. Il m'avait écouté du début jusqu'à la fin et désormais j'attendais qu'il me dise quoi faire.

- Restez auprès d'elle. Soutenez là. Je pense qu'elle a besoin de vous.
- Je ne pense pas qu'elle veuille que je la soutienne, dis-je honnêtement.
- Elle n'aurait pas accepté que vous veniez à l'hôpital dans ce cas.
- Je ne sais pas comment m'y prendre avec elle. Je ne veux pas être trop gentil parce que ce n'est pas moi et parce que je ne veux pas qu'elle interprète mal ma gentillesse mais en même temps, je ne peux pas m'en empêcher.
- Vous réfléchissez trop.
- Et son père ? Est-ce que je dois le dénoncer ?
- Évidemment personne ne devrait laisser ce qu'il fait à sa fille impuni mais je pense que cette décision n'appartient qu'à Abigail. Vous avez déjà fait assez.

J'hochai la tête.

- Si vous avez peur qu'elle s'attache à vous, vous n'avez qu'à lui dire que vous ne faites ça que par gentillesse et sans arrière pensée. Elle a l'air d'être une fille intelligente, elle comprendra.
- Merci.

C'était la première fois que je le remerciais mais il m'avait vraiment aidé sur ce coup là.

- Je suis votre psychanalyste mais si vous avez besoin de conseils, vous savez que je suis là pour vous.
- Oui.

Je lui serrai la main et m'en allai. J'allumai une cigarette dès que je fus dehors. J'avais emmagasiné trop de stresse depuis quelques jours, depuis qu'Abigail n'était pas tout à fait celle que je croyais. J'avais pensé qu'elle était une "fausse" fille sage mais en réalité elle en était une vraie. Elle n'avait pas le choix avec le père qu'elle avait. C'était juste qu'elle avait dérapé avec moi.

Je décidai d'aller la voir. J'avais besoin de vérifier qu'elle était toujours en vie. Ça paraissait exagéré mais Waller était capable de tout.

Je dévérouillai la porte en bas de l'immeuble en la poussant seulement trois fois de suite, délicatement. Nous n'étions jamais vraiment sécurisés ici aux États Unis. Je montai les étages jusqu'à arriver devant sa porte puis toquai. J'étais bizarrement nerveux. Je n'étais pas du genre à prendre des nouvelles de quelqu'un.

Elle m'ouvrit deux bonnes minutes plus tard et mon coeur manqua un battement en la voyant vêtue d'un petit short de sport et d'un gilet par dessus son t-shirt qui moulait ses seins nus. Putain. Elle avait attaché ses cheveux en une queue de cheval et ne portait pas ses lunettes. Elle plissa les yeux.

- Oh Justin...
- Des nouvelles ?
- Il est toujours dans le coma mais ils ont vu les blessures sur son ventre et ils ne me croient plus pour la glissade.
- Je peux entrer ?

Elle se mit sur le côté et me laissa pénétrer dans son appartement. Elle ferma la porte derrière moi puis se replaça devant moi.

- Je ne veux pas leur dire que c'est toi qui l'as frappé parce qu'ils me demanderont pourquoi et je serais obligée de leur dire ce qu'il se passe chez moi, expliqua-t-elle.
- Pourquoi tu ne veux pas qu'ils sachent la vérité ?
- Parce qu'ils vont l'emmener loin de moi. Je suis mineure Justin et je vais me retrouver dans une famille d'accueil, comme ta soeur, et c'est bien la dernière chose que je veux.
- Je comprends, dis-je, mais tu sais que je ne te laisserai pas vivre de nouveau avec lui tant qu'il n'aura pas changé.
- Pardon ? sourit-elle nerveusement.
- Je suis peut être un salaud mais je ne sais pas fermer les yeux sur un truc aussi important.

Elle leva les yeux au ciel.

- De toute façon, avec ce que tu lui as fait, il aura sûrement compris la leçon, dit-elle sans grande conviction.
- J'espère sinon...
- Sinon quoi ? m'interromput-elle. Je t'interdis de lever une deuxième fois la main sur lui.
- OK, dis-je en levant les mains. Mais n'oublie pas que j'ai fait ça pour toi.

Elle partit dans la cuisine se chercher à boire. Je m'appuyai sur la table à manger et remarquai que les tâches de sang n'étaient plus là.

- Il faut que je te dise quelque chose, lui dis-je.

Elle sortit de la pièce avec un verre d'eau à la main.

- Je t'écoute, dit-elle avant de boire une gorgée de son eau.
- Briana t'a parlé d'un truc que j'aurais pu lui dire hier ?
- Non, répondit-elle en fronçant les sourcils. Vous manigancez derrière mon dos ?

J'ébauchai un sourire.

- Tu vas me détester.
- Ça ne change pas de d'habitude, rétorqua-t-elle.
- On n'a jamais couché ensemble, lui déclarai-je.

Elle me regarda complètement choquée avant de poser son verre sur la table, sûrement pour prévenir d'une éventuelle envie de le foutre par terre.

- Pourquoi tu m'as fait croire le contraire ?
- Pour te faire chier.
- Mais c'est quoi ton problème ? s'énerva-t-elle. Pourquoi tu cherches toujours à me rendre la vie dure ?
- C'était censé être juste une blague jusqu'à ce que tu me dises que tu étais vierge jusque là.

Elle entrouvrit la bouche mais aucun son ne sortit.

- Pourquoi tu m'as menti ? Pourquoi tu m'as laissé être le premier à te toucher ?
- Je... Je...
- Pourquoi Abigail ?
- Pourquoi ça te dérange ?
- Réponds à ma question, dis-je sèchement.

Elle s'éloigna de moi et se tint à l'autre bout de la pièce.

- C'est toi qui as provoqué tout ça.
- Tu avais juste à retirer ma main de ta cuisse.
- Je ne pouvais pas ! s'exclama-t-elle.
- Tu m'as préféré à ton mec !
- C'est faux ! Et ce n'est plus mon copain, me rectifia-t-elle.
- Tu l'as quitté ? lui demandai-je surpris.
- Il m'a quittée.
- C'est pour ça que tu pleurais la dernière fois ?
- Sûrement.

Je pris son verre et le terminai. J'avais chaud. Étrangement très chaud.

- À toi de répondre à ma question, reprit-elle.
- Pourquoi ça me dérange ?
- Normalement tu devrais t'en foutre. Les mecs comme toi s'amusent à dévierger les filles.

Je ris. Quelle stupidité.

- Je ne couche qu'avec des filles qui ont de l'expérience.
- Et pourquoi ça ?
- Pour ne pas qu'on s'attache à moi.

Elle fronça les sourcils.

- En fait tu as peur que je tombe amoureuse de toi ? me demanda-t-elle en s'approchant de moi. Et que j'oublie les insultes pour des "je t'aime" ?

Elle s'arrêta à seulement quelques centimètres de moi. Ses yeux bleus me transperçaient. Elle était belle. Elle était pure. Ses cils étaient longs sans l'aide d'un quelconque mascara et j'avais du mal à croire qu'elle avait pu passer une sale nuit avec un visage qui était resté magnifique.

- Mais tu oublies que j'ai jamais autant détesté une personne que toi, ajouta-t-elle en me regardant droit dans les yeux.

Je souris. Putain qu'elle était sexy quand elle me parlait comme ça.

- C'est réciproque babe, murmurai-je.

Elle sourit amusée avant de s'éloigner à nouveau.

- Alors tu m'assures que tu n'attendras rien de moi ? lui demandai-je.
- Tu es bien la première personne que je connaisse qui ne veut pas que les gens s'attachent à elle.
- C'est une faveur que je te fais en mettant les choses au clair.
- J'en suis consciente et tu peux être sûr que je n'attendrais rien de toi.

Super. Elle se dirigea dans le couloir.

- Où tu vas ?
- Me changer. Je retourne voir mon père.
- Déjà ?
- Bien sûr.

Elle s'éclipsa dans sa chambre tandis que je restais debout appuyé sur la table. Je tapotais des doigts sur cette dernière impatiemment. Je me retenais de ne toucher à rien pour ne pas énerver Waller. Elle fut de retour une dizaine de minutes plus tard. Je mordis discrètement ma lèvre inférieure. Elle était habillée d'une jean déchiré avec un débardeur blanc. Elle avait pris soin de mettre une veste en cuir pour couvrir ses bras et avait troqué sa queue de cheval pour un chignon.

Un problème : elle avait choisi de mettre ses lunettes au lieu de ses lentilles de contact. Je ne savais pas si j'étais capable de lui résister ainsi.

- On y va ?
- Euh... Ouais, repris-je mes esprits.

Nous quittâmes son appartement puis l'immeuble.

- Tu m'emmènes ou tu retournes en cours ? me demanda-t-elle.
- Je viens avec toi.
- C'est moi qui vais commencer à croire que tu attends quelque chose de moi, me taquina-t-elle.

Je ris. Nous prîmes ma voiture pour se rendre à l'hôpital. Abigail n'était pas très bavarde. Elle avait les yeux à moitié fermés et était à deux doigts de s'endormir sur le siège passager.

- Tu n'as pas réussi à dormir ? lui demandai-je.
- Non. J'ai pris des somnifères mais ça n'a servi à rien.

Elle soupira.

- Je ne vais pas tenir longtemps comme ça.
- Waller, ton père ira mieux.
- Ce n'est pas parce que tu le dis que c'est ce qui va se passer.
- Je me trompe rarement.

Mes notes le confirmaient d'ailleurs.

- J'espère pour toi parce que c'est de ta faute si il est dans un mauvais état.
- Je sais. Je suis désolé.
- Je rêve ou c'est la première fois que tu t'excuses ?
- Peut être, ris-je.

Elle descendit un peu la vitre de son côté.

- Tu préfères rendre visite à mon père au lieu de coucher avec une nouvelle fille ? C'est nouveau ça aussi.
- Il se pourrait que j'ai revu mes priorités.

Elle me regarda en haussant les sourcils.

- Je suis touchée, dit-elle d'un ton moqueur. Mon père le serait aussi.

Elle rit. Je ris avec elle.

- Je n'arrive pas à croire que tu arrives à me faire rire dans un moment pareil.
- C'est une de mes nombreuses qualités apparemment, dis-je.
- Ah oui ? C'est toujours mieux que ton arrogance.
- Je sais que tu aimes mon arrogance.

Nous arrivâmes devant l'hôpital. Je me garai dans le parking et nous descendîmes de la voiture.

- Je vais fumer, lui dis-je.
- Justin, souffla-t-elle. Je t'attends pas.

Elle entra dans le bâtiment et je fumai comme prévu une cigarette. Si je pouvais passer le moins de temps possible à l'intérieur, c'était très bien pour moi.

J'en profitai pour acheter des boissons chaudes avant de finalement entrer à mon tour dans l'hôpital. Je rejoignis Abigail qui s'était assise très près du lit et qui fixait tristement son père. Elle se retourna vers moi en entendant la porte claquer derrière moi. Je lui tendis un des deux grands gobelets de chocolat chaud et elle le prit volontiers.

- Merci.

Elle humait l'odeur qui émanait du récipient. Ses fossettes apparaissaient. Elle était mignonne et me donnait envie de l'embrasser. Je me tins debout à côté d'elle et évitais de poser mes yeux sur son père.

- Je n'ai pas l'impression qu'il y ait de l'amélioration, me dit-elle.
- C'est les premiers jours, c'est normal.
- Tu t'y connais en perte de connaissance ?
- C'est juste logique.

La porte s'ouvrit et une infirmière entra dans la pièce. Elle était habillée d'une longue blouse blanche et tenait dans sa main un stylo.

- Mademoiselle Waller ? J'ai besoin de vous parler quelques minutes.

Abigail me lança un regard avant de se lever et de partir avec la femme. Merde. Elle m'avait laissé seul avec son père. J'étais mal à l'aise tout seul partageant une pièce avec un corps immobile. Je terminai en un rien de temps ma boisson et je ne savais plus quoi faire pour ôter ma gêne.

Heureusement, cinq minutes plus tard, elle revint. Aucun sourire. Le même visage triste qu'elle avait avant de s'éclipser. L'infirmière ne lui avait pas annoncé une bonne nouvelle.

- Elle m'a posé des questions, intercepta-t-elle ce que j'allais dire. J'ai gardé ma version.
- Et elle t'a cru ?
- Je ne pense pas.
- Tu sais qu'elle peut appeler la police si elle a un moindre doute.
- Ça ne changera rien. Je ne dénoncerai pas mon père.
- C'est toi qui décides.

Elle posa ses yeux sur son père avant de les poser à nouveau sur moi.

- On y va ?

J'aquiescai et nous partîmes. Dans la voiture, Abigail s'occupait de terminer tranquillement son chocolat chaud et ne disait pas un mot.

- Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu travaillais ? lui demandai-je impromptement.
- Je ne voulais pas, répondit-elle.

Je me tournai vers elle.

- Il y a des choses qu'on garde pour soi pour être sûr d'être tranquille, ajouta-t-elle.
- Je ne serais pas venu à ton lieu de travail pour t'embêter.
- Peu importe.
- Beaton nous laisse les vacances pour finir de rattraper le cours. À la rentrée il me donnera le sujet si il estime que je suis prêt, changeai-je de sujet.
- Tu seras prêt. On a déjà perdu assez de temps comme ça. Je veux en finir au plus vite avec ça.
- Je m'en occuperai seul. Il faut juste que je garde ton cahier.
- Non. On s'en occupera à deux.
- Comment tu peux vouloir t'occuper d'une chose pareille alors que ton père est à l'hôpital ?

Son regard descendit sur mes lèvres avant de remonter sur mes iris.

- On a passé un marché non ?
- Ouais mais...
- Je tiendrais ma part du marché jusqu'au bout, me coupa-t-elle.
- Je ne comprends pas.
- Tout est arrivé à cause d'une chose. Cette chose c'est ces satanés cours de philosophie. Alors allons jusqu'au bout de cette chose, expliqua-t-elle.
- Tu n'es pas obligée de...
- Justin s'il te plaît, un marché est un marché.

Abigail m'impressionnait sur ce coup là. Beaucoup aurait tout abandonné, les promesses faites, les paroles données et les marchés conclus. Pas Waller. Je pouvais vraiment compter sur elle et j'en étais reconnaissant.

- Je vais retourner en cours les deux jours restants, me déclara-t-elle. Je ne peux pas rester chez moi sans rien faire.
- Et qu'est ce que tu vas faire quand nous serons en vacances ?
- Je crois que je vais demander à travailler toute la journée. Il va falloir payer les soins de mon père.

Je soufflai. Je n'avais pas réalisé à quel point elle était dans la merde. J'avais l'impression qu'elle ne s'en sortirait jamais. Je la plaignais. Cependant, elle avait un bon sens des responsabilités et cela se voyait que c'était elle qui s'occupait de tout chez elle.

- Tu as besoin de te reposer.
- Je ne peux pas, rétorqua-t-elle. Je sais que mon père compte sur moi en son absence.
- Ne te rends pas malade.
- Ne t'inquiète pas, j'ai surmonté pire comme épreuve.

Nous arrivâmes devant chez elle. Je me garai puis nous montâmes dans son appartement. Je restais à l'entrée, le bras appuyé sur la chambranle de la porte tandis qu'elle la tenait d'une main et me faisait face comme si elle ne voulait pas que je rentre.

Elle me souriait timidement. Je crois bien que c'était la première fois qu'elle me souriait de cette manière.

- Merci une nouvelle fois pour cette surprenante gentillesse envers moi, me dit-elle. Je vais finir par m'y habituer.

Je ris puis un silence s'installa. Elle était là, devant moi, sa maison était vide, nous avions tout le temps devant nous et je pouvais très bien profiter de ce moment pour me rappeler l'effet que nos deux corps collés me faisait. Mais elle était vierge et Dieu seul savait où est ce que nous nous arrêterions. Et même si elle m'avait assuré qu'elle n'attendrait jamais rien de moi, je ne pouvais pas prendre le risque d'être sa première fois et de lui donner de faux espoirs. Je devais me contenir, mettre de côté l'attirance que j'avais pour elle pour ne rien gâcher.

Perdu dans mes pensées, je n'avais pas remarqué qu'elle avait posé sa tête contre la chambranle de la porte en dessous de mon bras et donc près de mon visage. Je déglutis. Elle était si innocente comme ça.

- Tu ne me laisses plus entrer ? lui demandai-je.

Elle sourit.

- Briana va bientôt arriver, répondit-elle, elle trouverait ça bizarre que tu sois là.
- Je comprends, dis-je en me redressant.
- On se voit demain.
- Ouais.

Elle ferma la porte. J'avais l'impression qu'elle n'était plus autant attirée par moi qu'avant. Il fallait que je la teste pour en être certain. Sans pour autant aller plus loin. Son impuissance face à mes lèvres me manquait. La dominer me manquait.

...

J'étais de retour chez moi. Je fumais dans le salon, à la fenêtre quand ma mère arriva. Le sourire aux lèvres, elle posa son sac au pied de la porte.

- Ça va ? me demanda-t-elle.

J'hochai la tête. Elle vint m'embrasser le front puis s'assit sur le petit canapé.

- Le proviseur m'a appelé en m'informant que tu n'es pas allé en cours aujourd'hui, me dit-elle. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- J'ai merdé maman.
- Ça concerne Abigail encore ?
- Oui. Et son père.
- Son père ?

Je tirai sur ma clope puis recrachai la fumée. Je lui expliquais rapidement les derniers événements et elle était choquée d'entendre ce que je lui disais.

- Et comment fait-elle toute seule chez elle ?
- Je ne sais pas. Elle se débrouille.

Elle se leva.

- Justin, souffla-t-elle. Tu as bien fait d'intervenir mais elle est seule et elle a besoin d'aide maintenant.
- Je serai avec elle jusqu'à ce que son père se réveille parce que c'est de ma faute si il est dans le coma mais dès qu'il sera de retour, je la laisserais tranquille, expliquai-je.
- C'est mâture de ta part mais il ne faut pas la laisser retourner avec son père sans rien faire.
- Je sais mais elle ne veut pas que j'intervienne. Comprends la, elle a déjà perdu sa mère.
- Elle me fait beaucoup de peine ton amie.
- Ce n'est pas mon amie maman.
- Pourquoi tu ne l'inviterais pas à la maison le temps qu'elle retrouve son père ? lui vint une idée stupide en tête. Je serais en stage donc tu pourras être seul avec elle pendant une semaine et lui convaincre de faire quelque chose par rapport à son père.

Je jetai ma cigarette terminée et fermai la fenêtre. Je m'assis à mon tour sur le canapé en face de ma mère qui semblait être très concernée par ce que Waller vivait.

- Elle refusera et puis elle doit travailler deux fois plus pour payer les frais médicaux, rétorquai-je.
- Je m'occuperais des frais.
- Maman, tu es folle ! On est déjà assez en galère comme ça niveau argent !
- Laisse moi gérer ça.
- C'est moi qui ai envoyé son père à l'hôpital. Si c'est à quelqu'un de payer, c'est moi, refusai-je.
- Alors héberge la Justin. Fais ça pour moi. Montre moi que tu es quelqu'un de responsable.

C'était tout sauf une bonne idée. Cohabiter pendant quelque temps avec Abigail n'était pas la meilleure façon pour moi de mettre de côté l'attirance physique que j'avais pour elle. Mais je ne voulais pas décevoir ma mère et je savais que je lui étais redevable comme je l'étais envers Abigail.

Pourquoi avais-je voulu être gentil ? Ça m'attirait plus de problèmes qu'autre chose.

- OK, acceptai-je contre ma volonté. Mais si elle ne veut pas, j'insiste pas.
- C'est d'accord, sourit-elle.

Je ris amusé par ma mère qui s'était soudainement prise d'affection pour ma rivale. Je savais très bien ce qu'elle avait derrière la tête et c'était le contraire de ce que je voulais qu'il arrive entre Waller et moi.

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