chapitre 46 |
Bruna Watson, mardi deux janvier 2019.
— il a vraiment du mal à rester assit dans ce fauteuil. Il en a marre mais il n'a pas le choix, sa jambe droite ne répond plus. Il n'a plus autant de mobilité. Sa maladie prend de l'ampleur. Elle fait énormément de dégât. Il en a même perdu l'usage de la parole. Il ne le supporte pas. Il souffre tellement, Lucie, je lui explique.
— j'aimerais tellement qu'il guérisse. Il ne mérite pas ça. Cet homme est si merveilleux et bienveillant, pourquoi la vie s'acharne-t-elle sur les gens les plus bons ? souffle-t-elle en me fixant derrière son écran.
— je n'en ai pas la moindre idée...je suppose seulement que c'est ainsi que fonctionne la vie.
Tout en discutant de mon parrain avec mon ami, je pose ma main sur la fenêtre froide et embuée de ma chambre.
La météo a annoncé pour cette semaine de la neige et des températures très basses. Cette fenêtre restera donc fermer et le radiateur blanc installé contre le mur droit de ma chambre explosera son compteur.
— comment se passe ton voyage ? je demande en souriant, tout en passant une main sur la vitre.
— pour l'instant, je m'amuse comme une folle. Avec les filles, nous n'avons pas cessé une seule seconde de faire les boutiques et de découvrir les spécialités du Canada. C'est un pays vraiment magnifique. J'aurais tant aimé que tu sois avec nous.
Le ton soudainement froid qu'elle emploie à mon encontre me pousse à croire qu'elle ne me dit pas tout. Lucie a toujours fonctionné de la sorte quand rien ne fonctionne comme elle le souhaiterait.
— tu sais, même si, j'aurais eu l'argent, je ne serais pas venue. Pas que je ne le veuille. Seulement, la maladie de mon parrain prend énormément de l'ampleur, il aurait eu besoin de moi.
J'aurais été même capable de ne pas me rendre au Canada sans même demander de remboursement.
Sa maladie est omniprésente. Surtout ces derniers jours. Elle ne lui lâche plus la grappe, ne lui laisse plus une seule seconde de répit. La maladie s'empare avec une facilité fascinante et avec joie des nombreuses heures restantes de la vie de Mike.
Alors que son médecin avait estimé une espérance de vie d'au moins huit mois, nous avons compris, qu'en réalité, ça ne se passerait pas comme prévu. Il n'est plus question de mois mais bien de semaines et peut-être même de jours.
Chaque soir en m'endormant, je crains avec force de me réveiller avec un message et des centaines d'appels ignorés m'annonçant que mon parrain a rendu les armes. Que la maladie l'a définitivement enveloppé sans que je n'aie eu la moindre chance de lui faire mes adieux. De lui dire que mon amour pour sa personne est sans limite et qu'il ne cessera jamais d'exister puis de le remercier comme j'aurais dû le faire pour tout ce qu'il a fait me concernant.
À cette terrifiante idée, mes heures de sommeil se voient disparaître au même titre que ma présence chez mes parents, qui eux, ne cessent de me prendre la tête car d'après eux, je les prends pour un hôtel. Alors que ce n'est pas de cela qui s'agit.
Je souhaite seulement passer mon temps avec mon parrain car il est prêt à nous quitter.
— est-ce que ça va, toi ? je demande en remarquant sa mine triste.
— je comprends ton raisonnement. Je vais parfaitement bien, déclare-t-elle en me souriant faussement, sinon as-tu des nouvelles de Stephen ? comment ça va vous deux ?
— depuis sa rencontre avec mon parrain, il est distant. Mes messages restent sans réponses, tout comme mes appels, il m'a même posé un lapin samedi après-midi soit une journée avant son départ. Je crois qu'il a pris peur.
Stephen n'a jamais agi de cette façon. Pas même quand nous étions que de simples connaissances préférant se voiler la face en se détestant au lieu d'assumer nos sentiments.
Mes écrits racontaient plus ou moins les moments, les plus forts de ma journée. Comme, il m'avait demandé de le faire. Je lui ai fait part de ma dispute avec mes parents qui sont revenus de Las Vegas, de mes souvenirs avec Timeo, ainsi que de ma non-participation au voyage.
Je lui ai même raconté l'étape douloureuse à laquelle, j'ai fait face avec mon parrain. Celui-ci souffrait tellement, qu'il m'a demandé en sanglots de lui faire ingurgiter le plein de médicaments pour mettre un terme à son calvaire.
C'était la première fois qu'il apparaissait ainsi. Ça m'a mis un vrai coup au coeur au point que je n'ai su réagir face à ces maux. Heureusement, Sarah et son infirmière étaient présentes.
— veux-tu que je lui demande s'il a reçu tes messages ?
— surtout pas. Laisse-le s'amuser et profiter de son voyage. J'en reparlerais avec lui, une fois rentré.
Lucie ferme ses paupières. Ainsi, je comprends vraiment que cette sensation de malaise que je ressens depuis quelques heures est réel. Il se passe quelque chose.
— qu'est-ce qui se passe ?
— ce n'est pas facile à dire mais je crois qu'il t'en veut beaucoup. Il ne veut plus rien avoir à faire avec toi.
Je fronce subitement les sourcils.
— pourquoi ?
— tu n'as pas été honnête avec lui, je présume. Il m'a dit que tu ne lui avais pas dit que tu ne venais pas au Canada.
— je l'ai fait ! je m'exclame outrée, dès que nous avons eu cette information au lycée, je lui ai dit. Nous étions tous ensemble et nous mangions des chips. Je lui ai même dit par message auxquelles il n'a rien répondu de concret.
— peut-être qu'il n'a pas compris.
— évidemment qu'il a compris. Je lui ai même répété quand nous étions chez sa mère.
Sa maman avait mis le sujet du Canada sur le tapis. Elle m'avait demandé si j'étais du voyage et je lui avais répondu que non. Stephen était juste à côté de ma personne. Je me souviens qu'il n'avait pas même émis un seul son de protestation.
— vraiment ? dans ce cas, pourquoi est-il ....
— tu ne me crois pas ? je la coupe sèchement.
— parfois, tu ne dis pas concrètement les choses. tu tournes autour du pot et forcément on ne comprend pas. Du coup, je doute mais ce n'est rien de méchant.
— “ je ne viens pas au Canada.” ce n'est pas compréhensible, ça ? je s'exclame, je tourne au pot que quand c'est nécessaire.
Quand ça concerne ma vie passée ou bien quand je rejette l'idée d'être méchante avec une personne, je le fais cependant quand il s'agit de réponses catégoriques, je ne tourne pas au tour du pot.
Parfois, je suis hésitante. Quand ce cas se présente, je ne fais pas part de mes décisions.
— je sais bien...
— en l'occurrence, tu ne sais pas puisque tu doutes de moi. Pourquoi ?
— en ce moment, je te vois beaucoup perdu, troublé, abimé, déconcerté, tu as perdu de ton éclat alors que tout semble aller mieux dans ta vie. Tu n'as aucune raison d'être mal, enfin et j'en viens à la conclusion que tu te perds dans tes dires.
— je n'ai aucune raison d'être mal ? vraiment ? je répète sarcastique, ok très bien, tu me traites formellement de menteuse mais passons, puis-je savoir pourquoi tu m'en veux ?
Et qu'elle ne prenne pas pour une débile ! je sais très bien que je l'ennuie plus qu'autre chose mais au lieu de me faire passer des messages sublimaux qu'elle soit honnête avec moi.
Lucie hésite quelques secondes avant de reprendre la parole.
— parce-que tu devais venir avec nous, au Canada !
— sérieusement ?! tu te fous de ma gueule hein ? dis-moi que c'est le cas, je demande en riant jaune.
Je n'arrive pas à croire qu'elle me balance ceci alors que nous étions toutes les deux au courant depuis le début que je ne viendrai pas. En plus de ça, elle semblait avoir compris pourquoi.
foutaise.
— absolument pas. Puis, ce n'est pas que ça. C'est un tout.
— je t'écoute.
— c'est simple, chaque sortie que nous devons faire, tu nous mets des crampes, des stoppe prétextant être occupé ou bien mal au point alors que c'est faux. Certes, tu veux passer du temps avec ta famille mais tes parents ne veulent pas de toi alors pourquoi insister ? profite de ta jeunesse de ce qui en reste du moins puisqu'elle déjà très abîmée. Je veux dire oublie ton passé et deviens une nouvelle Bruna Watson.
Oublier mon passé, serait faire une croix sur mes plus beaux souvenirs passés avec mes parents et Timeo. Il en est hors de question. Est-ce qu'elle s'entend parler ? Entend-elle les conneries qui sortent de sa bouche ?
Je ne crois pas. Sinon, ça saurait.
— l'autre raison s'il te plaît ? je demande calmement en ignorant ses précédants dires, du moins pour l'instant.
— ce matin, Greg m'a appelé.
— la suite ?
— il m'a quitté.
j'ouvre doucement ma bouche et écarquille des yeux vraiment surprise que ce soit terminé entre eux.
— je suis désolée. Terriblement désolée, Lucie. Je pensais qu'il était amoureux de toi, non ? Est-ce que tu veux en parler avec moi ?
— tu peux l'être, lâche mon ami rageusement, en parler avec toi ? certainement pas.
ne sachant pas vraiment ce qui se passe entre nous actuellement, je fixe le visage de la brune qui est désormais remplie de haine.
j'en déduis rapidement qu'elle m'en veut énormément.
est-ce à cause de sa rupture avec Greg ? certainement mais pourquoi m'en veut-elle pour cela ? je veux dire, je n'ai rien fait pour que ça finisse avec Greg.
Avant-même que je ne puisse reprendre la parole, Lucie l'ouvre ne mâchant aucunement ses mots.
— je pensais vraiment pouvoir compter sur toi et ta sincérité. Mais, aujourd'hui grâce à cette rupture, j'ai ouvert les yeux sur ta personne.
— mais qu'ai-je avoir avec ta rupture bordel ?
— il m'a quitté à cause de toi. Parce qu'il t'aimait. Greg m'a utilisé pour t'appâter, toi. Je lui ai demandé pourquoi, toi et il m'a dit que tu avais ce petit truc qui te rendait magnifique et tu sais c'est quoi ? ton petit regard de chien battu, en plus de ton charme et ta personnalité. Tous les mecs craquent sur toi pour ton regard vitreux, pleins de charme. Tu sais y faire, n'est-ce pas ?
—comment ça, je sais y faire ? expliques-toi.
je commence sérieusement à perdre mon calme. D'ordinaire, je ne perds pas les pédales aussi vite mais je vois rouge aux mots qu'emploient Lucie.
et, je n'arrive pas à me contenir.
— avec joie ! s'exclame-t-elle, j'ai remarqué que tu jouais énormément avec ton passé pour faire fondre les gens qui t'entourent. Pour que tu puisses avoir tout ce dont tu rêves et une fois que tu les as, tu les jetes car tu te rends compte qu'ils ne te conviennent pas. D'ailleurs, j'ai passé le mot à ton copain ou ton ex devrais-je dire. Enfin, ça fait trois années que ton frère est décédé. Depuis, ton deuil devrait être fait. Il est même fait. Mais, toi, tu t'amuses
à t'apitoyer sur ton sort, à te raconter une vie que tu n'as pas, à te faire passer pour une fille que tu n'aie pas afin d'avoir de l'attention sur ta personne. Des mecs en générales surtout. C'est ce que tu as faits avec Liam, Greg puis Stephen. Et à cause de toutes tes manipulations, je suis malheureuse. Je souffre comme tu n'as pas idée. Tout ce que tu touches, tu brises. Ces personnes que tu côtoies, tu les brises également. C'est sans doute ta façon de laisser tes cadavres derrière toi et je refuse d'être l'un d'eux. Alors, je t'en prie, ne t'approche plus de moi. Sinon, je deviendrai méchante.
— je devrais probablement répliquer et te faire taire pour toutes les conneries que tu viens de sortir mais l'envie de perdre mon temps ne me fait plaisir alors je vais me taire. Attention, je ne te donne pas raison. Certes, tu as raison sur un certain point : je brise toutes les personnes qui croisent mon chemin, mais crois-moi, tu as totalement faux sur les autres et je te donnerai pas de mon temps pour te contredire pourquoi le ferais-je ? pour te retenir et te ramener à la raison ? je l'aurais sans doute fait, mais ça c'était avant. Désormais, je ne cours plus après ces gens qui ne méritent en aucun cas que je le fasse. Tu n'as pas foie en moi, super, tu seras ni la première et ni la dernière. Tu préfères croire un homme que tu connais à peine, ok, ça veut dire qu'au fond notre amitié n'en valait pas la peine, tu m'as injuriés, très bien, fait le autant que ça te chante, je n'en ai clairement rien à faire car je sais ce que je vaux. Tu me laisses tomber pour une histoire de cul, tu sembles croire que je trahis et te mens et bien tant pis, pense ce que tu veux mais je t'en prie ne te retourne pas et n'essaie pas de revenir, ça n'en vaudrait pas la peine parce-que je te donnerai plus l'heure pas après ce qui vient de se passer, je lui dis tout en la fixant d'un regard vide d'émotion, et une dernière chose : le deuil n'existe pas. On se souvient de tout. On se souviendra toujours de tout. Dans les moindres détails. Je t'en supplie, la prochaine fois, abstiens-toi de dire une telle connerie même si tu es en colère. Surtout en sachant que tu es une ignorante du deuil puisque tu ne l'as jamais vécu.
Ses prunelles s'écarquillent suite à mon monologue. Elles deviennent larmoyantes et je comprends instantanément qu'elle est revenu sur terre et qu'elle souhaite se rétracter mais c'est trop tard. J'en ai assez d'être le bouc-émissaire de chacun.
Je mérite mieux que ça.
Alors, je ne lui laisse pas le temps de répliquer et coupe la communication et balance mon téléphone sur mon lit.
Je passe une main devant mes yeux tout en pensant qu'au final, cette conversation m'a permis d'ouvrir les yeux et d'avoir le second pied vers la sortie.
Je n'en ai plus pour longtemps, j'en ai conscience.
Ensuite, je me rends compte qu'au fond, ma génitrice avait totalement raison quand, elle me disait “ tu finiras seule ma pauvre tarée, ils finiront tous par te quitter un par un quand ils verront ton vrai visage.....tous sans exception ”
même sans connaître mon vrai visage, ils me quittent.
c'est dingue.
ainsi, je me demande qui est le prochain sur la liste ?
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