Chapitre 54 |



“Si tu pars, je perds tout.”


Allongée sur le dos dans mon lit deux places je fixe sans grand intérêt la fenêtre de ma chambre. Le froid s'est invitée depuis peu dans la pièce et m'enveloppe. J'ai sacrément froid. Je devrais sans aucun doute refermer ma fenêtre pour que les températures remontent et que je me sente mieux mais sans que je ne sache vraiment pourquoi j'espère qu'une personne grimpe jusqu'à ma fenêtre et me vienne en aide. Que cette personne m'apporte du réconfort et de l'amour.

Évidemment, ça n'arrivera pas.

Stephen ne viendra pas. Il ne m'aime pas. La seule personne qu'il pourrait actuellement réconforter n'est autre que Lucie puisqu'ils sont désormais un couple d'après les rumeurs qui tournent au lycée. Je ne sais pas trop si je dois croire aux nouveaux scoops cependant avec les dernières informations d'Hollande il m'est impossible de ne pas croire à cette nouvelle qui me bouleverse énormément.

Tellement que je n'ai pas eu le courage de mettre les pieds au lycée. Je devrais probablement ne pas donner autant d'importance à ces personnes et continuer à vivre ma vie,
je le sais, mais au fond, je n'y arrive pas. Tout s'enchaîne à une vitesse inouïe et je n'ai pas le temps d'intercepter les coups qu'on me donne. Donc je les laisse m'abattre pour mieux me relever ensuite. Est-ce une bonne tactique ? je n'en sais rien mais celle-ci me convient pour l'instant.

Rassemblant le peu de force qui me reste en cette fin de soirée, je me détourne de la fenêtre et m'appuie sur mon flanc droit et regarde désormais la porte de chambre tout en veillant à ne pas me faire mal au bras — qui est encore muni d'un plâtre — malgré ma prise d'antidouleurs, elle ne part pas. Elle persiste. Je prends donc un cachet en plus. Ce qui me revient à trois. Je sais que ça ne doit pas être bon. Surtout en ce qui concerne les effets secondaires mais à vrai dire je m'en fiche pas. Le principal est que la douleur disparaisse.

Au pire des cas, j'en parlerai avec mon médecin puisque je dois me rendre à l'hôpital pour un examen de contrôle.

Soudainement la porte de ma chambre s'ouvre laissant apparaître mon père.
Je fronce légèrement les sourcils en croisant son regard à la fois fatigué et embarrassé.

— Je pensais que tu dormirais, me dit-il en passant sa main sur sa barbe naissante.

— Comme tu le vois, ce n'est pas le cas. Que fais-tu dans ma chambre ? Pourquoi ne dors-tu pas ? Il est plus de trois heures du matin.

— Je pourrais te poser la même question.

— Je pense énormément à Mike, je lui annonce en soupirant.

À Michaël et aux promesses que je lui ai faite. Elles résonnent sans cesse dans ma tête. Elles me permettent de rester éveiller et de ne pas abandonner parce-que croyez-moi j'aurais déjà tout fait pour les rejoindre.

— Il me manque également, me dit mon père ce qui attise immédiatement ma colère.

— Tu n'as pas le droit de dire une telle chose. Comment oses-tu ?

— C'était mon frère.

— Il était ton frère quand ça t'arrangeait. Quand tu avais besoin d'argent par exemple ou bien quand tu avais besoin d'un toit lors de tes disputes avec l'autre.

— Quand il était en galère, je l'aidais également.

— Ah ouais ? je dis en me relevant, je n'en suis pas aussi certaine que toi. Dois-je te rappeler que tu as disparu quand Mike avait appris pour sa maladie la toute première fois ? Quand Sarah et lui ont divorcé et qu'il était en dépression où étais-tu ? Étais-tu présent lors de ses séances de chimiothérapies ? Non, tu n'étais pas là. Monsieur avait mieux à faire.

— Je n'ai jamais voulu ça et tu le sais. Ta mère ne voulait pas que je sois en contact avec lui. Elle pensait qu'il était une mauvaise fréquentation pour moi.


Jusqu'à preuve du contraire, tu es assez grand pour prendre tes décisions tout seul ! j'éclate sèchement, tu n'as pas besoin de ta femme et de son feu vert pour faire ce dont tu as envie. Quand vas-tu le comprendre ?

Mon père baisse un instant la tête puis s'appuie contre le bâtit de ma porte tout en croisant les bras contre son torse habillé d'un haut gris. Ne supportant pas qu'il reste silencieux face à une telle situation la colère prend forme en moi et les mots fusent naturellement.

Jamais. Évidemment que tu ne vas jamais le comprendre parce-que tu vis aux crochets de cette bonne femme qui dicte chacun de tes faits et gestes. C'est vraiment triste d'être ce petit chien qui accourt vers elle dès qu'elle remue l'os. C'est d'un pathétique.

— Réfléchis aux mots que tu emploies avec moi. J'ai peut-être été un mauvais père mais je ne mérite pas d'être traité de la sorte.

— C'est tout réfléchi. Non seulement tu as été un mauvais père mais en plus de ça tu as été un très mauvais frère. Que tu ne sois pas présent lors de son deuxième diagnostic et sa convalescence, ok, très bien cependant que tu ne sois pas venu lors de ses funérailles est l'une des pires choses que tu ait pu faire dans ta misérable vie. C'est impardonnable. Alors je t'en prie la prochaine fois abstiens-toi de me dire qu'il te manque. Mike ne mérite pas absolument ton hypocrisie et tes fausses larmes. Maintenant dégage de ma chambre. Je ne veux plus te voir, je lâche en lui tournant le dos.

Le regarder me répugne au plus haut point. Mon père avait déjà creusé un énorme fossé avec ces dernières actions et celui-ci ne cesse de s'enfoncer. Clairement au jour d'aujourd'hui je peux assurer que ce fossé s'avère être impossible à reboucher et autant vous dire que je n'en ai rien à faire. À mes yeux ils ne sont plus rien. Et, je ne ressens aucune honte à cela.

On m'a toujours dit que la meilleure des armes était l'ignorance. Je n'ai jamais agi de cette façon avec toutes ces personnes que j'estimais voulant à tout prix nous rabibocher cependant je suis arrivé à un point de saturation que cette façon de faire me semble la plus appropriée.

Je veux redevenir cette fille froide. Remettre ma superbe carapace auprès de ces crétins qui ne m'ont jamais réellement estimés. Le changement c'est aujourd'hui.

— Très bien. Je vais sortir de ta chambre et ne plus y remettre les pieds mais avant je dois te faire parvenir un message. Ta mère veut que tu retournes en cours. Elle en a marre de te voir te morfondre dans sa maison.

— Tu m'excuseras d'avoir un coeur et des sentiments auprès d'elle, je rétorque froidement.

— Ok.

Ni plus ni moins mon père sort de ma chambre me laissant une nouvelle fois extrêmement déçu de lui. Je sais que j'ai dit que je ne voulais plus qu'il soit près de moi — c'est ce que je veux réellement — mais j'aurais aimé qu'il soit plus hargneux face à ma décision et qu'il me montre qu'au fond il m'aime un peu. Une fois de plus j'ai trop espéré. Trop exigé. Il faut impérativement que j'éteigne cette lueur d'espoir en moi. L'espoir détruit énormément. Je ne veux pas être l'une de ses victimes.







La sonnerie annonçant la fin d'une heure de cours avant la pause s'active. Interrompant donc notre professeur de chimie qui n'a pas l'air heureux que l'heure soit passée aussi vite. Personnellement, ce n'est pas mon cas. Détestant cette matière, je ne peux qu'être heureuse en quittant cette classe. Je range rapidement mes affaires et quitte — suivit — de Chloé qui affiche une moue joyeuse. À mon avis, un certain Ashton est passé par-là.

Je suis vraiment contente qu'elle ait trouvé une personne qui sache prendre soin d'elle et l'aimer comme elle le mérite. Je ne l'ai jamais vue aussi pétillante depuis des lustres.

Sa relation avec Brooklyn était malsaine. Elle ne fonctionnait pas et les rendaient tous les deux très malheureux. Évidemment ils ont eu de beaux jours heureux mais la plupart du temps ils se méprisaient plus qu'ils s'aimaient. Chloé a eu raison de ne pas retourner vers lui. Ça n'aurait fait qu'empirer les choses entre eux. Ça aurait finit par les détruire autant mentalement que physiquement  puis elle n'aurait pas fait la rencontre de son grand brun qui est actuellement l'homme qui partage sa vie.

— Comment te sens-tu aujourd'hui ? me demande la blonde en passant une main contre mon dos.

— Je me sens bien.

— Tu as le droit de ne pas te sentir bien et de me le dire. Tu as perdu ton parrain..

Je t'assure : ça va. Il m'arrive d'être très mal, je l'avoue. Je vis un deuil en ce moment mais je sais comment gérer cette douleur puisque je suis déjà passé par là. Donc je te rassure : ça baigne aujourd'hui. Ne t'inquiète pas pour moi.

Ma copine hoche simplement de la tete ne sachant pas quoi dire de concret et je ne lui en veux absolument pas. Parfois il vaut mieux se taire que de débiter des conneries qui enfoncerait davantage la personne.

— Sinon comment gères-tu le retour des autres ? me questionne à nouveau Chloé changeant le sujet de notre conversation.

— Honnêtement c'est difficile mais dans l'ensemble je trouve que je m'en sors bien.

J'ai pu apercevoir Lucie ce matin. Cette dernière était perchée sur son murer — notre ancien coin — entrain de fumer aux côtés de Kaila qui semblait totalement absorbait par sa nouvelle veste à fausse fourrure qu'elle a probablement achetée au Canada.
Ça m'a vraiment fait bizarre de la revoir et ne pas aller la prendre dans mes bras comme je l'ai toujours fait mais ce sentiment a automatiquement disparu quand le visage de Stephen est apparu dans mon esprit.

Ma nostalgie s'est envolée cédant sa place à la haine et c'est de cette façon que j'ai pu avancer sans ressentir le regret de ne pas la prendre dans mes bras et prendre de ses nouvelles. Pour moi c'est un grand pas vers la réconciliation de ma propre personne. Éjecter les personnes nuisibles à ma vie me fait le plus grand bien.

— Est-ce que tu vas discuter avec eux ? dit Chloé en me fixant intensément.

— Je ne veux rien entendre de ces personnes. Les ignorer est la solution. C'est le meilleur des mépris.

— L'ignorance n'est jamais la solution. C'est comme boire de l'alcool quand on rencontre d'énormes problèmes dans le seul but de les faire disparaître. Certes ils disparaissaient, le temps d'un instant car malheureusement une fois sobre tu te rends compte qu'ils toujours présents. Ils deviennent même omniprésents. Crois-moi l'ignorance n'est pas la meilleure des solutions.

— Foutaise. C'est la mienne et elle me convient parfaitement.

La blonde me lance un regard tendu n'étant pas en accord avec mes propos. Cependant elle ne me contredit pas parce qu'elle sait que ça ne servirait à rien. Quand j'ai une solution à mes problèmes rien ne peut me faire changer d'avis t'en suis-je têtue et sûre de moi.

— Bon...commence la blonde, Comme tu veux mais tu devrais quand même discuter avec eux. Histoire de crever l'abcès et vivre..

— Hors de question.

— Bruna je t'en prie écoute-moi..

— Est-ce qu'ils vous arrivent, vous de m'écouter parfois ?

— Évidemment que oui.

— Il est évident que non. Sinon jamais tu ne me demanderais de revenir vers eux. Surtout pas avec tout le mal qu'ils m'ont fait ces derniers temps. J'ai conscience que je ne suis pas la plus à plaindre ni même blanche comme neige dans cette histoire mais quand je dis que je ne veux plus d'eux dans ma vie ce n'est pas pour rien. D'autant plus que j'ai autre chose — beaucoup plus importante — à penser, Chloé.

Ma copine baisse ses prunelles bleues vers le sol faisant mine se réfléchir avant de les replonger dans les miennes tout en ouvrant à nouveau la bouche et j'ai su à cet instant-ci qu'une fois de plus mes paroles ne furent prises en considération ni même réellement entendue.

— Décidément...je lâche tout en resserrant la prise sur mon sac.

Naturellement ne supportant plus entendre l'ambiance de la situation, je pris congé de mon ami et sorti de l'établissement au pas de course et comme un beau malheur n'arrive jamais : je viens de me cogner contre une personne du genre masculin. Me voici donc naturellement devant le beau et grand Stephen James.

— Nous devons discuter et maintenant, dit-il en posant ses mains sur mes épaules.

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