Mail n°2
De : kanesuzuki@...
À : hanasuzuki@...
Objet : une pluie de fleurs et de souvenirs...
Tant que je n'aurais pas vu les premières lueurs du printemps, je ne quitterais pas le pays du soleil levant. Je veux être spectateur de l'éclosion des fleurs de cerisiers, et quand bien même mes talents de photographes ont le malheur de ne pas égaler ceux d'Hinata, je ferai de mon mieux pour prendre en cliché ces fleurs que tu affectionnes tant.
Tu sais, j'ai toujours été admiratif et envieux lorsque tu me parlais de tes vacances au Japon. Malheureusement, toi et moi, on y allait pas souvent en même temps. Mais je pouvais compter sur ta voix pour me transporter. Oui, ta voix avait le pouvoir exceptionnel de me donner un magnifique aperçu de tout ce que tu me décrivais avec tant de passion. Des fleurs, des paysages, en passant par de somptueux monuments...
Un jour, tu m'avais dit que t'étais triste de ne pas avoir l'occasion de vivre le hanami, une coutume traditionnelle dans laquelle tous se réunissent pour avoir le privilège de contempler un sublime spectacle naturel qui n'est autre que la floraison des Sakuras. L'éclosion de ces fleurs a pour habitude de débuter en fin mars, soit, quelques jours après la rentrée. Et malheureusement, toutes les années à cet instant, on est loin du Japon. T'avais bien souligné le fait que c'était frustrant d'être prisonnière sur un banc d'école lorsqu'on savait que la nature donnait à voir le sommet de sa beauté à des kilomètres de nous.
Un soir, Hinata, Kaito et toi m'aviez montré les photographies envoyé directement par tonton Mitsuki. À cet instant, je me souviens que ton regard avait été illuminé par une braise d'émerveillement. C'était comme si tu avais été délestée de toute la peine et la colère que tu avais pour habitude de traîner derrière toi.
J'avais été doublement surpris par la douce expression qui s'était dessinée sur vos traits, parce que je me souviens que ce jour-là j'étais venu chez toi car grand-mère était morte, et ton père allait partir au Japon pour deux semaines. Et quelle ne fut l'étendue de ma surprise quand Minho m'avait annoncé tout ça. C'est vrai, je pensais que nul excepté moi ne savait pourquoi tu ne t'étais pas présentée au lycée depuis deux jours. Tu ne répondais à aucun message, et encore moins aux appels. Puis une après-midi, alors que je mangeais avec les garçons, ton voisin m'avait demandé si j'allais venir chez toi. J'avais répondu positivement et il s'était empressé de me faire remarquer qu'on allait sans doute se croiser.
Ce jour-là, tellement de choses m'avaient intrigué puis surpris. Depuis qu'on se connaissait tu m'avais fait comprendre que mon pote Minho était l'une des personnes que tu détestais le plus. Pourtant, dès qu'il avait passé le seuil de votre porte, vous vous étiez regardés avec une profondeur qui m'avait chamboulé. Je ne sais pas, c'était comme si vos pupilles avaient fusionné et que vos esprits communiquaient en silence. Vous ne vous étiez dits aucun mot pendant une heure. J'étais mal à l'aise, j'avais la désagréable impression qu'on formait un trio étrange. Bloqué entre vous deux, je parlais en tentant avec peine de combler les moments de blanc, et mon cœur soufflait de soulagement à chaque fois qu'Hinata et Kaito brisaient le silence par le biais de leurs voix enfantines. Vous n'aviez pas l'air tristes. Mais quelques minutes avant le départ de ton père, ton petit-frère avait fondu en larmes.
Tout laissait à penser que cette soirée allait crouler sous le poids de la tristesse. Mais tu sais quoi Hana ? Je crois que je suis véritablement heureux qu'on ait passé cet instant entre Suzuki. Minho et ses parents étaient partis, mais ta mère m'avait dit que je pouvais rester pour le dîner. Au milieu de la soirée, Kaito s'était blotti contre moi, Hinata s'était endormie sur les genoux de ta maman et nous, on avait discuté de plusieurs choses. Il n'y a que avec toi que je peux me perdre dans des discussions sans fin qui ont pour finalité de percer les secrets de l'univers. Cette nuit-là, on avait parlé de la mort. Tu m'avais dit que les corps étaient destinés à s'éteindre, mais que les âmes, elles, demeuraient éternelles. C'est pour ça que tu as toujours méprisé les critères de beauté qui régissent notre société, que tu soupires quand je te parle de vêtements et d'astuces beauté, ou encore, que tu deviens virulente quand Hinata te demande si elle peut te maquiller. Pour toi, à l'instar des sakuras qui finissent emportées par le vent, la beauté physique est vouée à s'évaporer tandis que l'âme ne connait aucune fin.
Quand j'avais enfin osé te demander comment tu te sentais, tu m'avais répondu par un simple mot. Deux syllabes qui m'avaient fait frissonné. J'étais rentré à vingt-deux heures et demi, maman m'avait grondé - pas beaucoup en fait, parce que j'étais quand même chez toi - en me faisant remarquer que j'avais un peu abusé, et qu'on était en période de deuil. Mais je n'entendais rien de ce qu'elle disait, et le soir dans mon lit, comme toi, je me sentais grandi.
De la part d'un ami qui te sera éternellement reconnaissant,
Kane.
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