Chapitre 11

«Évite de faire quelque chose que tu regretterais.»

Point de vue d'Abigail.

Briana me fusillait de regard. Cela se voyait qu'elle m'en voulait déjà. Pour lui avoir menti, pour ne lui avoir rien dit et pour l'avoir laissé toute seule plus d'une heure juste pour passer du temps avec Justin.

- Calmez vous, s'imposa Justin. Il n'y a rien. Je l'ai juste dépanné. Vous n'avez pas besoin de vous affoler.

Il s'éloigna sans aucune hésitation du petit troupeau qui s'était formé et retourna dans le bâtiment du lycée. Ses amis le suivirent tandis que je restais debout devant l'entrée avec Bri.

- Je croyais que j'étais ton amie, me dit-elle.
- Bri, il m'a juste rendu un service.
- Arrête de te foutre de moi Abigail. Il se passe quelque chose entre vous.

Elle attendait que je lui avoue tout mais je ne pouvais pas. Personne ne devait savoir que j'étais attiré par Justin Bieber et que nous avions des rapports sexuels.

- Tu vois, je pensais que j'étais ta meilleure amie, que je comptais beaucoup pour toi et qu'on se disait tout mais je me suis trompée.

Elle me tourna le dos et partit furieusement. Je la regardais impuissante s'en aller. Je n'aimais pas lui faire du mal. Elle avait fait tellement de choses pour moi, c'était injuste de lui mentir comme ça. Je devais prendre mes responsabilités mais je n'y arrivais pas ! Il était impossible pour moi d'avouer une chose pareille, cette chose que je n'avais pas voulue ni prévue.

Je soupirai et rentrai dans le lycée. Je ne me sentais pas bien. Je savais que Bri ne m'adresserait plus la parole jusqu'à ce que je lui révèle tout. Je la connaissais par coeur. Elle ne mettrait pas sa fierté de côté maintenant qu'elle pensait que je m'étais foutue d'elle.

Je reçus un message. C'était Justin.

«Il y a pas de problème. Tout le monde m'a cru. Tâche de ne rien dire à personne

«Briana ne me parle plus de toute façon. À qui tu veux que je le dise ?»

«Je m'en fous. Imagine ce qu'il se passerait si les gens savaient qu'on s'était touché plus d'une fois. J'ai pas envie qu'on m'associe à toi alors ferme ta bouche Waller.»

«Ne t'inquiète pas, jamais je ne me venterais d'avoir été doigtée par toi connard.»

Il était de nouveau désagréable et l'être le plus détestable de la planète. Cela m'apprendra à vouloir passer du temps avec lui. Il n'en valait pas la peine. De plus, il m'avait traitée de fille facile alors que monsieur se permettait de coucher avec la terre entière tandis qu'il était la seule personne qui m'avait touchée. Je ne pouvais pas me rabaisser à un garçon pareil et le laisser me dénigrer.

...

Je revins chez moi. Mon père était déjà là, dans le salon et regardait la télé. J'imaginais qu'il m'attendait et qu'il voudrait des explications quant aux heures de cours que j'avais manqués. Je n'avais pas préparé ce que j'allais dire et de toute manière, cela m'était égal qu'il me frappe. Ma meilleure amie m'avait évité tout le restant de la journée et je ne pouvais pas me sentir pire que maintenant.

- Ah ! Abigail ! s'exclama mon père en se retournant. Comment tu vas ?
- Bien, répondis-je intriguée.

Je posai mon sac au pied de la porte. Il s'avança vers moi.

- Je pars pour quelques jours, je reviendrais dimanche, m'annonça-t-il. Je t'ai laissé de l'argent si tu as besoin de quoi que ce soit, fais toi plaisir. Ne laisse entrer personne à la maison à part si c'est urgent.

Je le regardais étonnée. Je ne m'attendais pas à ce qu'il me dise ça. Je savais qu'il était imprévisible et qu'il lui arrivait parfois d'être très gentil mais j'avais séché les cours aujourd'hui, il ne pouvait pas être gentil avec moi maintenant.

- Tu pars maintenant ?
- Oui.
- Bon... D'accord.

Il revêtit une veste puis attrapa un sac posé à l'entrée. Je n'avais aucune idée d'où il comptait aller et je ne voulais pas le savoir. La communication entre nous n'allait pas plus loin que ça non plus. Il partait tout de suite. OK. Il reviendrait dimanche. Bien. C'était tout ce que j'avais à savoir.

Mon père m'embrassa la joue puis quitta l'appartement. Il était vrai que j'étais contente de savoir que je serais seule pendant quelques jours. Pas de pression parentale. Mais cela ne voulait pas dire que je serais tranquille pour autant.

J'avais appelé Briana trois fois. Elle n'avait décroché à aucun de mes appels.
Axel non plus. Je ne comprenais pas pourquoi. Il me répondait toujours normalement. Je n'avais ainsi personne à qui parler. Je préfèrais alors me fatiguer aux tâches ménagères puis aux révisions. Jusqu'à l'aube.

L'appartement brillait. Ça n'avait jamais senti aussi bon ici. Le linge avait été lavé, séché puis repassé. Les toilettes semblaient comme neuves. Pas une poussière sur les meubles. Pas une toile d'araignée au plafond. Je n'avais jamais autant nettoyé de ma vie. J'étais exténuée mais au moins je n'avais pas à toucher une serpillière jusqu'au retour de mon père.

Il était sept heures. Je n'avais toujours aucune nouvelle de mon petit ami et de ma meilleure amie. Je m'inquiétais. Ils ne pouvaient pas me laisser tomber.

Je ne voulais pas aller en cours. Je ne voulais pas voir Bri m'éviter, les gens me regarder se demandant si je couchais en secret avec Justin, mes notes devenir de plus en plus basses mais surtout la tronche de celui qui m'avait causé tous ces ennuis.

...

Les deux journées qui avaient suivies avaient été pitoyables. Tout s'était passé comme je l'avais imaginé. Bri m'avait évitée et Justin avait recommencé ses inlassables moqueries sur moi. Il avait une image à redorer. C'était évident qu'il voulait montrer que nous étions tout sauf en train de nous rapprocher. Je m'étais sentie comme une merde. Une bonne grosse merde.

Le professeur Beaton m'avait rappelé à l'ordre et m'avait bien souligné que si je voulais un A à la fin de l'année, il fallait que Justin ait vu tout le programme de philosophie et qu'il accepte de traiter le devoir qu'il lui donnerait mais j'en avais plus que marre de jouer la professeur et ce n'était plus un A en philosophie qui me sauverait l'honneur.

J'avais sonné chez Axel après le travail mais aucune réponse non plus. Comptait-il me laisser sans nouvelle jusqu'à ce qu'il reparte en Italie ? Je ne pouvais pas accepter cela.

Nous étions samedi. J'étais vautrée dans mon lit entourée de mes affaires de cours. Je ne voulais rien faire. De plus, mon père revenait déjà demain. J'entendis quelqu'un toquer à la porte.
J'attrapai un gilet, mis mes lunettes puis partis ouvrir. Mon visage se ferma en voyant Justin derrière la porte.

- Waller.
- Sors de chez moi.
- Techniquement, je ne suis pas chez toi, dit-il un sourire en coin.

Je poussai sur la poignée pour refermer la porte mais il la bloqua par son pied.

- Tu me dois toujours des cours de philo.
- Notre marché ne tient plus, dis-je en réouvrant la porte.
- Ah bon ? Et pourquoi ça ? inclina-t-il sa tête sur le côté.
- Parce que je n'aide pas un mec qui me parle comme une merde.
- Mon langage te dérange soudainement ?
- Casse toi, crachai-je.
- T'as raison, je n'ai pas besoin d'un A en philo pour te battre. T'es déjà hors course, prit-il un ton narquois.
- Cool. Bonne continuation à toi alors, affichai-je mon sourire le plus faux.

Je voulus fermer la porte à nouveau mais il la rebloqua.

- Par contre, je déteste me déplacer pour rien, dit-il.
- Il y a un café en bas, tu n'as qu'à y aller. Mais je ne te veux pas chez moi.
- Abigail, qu'est ce que je t'ai fait pour que tu sois si énervée ?
- À cause de toi, Briana ne me parle plus, je suis sans nouvelle d'Axel et tu penses que je vais être aimable avec toi ?

Il rit.

- C'est toi qui as voulu m'accompagner à l'hôpital.
- Oui, d'accord, c'est de ma faute mais je ne te veux toujours pas chez moi, dis-je agacée. J'ai juste envie d'être tranquille et de profiter de l'absence de mon père alors s'il te plaît, pars.

Je replaçai correctement mes lunettes sur mon nez. Justin me regardait longuement. Cela se voyait clairement qu'il venait de sortir de son lit avec ses cheveux en bataille. Il était affreusement irrésistible. Il portait un simple t-shirt noir avec un jogging de la même couleur. Sa tenue était négligée pourtant il semblait encore plus beau que les jours précédents.

- Qu'est-ce que tu vas faire ? me demanda-t-il.
- Réviser.
- Laisse moi réviser avec toi. T'as besoin de cours de maths non ?
- Pourquoi tu insistes tellement ?
- Tu sais qu'après le sexe, te faire chier et mon passe temps favori, sourit-il.

Il poussa la porte et entra.

- Justin, je ne t'ai pas dit d'entrer, dis-je en me retournant.
- Ça sent le propre chez toi s'écria-t-il en prenant place sur la table à manger.

Je fermai la porte et le scrutais.

- Tu es vraiment sans aucune gêne.
- Dis moi quels chapitres t'as besoin de travailler, évita-t-il ma remarque.
- Je ne te crois pas.
- Quoi ? sourit-il.
- Tu ne vas pas me donner des cours.
- Pourquoi pas ?
- Parce que t'y gagnes rien en échange.
- C'est vrai... Tu as raison. On va dire que j'avais envie d'être gentil aujourd'hui.

Je secouai la tête. Ce garçon était plus que bizarre. Je partis chercher mes affaires sans trop tarder. Justin m'attendait sagement à table sans bouger.

- Passe moi ton cahier pour la philo, je m'occuperais de recopier le cours.
- Pardon ? fus-je surprise. Tu vas prendre la peine de travailler tout seul ?
- Te moque pas de moi Waller. Je fais uniquement ça pour arrêter de perdre du temps.
- Je t'ai dit qu'on pouvait abandonner le marché.
- Ton père te tuerait s'il voyait un seul D sur ton bulletin, je me trompe ?

Perspicace.

- Tu te trompes sur mon père, rétorquai-je.
- Je crois qu'il y a beaucoup de choses que tu me caches à propos de lui.

Je fronçai les sourcils et ouvris mon cahier. Je ne voulais toujours pas parler de ça avec lui. Il ne devait rien savoir.

- J'ai du mal avec les complexes, changeai-je de sujet.

Je sentais son regard interrogateur sur moi avant de l'entendre se lever et se placer derrière moi. Il ouvrit ma trousse et prit un stylo qui s'y trouvait à l'intérieur puis commença à m'expliquer le chapitre entier.

J'avouais être déstabilisée non seulement par sa présence derrière moi mais aussi par ses mots. Je n'avais pas su pas jusqu'à présent que c'était sexy un mec qui parlait de mathématiques avec aisance. Il me donnait à nouveau envie de le plaquer contre un mur et de l'embrasser sauvagement. J'avais chaud.

Il s'appuyait sur la table et je voyais son bras rempli de tatouages tout près de moi. Les veines sortaient de sa peau. Je me retenais pour ne pas poser mes doigts dessus.

- Et voilà, c'est tout simple, finit-il.
- OK. Je crois que j'ai compris.

Il rit.

- Tu as écouté la moitié de ce que je t'ai dit, se moqua-t-il.

Je sentis mes joues rougir. Il avait remarqué mon manque de concentration. Merde.

- C'est parce que tu allais trop vite, tentai-je de me justifier.
- On va faire comme si ton excuse était crédible Waller.

Je roulai des yeux et refermai mon cahier. Justin retourna à sa place.

- Tu vas à la soirée de Valentin ? me demanda-t-il.
- Je n'en ai pas envie.
- Tu devrais venir.
- Pourquoi ? Je croyais qu'il ne fallait pas qu'on nous voit ensemble.
- Je n'ai pas dit que tu venais avec moi. Je veux juste savoir dans quel état tu es quand tu es saoul.

Je ris.

- Je n'ai personne avec qui rester et je ne veux pas passer ma soirée à attendre que le temps passe, assise toute seule dans un coin, expliquai-je.
- Je suis certain que Valentin s'assurera que tu ne sois jamais seul, dit-il avec sarcasme.
- Tu ne voulais pas que je reste loin de lui ?
- Je t'ai donné mon point de vue après tu en fais ce que tu veux.

Je soupirai et me levai.

- Il faut juste quelqu'un pour me ramener chez moi, dis-je.
- Je le ferais.
- Alors je viens.

Il hocha la tête. Je me dirigeai à côté de la fenêtre et appuyai mon dos contre le mur. Justin ne me quittait pas du regard.
- Comment ça se fait que tu viennes à la soirée ? Ça s'est arrangé avec Valentin ? lui demandai-je.
- Ouais. On est des mecs. On a l'habitude de se taper dessus.
- Je peux savoir pourquoi tu lui as foutu une droite ?
- Seulement si tu me dis pourquoi tu ne montres jamais tes bras.

Je restais stoïque. Les battements de mon coeur s'accélérèrent. Il avait sorti ça comme ça. Je n'avais pas réfléchi à un mensonge que je pourrais dire.

- Ce n'est pas grave. Ce n'est pas important, lâchai-je.

Il fronça les sourcils.

- Abigail ?
- Oui ?
- Je sais qu'on s'est dit beaucoup de choses personnelles involontairement avant de le faire petit à petit volontairement. Tu me le dirais si il se passait quelque chose de mal chez toi ?

Il avait pris un ton sérieux. Il semblait très concerné par ce que je vivais chez moi. Je ne comprenais pas pourquoi il s'inquiétait pour moi. C'était plus facile quand il s'occupait juste de m'insulter et d'obtenir sa part du marché. Désormais, j'avais l'impression qu'il était autre chose que mon simple rival.

- Oui, répondis-je.

...

Justin était parti avant midi. Nous n'avions rien fait de plus que travailler les mathématiques. C'était la première fois que je le voyais concentré et je ne pouvais qu'admettre qu'il était le plus fort dans cette matière.

Je terminais de me préparer pour la soirée. Je gardais mon téléphone à proximité mais Axel ne m'avait toujours pas contacté ni Briana d'ailleurs. Elle avait dû lui communiquer ses soupçons sur Justin et moi pour qu'il m'ignore, il n'y avait pas d'autres explications possibles. Et si c'était le cas, je trouvais ça très petit de sa part. Jamais je ne mettrais la merde entre Paul et elle.

J'enfilai mes escarpins noirs puis ma veste et quittai la maison en ayant pris soin de ne pas oublier le nécessaire. Je connaissais l'adresse du lieu de la fête parce que de 1) Valentin me l'avait donnée et de 2) Briana se rendait souvent à ses soirées bien qu'elle n'appréciait pas forcément le propriétaire de la maison. Elle aimait juste s'amuser mais toujours raisonnablement. J'espérais la trouver là bas à vrai dire. Il fallait que je m'explique avec elle. Mais étant donné les circonstances, elle devait sûrement être avec son copain à cette heure-ci pendant que le mien était en train de me haïr.

Je me rendis chez Valentin en bus et arrivai vers vingt deux heures. Il y avait déjà beaucoup de monde. Ce n'était pas quelque chose dont j'étais familière. J'ai toujours été la fille sage dans un groupe d'amis.

Je traversais le jardin où les mégots de cigarettes jonchaient déjà le sol. Je me demandais bien qui s'occuperait du nettoyage quand la fête serait terminée.

- Abigail ! m'appela-t-on.

Je sentis un main se poser sur mon épaule. Je tournai ma tête et trouvai le visage de Valentin. Il tenait un gobelet à la main. Sa mine me faisait deviner qu'il était déjà bien parti.

- Je suis content que tu sois venue.

J'hochai la tête. La musique était beaucoup trop forte. N'avait-il pas de voisins ? Les gens se frottaient entre eux, les fumées de marijuana me piquaient les yeux. Les soirées de ce genre étaient bien connues, je le savais, et il m'était arrivé parfois d'assister à certaines d'entre elles mais c'était toujours déstabilisant de pénétrer dans un bordel pareil.

- Tu veux à boire ? À fumer ?
- Juste à boire, merci.

Nous étions obligés de crier pour nous faire entendre. J'avais déjà hâte que ça se termine. Valentin me laissa quelques instants pour me servir et je cherchais pendant ce temps Justin du regard. Où était-il ? Était-il déjà en train de coucher avec une fille ? Ou bien n'était-il pas encore arrivé ? Pourquoi me préoccupais-je de cela ?

- Tiens, revint Valentin avec un gobelet rouge.
- C'est quoi ?
- De la vodka.
- Merci.

Je pris une petite gorgée et ne pus m'empêcher de grimacer en ayant le goût de l'alcool fort dans ma bouche.

- Tu restes ici jusqu'à la fin ?
- Je ne pense pas.
- Viens, on va s'isoler, il y a beaucoup trop de bruits, proposa-t-il.

Je le suivis, avec méfiance. Il m'emmena à l'étage. Le nombre de décibels était nettement plus faible. Nous traversâmes le petit couloir quand une porte s'ouvrit, manquant de nous écraser la face. Justin en sortit. Puis une fille à sa suite. Je déglutis. Mon coeur se serra. Ça te fait chier Abigail, n'est-ce pas ?

- Oh Justin ! Tu étais là ! s'écria Valentin.

Bieber fronça les sourcils en me voyant et je fuyai ses yeux. Je savais qu'il devait penser que j'étais une fille facile, que je lui avais menti et que j'avais en réalité envie de coucher avec son ami. Ce n'était évidemment pas vrai.

- Tu tombes bien, j'avais besoin de la chambre, ajouta Valentin.

Je ne réagissais pas. Je semblais déconcertée par ce qui était en train d'arriver pourtant je savais pertinemment que Justin allait en soirée uniquement pour se vider les testicules.

J'entendis ses pas s'éloigner avec ceux de la fille et j'entrai dans la pièce avec Valentin. Je regardais presque avec de la colère le lit défait où je devinais très bien ce qui avait pu se passer dessus. Je posai mon verra sur l'une des deux tables de chevet et croisai les bras sous ma poitrine. Je voulais déjà rentrer chez moi.

- Alors c'est ici que les parties de jambes en l'air s'enchaînent ? demandai-je.

Valentin rit.

- Je ne suis pas sûre que ce soit très hygiénique, ajoutai-je.
- On fait avec les moyens du bord.
- C'est sûr qu'attendre d'être chez soi pour le faire ce n'est pas possible, dis-je avec ironie.

Un frisson me parcourut. Je resserrais mes mains autour de mes biceps. Je n'étais pas du tout à l'aise ici.

- Tu verras que quand la machine est lancée, c'est difficile de l'arrêter.

Je le savais très bien. J'en avais fait les frais depuis le moment où Justin avait décidé de poser sa main sur ma cuisse et de transformer notre rivalité en une espèce de relation ambiguë. Quel abruti sérieux !

- Tu me plais beaucoup Abigail, m'avoua-t-il en s'avançant vers moi.
- Je suis désolée Valentin mais j'ai toujours un copain.

Du moins, je crois ?

- Et alors ? Ce n'est pas grave, il n'est pas obligé de le savoir.
- Arrête, je ne suis pas ce genre de fille, refusai-je en faisant un pas sur le côté.

Rectification, je ne l'étais pas quand il ne s'agissait pas de Justin.

- C'est dommage, tu ne sais pas ce que tu rates.
- Peut être l'opportunité d'être prise pour une conne ? rétorquai-je. Je sais que tu es seulement intéressé par moi parce que tu as déjà essayé toutes les filles de cette ville. Mais moi je ne suis pas naïve.

Il sourit.

- Tu es vraiment une fille intelligente.
- Tu as juste pas été subtile, le repris-je.

Je quittai la pièce un sourire amusé sur les lèvres. C'était la première fois que l'on me faisait un coup pareil. Je ne pouvais pas dire que c'était flatteur mais presque.

Je retournai dans le salon. Il fallait que je trouve Justin et lui demande de rentrer. Je doutais qu'il refuse puisque qu'il avait déjà réussi à coucher avec une fille. Je ne le trouvais nulle part. Il n'était quand même pas parti sans moi ? Je décidai de l'appeler quand je fus hors de la propriété. À mon plus grand bonheur, il décrocha.

- Allô ?
- Justin, tu es où ?
- Je te manque déjà ?
- Justin, soufflai-je.
- Sur le toit.
- Je te rejoins.

Je raccrochai puis me débrouillais pour trouver l'accès vers le toit. J'arrivai sans grande difficulté devant une porte qui me semblait la bonne. Elle était verrouillée. Je toquai. Après quelques secondes, Justin m'ouvrit, une bouteille de bière à la main. Il me laissa entrer puis referma à clé derrière moi.

- Je ne savais pas que tu étais aussi bonne pour qu'il termine en cinq minutes, me lâcha-t-il en s'asseyant.
- Pardon ?
- Vous ne l'avez pas fait ?
- Bien sûr que non Justin, répondis-je.
- Oh...

Il me tendit une bouteille identique à la sienne, déjà ouverte, et je la pris avant de m'asseoir en tailleur bien que je portais des escarpins. Il faisait nuit. Nous avions vue sur les toits des autres maisons. C'était loin d'être splendide mais c'était rafraîchissant. Il faisait bon.

- Et toi ? Tu t'es bien amusé on dirait, lui dis-je.

Il but une gorgée de sa bouteille puis posa ses yeux sur moi.

- Passable, fit-il l'arrogant.

Je secouai la tête. Aucune classe.

- Regarde toi, tu es tout décoiffé.
- Je sais, c'est signe d'une bonne baise normalement, sourit-il en coin.

Je bus à mon tour. C'était incroyable comment il pouvait tenir deux langages complètement différents. Quand il parlait comme ça, j'avais l'impression d'avoir en face de moi un écervelé comme ses amis.

- Je ne te comprends pas. Tu pourrais avoir tellement mieux.
- Peut être que je n'ai pas envie d'avoir mieux, dit-il.
- C'est dommage. Tu serais une meilleure personne.

Je me levai en gardant la bouteille avec moi et partis dans un coin. Le toit était petit en surface. Je ne me trouvais pas trop loin de Justin qui était resté assis. Il regardait droit devant lui. Je pouvais le distinguer clairement malgré l'obscurité de la nuit.

Cela faisait quelques jours que nous nous retrouvions seuls à parler, capables de mettre notre part pulsionnelle du désir de côté. Je n'aurais jamais cru que cela aurait été possible un jour et j'étais plutôt contente de savoir que nous pouvions faire autre chose que juste se provoquer ou se toucher. Mais cela ne menait à rien. Quand Justin aurait fait son devoir de philosophie et que l'année serait terminée, plus rien ne nous lierait. Je ne voulais pas commencer à m'attacher à une personne qui ne voyait rien que de la rivalité en moi. Ce n'était pas concevable.

Je bus une fois de plus dans ma bouteille. Je ne me souvenais plus de la dernière fois où j'avais vu de la bière mais je savais très bien pourquoi je n'en buvais pas souvent : ce n'était pas bon.

- À quoi tu penses ? lui demandai-je.

Il tourna sa tête vers moi.

- Et toi ?

Il se leva et s'avança vers moi. Les battements de mon coeur se faisaient plus irrégulières. Pourquoi se rapprochait-il constamment de moi ?

- À un tas de choses, répondis-je.

Il but encore puis s'arrêta à côté de moi et s'appuya sur le rebord avec ses avants bras. Je n'ôtais pas mes yeux de lui.

- Tu viens souvent ici ?
- C'est la première fois, répondit-il.

Je repris de la bière.

- Je pensais que tu étais le genre de mec à avoir un repère secret, lui dis-je.

Il rit puis se tourna vers moi.

- Tu dois en avoir un toi, supposa-t-il.
- La tombe de ma mère. Peut être.
- Tu parles d'elle à ton père parfois ?
- Jamais, tu ne sais pas à quel point c'est un sujet sensible.
- Tu n'es pas proche de ton père ?
- Je ne le suis plus. La perte d'un proche c'est le genre de truc qui soit vous rapproche soit vous divise. Malheureusement pour nous, ça nous a divisé.
- Tu aimerais que ça s'arrange ?
- Évidemment. Je sais que ma mère n'aurait pas aimé nous voir distants.

Il termina sa bouteille puis la posa sur le rebord.

- On n'a qu'un père Waller et tu as de la chance que le tien en ait quelque chose à foutre de toi, dit-il en se redressant.
- Tu m'avais dit que c'était toi qui l'avais foutu dehors.
- Oui mais si il a fait ce qu'il a fait c'est qu'il s'en foutait des conséquences.
- Je suis sûre qu'il regrette là où il est.

Justin rit.

- Tu ne le connais pas.

Il s'éloigna de moi pour s'asseoir à nouveau au centre. Je le suivis et fis de même.

- Au moins tes deux parents sont en vie, soulignai-je.
- Il est comme mort pour moi.
- Justin, tu ne peux pas dire ça.
- Tu ne peux pas comprendre. Quand tu entends ta mère pleurer tous les soirs, tu ne peux pas pardonner la personne qui est la cause de tout ça.

Je baissais les yeux. Il était vrai que j'aurais sûrement agi de la même manière si ça avait été mon père qui trompait ma mère. Au moins, j'avais eu la chance d'avoir des parents heureux ensemble.

Je finis ma bouteille d'une traite. Je voulais qu'on oublie tous nos problèmes pour ce soir, qu'on arrête de se lamenter et de penser. Bien que boire n'arrangerait rien à nos vies merdiques, ça nous changerait les idées pour quelques heures.

- Tu as d'autres bouteilles ? lui demandai-je.
- Vodka ? C'est tout ce que j'ai pris d'autre.

Il sortit une bouteille transparente de nulle part. Il l'ouvrit puis me la tendit. Je la pris.

- Je ne savais pas que tu aimais boire Waller.
- Je déteste ça mais j'en ai besoin maintenant.

Je pris trois ou quatre gorgées d'un coup. Le liquide me brûla la gorge au moment d'avaler. Justin me regardait étonné et amusé.

- Heureusement que c'est moi qui te ramène, dit-il.

Je ris. L'alcool commençait déjà à me monter à la tête. Je continuais à boire et il avait fallu que Justin me stoppe pour que je ne finisse pas la bouteille entière à moi toute seule.

- Ma meilleure amie m'en veut. Mon copain est sans signe de vie et je profite de l'absence de mon père pour me bourrer la gueule, ris-je.

J'essayai de me lever mais je manquai de tribucher avec mes talons. Justin me rattrapa par le bras fermement.

- Je vais te ramener chez toi avant que tu décides de sauter depuis le toit, décida-t-il.

Il se leva et prit ma main. Je fronçai les sourcils mais le laissais faire. Il nous sortit de là et nous faufila rapidement entre la foule pour rejoindre sa voiture en dehors de la maison. J'avais failli tomber à plusieurs reprises. Dans le véhicule, il attacha ma ceinture puis démarra. Ma tête tournait. Je n'avais pas l'habitude d'être dans cet état.

Je maintenais ma tête avec ma main, mon coude posé sur le rebord de la vitre, je contemplais Justin avec un sourire béat scotché à mes lèvres. Justin fixa mes fossettes quelques secondes avant de lever les yeux sur les miens.

- Ne me regarde pas comme ça.

Je ris.

- Ça te perturbe ? lui demandai-je.
- Ça flatte mon ego.

Je levai les yeux au ciel. Éternel arrogant. Nous arrivâmes devant chez moi en quelques minutes. Il m'aida à détacher ma ceinture et à sortir de la voiture. Il se permit de fouiller dans ma veste pour prendre mes clés et ainsi entrer dans l'immeuble. Il m'accompagna jusqu'à ma porte et l'ouvrit pour moi. J'entrai puis lui fis face. Il me regardait avec amusement. Il était tellement craquant.

- Je vais te laisser, dit-il. Évite de faire quelque chose que tu regretterais.

Il n'eut même pas le temps de faire un pas en arrière et de se retourner que j'attrapai le col de son pull et l'embrassai. Ses lèvres s'étendirent en un sourire avant de répondre à mon baiser en introduisant sa langue dans ma bouche. Il attrapa mes hanches et je le tirai à l'intérieur. Il ferma la porte sans se détacher de moi.

Je l'emmenai instinctivement dans ma chambre pendant que nous continuions à échanger un baiser fougueux. J'avais perdu le contrôle de moi mais je ne savais plus si c'était à cause de l'alcool, de ses lèvres ou les deux. Je claquai la porte derrière nous et le plaquai contre le mur. Je glissai mes lèvres sur son cou. Il pencha sa tête en arrière et planta ses doigts dans ma chair.

- Waller, tu ne devrais pas, soupira-t-il. Tu es bourrée.

Je ne l'écoutais pas et suçais sa peau. C'était la première fois que je faisais une chose pareille. J'y laissai une marque bien visible. Je souris fièrement avant de le pousser sur mon lit. Je me plaçai au dessus de lui. Il observait chacun de mes mouvements et se laissait faire. Je retirai son haut sauvagement. Mon corps frémit en redécouvrant son torse parfaitement musclé. Je posai mes mains fébriles dessus. Il était chaud. J'accrochai son regard. Ses pupilles étaient dilatées. Ses cheveux tombaient sur son front. Sa bouche était entrouverte. Il était clairement en train de me demander d'aller plus loin.

J'étais soûl sans aucune pensée cohérente dans mon esprit. Justin était là, devant moi, à moitié dénudé. Je ne pouvais pas faire autrement que de lui sauter dessus.

Je dirigeai mes mains vers la braguette de son jean puis la baissai. Je m'apprêtais à déboutonner le seul bouton qu'il y avait quand il prit mes mains et se redressa.

- Je ne peux pas te laisser faire ça, lâcha-t-il. C'est stupide.
- Quoi ? demandai-je confuse.

Son visage n'était qu'à quelques millimètres du mien. Il me regarda longuement avant de se lever et récupérer son pull. Il l'enfila puis quitta la pièce en vitesse. Je ne comprenais pas ce qui lui prenait. Je partis le rejoindre, il était déjà devant la porte d'entrée.

- Dors bien Abigail.

Ce fut les seul mots qu'il m'adressa avant de s'en aller. Je restais bête devant la porte. Justin venait de laisser passer l'occasion de coucher avec moi ? Pourquoi avait-il fait ça ? Je ne le comprenais pas. Je pensais qu'il aurait profité de mon état pour en finir avec moi. C'était troublant.

...

Je me réveillai avec un mal de crâne atroce. J'avais dû aller aux toilettes plusieurs fois pour vomir tout ce que j'avais ingurgité hier. Mais cela n'était rien face au problème auquel je me confrontais aujourd'hui. Je n'avais aucun souvenir de la veille. Tout ce dont je me souvenais était que j'étais partie chez Valentin pour une soirée, je l'avais finalement passée avec Justin qui m'avait raccompagné chez moi après. Je lui avais sauté dessus puis trou noir.

Je ne savais pas si nous étions passés à l'acte ou si ça n'avait pas été plus loin que des baisers. Rien ne me donnait d'indice. J'étais en sous vêtements. Mes vêtements s'étaient retrouvés au sol au pied de mon lit. J'avais les cheveux en bataille. Tout me portait à croire que nous l'avions fait. Mais je n'avais pas retrouvé de préservatif.

- Putain, murmurai-je.

Quelle conne j'étais ! J'avais peut être laissé Justin être ma première fois. Comment avais-je pu faire une erreur pareille ? Le pire était que si nous avions vraiment couché ensemble et que c'était lui qui avait retiré mes vêtements, alors il avait vu mes bleus sur mes bras et mes blessures aux hanches. J'avais peur. Il était capable de dénoncer mon père surtout qu'il avait eu des soupçons sur lui.

Je me maudissais. Pourquoi avais-je accepté d'aller à cette fête d'abord ? Pourquoi avais-je bu jusqu'à ne plus être en mesure de réfléchir ? Merde ! Cela n'aurait pas dû se passer comme ça. Il fallait que je vois Justin et que je lui demande des explications.

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