» chapitre 18

Jisung allait finir par réellement s'arracher les cheveux. Minho et lui avaient pu enfin avoir une véritable discussion tous les deux, et le jeu semblait s'être enfin calmé suite à cela. Mais le travail que lui donnait Chan le rendait nerveux et surtout exécrable. Il avait pourtant promis à son petit ami de se montrer plus disponible pour lui, mais ne pas dire que son chef lui menait la vie dure n'était peut-être pas la solution. Il rentrait bien souvent sur les nerfs et de temps en temps, il envoyait même Minho balader. Ce dernier ne relevait même plus ses sautes d'humeur. Il était blasé par cette situation et l'un comme l'autre avait fini par croire que plus rien ne serait jamais comme avant. Comment pouvaient-ils arranger les choses si l'un ou l'autre recommençait à faire des siennes ? C'était impossible. L'ambiance était de plus en plus pesante à l'appartement et le couple ne s'échangeait à peine quelques mots.

Jisung avait fini par se dire que c'était peine perdue. Il allait perdre Minho, il allait perdre tout ce que ce dernier lui avait offert, mais peut-être ne perdrait-il pas son travail s'il continuait à faire ce que Chan lui disait. Il n'était plus qu'un robot qui obéissait aux ordres. Il avait même fini par se dire qu'il ferait mieux de quitter l'appartement et de s'en trouver un. Ce serait peut-être douloureux au départ, mais il s'y ferait avec le temps. Minho et lui, ça avait été beau, mais si tout était gâché, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. Il avait trahi sa confiance, il devait assumer ses actes jusqu'au bout. Et s'il devait s'en aller, il le ferait. Il n'en avait pas encore discuté avec son petit ami, ça n'allait probablement pas être très facile de le faire, mais il y viendrait en temps voulu.

Pour le moment, il avait un dîner auquel il devait se rendre. Celui-ci était organisé par ses parents, chez eux, et ils avaient pris l'initiative d'inviter Chaeyoung ainsi que ses parents. Jisung appréhendait un peu. Ça faisait longtemps qu'il ne les avait pas vus, même s'il avait pu rencontrer Chaeyoung au repas de charité quelques semaines auparavant. Sa mère lui avait bien fait comprendre que la jeune femme et lui pourraient peut-être envisager quelque chose ensemble. Il ne l'avait pas contrariée, mais aujourd'hui, rien que d'y repenser, il se surprenait à grimacer. Chaeyoung n'était pas moche, au contraire. Et puis elle était gentille et sérieuse, une femme forte qui ne se laissait pas marcher sur les pieds. Elle avait tout pour plaire, mais Jisung ne l'avait jamais considérée comme une personne à conquérir. Et ça n'avait pas changé. Elle était son amie d'enfance et rien d'autre. Alors ses parents pouvaient bien se faire des plans sur la comète en les voyant mariés, il n'accepterait jamais.

Tandis qu'il était en train d'enfiler sa veste, Minho arriva dans le hall. Il analysa son petit ami et un mince sourire étira ses lèvres. Cela le rendait triste de le voir partir comme ça, sans qu'il prenne le temps de lui dire au revoir, sans qu'il prenne le temps de l'embrasser. Même s'ils n'étaient plus aussi proches qu'avant, il avait besoin d'un peu d'attention. Juste un peu.

— Fais attention à toi sur la route.

Jisung sursauta et se tourna vers Minho. Il acquiesça et saisit les clés de sa BMW.

— Tu penses rentrer tard ?

— Hm, non. J'ai pas envie de traîner chez eux.

Minho força un nouveau sourire et serra son gilet en laine contre son torse. Jisung ne pouvait s'empêcher d'avoir un peu pitié de lui. Il ne l'avait jamais vu comme ça et ça lui brisait le cœur. Son compagnon avait des cernes énormes, les cheveux plats et le teint pâle. Il dormait mal, mangeait peu, et Jisung se sentait coupable. Ils avaient tous les deux leurs torts, mais il était le premier responsable. Il n'imaginait pas que la situation actuelle puisse autant toucher Minho. Il l'avait toujours vu fort et sûr de lui, jamais il ne défaillait, jamais il ne se montrait faible. Et lui, il était là, à faire le fier en refusant de lui avouer que Chan lui demandait beaucoup trop, plus que ce qu'il pouvait réellement supporter. Mais à quoi bon le faire désormais ? Il était en train de rendre Minho malade, et il voulait éviter que tout empire.

— Ça va aller ?

— Oui, ça va aller.

Jisung essayait de se convaincre, mais dans le fond, il savait que cette soirée allait être pénible. Il était sur le point de partir quand Minho le rattrapa par la manche de sa veste. Il fit un pas en avant et déposa un tendre baiser sur ses lèvres. Jisung eut juste le temps de fermer les yeux qu'il perdit son contact. Il resta un moment immobile, abasourdi par le geste. Il ne s'y attendait pas. Vraiment pas. Il secoua la tête pour reprendre ses esprits, le salua brièvement et quitta l'appartement.

Une fois hors de celui-ci, il pressa le pas. Son cœur s'était emballé comme jamais et pourtant, ce n'était qu'un simple baiser. Quand l'ascenseur arriva au sous-sol, il en sortit en trombe et grimpa dans sa voiture. Il passa le trajet à penser à Minho. Encore et encore. Il se répétait que c'était lui et personne d'autre. Il l'aimait plus que tout au monde et le quitter n'était pas la bonne décision à prendre. Il était stupide de penser que ce serait mieux pour lui, que ce serait lui rendre service. Il était encore plus stupide de se dire que si Minho ne le quittait pas de son plein gré, alors il prendrait la décision à sa place. Il n'avait pas le droit de faire ça. Il s'était peut-être comporté comme un imbécile en lui mentant, mais il avait tout fait pour se racheter. Si Minho n'avait plus rien éprouvé pour lui, s'il avait vraiment voulu le quitter, il l'aurait fait sans hésiter. Il n'était pas du genre à se défiler et à mâcher ses mots. S'il avait quelque chose à dire, une décision à prendre, il le faisait.

Jisung arriva sur le parking de la résidence de ses parents. Il souffla un bon coup avant de sortir de la voiture. Une bouteille de vin à la main, il rejoignit l'immeuble, puis l'ascenseur qui le mena jusqu'à l'étage où habitait sa famille. Plus il avançait et plus il se sentait mal. Il avait peur de se retrouver dans un dîner qui avait pour but d'essayer de le caser avec Chaeyoung. Dans le fond, il y avait déjà pensé avant cet instant, au jour où ils voudraient lui faire rencontrer des prétendantes. Maintenant qu'il arrivait sur place et qu'il réalisait ce qui était en train de se passer, l'angoisse était insoutenable. Il sonna à la porte et quelques secondes après, sa mère vint lui ouvrir. Elle l'enlaça et lui retira la bouteille des mains afin de l'apporter dans la cuisine. Jisung arriva dans la salle à manger. Il déglutit en voyant la table bien dressée, des bougies ainsi qu’une grosse composition florale disposées sur une nappe blanche. Il salua tout le monde et adressa un sourire timide à Chaeyoung.

— Ça fait tellement longtemps, Jisung ! s'exclama la mère de la jeune femme. Chaeyoung nous a dit qu'elle t'avait croisée au dîner de charité.

— Oui, on s'est parlé durant la soirée.

— Excuse-nous de ne pas être venus te voir, on a été alpagués de tous les côtés !

— C'est pas grave, je comprends.

— Elle n'a pas arrêté de nous dire à quel point elle était heureuse de te revoir ! En même temps, vous étiez si proches avant que vous partiez faire vos études. C'était dommage de vous quitter, mais au moins, tout va s'arranger maintenant.

Jisung fronça les sourcils à cette remarque. Tout allait s'arranger ? Comment ça ? Son père toussota et proposa un peu de champagne à ses convives. Les plats ne tardèrent pas à arriver, tous plus copieux les uns que les autres. Madame Han était une excellente cuisinière, elle savait recevoir des invités et combler leurs papilles. Pourtant, Jisung n'arrivait pas à manger. Il avait la gorge nouée et l'estomac en vrac. Les discussions avaient tourné autour de leurs entreprises respectives et des marchés qu'elles avaient décrochés. Mais ils avaient aussi parlé de leurs enfants, de ce qu'ils faisaient, et l'emploi fictif de Jisung n'avait pas fait exception. Sa mère était fière de lui et son père, bien que très dur à son égard d'habitude, n'avait pas manqué de faire son éloge. Pour eux, Jisung était travailleur et il ferait un excellent parti pour la gent féminine. Il avait tout pour plaire aux femmes après tout. Un travail, un bon salaire, une belle voiture… Il était bon à marier.

— Ce serait plutôt une bonne chose pour tous les deux si vous envisagiez de vous fréquenter, annonça Madame Han.

Jisung se figea. Il n'y avait aucun doute possible, sa mère était bel et bien en train de s'adresser à Chaeyoung et lui. Et les trois autres acquiescèrent aussitôt à sa proposition.

— Vous formeriez un couple magnifique ! ajouta la mère de la jeune femme.

— Et ce ne serait que du bénéfice pour nos entreprises.

Cette fois, il tourna la tête vers son père. Il ne pensait vraiment qu'à ça, qu'au travail, qu'à l'entreprise qu'il avait fondée. Il était prêt à lui faire épouser une personne qu'il n'aimait pas juste pour ses propres intérêts. Tout allait trop loin. Il chercha le regard de Chaeyoung et cette dernière afficha un petit sourire. Elle semblait tout autant embarrassée que lui. Leurs familles continuaient à discuter de leur potentielle future union en leur présence, sans même se soucier de leur avis. Et ça, c'était quelque chose que Jisung ne pouvait pas supporter. Il tapa du poing sur la table, les verres vacillèrent, obligeant tout le monde à s'arrêter.

— Ça suffit !

Tous les regards se braquèrent sur lui. Il se leva et serra les poings.

— Vous vous entendez parler ? Vous faites des plans dans notre dos pour… pour votre plaisir personnel !

— Jisung, calme-toi ! lui demanda son père d'une voix forte.

— Non ! Vous êtes là à faire mon éloge pour me vendre comme une bête sur un marché ! C'est ridicule !

— C'est pour le bien de nous tous. Chaeyoung et toi, vous avez grandi ensemble et vous vous entendez bien. Vous avez une bonne situation, alors ne fais pas l'enfant et pense à ton avenir.

Il se mordit l'intérieur de la joue et lâcha un profond soupir d'agacement. C'en était trop. Il allait craquer, il le sentait, et c'était peut-être tant mieux. Il en avait marre que ses parents pensent de lui qu'il était un jeune homme sérieux. Il en avait marre qu'ils ne le connaissent pas réellement. Parce qu'il n'était pas Han Jisung, celui qui avait fait des études et qui avait décroché un travail dans un magasin de luxe. Il était Han Jisung, celui qui avait menti et qui s'était fait entretenir pendant des années par un homme. Un homme dont il était fou amoureux.

— Je suis pas celui que vous croyez.

Sa mère plissa les yeux et pencha la tête sur le côté. Il allait les décevoir, c'était une certitude, mais il avait besoin de tout dire. Il n'allait pas accepter plus longtemps qu'on le mette sur un piédestal, et encore moins un mariage arrangé.

— Je vous ai menti depuis des années. J'ai pas été jusqu'au bout de mes études, j'ai peut-être même pas fait quatre mois à l'université !

Le visage de ses parents se métamorphosa. Il passa de l'étonnement à la colère, de la colère à la déception.

— Je prenais l'argent que vous me donniez pour passer mon temps dans des cybercafés, à jouer toute la nuit. Et après, je suis tombé sur un homme très charmant qui m'a entretenu jusqu'à aujourd'hui. Et je suis amoureux de lui. J'ai jamais bossé pour ce magasin de meubles.

— Jisung… C'est la vérité ? le questionna sa mère, peinée.

— Oui. Alors jamais je n'épouserai qui que ce soit.

À son tour, et sans un mot, son père se leva. Jisung pouvait discerner sa respiration forte, mais courte. Il était furieux, la tension qui émanait de lui était intense.

— Sors d'ici. Tu nous fais honte.

Il lui indiqua l'entrée d'un geste franc.

— C'est bien ce que je comptais faire.

Il prit quand même la peine de saluer les invités, mais les larmes lui montaient aux yeux. Il adressa un dernier regard en direction de Chaeyoung et il murmura une excuse. Sa voix tremblait, tout comme ses mains. Il avait l'impression de se retrouver seul au monde et, une fois qu'il eut récupéré ses chaussures et qu'il fut sur le palier, il fondit en larmes. Ça n'avait pas été facile de tout balancer comme ça, et il se sentait mal pour sa mère, plus que pour son père. Mais il avait fait le bon choix. Il espérait seulement que Minho serait là pour lui quand il rentrerait, qu'il serait là pour le réconforter et lui faire oublier la douleur dans son cœur. Il allait partir quand la porte d'entrée s'ouvrit à nouveau pour laisser apparaître Chaeyoung.

Jisung baissa la tête. Il voulait la fuir et en même temps, il voulait lui expliquer. Peut-être s'était-elle attendue à ce qu'il accepte la proposition de leurs parents.

— Je suis désolé que tu aies dû assister à ça.

La jeune femme s'approcha pour lui caresser le dos. Ses gestes étaient doux, tendres, plus comme ceux d'une sœur que ceux d'une femme amoureuse.

— Tu veux un mouchoir ? proposa-t-elle en sortant un carré de tissu de sa poche de pantalon.

Jisung hocha la tête et estompa les larmes qui ne cessaient de rouler sur ses joues. Il avait l'impression d'être un gamin qui pleurait pour rien, qui faisait un caprice, mais c'était plus que ça. Il avait perdu la confiance de ses parents, après avoir perdu celle de Minho. Il se demandait vraiment comment il avait pu en arriver là, à cumuler des mensonges sur des années sans que personne ne s'en rende compte. Maintenant, il devait en payer le prix.

— Ça va aller, d'accord ? essaya-t-elle de le rassurer.

— Ils vont me détester.

— Peut-être qu'ils auront du mal à accepter la situation, mais ils vont s'y faire. Tu sais, c'est pas facile de dire à ses parents qu'on a choisi une voie différente que ce qu'ils s'étaient imaginé pour nous.

— J'ai jamais pu leur avouer que les études m'intéressaient pas J'avais peur de les décevoir. Et maintenant, c'est encore pire.

Chaeyoung le serra dans ses bras. Elle l'incita à poser la tête sur son épaule et lui caressa les cheveux. Jisung continuait à soubresauter à cause des pleurs, il n'arrivait pas à les faire cesser.

— Moi je pense que tu devrais avancer et faire ce que tu as envie.

— Je sais même plus ce dont j'ai envie… marmonna-t-il.

Il renifla et alla étreindre la jeune femme en retour. Il se sentait bien avec elle parce qu'elle ne le jugeait pas. Chaeyoung avait toujours été protectrice envers lui, depuis leur plus tendre enfance. Elle avait un plus fort caractère, et ça ne l'étonnait pas qu'elle ait réussi à obtenir la place de directrice à un si jeune âge.

— Je crois que ce dont tu as envie là, c'est de retrouver l'homme que tu aimes.

Jisung releva brusquement la tête. Oui, c'était de ça qu'il avait envie. Que Minho le serre dans ses bras, qu'il l'embrasse, qu'il lui dise qu'il l'aime. Il redonna une brève étreinte à son amie et la remercia à plusieurs reprises. Puis il disparut dans l'ascenseur, impatient de rentrer à l'appartement.

Une fois de retour, il trouva Minho sur le sofa et ce dernier sembla surpris de le revoir si tôt. Il écarquilla les yeux quand il remarqua que Jisung avait pleuré. Il se leva d'un bond et se positionna face à lui pour saisir son visage entre ses larges mains.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

— C'est… Mes parents…

Il ravala ses larmes tant bien que mal. Son compagnon était déjà bien trop inquiet de son état.

— Ils voulaient m'arranger un mariage et… je leur ai tout dit…

— Tout dit ? Pour nous ?

Il secoua la tête de gauche à droite.

— Que j'avais pas continué mes études, et que j'avais jamais bossé. Et aussi que j'avais rencontré un homme merveilleux qui m'a entretenu pendant des années. J'ai pas dit que c'était toi. Je veux pas que tu perdes un client.

Minho l'amena contre lui pour le serrer de toutes ses forces. Il plongea le visage dans son cou et huma son parfum à pleins poumons. Cela faisait si longtemps qu'ils ne s'étaient pas retrouvés si proches, et il se sentait terriblement bien d'avoir Jisung entre ses bras.

— Je suis désolé, je suis qu'un boulet pour tout le monde.

— Ne dis pas ça. Je t'aime Jisung, je t'aime de tout mon cœur et je suis désolé pour ces derniers mois. Je sais que ça a pas été simple. Si je peux faire quoi que ce soit...

— Je t'aime aussi. Et pardon d'avoir menti tout ce temps, je veux plus jamais faire ça, c'est trop douloureux.

— C'est tout, c'est terminé, d'accord ? Je t'aime et je te pardonne.

Jisung l'étreignit aussi, allant s'accrocher à son t-shirt comme si sa vie en dépendait. Il avait besoin de Minho, et pas seulement financièrement. Il était dépendant de tout ce qu'ils avaient vécu, et aussi de l'amour qu'ils partageaient. C'était lui et personne d'autre, et l'avis de ses parents ne pouvait rien y changer.

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