2 - I think I'm gonna lose my mind
Dédié à une petite Plume, pour tout l'amour qu'elle offre à Hana.
2 - I think I'm gonna lose my mind
| HANA |
Dès qu'elle eut fini son Macchiato et révisé un dernier cours de sciences de l'ingénieur, Hana s'empressa de quitter le bar où elle était restée pendant environ une heure. C'était le moment pour elle de rentrer à la maison, et surtout, d'appeler Kane. Elle fut à peine sortie qu'un air presque printanier s'empressa de souffler sur ses joues, de soulever sa chevelure blonde avant de malmener les pans de sa vieille veste en jeans. Les rayons dorés du soleil enflammaient cette nappe azurée qu'était le ciel avant d'effleurer chaque pigment de sa peau hâlée.
Séoul était envahie par des murmures de vie, parce que les premières lueurs annonciatrices d'un beau temps avaient le don d'extirper tout le monde des logis surchauffés. L'hiver n'était pas encore parti, mais le printemps s'amusait d'ores et déjà à pointer le bout de son nez, rappelant ainsi la venue imminente des festivals mais aussi l'arrivée d'un événement annuel qui n'était pas des plus amusants : la rentrée.
Fichue rentrée.
Pour une raison qu'elle n'aurait su nommer, la fausse blonde avait un mauvais pressentiment. Pourtant, elle avait tenté en vain de dédramatiser et de chasser les ondes pessimistes qui avaient pour habitude de circuler en elle. Mais très vite, elle s'était retrouvée face à un échec fracassant. Puis, la terrible nouvelle qu'elle avait appris il y a deux jours et qui s'était confirmée la veille, ne contribuait pas du tout à améliorer les choses.
Lorsque sa mère lui avait annoncé qu'ils étaient conviés à passer une soirée au sein même de la nouvelle somptueuse maison des Wang, un "biiip" sonore assourdissant s'était enclenché dans le cerveau de la jeune femme. Alors qu'elle avait très vite tenté de se rassurer en se soufflant que ce n'était qu'une blague horrible, sa mère avait tranquillement poursuivi ses propos.
Elle avait donc annoncé qu'après avoir passé plus de cinq mois à Hong-Kong pour faire le deuil de son mari en compagnie de son fils Shin, et du demi-frère de celui-ci, Madame Wang avait décrété qu'il était temps de rentrer à Séoul. Et l'une des raisons d'un tel choix n'était autre que la suivante : il fallait que son fils unique puisse reprendre ses études pour ainsi être en mesure de se placer à la tête de l'entreprise fondée par son père, ce dernier étant décédé à la suite d'un accident. A peine rentrée à Séoul, cette chère Madame Wang aurait d'emblée été animée par l'envie irrépressible de revoir cette bonne personne qu'était Kaori Suzuki, la mère d'Hana, mais aussi la femme de ménage de cette richissime famille coréenne. Puis, il fallait que Shin se décide enfin à posséder de nouveau une vie sociale. Et quoi de mieux pour cela, que de le faire revoir Hana, Hinata et Kaito, soit, cette belle petite fratrie Suzuki qu'il avait pris un malin plaisir à mépriser pendant une bonne partie de son existence ?
Alors que pour Hana il avait été clair qu'il fallait refuser cette proposition, tous les autres membres de sa famille lui avaient semblé complètement indifférents à cela. Sa mère avait annoncé cette nouvelle en regardant une énième vidéo de pâtisserie, Hinata avait poursuivi sa lecture du tome dix-huit de Shingeki No Kyojin, et Kaito, affalé sur le canapé avec les paupières à moitié fermées, n'avait même pas bougé d'un pouce. La blonde se souvenait parfaitement du regard outré qui s'était dessiné sur ses propres traits. Elle avait ouvert la bouche, prête à faire entendre son désaccord, mais très vite, elle s'était ravisée avant de souffler un bon coup et de se réfugier entre les quatre murs de sa chambre.
Pendant les deux jours qui suivirent, tout le monde semblait avoir oublié le dîner auquel ils avaient été conviés. Par ailleurs, ce fut seulement lundi que Kaori avait réalisé qu'elle serait dans l'incapacité de veiller sur les chats de Madame Lee le mardi soir.
Hana était agacée, elle ruminait. Une ribambelle de questions la turlupinaient. Pourquoi ? Qu'allait-elle dire ? Qu'allait-elle faire ? Puis, comment devait-elle s'habiller ? Et c'était souvent durant ce genre de moment où elle avait la claire impression que plus rien n'allait, que ce Lee Minho décidait de partager sa musique horripilante avec tout le quartier.
Pour elle il était clair que la seule personne qui serait en mesure de la comprendre n'était autre que Kane. Elle avait attendu cet appel avec impatience. La jeune femme profita de l'attente du feu rouge pour extirper son téléphone, ouvrir une application et appeler son ami. Au bout de deux sonneries, une voix masculine, teintée d'un soupçon de panique - et aussi de joie ? - se fit entendre depuis l'appareil.
— Hana ? Je t'ai appelée vingt fois hier et avant-hier ! Je t'ai écrit six-cent mille messages, je t'ai envoyée mon sourire en photo, et même des clichés du Japon, et toi, tu m'as laissé des vues ?
La voix de Kane eut sur elle un effet immédiat. Elle plaqua une main contre sa bouche pour contenir le fou rire qui menaçait de s'échapper de ses lèvres, tout en jetant de furtifs coups d'œil autour d'elle avant de traverser.
— Hana ?
— Attend laisse-moi en caser une, non ? répondit-elle avec un semblant de sourire visible sur son visage. Bon d'abord, je suis complètement noyée sous mes révisions. Ensuite, c'est la merde. Mais vraiment, la merde. Je suis dans une...
— Qu'est-ce qui se passe ? la coupa son ami.
Elle soupira puis se prépara à déballer tout ce qui tournoyait dans son cerveau.
— Alors, y a pas longtemps Shin Wang est rentré de Hong-Kong avec sa mère. J'entendais maman discuter au téléphone avec une femme, mais je m'en foutais. Je faisais pas tellement attention à ce qu'elles pouvaient se raconter, j'étais persuadée qu'elles discutaient de boulot. Puis, elle raccroche, le temps passe, et à un moment comme ça elle nous lâche une bombe.
Plongée dans la narration de son récit, Hana s'arrêta quelques secondes pour être sûre que son interlocuteur ne manquerait aucun des mots qu'elle était sur le point de prononcer.
— Elle a dit quoi ? s'enquit son ami.
— On va manger chez eux demain soir.
— C'est une blague ?
— J'en fais souvent des blagues ?
Un silence s'installa, Hana changea de trottoir, elle passa près de la boulangerie et elle croisa au loin la supérette tenue par son propre père.
— Non, répondit Kane. Ok, je suis vraiment navré pour toi. Ce sera une véritable galère ! Tu vas devoir manger avec ce type, mais quelle blague ! Un repas ça se partage pas avec n'importe qui. Bon, je conçois qu'on ne sait pas ce qu'il est devenu depuis l'incendie et la mort de son père, mais ça efface pas la misère qu'il t'a fait subir auparavant.
Il avait totalement raison. Hana hocha la tête quand bien même il n'était pas en mesure de la voir. Elle poussa l'immense porte du bâtiment principal avant de s'engouffrer à l'intérieur et de monter ces escaliers auxquels elle était tant habituée.
— Mais le pire, c'est que j'ai l'impression que tout le monde s'en fout. Personne n'a bronché. Je vais encore me faire passer pour la méchante si je refuse d'y aller, puis, si Hinata et Kaito y vont je suis obligée de les suivre. Il est hors de question que je les laisse seuls avec ce loup.
— À mon avis, il n'osera pas avoir une attitude prétentieuse si tes parents et sa mère sont présents dans la salle.
La blonde traversa une longue coursive et elle se trouva enfin face à la porte de l'appartement dans lequel vivait la famille Suzuki.
— On n'a plus dix ans Kane, dit-elle avec amertume. Parents ou pas, si Shin veut nous ridiculiser, il ne va pas se retenir. Mais bon, je me dis que dans tout ça il y a un point positif : on est les seuls invités. Donc s'il veut faire le malin je n'attendrai pas qu'il lance une insulte pour l'incendier. Et non, je voulais pas faire un mauvais jeu de mots.
Kane explosa de rire pendant que Hana levait les yeux au ciel. En croisant le regard inquisiteur de sa mère qui se demandait sans aucun doute à quel moment sa fille était rentrée, et surtout, avec qui elle pouvait bien discuter, elle s'empressa de prononcer la phrase suivante :
— C'est ton neveu.
— Kane ? Fais lui plein de bisous de ma part ! Alors, c'est comment le Japon ?
— Dis-lui que c'est génial ! répondit le concerné, laissant ainsi comprendre qu'il avait tout entendu.
— C'est génial, répéta Hana. Enfin bref, je disais...
Rapidement, elle se dirigea vers sa chambre avant de s'y enfermer. Hinata n'était pas encore rentrée, elle devait sans aucun doute être occupée à réviser dans cet endroit suffocant qu'était la bibliothèque. L'étudiante retira ses Doc Martens avant de se laisser tomber sur son lit.
— Tu disais ? reprit Kane.
— Pourquoi est-ce qu'elle nous a invité sérieux ? On n'est pas du tout du même monde. Puis depuis quand est-ce qu'elle est pote avec maman ?
—Tu sais, ils ont vécu quelque chose d'assez traumatisant. S'ils ont quitté Séoul pendant un moment c'est sûrement pour s'éloigner de tout cet univers oppressif qui les entourait, expliqua son cousin. Je suis sûr que c'est pas facile de faire la une des journaux après un tel accident. Du coup, je pense que sa mère éprouve le besoin d'avoir la compagnie de personnes sympas, qui n'ont rien à voir avec tout ce qu'elle a pu vivre jusqu'à maintenant. Ça ne t'est jamais arrivée de vouloir prendre un nouveau départ et de mettre de la distance avec certaines personnes de ton passé, pour te rapprocher de d'autres qui t'ont toujours parue plus intéressantes ?
— Si, je vois absolument ce que tu veux dire.
Parfois, Hana se demandait pourquoi certaines personnes telles que Kane avaient la sublime capacité de trouver les mots qui sauraient adoucir n'importe quelle situation. Désormais, elle se sentait sujette à de nouvelles émotions. Stress et appréhension la rongeaient toujours, mais cette fois-ci, ils étaient beaucoup moins influents qu'il y a quelques temps.
— J'ai récupéré le butin hier, lança-t-elle pour changer de sujet.
— Ah mais oui, papa m'a dit que t'étais passée. Hana, t'es la meilleure. T'as lancé un coup d'œil au contenu ?
— Non, je voulais t'attendre pour inaugurer ça ! s'exclama-t-elle tout en se levant pour attraper le sac à dos qu'elle avait balancé au dessus de son placard. Voyons voir ce qu'il y a...
— Tu vas être surprise, et je pense que tu ne devineras jamais ce qui appartient à Minho.
— Raaah, ne prononce même pas le nom de ce type, râla-t-elle tout en ouvrant le sac à dos sombre de son ami.
Ses yeux s'écarquillèrent aussitôt et elle se retint d'exploser de rire. En réalité, Hana avait d'emblée reconnu le petit objet qui appartenait à Minho.
— Ah au fait ! s'exclama son cousin. J'ai écrit une lettre pour chacun d'eux, tu penses que tu pourras jouer les facteurs ?
La glisser dans un sac entrouvert, la déposer sur un bureau, la faufiler entre deux pages d'un roman... Pour Hana, il y avait mille et une façons de transmettre une lettre.
— Mais oui bien-sûr, pas de soucis Caporal.
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GONE DAYS
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— On va vraiment manger chez les Wang demain ? demanda la blonde.
Le père d'Hana déposa sur la table les assiettes que lui tendait sa fille, avant de répondre positivement.
— Oui, pourquoi ?
— Parce que j'ai l'impression que tout le monde s'en fout..., soupira-t-elle.
Ce fut pile à cet instant que sa sœur fit son entrée dans la salle de séjour.
— Hana, ne sois pas pessimiste. Shin a sans aucun doute énormément changé.
Ces mots à peine prononcés, Hinata se mit à verser de l'eau à l'intérieur de tous les verres qu'elle voyait sous ses yeux. Hana lança un coup d'œil en sa direction et elle put constater que sa petite sœur de dix huit ans était toujours munie de cette délicatesse qui lui était si propre.
— Je suis d'accord ! s'exclama Kai sorti de nulle part. Ça serait vraiment pas cool de ne pas accepter leur invitation, j'imagine qu'ils doivent se sentir... Seuls ? Bon on mange quoi ? J'ai la dalle.
— Moi je trouve que c'est pas net, conclut l'aînée de la fratrie avant de repartir en direction de la cuisine.
Elle attrapa la marmite contenant les pâtes encore chaudes qu'elle avait préparé il y a quelques minutes. Par le biais de son autre main, elle s'empara de la poêle contenant la sauce tomate parsemée de viandes. Tout en avançant en direction de la table, elle se mit à prier pour que sa maladresse ne fasse pas des siennes. Lorsqu'elle servit chaque membre de sa famille, sa mère fit enfin son apparition et prit place à quelques centimètres de son mari.
— Tiens Hana, tu manges avec nous cette après-midi ? s'étonna-t-elle.
— J'en ai plus que marre des révisions, j'ai besoin de faire un break d'au moins trente minutes, soupira la blonde.
— Arrête de te surmener comme ça, s'empressa de lui faire remarquer sa mère.
— Je n'ai pas le choix. Ou du moins, c'est l'impression que j'ai.
Un léger silence s'installa au sein de la pièce. Intérieurement, chacun remercia Dieu de leur avoir accordé un toit et un repas. Puis, le bruit lointain de la télévision dut coexister avec le tintement des couverts qui s'entrechoquaient contre les assiettes blanches.
— Je vous avoue que j'ignore totalement quelle attitude avoir demain, dit Hinata en passant l'une de ses mèches brunes derrière son oreille.
— Contente-toi de rester gentille et polie, ça devrait le faire, lui répondit sa mère.
— On va devoir se mettre sur notre trente et un ? s'enquit Kaito en fronçant les sourcils.
Hana regarda le garçon de quinze ans, attrapa un morceau de mouchoir, et guidée par un élan de tendresse parsemé de quelques nuances de rudesse, elle retira en quelques mouvements vifs les tâches rouges qui s'étaient déposées sur l'une des commissures des lèvres de son petit-frère. Quand bien même ce gamin grandissait trop vite, elle était dans l'incapacité de le traiter comme s'il avait plus de cinq ans.
— T'abuses Hana, soupira-t-il en détournant la tête.
— Habillez-vous normalement, lança Kaori qui répondait à la question de son fils, mais ne venez pas en sweat.
Peut-être que ce fut inconsciemment que son regard bascula en direction de sa fille aînée.
— Hana arrête de faire cette tête d'enterrement à chaque fois que l'on t'annonce que tu vas devoir aller chez quelqu'un, lui fit remarquer son père.
— Mais cette fois-ci, on parle quand même des Wang. Je n'ai jamais eu pour habitude de les porter dans mon cœur. Et puis, ce sera vraiment... Bizarre.
— Shin a changé, s'empressa de dire sa mère. Il a quand même perdu son père, en plus d'avoir été brûlé. Alors si tu peux être sûre d'une chose c'est qu'il n'est plus le même qu'auparavant.
La jeune blonde dut faire un effort remarquable pour ne pas rouler des yeux devant la femme qui l'avait éduquée. Elle commençait à comprendre ce qu'il se passait. Tous les membres de sa famille éprouvaient de la pitié envers les Wang.
— Bon..., soupira-t-elle tout en réduisant en miettes un morceau de pain qu'elle tenait entre ses mains. Je vais essayer de vous croire et me dire que ce type est devenu aussi sympa que Winnie l'ourson.
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GONE DAYS
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