15 - Midnight memories


15 - Midnight memories 

| SEUNGMIN |


Jeudi 12 mars 

J'ai conscience que ce n'est pas très sérieux de ma part d'être assis sur un banc d'école et de griffonner des phrases sur un vieux cahier de brouillon. Mais pour ma défense, le cours de biochimie n'a pas encore commencé, puis crois-moi, là je dois vraiment écrire, c'est une nécessité. Ça y est, je commence déjà à faire preuve de folie : je m'adresse à toi comme si tu étais un être humain en mesure de m'écouter. 


Ce matin, pendant que j'étais en train de savourer mes œufs au plat, maman m'a annoncé que grand-père avait l'alzheimer. J'avais des doutes, mais voilà, je passais mon temps à me voiler la face. J'crois que j'ai tout simplement du mal à accepter le fait que papi va sûrement oublier mon prénom d'ici un certain temps. 


C'est honteux pour un étudiant en médecine, mais je ne connais pas grands choses sur l'alzheimer. Peut-être que je devrais prendre mon courage à deux mains et me décider à en parler avec papa. Il ne s'est pas spécialisé dans l'étude de cette démence, mais en tant que chirurgien il doit quand même avoir quelques bases. Ça va sans aucun doute être bizarre pour lui d'évoquer la maladie dont est victime le père de la femme qu'il a épousé. Je me demande depuis quand maman le sait, et j'avoue que je me demande aussi si elle a pleuré. Personnellement, aucune larme ne s'est encore écoulée de mes yeux. Je pense que c'est parce que je n'ai pas eu le temps d'être seul. J'ai appris la nouvelle quelques minutes avant de prendre mon vélo et de pédaler jusqu'à la fac. Actuellement, j'entends des gens discuter autour de moi. Je pense que je suis beaucoup trop pudique et discret pour oser pleurer devant tout le monde. 


C'est parce que papi a l'alzheimer que j'ai décidé de te prendre comme confident. En fait, je veux faire ma vie avec toi. Cette phrase est tellement bizarre, et on pourrait presque croire que je suis en train de m'adresser à une personne qui aurait su faire chavirer mon cœur. Enfin bref, peu importe. Je veux écrire sur tes vieilles pages toutes les informations capitales de mon existence - à l'exception du code de ma carte bleue - comme ça, si jamais un jour je venais à oublier les choses, je t'aurais toujours auprès de moi pour me faire des petites piqûres de rappel. 


Procédons donc à des présentations basiques. Je m'appelle Kim Seungmin, j'ai dix-neuf ans, et je suis en première année de médecine à l'Université nationale de Séoul.


Mon père est chirurgien, ma mère est avocate. J'ai une grande-sœur de vingt-sept ans à qui j'adresse la parole deux fois par semaine. Je vis à Séoul, en Corée du Sud. Je pratique du basket-ball, et j'ai aussi fait du baseball. J'ai eu la chance de vivre un séjour linguistique de quatre mois à Los Angeles. J'aime bien chanter en secret.


Je pense que je vais m'arrêter là. Ce ne serait pas malin de mettre trop d'informations en un seul coup, je risque de désorienter le "moi du futur". 


C'est drôle de se dire que j'ai un journal intime. 


Un garçon un peu paumé, qui a peur d'oublier, 


Seungmin



Le cours de biochimie n'avait pas été très difficile et Seungmin s'en réjouissait. Ayant vécu une dernière année de lycée très éprouvante, le jeune homme savourait pleinement cette liberté qu'il avait enfin obtenu en décrochant une place précieuse dans l'une des universités les plus prestigieuses du pays. Muni de son sac à dos, le garçon aux cheveux châtains alla récupérer son vélo, prêt à rentrer chez lui.


Toute sa fin de journée était déjà programmée. Il comptait réviser avant de manger, lire un peu et dormir. 


Près des alentours de l'université, il repéra Changbin et Felix. Pendant quelques secondes il fut tenté de pédaler sans leur accorder un regard de plus, mais pour une raison qu'il n'aurait su nommer, ses lèvres esquissèrent un léger sourire que Felix seul lui rendit. Bien qu'il était curieux de savoir comment s'était passée la rentrée du faux blond, il n'osa pas avancer en sa direction et encore moins lui adresser la parole. 


Alors, Seungmin se contenta de pédaler et de s'immerger complètement au beau milieu des rues de Séoul. Cela le rassurait de sentir le vent rafraîchir sa peau et malmener sa chevelure. Il aimait entendre le grouillement de la ville, les voix qui se surperposaient, le bruit des voitures qui roulaient. Tout ça lui donnait l'impression d'être vivant, et ça avait également le don de le rassurer. Seungmin aimait bien se rappeler qu'il n'était ni plus ni moins qu'un simple garçon ordinaire, et que son existence n'était pas plus spéciale que celle d'un autre. Dans le fond, il n'était pas très exigeant. Tout ce qu'il désirait c'était de mener une vie simple, tranquille et bien organisée. Ne pas décevoir ses parents et avoir un bon poste dans le domaine médical étaient ses deux priorités. 


Lorsque le jeune homme rentra chez lui il ne fut pas surpris de constater que la maison était vide. Il se déchaussa, alla ranger ses affaires dans sa chambre et se dirigea vers la cuisine pour se confectionner un petit goûter léger. Il attrapa une pomme avant de se lancer dans la préparation rapide d'un œuf au plat. 


Il se mit à manger, seul, dans le plus grand des silences. Depuis la cuisine, il était en mesure d'entendre le "tic-tac" de cette belle horloge murale qui prônait dans la salle de séjour. Après son goûter, il monta dans sa chambre et se plongea aussitôt dans son dernier cours de biochimie. 


S'étant concentré pendant une heure il ne put empêcher sa tête de se poser tout doucement en face de son ordinateur ouvert. Ses paupières se fermèrent et lentement, il se laissa sombrer dans un doux sommeil.

 

____

GONE DAYS 

____



Noyé dans l'obscurité, il était essoufflé, épuisé. Les battements de son cœur étaient si incontrôlables qu'il crut être sur le point de s'évanouir. Une chaleur horrible consumait chaque parcelle de sa peau et sa gorge était sujette à une sécheresse sévère. Malgré son état, il entendait avec clarté le souffle saccadé de chacun de ses camarades. Jeongin sanglotait. 


La nuit les engloutissait et l'obscurité dissimulait leurs visages effrayés. 


— Qu'est-ce qu'on fait ? demanda une voix désincarnée et éteinte. 

— Je sais pas Minho, je sais pas..., balbutia Jisung. 


Ils étaient seuls, abandonnés dans un coin de rue. Il était minuit. Ou peut-être plus. Il n'osait même pas imaginer l'état dans lequel se mettraient ses parents s'ils venaient à apprendre dans quelle situation il s'était plongé. Il aurait donné n'importe quoi pour être au chaud, dans son lit, les yeux fermés. 


— Un, deux, trois... 


Seungmin lança un regard interloqué en direction de Chan. Ce dernier se dressait en face d'eux et murmurait des paroles basses et inaudibles. 


— Un, deux, trois, quatre... Jisung, Hyunjin, Seungmin, Minho... 

— Felix, dit Changbin d'une voix forte. Oh bordel... 

— Il manque Felix, paniqua Chan. 


Seungmin sentit son cœur louper un battement. Chaque membre de son corps se mirent à trembler. Ses tympans sifflaient tellement qu'il fut dans l'incapacité d'entendre avec clarté les paroles que prononçaient Changbin. 

Soudain, sans même qu'il ne sache comment, ses lèvres sèches s'ouvrirent et il hurla la phrase suivante : 


— Je vais le chercher ! 


Il n'écouta pas les protestations de Chan et encore moins les cris de Changbin qui lui demandait de l'attendre. Un courage insoupçonné le guida dans ces rues nocturnes éclairées par la pleine lune, les lampadaires et les rares commerces encore ouverts. Il avançait, il courait. Il effectuait de nouveau ce chemin qu'il avait fait il y a quelques minutes, lorsqu'il pensait que Felix était en train de le suivre. 


— J'crois qu'il a fait une connerie, grogna Changbin. 

— On va le retrouver, chuchota Seungmin. 


Quand bien même il venait de prononcer des paroles optimistes, en son for intérieur, le plus jeune était forcé de s'avouer qu'il pensait lui aussi que Felix avait décidé de rester là-bas. 


Les deux garçons continuèrent à déambuler dans les rues, Seungmin chuchotait le prénom de leur ami en espèrant que ce dernier finirait par se montrer. La peur le dévorait. Il n'avait jamais erré dehors à une heure aussi tardive. 


Derrière lui, Changbin reniflait. Leurs pas étaient de moins en moins rapides. Le jeune homme aux cheveux châtains ne pouvait s'empêcher de se sentir responsable de la disparition de Felix. Il avait couru sans se retourner, persuadé que ce dernier était en train de le suivre. 


— À quel moment on l'a perdu ? pensa-t-il à haute voix. 


À cet instant, Seungmin entendit de fortes vibrations en provenance du téléphone de Changbin. Ce dernier s'empressa de décrocher et à l'entente des propos qu'il adressa à son interlocuteur, le plus jeune sentit son cœur souffler de soulagement. 

Ils ne perdirent pas une seule seconde pour rejoindre Felix. Celui-ci les attendait près de la devanture d'un restaurant, une capuche sombre abaissée jusqu'à ses yeux et les mains fourrées dans les poches de son sweatshirt noir. Dès qu'il l'aperçut, Seungmin s'élança en sa direction avant de le serrer contre lui. Il ferma fort les yeux, se faisant ainsi violence pour refouler ses sanglots. Son ami lui rendit son étreinte avec une certaine retenue qui ne lui était pas habituelle. Cependant, très vite, il esquissa un léger sourire avant de laisser échapper un petit soupir. 


— Qu'est-ce que t'as fait imbécile ? lança Changbin en l'attrapant par le bras. Tu trouvais qu'on n'était pas assez dans la merde comme ça ? 

— Non, c'est juste que..., commença-t-il.

 

Il baissa les yeux. 

— Je voulais vous suivre, mais j'ai cru voir une silhouette au loin, commença-t-il. Puis... 

— Et alors ? s'étonna Changbin. Au bout d'un certain moment il y avait énormément de gens dans les alentours, je...

— Mais je suis sûre qu'elle nous fixait. Alors quand on s'est séparés avant de s'éloigner à grande vitesse, moi, j'ai préféré...



Seungmin se réveilla en sursaut en entendant une voix féminine prononcer son nom. Il ne put s'empêcher d'effectuer un mouvement de recul lorsqu'il sentit une main se poser sur son épaule. Mais très vite, il reconnut le contact délicat de sa mère, et son corps entier se détendit. 


— Tu t'es endormi devant tes cours ? dit-elle en un rire. On dirait que t'as de la fièvre... 

— T'es rentrée depuis combien de temps ? demanda-t-il en se frottant les yeux. 

— Depuis dix minutes à peu près, lui répondit sa mère tout en essayant tant bien que mal d'arranger sa chevelure indisciplinée. Tu m'as l'air complètement épuisé, j'espère que tu n'es pas malade. 


Le garçon décida de se lever de sa chaise avant de prendre la peine de s'étirer. La tête penchée sur le côté, sa mère le scrutait avec un mélange d'inquiétude et de curiosité. À la vue de son regard, Seungmin pensa aussitôt à son papi, mais il se retint de prononcer la moindre parole sur lui. 


— Non, t'inquiètes pas je ne suis pas malade. J'ai juste fait un mauvais cauchemar. 


Ce qu'il disait était faux. Des aspects de ce cauchemar étaient très proches de certains moments qu'il avait vécu dans la réalité. 


— D'accord, je vois. Il me semble que t'en fais souvent ces derniers temps. Je sais que je suis la première à te dire qu'il est très important de travailler dur, fit remarquer sa mère en ordonnant les affaires qu'il avait un peu éparpillé sur son bureau, mais je pense que tu devrais quand même te reposer un peu. 


Sur ces mots, elle lui adressa un joli sourire que Seungmin ne pensait pas mériter. Puis elle quitta la chambre de son fils en refermant la porte derrière elle avec douceur. Le garçon s'empressa de reprendre place en face de son ordinateur, déterminé à oublier ce mauvais souvenir qui l'avait suivi jusque dans les tréfonds de son sommeil. Oublier. Oui, il y avait certaines choses que Seungmin voulait oublier. 




Petit chapitre dédié à Tsuki_Kuro_ qui aime particulièrement le personnage de Seungmin :)

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