chapitre 52 |
Suite à la révélation de mon père, j'ai traîné dans les rues de Seattle dans le simple but d'évacuer toute ma frustration à ce sujet. Je ressens une haine surpuissante envers mes parents pour m'avoir caché d'une telle chose. Certes, ils étaient au plus bas après une telle tragédie — la seconde en l'espace de quelques
jours — mais je méritais d'être au courant. J'aurais pu mieux comprendre toute la haine dont je faisais l'objet. J'aurais pu donner plus d'espace à mes parents ou bien même leur offrir de l'aide. Même si, je reste persuadé qu'ils ne l'auraient jamais accepté. Cependant, d'une manière ou d'une autre, j'aurais été présente.
Beaucoup plus que je ne l'ai été après le décès de mon petit Tim.
Les choses se seraient passés autrement, j'en suis certaine. Dans un long soupir, j'attrape d'une poignée ferme, mes longs cheveux bruns et les coiffent d'un chignon haut négligé. Honnêtement cette révélation m'a bouleversé mais je ne sais pas quoi en faire. Devrais-je aller vers mes parents et tenter quelque chose ?
Non. Surtout pas. Le mieux que je puisse faire est de rester éloigner d'eux. Dans le pire des cas, j'irais en discuter vaguement avec mon père. Ainsi, j'aurais l'histoire en intégralité. Si Papa ressent également le besoin de m'en parler alors je crois que je l'écouterais. C'est ce que je dois faire et ne pas faire d'histoire pour l'instant ni même prendre la responsabilité de cette fausse couche. Je ne dois pas endosser le rôle de la fille qui culpabilise, une fois de plus. Ce serait faire dix pas en arrière. C'était vraiment bête de ma part de croire une telle chose. Je n'ai jamais tué qui que ce soit.
Il faut que je me le rentre dans la tête.
Équipée d'une fourchette grise, j'enroule les pâtes à la bolognaise que j'ai agrémentés d'une couche de gruyères fondus puis les mets dans ma bouche et je déguste avec envie et appétit le plat que m'a préparé Chloé. La blonde est vraiment bonne cuisinière. J'ai hâte de manger le dessert qu'elle nous a préparé.
—— Ça me fait plaisir de te voir manger ! s'exclame-t-elle en tapant dans ses mains.
Je lui souris avec une mine probablement aussi rouge qu'une tomate.
—— C'est vraiment délicieux.
—— Ce ne sont que des pâtes à la bolognaise mais je te remercie.
—— Ce sont les meilleurs que j'ai goûtés et pourtant j'en ai mangé crois-moi. Tu aimes cuisinier, il me semble non ?
—— C'est ça. J'ai toujours adoré le faire.
—— Dans ce cas, pourquoi es-tu en commerce ? je veux dire tu ne préférais pas faire carrière dans la gastronomie que dans le commerce ? je lui demande curieuse en attrapant un bout de pain coupé en tranche.
—— C'est dans mes projets. Si tu veux savoir quand j'ai fait mes voeux en troisième pour intégrer différents cursus, je n'ai pas été sélectionné pour la formation cuisine. Mon choix s'est donc porté sur le commerce que j'aime vraiment. Moins que la cuisine mais j'apprécie ce que je fais.
—— Tant mieux dans ce cas. J'espère sincèrement que tu réussiras tous tes projets.
Chloé m'offre un sourire jusqu'aux oreilles sincère et dépose sa main sur la mienne.
—— Et toi quels sont tes projets pour l'après-lycée ? me demande-t-elle intéressée.
Savoir qu'elle s'intéresse sincèrement à ma personne me rend vraiment heureuse tout comme me sentir importante aux yeux d'une personne. En toute honnêteté, jamais je n'aurais pensé que Chloé serait la personne avec qui j'échangerais des confidences. Nous n'avons jamais été très proches mais je suppose que le partage d'une même épreuve renforce et rapproche naturellement deux personnes.
—— Je ne pense pas terminer mon année, Chloé.
Ceci est également une nouveauté. Le fait que je me confie autant à la blonde n'a jamais été dans mes plans. Je l'ai été beaucoup plus en l'espace d'un mois que je ne l'étais en trois années avec d'autres. Ça me surprend énormément aussi mais ce n'est pas pour autant que je suis terrifié à l'idée d'être abandonné et ça me soulage tant.
Je deviens une nouvelle Bruna Watson et si vous saviez combien ça m'émoustille.
J'ai l'impression de revivre.
Néanmoins, je sais que si je ne plie pas bagage, mes démons reviendront me hanter et ce n'est pas dans mes résolutions. Je veux réapprendre à vivre et avancer naturellement.
—— Quoi ? tu veux dire que tu vas arrêter le lycée dans les jours qui suivent ?
—— Je ne sais pas encore. Ce n'est qu'une idée dans ma tête. Ça me travaille depuis des mois. Je patiente en quelque sorte que quelque chose change dans ma vie. Enfaîte, j'attends ce déclic qui me dira “ c'est aujourd'hui que tu dois partir ” et ces derniers temps, je ressens cette sensation qui me dit que ça va arriver.
—— Je vois et je comprends. Mais dans ce cas, ça voudrait dire que tu vas partir seulement du lycée ou carrément de la ville ? me demande la blonde inquiète.
—— Je veux reprendre ma vie en main. Fermer une page de mon livre et en ouvrir une autre et celle-ci ne s'ouvrira jamais si je reste dans cette ville. Alors je vais probablement quitter la ville ou bien même le pays. Je n'en sais rien encore.
Je garde beaucoup trop de mauvais souvenirs à Seattle et je crains fortement que ces derniers me poursuivent même si je quitte la ville dans laquelle j'ai grandi.
—— Le pays ? Si tu quittes le pays, nous n'allons plus jamais te revoir.
—— Je trouverais un moyen, Chloé. Je ne serais jamais très loin.
—— Tu serais prête à ne plus jamais revoir tes parents ? Tes proches ? Lucie ? Stephen? Ta bande de potes ?
—— Je n'ai plus aucun contact avec mes parents. Je ne veux plus entendre parler de Lucie et Stephen. Le seul proche qui est encore véritablement dans ma vie parce qu'il m'aime sincèrement est entrain de rendre l'âme. Et, les deux seules personnes qui sont réellement mes amis se résument à Hollande et toi. Je garderai contact avec vous et trouverai un moyen de venir vous voir, Chloé. Alors, oui, je suis tout à fait prête à me barrer d'ici.
Elle déglutit difficilement n'approuvant pas à cent pour cent ma décision qui lui semble difficile à accepter cependant cette dernière finit par hocher de la tête tout en me souriant tristement. Je me lève maladroitement de ma chaise et entoure mon ami de mes bras. Je la serre aussi fort que je puisse le faire. Chloé sursaute très surprise de mon geste. Moi-même, je le suis. Ce n'est pas dans mes habitudes de câliner la première. Surtout pas de façon si émotive.
—— Merci, je lui souffle.
Chloé hoche simplement de la tête ne pouvant pas communiquer ayant la gorge serrée et pour cause : l'émotion semble la gagner car les larmes se manifestent malgré-elle.
Du coup, nous restons toutes les deux et c'est sûrement mieux ainsi.
—————
—— J'ai vraiment hâte de revenir près de vous. Ce n'était pas de cette façon que je voyais mes vacances et ça m'ennuie fortement.
—— Que se passe-t-il ? je demande à la blonde tout en pliant un tas de vêtements qui me sont trop grands.
—— Les personnes ici sont vraiment ignobles et je ne supporte plus ça.
—— Qui sont ces personnes ? je m'exclame tout en ayant une petite idée en tête.
Une fois les vêtements correctement pliés, je les attrape et les déposes dans un sac cabas violet.
—— Je ne sais pas si je dois te le dire. Ça m'a pris la tête ces trois dernières nuits mais je suis arrivé à la conclusion que tu es ma copine. Une copine qui se résume à un membre de ma famille. Alors, même si je sais que ça va te faire du mal, je dois te le dire. Il m'est inconcevable de garder cela.
—— Je t'écoute, je dis d'un ton confiant cependant au fond de moi mon esprit est tiraillé.
Je crains d'entendre quelque chose qui ne me plaira sans doute pas.
—— Ok. Bon, je devrais prendre des pincettes et être douce mais tu me connais. Je haïs tourner autour du pot. Alors, j'y vais franco : Lucie a essayé d'embrasser Stephen. Il l'a évidemment repoussé. Néanmoins, depuis quelques jours, ils se tournent autour et je sens du moins —nous sentons — Kalia, Chad et moi une forte attirance entre les deux. Je sais c'est vraiment nul de te dire une telle chose surtout au téléphone mais je voulais à tout prix que tu sois au courant. Pas pour te faire du mal, je te rassure...
—— Ne t'inquiète pas, j'ai compris Hollande. Je te remercie de me l'avoir dit. D'avoir été honnête avec moi.
Je déglutis difficilement et ne mime aucun mot durant une éternité dans ma gorge est serré.
—— Bruna ? tu es toujours là ? question Hollande d'une petite voix.
Soudainement mes sanglots éclatent sans que je ne puisse les retenir. Je ne voulais pas pleurer mais c'est au-dessus de mes forces de faire semblant. Je me sentais déjà trahi par ces deux personnes que j'estimais beaucoup mais là c'est doublement pire. Je n'arrive même pas à mettre un mot sur ce que je ressens actuellement tant c'est douloureux et difficile à encaisser.
—— Pardonnes-moi, dit ma copine une millième fois tant elle est mal.
—— Ce n'est pas de ta faute, je relance. Jamais, je les aurais crus capable de faire une telle chose. C'est pour ça que je pleure. Ce n'est pas de ta faute.
—— Ces deux pourris vont m'entendre parler ! s'écrit-elle furieuse.
—— Surtout pas. Laisses-les donc profiter à deux, ce n'est pas grave. Après tout, ils font ce qu'ils veulent, je ne suis plus avec Stephen, je n'ai pas mon mot à dire.
—— C'est irrespectueux de faire ça ! Tu ne peux pas les laisser être heureux sans même leur faire une piqûre de rappelle.
Non seulement, je ne vais rien dire mais en plus de ça, je vais les laisser vivre leur petite histoire passionnante tranquillement.
—— Je n'ai plus envie de me battre avec les gens. Je préfère ne rien dire, Hollande. Sérieusement laissons-les faire ce dont ils ont envie. Puis, je refuse que tu rentres en conflit pour eux.
—— Mais...
—— S'il te plaît.
J'entends la blonde soupirer de frustration et un petit sourire s'empare de mes lèvres. Je connais Hollande et je sais qu'à cet instant même, elle rêve d'aller remettre les pendules à l'heure et le fait que j'objecte cette idée ne lui plaît pas des masses. Pourtant, elle va devoir faire avec.
—— Profite de tes derniers jours de vacances et ne te préoccupe plus d'eux. Ça n'en vaut pas la peine.
—— C'est beaucoup me demander, lâche-t-elle.
—— Bien sur que non. Ça ne l'est pas. Bon ne m'en veut pas, mais je vais devoir raccrocher, j'ai des vêtements à ramener chez une association.
—— Des vêtements ? genre tes vêtements mégas beaux ? tu peux pas me les garder plutôt ? Et, si tu veux je te donne de l'argent en échange.
—— Pas besoin d'argent. Je t'ai gardé quelques vêtements de côté. Je tes les donnerais quand tu reviendras.
Hollande aime beaucoup mes vêtements surtout quelques pièces. Du coup, en tant que bonne copine, que je peux être, j'ai mis ceux qu'elle préfère dans un autre sac.
—— Oh putain ! tu es vraiment la meilleure. Merci beaucoup, Bruna.
—— Avec plaisir...je dis en riant.
Nous échangeons des dernières formalités puis je raccroche. Une fois le téléphone rangé dans ma poche arrière, je me relève et parcours chaque parcelle de ma chambre de mon regard minutieux et je décide de faire un bon rangement en commençant du côté bibliothèque. Je vais aller donner une partie de mes livres à une association et je ferais de même avec mes chaussures et objets dont je ne me sers plus. Cependant, au moment où je commence à trier mes affaires, mon téléphone sonne à nouveau.
Une sonnerie particulière se fait entendre dans la pièce. À l'entente de cette mélodie, je le sors immédiatement et colle l'appareil — une fois décrochée — à mon oreille et m'exclame :
—— Sarah ?
D'une voix à peine reconnaissable, elle m'apprend :
—— Tu devrais venir à l'hôpital. Tout de suite, chérie.
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