25-Back in Town
Previously on Good as gold :
-Lana & Sean se sont fight comme jaja par téléphone
-Lana sous le coup de l'énervement a pris un allé simple pour Los Angeles ( Sean a décidé de faire de même une fois qu'il est en vacances, autrement dit il débarque trois jours après ! )
-Mais alors ce retour à L.A. sera t-il aussi doux que vous l'imaginez?
****
Los Angeles m'avait manqué. Non pas uniquement pour la plage de Malibu, les beaux mecs torse nu qui courent au ralenti sur les plages, les palmiers, ça c'est surtout un cliché que l'on peut voir dans les films hollywoodiens, qui désormais contrôlent notre pensée.
C'est principalement ma maison qui me manque. Qui m'a manquée.
Vivre dans un tel palace devient vite une drogue, mon appartement à Boston ne fait pas le poids. Alors, avoir cette maison face à moi à l'instant, me donne l'impression que je possède le monde entre les mains. J'ose un petit sourire coquin, j'ajuste mon chapeau rose, et je sonne à la porte d'entrée.
J'ai hâte de découvrir à quel point je leurs aient manqué !
Malheureusement, en ouvrant la porte, mon sourire se défait. Et cet air méprisant s'empare de ma face, encore, déjà agacée par sa face de rat.
— Bonjour Lana!
Shaffon m'observe avec un grand sourire et je roule des yeux.
— Normalement, c'est le majordome qui ouvre la porte, pas la bonne, je rétorque en roulant des yeux.
Je lui lâche mon manteau dans les bras, et j'entre enfin dans mon royaume. Elle semble un peu déroutée alors elle réplique.
— Je ne suis pas votre bonne Lana. Mais ta belle mère.
Je continue d'avancer alors qu'elle me suis comme un petit toutou.
— C'est la même chose, reprends-je avec un sourire viscieux. Où est mon père?
Au moment où je demande cela, je vois ce dernier descendre les escaliers, suivi de Keryan, mon grand frère. Ils sont tous les deux habillés en costume, et semblent discuter affaire, comme d'habitude. Je relâche ma valise pour les observer. Et je ne peux constater que Keryan ressemble de plus en plus à mon père. Ce n'est pas forcément son look, mais sa façon d'agir, il agit et parle comme un réel chef d'entreprise. Le Keryan qui foire sa vie en l'air, c'est du passé.
— Je suis de retour! je lance alors qu'ils ne m'ont pas encore vue.
Leur réaction n'es pas vraiment extraordinaire, non, ils se contentent de me sourire et de s'approcher. Keryan m'enlace rapidement, tout en continuant de discuter avec mon père. Quand à ce dernier il me fait un simple geste de la main avant de m'éviter rapidement.
— Ton voyage s'est bien passé? demande Keryan.
Et alors que je m'apprête à répondre, mon père enchaine leur conversation, ce qui me prend de court. Ils continuent d'avancer, sans me jeter un regard. Mon frère me dit finalement qu'on en discutera "tout à l'heure". Je les observe s'en aller, outrée par leur comportement. Ca fait quand même six mois que je ne suis pas rentrée à la maison!
S'ils sont en colère parce que je me suis fait arrêtée par la police pour détention de drogue, qu'ils me le disent, au lieu de m'ignorer de la sorte.
Ma belle mère me regarde d'un air moqueur que j'ignore.
— Ils étaient pressés de toutes les façons.
Au fond de moi, ça me blesse un peu d'être passée si inapperçue, mais d'un autre côté c'est mieux. C'est mieux parce que notre famille ne fonctionne plus comme une vraie famille mais comme un petit business.
Etant donné que nos rapports familliaux sont conflictuels, on préfère oublier désormais cet esprit famille, puisqu'économiquement nous sommes plus performants ensemble. Enfin nous... Mon père et mon frère, et quelques fois ma belle mère. Moi, je suis vraiment à côté de la plaque.
— Alors dit moi tout, quoi de nouveau à Boston? demande Shaffon.
Je la dévisage d'un air choqué et je ricane.
— C'est maintenant que tu le demandes? Alors pourquoi ça ne t'a jamais traversé l'esprit de communiquer par skype ces six derniers mois hein?
— On ne va pas commencer, soupire t-elle. Je te pose une simple question... ne rend pas les choses...
— Arrête, arrête de faire semblant. On est pas du même sang, rien ne nous oblige à discuter.
Je l'ignore et je me dirige vers le salon, j'y vois quelques servantes qui me font un sourire, et qui me montrent à quel point mon retour leur fait plaisir.
J'y découvre aussi Savannah, ma petite soeur, aux côtés d'un mec. Du moins, elle est allongée à ses côtés, les lèvres posées près des siennes, alors qu'elle prend un selfie.
Je la croyais lesbienne?
— T'as changé de bord?
Savannah sursaute quand elle entend ma voix raisonner. Et si je m'attendais à ce qu'elle me courre brutalement dans les bras, je me suis trompée, puisqu'elle me dévisage rapidement.
— Thomas est gay, répond t-elle simplement en surfant sur son téléphone portable.
J'offre un sourire à ce garçon pour le moins séduisant. Voyant que je suis un peu dans l'incompréhension, et que pourtant ma soeur ne semble pas s'en préoccuper, le fameux Thomas prend les devants.
— Enchanté, je suis le faux petit ami de Savannah.
Pardon? "Faux petit ami". Je fronce les sourcils, puis je pose mes mains sur les hanches.
— Ouais, ça craint, rit-il nerveusement.
Il se relève pour me serrer la main.
— Bah oui, je suis gay, Savannah Lesbienne. Alors s'afficher ensemble nous permet de cacher nos affaires pour le moins très personnelles.
Je les observe tous les deux, abasourdie. On en arrive vraiment à ça avec la nouvelle génération?
Je me sens un peu gênée que ma soeur m'ignore à ce point, j'avais oublié à quel point nous étions... distantes l'une de l'autre? Je l'observe sérieusement et je constate combien elle n'en a rien à faire de moi. Elle semble très concentrée par sa conversation juteuse par sms, puisqu'elle a un sourire très coquin.
— On ne vient pas faire un calin à sa grande soeur qui t'a tant manqué? je réplique tout de même.
— Tu m'as pas manqué, rétorque t-elle. Tiens, Thomas, regarde un peu les commentaires sous cette photo.
Ce dernier observe l'image, et je comprends que je n'ai plus rien à faire là, on ne me capte plus.
Je dois rester là deux minutes, comme une idiote, plantée comme un clou, à ne rien dire. Puis je comprends que ça ne sert à rien de m'obstiner, ça ne donnera pas un élan de tendresse à Savannah envers moi.
Je me décide donc à monter dans ma chambre pour au moins retrouver mon petit cocon. D'ailleurs, j'y découvre que rien n'a changé. Mon lit est toujours bien fait, rien ne dépasse, alors je souris. Ca fait du bien de rentrer, de retrouver mes beaux draps et... ma petite salle de bain des plus modernes.
Pourtant, je m'étale contre mon lit et la solitude se fait vite ressentir. Vous voyez cette brûlure au fond de vous qui apparaît quelques fois, que vous ne savez pas comment guérir, comment agir contre.
Ainsi, je me décide à joindre ma mère, pour que nous puissions peut être nous voir tout à l'heure, et au moins pour constater que je suis importante pour quelqu'un ici.
Oui, mes parents ont divorcé. Ceci, peu après la naissance de Joy, la fille d'Avalonne. Ma mère n'était pas d'accord avec mon père concernant la situation de Keryan. Elle voulait qu'il assume ses responsabilités, pas mon père. De plus, le fait de se savoir cocu, et le manque d'amour de mon père, l'a obligé à le quitter. Oui, elle l'a fait. Malgré la difficulté de la chose.
Leur divorce a mis du temps à être traité par la loi puisqu'il y a tant de choses à se partager dans notre héritage qui crée des désaccords.
Ma mère vit désormais sur la côte de Santa-Monica avec un médecin plutôt fortuné de Los Angeles.
Mon père lui, s'est remarié très vite. Comme je l'ai dit, il a besoin d'assurer une image parfaite devant ses investisseurs. Un homme célibataire ce n'est jamais bon, alors il s'est marié à Shaffon, une femme de bonne famille, certes, mais avec vingt ans de moins que lui, qui selon moi n'en veut qu'à son argent, alors je ne l'aime pas. Ses faux airs de femme gentille m'agacent.
Je compose le numéro de ma mère, elle ne tarde pas à répondre, et je distingue rapidement une musique cubaine en fond sonore et.. des vagues?
— Lana chérie ! Comment vas-tu?
— Très bien. Je suis de retour à L.A. Pourrions nous nous voir tout à l'heure?
— Oh! J'avais complètement oublié, je suis désolée. Là, je me trouve sur un petit Yatch avec Christian, on se fait un weekend en amoureux! C'est tellement exquis, tu verrais.. la mer, les jus de fruit... Ah tiens... Christian, c'est Lana, dit-lui bonjour.
J'entends quelques bruits, quelques rires, et je suppose qu'il embrasse la nuque de ma mère du fait de sa niaiserie.
Vraiment? Devant sa fille?
Il faut savoir que les liens se sont un peu ressoudés avec ma mère après le divorce. Keryan et Savannah ont pris côté pour mon père, et moi j'étais la seule à comprendre son choix. Je l'ai vraiment aidée à récupérer l'héritage familial qu'elle méritait. Et même si ce n'est pas une mère terrible, ça m'a toujours fait du bien de rentrer de Boston et de la voir.
Je lui avais annoncé mon arrivée il y a quelques jours, et elle m'a promis que nous irions dès mon arrivée au bord de la plage ensemble. Mais oui, elle a oublié, j'aurais dû m'en douter...
Inconsciemment les larmes me viennent. Je suis retournée à Los Angeles pour y retrouver du réconfort, pas pour me retrouver seule à nouveau.
— Hey Lana, comment vas-tu? Les études se passent toujours aussi bien?
Je reconnais Christian au téléphone.
— Euh, ouais, j'hésite. Maman, on se voit quand alors?
— Oh ne t'inquiète pas, nous rentrons donc lundi, je passerai te voir après le boulot?
"Après le boulot?" Alors qu'elle oublie déjà mon arrivée? Je la hais, je la hais de me faire ça à moi, comme tous les autres.
— Ouais, non, laisse tomber.
Je raccroche et je relâche mon téléphone portable, parce que sinon je vais fondre en larme, et je ne veux pas ça. C'est toujours la même chose, je suis inexistante ici. Personne ne me voit. Je ne manque à personne. J'ai même l'impression parfois que ma mort ne changerait pas grand chose. Je ne suis pas Keryan, déterminé par le monde du commerce et à aider mon père, ni Savannah, grande chieuse mais tout de même attachante parfois. Je suis Lana.
Je suis Lana, je suis jolie, et quand je ferme ma gueule, tout le monde se porte bien.
Mes yeux me brulent alors je me laisse aller à mes sanglots, personne n'est là pour me voir de toute les façons. Je les déteste tous. Je me voilais la face en disant que j'adore cette maison. Je la hais puisque je me retrouve à chaque fois très seule. Je les déteste de me faire ça.
Pleurer parfois, ça fait du bien, ça fait du bien puisque ça libère. Ca me libère de ce poids, de ce vide que je ressens en moi. Ce manque de ma maman est bien présent. Combien au fond j'envie ces personnes qui peuvent avoir une vraie discussion avec leur mère.
Une mère c'est plus important que tout au monde, c'est elle qui nous guide, qui nous apprend à grandir, et qui nous réconforte dans les moments les plus durs. Et moi, je n'ai jamais eu quelqu'un pour me guider, j'ai toujours agi comme je le voulais, sans être cadrée, et c'est pourquoi je fais toujours n'importe quoi. Parce que je ne sais pas quand il faut dire stop.
***
— Les investisseurs thailandais ont appelé, on doit examiner leur dossier dans exactement vingt minutes.
Mon père arrive enfin à table, avec Keryan, après des heures sans nouvelle. Ils sont habillés en tenue de golf, reflétant bien leur supériorité financière. Ils s'assayent autour de la table, de bonne humeur, même s'ils parlent encore travail. Travail, travail, toujours travail.
Keryan est l'assistant de mon père depuis quelques mois, alors ils passent leur temps ensemble, ils font tout de A à Z, et mon frère devient de plus en plus comme mon père.
— On a failli attendre, je rétorque d'un air pointu avec une grimace.
Ca fait trente minutes qu'on les attend pour manger, et de toute évidence, mon ventre gargouille. Mon père embrasse ma belle-mère sur les lèvres et lui fait un sourire charmeur. Beurk, c'est absolument imonde.
— Vous auriez pu me dire que vous faisiez du golf, je rétorque encore. J'aurais aimé y être conviée.
— Voyons Lana, rigole mon père. Le monde ne tourne pas autour de toi.
Bien sûr que si le monde tourne autour de moi.
Encore plus aujourd'hui alors que cela fait six mois que nous ne nous sommes pas vu. En plus il ose me sortir l'argument de ma non passion pour le golf ? Il se trompe totalement, cela m'aurait fait très plaisir d'y être conviée, de me sentir intégrée à cette famille.
— P'pa, lance Savannah. J'organise la fête du nouvel an cette année. Tu sais combien c'est important pour moi. Tu pourrais me passer la maison?
Puis ça reparle boulot. Même Savannah qui n'a que dix sept ans semble interessée, elle écoute, donne son avis, car elle semble réellement concerné par la discussion de la gente masculine. J'essaye de me concentrer sur l'aspect business dans cette famille mais je n'y arrive pas. Merde, ça ne m'intéresse en rien de bosser pour une entreprise familiale.
Je me sais égocentrique, mais est-ce normal que l'on m'adresse à peine la parole alors que l'on s'est vu il y a très longtemps? Rien ne les intrigue chez moi?
Merde je me suis fait arrêtée par les keufs, ça ne suffit même pas à les faire réagir? A voir que j'ai peut-être besoin d'aide?
Voyant que personne ne réagit, je décide de lâcher une bombe. Même si c'est très égoiste. Mais je crois que l'égoïsme est une caractéristique de notre famille...
— Papa, je suis dépendante à la drogue.
Si vous voulez plomber l'ambiance des repas de famille, n'hésitez pas à me contacter ! Tout le monde me regarde étrangement et cela crée un blanc immédiat.
— Alors contacte un psy, lâche t-il.
Ceci a le don de me refroidir. "Contacte un psy"? J'ose un rire nerveux. C'est tout? Oui, c'est une idée censée, mais il dit cela comme s'il n'en avait rien à faire. Je me racle la gorge.
— Ouais, mais t'es au courant que je me suis fait arrêtée pour possession de drogue tout de même?
Il allume une cigarette avant de me fixer.
— Ouais.
Que l'on me réveille. Il vient simplement de me dire "ouais".
— Et donc?
— C'est ta vie, répond t-il tout autant détendu.
"C'est ma vie?" Je ne peux pas retenir ce rire nerveux qui me démange la gorge.
— Tu ne m'hurle pas dessus? Nada? Ca ne t'inquiète pas?
— Oh non, il m'en faut beaucoup plus pour m'inquièter.
Il me dit ça en tirant un coup de sa cigarette, un petit sourire contre les lèvres. Dites moi que j'hallucine. C'est censé être mon père tout de même ! Mais comprennant que je ne saisis pas bien son comportement il poursuit.
— J'en ai assez de te reprendre Lana. T'es une grande fille. Tu as décidé de t'inscrire à cette sous université, UMass, université de toxicos, alors que je te tendais Harvard.
— C'est pas une université de toxico, je le reprends, un peu sur les nerfs. Tu crois qu'il y a moins de débordement à Harvard? Tu te trompes.
— Ne me coupe pas, intervient-il. T'as aussi décidé de témoigner contre moi afin que ta mère récupère une grosse partie de notre patrimoine, alors que tu n'avais pas à t'en mêler. T'as fait ton choix. Tu fais des choix, et ils ont un impact sur la suite. Alors tu assumes. Je t'accepte ici parce que tu es ma fille. Et si jamais un jour t'as les idées remises en place, c'est avec grand plaisir que je t'accueille dans l'entreprise familiale et que je te confie de hautes responsabilités. Mais pour le moment, t'as juste décidé d'être l'objet cassé de la famille, sans ambition, et qui sait, tu dois sûrement côtoyer la basse société quand j'ai le dos tourné. Mais tu sais, j'en ai rien à fiche, sache le. T'as des soucis? Alors apprend à les régler, arrête de chialer, t'es pas une gamine, tu me l'as montré au tribunal en témoignant à ma défaveur. La vie, c'est pas un compte tout rose, alors merde, arrête de chialer. Tu devrais prendre exemple sur ta soeur, ou ton frère qui malgré ses erreurs, est irréprochables aujourd'hui. Mais ne me demande de pitié de ta part, tant que tu ne feras aucun effort pour la famille. T'as encore de la chance, je ne te coupe pas les vivres. Pourtant je pourrais.
Alors là.
Je ne sais pas si ce sont les mots qui font le plus mal ou alors le fait que ça soit mon père qui me le dise. Je reste là abasourdie, à encaisser chaque mot. Se faire remonter les bretelles comme ça, à table, ce n'est pas très drôle. Et je pense que ça me blesse un peu plus puisque mon père me le dit. Pourtant, je ne peux m'empêcher de répondre.
— Irréprochable? Laisser tomber une meuf que l'on a mis enceinte c'est être irréprochable?
Keryan me fusille du regard dès lors.
— Ne remets pas ça sur le plateaux, me menace t-il.
— Pourquoi? bougonné-je. C'est la stricte vérité. Alors quoi, tant que les performances économiques sont là, vous vous en foutez des relations humaines? Vous vous rendez-compte que vous blessez des gens?
Mon père semble prendre sur lui, puisque ses poings se contractent un peu. Il demande à ma belle mère de lui tendre la salade. Ce qui chez nous veut clairement dire que la conversation est terminée.
Je cherche juste du réconfort auprès de lui, pas des mots aussi brutaux. Je comprends que je dérange, que je ne suis pas à ma place, comme d'habitude. Et ce n'est pas auprès de ma mère que je pourrais trouver mon bonheur.
Mais bordel, me sentirais-je un jour à ma place quelque part? Oui, j'ai témoigné contre mon père, mais il désirait la laisser sans un rond, du moins presque, alors qu'il lui doit beaucoup. Même si ma mère n'a jamais travaillé, c'est grâce à elle qu'ils ont construit cette image de famille parfaite et sur laquelle on peut vraiment compter. Je trouvais cela normal d'agir ainsi.
Tout cela m'a coupé l'appétit, sans rien dire, je me lève de table, après avoir fait claquer mes couverts. Et personne ne dit rien.
Ca n'a pas changé, on ne dit jamais rien ici quand quelque chose ne va pas. Et ça m'agace d'avoir perdu mon frère dans les bras de mon père. On ne s'est jamais bien entendu, mais il y avait quand même à un moment de notre vie une certaine complicité, même si l'on se chamaillait tout le temps. Là, je n'ai même plus mon frère, il devient cet espèce de monstre Givenchy.
Ainsi, je récupère mes affaires dans ma chambre, dans l'optique de m'en aller de cette baraque. Pourtant, quand je redescends l'escalier avec tous mes bagages, je constate que Shaffon se trouve au milieu du salon, et elle semble m'attendre.
— Tu t'en vas déjà?
Je lui lance un mauvais regard, comme si ce n'était pas assez clair.
— Ecoute, ton père travaille sur des projets intenses ces temps-ci, il a la tête déjà très préoccupée...
— Oui, comme d'habitude, c'est pas nouveau ça. Toujours la même excuse. Non, c'est bon, il n'en a juste rien à foutre de moi. Je suis la déception de la famille, j'ai compris.
J'avance ma valise, précipitemment, toujours très remontée, les nerfs sur le point de craquer.
— Tu as vraiment un problème avec la drogue? me demande t-elle soudainement.
— Non, je disais juste cela pour le faire réagir un peu.
Elle m'observe un moment, et ça m'agace, je n'ai pas envie d'avoir de la pitié pour cette femme.
— Si tu veux en parler n'hésite pas à m'appeler. J'ai moi même une soeur qui a vécu cela, on pourrait en discuter calmement, voir aussi une psy si tu le veux...
Je l'ignore, je n'ai pas réellement envie d'écouter sa proposition. J'attrape mon sac à main et mon chapeau dès lors.
— Tu pars où ? enchaine t-elle, pas très rassurée.
— Loin de vous.
Elle a le temps de m'attraper le bras, de main ferme.
— Il est vingt et une heure. Je ne vais pas te laisser partir, seule, sans savoir où tu vas.
Je ne sais pas pourquoi, mais même si elle se veut gentille, ce n'est pas son attention que je recherche, et je me méfie encore trop d'elle, pour la penser réellement si gentille.
— Laisse moi tranquille, t'es pas ma mère.
Je sais que ça la vexe énormément d'entendre ça. Pourtant, elle prend sur elle. Elle rajuste l'une de ses mèches à cheveux avant de me tendre une carte.
— Ecoute prends au moins ça. Même si tu ne veux pas de mon aide, accepte celle de cette psy. Elle est fantastique. Alors quand tu es prête appelle la, quand t'es au bord du rouleau, appelle là.
J'observe sa main mal manucurée et je me fais hésitante. J'arrive pas, je n'arrive pas à lui faire confiance.
— Prends là.
Une voix dans mon dos raisonne, il s'agit de Keryan. Il est debout les bras croisés, je ne savais pas qu'il nous observait. Ca me prend de court de le voir s'inquiéter pour moi pour une fois. Enfin, il ne me le montre pas, mais je sais qu'il le pense.
Je l'observe, et j'attends un autre mouvement de sa part, j'attends qu'il me demande de rester, ou je ne sais quoi, qu'il me retienne au moins. Sa parole pourrait me faire arrêter les conneries sur le moment.
J'attrape la carte et je la fourre dans ma poche. Mais j'attends encore, j'attends qu'il prononce quelque chose pour me retenir. Il me fixe, et je le fixe. Il reste rigide dans son attitude, et je me demande quand va t-il enfin parler.
Pourtant, il tourne la tête, il évite mon regard.
— Prends soin de toi.
Et il tourne le dos.
"Prends soin de toi". Ca pourrait me réconforter, à n'importe quel autre moment que celui là. Cette expression est tellement vague. J'ai l'impression que cela signifie plus un " dégage" doux qu'autre chose. En aucun cas ça ne ressemble à un "reste là, je vais t'aider", mais plutôt à un " dégage trouve des gens pour t'aider".
La déception est si grande que j'ai l'impression que mon coeur se brise. Je n'ose pas affronter le regard de ma belle mère. Je me souviens donc bien pourquoi j'ai cette peur d'être seule, parce que je ne peux pas compter sur les membres principaux de ma famille. Alors je voulais bâtir une autre famille à Boston, c'est pourquoi je cherchais à atteindre celle d'Alan. Avoir de l'importance ça me permet d'oublier combien, je suis seule chez moi? Ca me permet d'oublier que toutes ces personnes moins populaires que moi, peuvent elles, compter sur des personnes qui les aime vraiment. Je sais que si j'essaye de blesser ces gens c'est par pure vengeance, vengeance parce que je veux qu'ils comprennent ce que ça fait d'être seuls parfois, je ne veux pas être la seule à le vivre.
Et oui, c'est ignoble de ma part. Mais je suis humaine, il n'y a pas de guide qui peut m'expliquer "comment tout gérer quand on ne sait plus où on en est."
Et je comprends soudain combien la route doit être dure pour les petits orphelins, les personnes qui ont des parents disparus. Comment font-ils pour tout gérer alors qu'eux aussi ils se sentent seuls? Je n'ai pas perdu ma maman dans un accident jeune, ni mon papa, mais j'ai perdu tout de même leur présence humaine. Alors ça me rend inhumaine... Et certains peuvent sûrement se trouver dans mon cas alors qu'ils n'ont pas perdu physiquement leurs parents. Mais il y a toujours une période de notre vie où l'on se sent incompris, ou rejetés, perdus.
Alors aujourd'hui, j'envoie toutes mes prières à ces enfants là, qui eux aussi se sentent perdus, qui pleurent parce qu'ils ne savent pas comment combler ce vide, car je suis à peu près convaincue qu'un jour, on s'en sortira.
****
YO
VOILI VOILOU , je voulais vraiment poser le cadre sur la situation de Lana, niveau famille. Ca me tenait à coeur d'aborder ce vide qu'elle ressent face à sa famille. J'ai reçu beaucoup de messages très profonds, et noirs de lecteurs qui me comptaient aussi à quel point ils se sentaient seuls dans leur famille, et je pense très fort à vous. Lana vous accompagnera.
Alors votre avis sur ce chapitre?
Des idées pour la suite?
Chapitre un peu moins déprim ça vous tente haha?
Mon insta: yona_jmt
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