chapitre 34
Instinctivement, nous sortons de l'établissement dans lequel, nous sommes inscrits depuis trois longues et interminables années.
Tout en posant son bras tatouée d'encre noire sur mes deux épaules d'un geste possessif, nous avançons sans vraiment savoir où nous nous rendons.
Cinq minutes plus tard, un parc se dessine sur notre champ de vision et sans un mot -tout en se comprenant- nos pieds nous mènent naturellement dans ce parc vide.
Puis comme il fallait s'y attendre, le brun casse le silence -qui durait depuis un certain temps désormais- d'une parole tranchante.
— Pourquoi ?
Aussitôt cette phrase lancée, le regard sombre de Stephen se dépose sur ma personne.
— Pourquoi ai-je dit que c'était purement de l'amusement entre nous deux ? que ce n'était en rien du sérieux et que tu méritais mieux ? répliquais-je en répétant mes précédents mots.
Comme réponse, il hoche positivement sa tête.
— Parce-que c'est la vérité, tout simplement.
— Pur mensonge ! pourquoi est-ce que tu passes ton temps à mentir ?
Pour me protéger ai-je envie de répliquer mais je ne le fait pas préférant garder le silence. Ne voulant pas partir dans une tout autre direction que le sujet principal de cette conversation. Connaissant le brun, je sais qu'il le ferait mais aujourd'hui c'est ce problème-ci que nous devons régler et non un autre.
— Je ne te comprends définitivement plus. Vendredi nous étions prêts à nous mettre en couple. À nous avouer nos sentiments et aujourd'hui c'est un tout autre discours que tu me tiens. Pourquoi ? Est-ce un jeu pour toi ?
Subitement, je relève mes prunelles brunes en sa direction. De savoir qu'il pense que je me joue de sa personne me déplaît énormément cependant c'est tout bonnement compréhensible qu'il pense à cela.
Moi-même j'aurais eu la même pensée.
Néanmoins il m'est inconcevable de le laisser penser une telle chose.
Ainsi, je prends la sage décision de jouer franc jeu avec lui.
— J'ai simplement pris conscience de certaines choses, dis-je avec honnêteté.
— Que veux-tu dire par là ?
— C'est pourtant simple à comprendre : je m'en vais d'ici la fin de l'année. À quoi ça servirait de nous mettre ensemble tout en sachant que je pars ? pourquoi prendre le risque d'avoir mal ?
— Nous pouvons toujours trouver une solution. La dernière fois, je t'en ai exposé une. Étudie
là, me demande-t-il en m'attrapant par les épaules.
Cette proposition qui pourrait convenir à des centaines de personnes voulant seulement quitter la ville dans laquelle, ils résident. Seulement ce n'est pas mon cas.
Je ne souhaite pas faire Seattle-Chicago mais quitter le pays.
Un étau fort se fait ressentir aussitôt au niveau de mes épaules. Sa chaleur m'envhait aussitôt. Elle m'apaise.
Elle m'éblouit l'esprit pour ainsi mettre mes idées aux claires.
Être aussi proche de lui ne fait que confirmer mes doutes envers lui. Les sentiments sont bien présents.
C'est simple dans ses bras : je me sens extrêmement bien. Cette sensation est si bonne.
— J'ai entendu mais aussitôt ton idée a été rejetée. Je ne resterais pas ici, Stephen.
— Dans ce cas, je pars avec toi.
— Tu ne penses même pas ce que tu dis, soufflais-je en desserrant mes mains des siennes.
— Crois-moi que si. Ça peut paraître dingue comme proposition, j'en ai conscience mais je tiens tellement à toi que je suis prêt à faire n'importe quoi pour être avec toi.
— Proposition qui me rend davantage folle de toi, chuchotais-je.
Un énorme sourire illumine instantanément son visage ce qui me confirme qu'il a entendu mes précédents propos.
— Seulement, je n'accepterais pas que tu prennes une telle décision surtout sielle est prise sur un coup de tête. Tu doit prendre en compte des avantages et des importants inconvénients de quitter un pays pour un autre. Ça ne se fait pas comme ça. Il ne faut pas que tu oublies que tu as ta famille ici et que tu ne peux pas les abandonner comme ça. Je sais que tu aimes énormément ta famille et de ne plus les côtoyer comme au jour d'aujourd'hui t'affecterait énormément. On prend une telle décision quand on ne veut plus rien avoir affaire avec sa famille. Crois-moi, tu pourrais rapidement regretter d'avoir pris une telle décision et me détester par la suite. Ne prend pas de risque pour une histoire qui ne vaut pas ta famille. Qui n'a même pas véritablement pris vie.
Le brun ne laisse pas le silence envahir notre conversation et saute immédiatement dessus en me donnant une réponse.
— Tu n'as pas tort. Je te l'accorde. Je le reconnais mais je campe toujours sur mes positions. Nous deux, nous pouvons essayer malgré les obstacles qui s'offrent à nous. En réalité rien ne nous empêche d'être un couple mise à part ton futur départ qui n'a même pas encore eu lieu. Ce que je sais c'est que d'ici-là des tas de choses auront probablement changé. Ces choses qui pourront influencer ta décision quant à ton déménagement. Ce que je veux dire c'est qu'on ne contrôle rien. On ne sait pas de quoi est fait l'avenir.
Tout peut changer du jour au lendemain. Alors cessons de nous mettre inutilement des bâtons dans les roues et amusons-nous, aimons-nous librement comme nous l'avons toujours voulu. Vivons à fond notre vie. Arrêtons de perdre du temps. On pourrait le regretter et je n'aime pas vivre dans le regret et je crois que toi aussi.
Il attrape mes mains dans les siennes en attendant sagement une réponse de ma part qui ne parvient pas à sortir de ma bouche pour cause : je suis prise au dépourvu. Les paroles fortes dites m'ont laissé quelque peu surprise.
Les décisions que j'avais prises plutôt dans la journée ne sont soudainement plus d'actualités. Elles ne se manifestent plus. Comme si, elles n'avaient jamais existé.
Pourtant ma raison me hurle de rester camper sur mes positions. De ne pas changer d'avis tout simplement cependant mon coeur me crie tout le contraire.
Il me dit simplement de baisser les armes et me laisser porter là où le vent me mènera aux côtés du tatoué. Il me dit de cesser de me mener la vie dure et de me laisser tenter en ouvrant les portes qui me permettront de goûter au bonheur.
— Qu'en penses-tu ? repris le brun impatient de connaître ma réponse me sortant ainsi de mes pensées.
Cette réponse qui sera réellement définitive cette fois-ci. Aucun retour en arrière ne sera possible.
Et cette décision que je m'apprête à prendre aura probablement des répercussions tôt ou tard mais pour une fois je dois prendre la décision d'écouter mon coeur.
Je dois penser à moi et c'est ce que je vais faire aujourd'hui.
— J'avais dans l'idée de suivre ma décision de couper court avec toi évitant ainsi de te blesser...
— Mais...
Je pose ma main contre sa bouche alors qui s'apprêtait à me couper la parole.
Stephen est beaucoup trop stressé à l'idée qu'un nous ne puisse jamais exister qu'il ne me laisse pas le temps de lui répondre.
Ce qui me montre qu'il tient véritablement à moi.
Mon coeur accélère soudainement la cadence. On peut dire qu'il bat à la chamade. Savoir qu'on puisse tenir à ma personne et que je puisse être intéressante à ses yeux me redonne espoir à la vie.
— Mais tu en vaux la peine. Et pour être honnête, il m'est impossible de renoncer à toi.
Suite à mes paroles, le brun me prend de court en déposant ses lèvres contre les miennes. Je reste le temps de quelques secondes figé -n'étant pas prête à ça- mais rapidement, je réponds au doux et chaleureux baiser que m'offre Stephen.
À court de souffle, nous nous séparons. La main gauche du tatoué se dépose contre ma joue plutôt creuse alors que sa main gauche vient prendre place sur ma taille.
— Je suis vraiment content que tu prennes ce risque. Tu viens de rendre un homme très heureux, me déclare-t-il.
— Je le vois. Dis-moi...commençais-je en jouant avec mes doigts.
— Je t'écoute.
— Pouvons-nous prendre notre temps ? je sais que c'est gonflé de demander ça alors...
— Prenons notre temps, me coupe le brun compréhensif.
L'instant d'après, il se lève tout en m'offrant sa main que je saisis dans un froncement de sourcil. Où veut-il m'emmener ?
Et comme si, il avait entendu ma question, il me répond :
— On va manger un morceau.
Bien que je ne sois pas très enthousiaste d'aller manger un plat qui me donnera sans doute la nausée, je le suis.
Depuis l'annonce de mon parrain vis-à-vis de sa maladie mon appétit bien qu'il ne soit pas énorme se fait de plus en plus rare.
Comme si manger était devenu un vrai supplice. Je ne veux plus m'alimenter. Expliquant ainsi bon nombre de choses comme : ma petite perte de poids et cette fatigue constante.
Sachant que je ne tiendrais pas une semaine de plus, je me dis qu'il faut impérativement que je me nourrisse au dépit du dégoût que je ressens. Je n'ai pas le choix.
——————
— Tu sais la dernière fois quand je t'ai recalé méchamment avec un simple ok...commence le brun en prenant ma main dans la sienne.
— Oui ?
— Excuse-moi. Je n'aurais pas dû réagir comme ça surtout que tu étais prête à t'ouvrir et me faire part de ton passé. J'ai été touché dans mon ego quand tu as dit que je passais au second plan alors j'ai réagi comme un vrai connard. Alors excuse-moi, Bruna.
— Excuse acceptée mais sache que je ne t'en veux pas, lui dis-je en souriant, je l'avais compris.
— Heureusement, souffle-t-il, que voulais-tu dire par “ il n'ira jamais à Londres ? ”
Mon sourire s'évanouit automatiquement. Je n'étais pas prête à entendre cette phrase que j'avais balancée vendredi.
Cette confiance que j'avais en moi concernant le fait de lui déballer l'accident n'étant plus présent, je décide de contourner tout simplement la conversation en disant :
— Ce n'est pas le lieu approprier pour en parler.
Un lieu presque vide notais-je. Mais celui-ci ne me convient en aucun cas.
Quand je lui ferais part de cet accident ce sera dans une pièce à part. Dans laquelle, je serais totalement à l'aise. Dans laquelle, je ne me sentirais pas épié et en confiance tout simplement.
— pas de problèmes, tu m'en parleras quand tu seras prête, me dit-il en me souriant.
Au fond, j'ai cette impression qu'il se doute de quelque chose.
Mais je ne m'attarde pas plus sur ce pressentiment et lui chuchote :
— merci.
——————
Mecredi 16 décembre.
— Je suis tellement fière d'avoir une filleule aussi forte et compréhensive que toi, s'exclame mon oncle en mettant des vêtements dans une valise rouge.
— Et tu es aussi fort que moi. Crois-moi qu'à ta place, je serais au fond du trou et me lamenterais sans cesse sur mon sort mais toi, tu ne le fais pas tout simplement parce que tu es un homme très courageux et fort.
— Il le faut. Je n'ai pas tellement le choix si je veux vaincre cette saloperie !
Cette saloperie qui ne fait que de s'agrandir au fur et à mesure. Cette maladie qui commence à rendre mon parrain très faible physiquement.
À cause de cette tumeur Michaël ne profite plus de la vie comme auparavant tant la fatigue est présente et j'aimerais tant y remédier.
— Ces quatre semaines à Londres te feront le plus grand des biens, décrétais-je.
— C'est ce que je pensais aussi mais je ne peux m'empêcher de m'en vouloir...
— T'en vouloir ? pourquoi ? demandais-je en fronçant les sourcils.
— Je te laisse seule ici.
— Cesse immédiatement de penser à moi. Dorénavant, tu dois penser à toi. Uniquement à toi, ok ? je peux me débrouiller sans toi durant ces quatre semaines.
— Et pour Noël ? questionne-t-il soucieux.
— Ça ira aussi. Ne t'inquiète pas.
Je lui offre un petit sourire.
— Reposes-toi un peu. Je vais finir ta valise. Et c'est non négociable.
— Bon ok. De toute manière ça m'arrange. Je n'ai jamais aimé faire mes valises.
— Je le sais ça ! dis-je en riant.
Je récupère une pile de tee-shirt aux couleurs sombres et les installe correctement dans la valise pour avoir le plus de place possible.
Et tandis que je m'exécute à ma tâche, je ne peux m'empêcher de penser que cette valise ne reviendra jamais. Que je ne reverrais plus ces vêtements. Ni même mon oncle. Cette valise est en réalité un mot d'adieu pensais-je pour une raison qui m'est inconnue.
— Je t'aime fort parrain, dis-je soudainement en pliant une paire de jeans.
Un long silence s'ensuit -ce qui confirme mes doutes- avant qu'il ne me réponde.
— Je t'aime aussi. Ne l'oublie jamais.
— Je ne l'oublierai jamais, repris-je en craquant.
— Allez vient dans mes bras.
Et je ne me fais pas prier.
Je me jette littéralement dans ses bras tout en me laissant aller.
J'aimerais tant me convaincre que mon oncle reviendra à Seattle mais ce serait me rendre davantage malade. Ce serait rendre ma douleur beaucoup plus présente et je ne veux plus de ça.
Je dois absolument rendre à l'évidence qu'il est fort probable qu'il ne revienne jamais de ce voyage. Je dois le réaliser et lui faire mes “ adieux ” les plus beaux.
Je n'ai pas le choix. Je dois l'accepter.
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