12 - Soonie


12 - Soonie


| MINHO |


L'université nationale de Séoul était en train de vivre un de ces moments les plus historiques. Après avoir été absent pendant environ six mois, Shin Wang venait enfin de refaire son apparition. Son nom était pratiquement sur toutes les lèvres, au grand désarroi de Minho. C'était spécialement pour ça qu'en cette deuxième journée de cours, il avait décidé de n'adresser la parole à personne, jugeant qu'il était préférable de rester un peu éloigné de tout cet univers qui l'entourait. La veille, après avoir eu vent de cette rumeur horrible qui tournait autour de Hyunjin, il avait décrété que parfois il était préférable de se tenir à l'écart de cette foule d'individus qu'était la société. Avec le temps, Minho avait grandi, ses pensées avaient totalement changé et désormais, pour lui, les gens étaient tous les mêmes, et très peu pouvaient se vanter d'être détenteurs d'une chose particulière. C'était en partie pour ça qu'il avait toujours éprouvé une grande affection envers les animaux. Ces derniers avaient la chance d'être caractérisés par une diversité qui n'avait eu de cesse de le fasciner.


— Pardon Narcisse ! 


Minho sursauta avant de reculer aussitôt, le cœur battant. Un peu plus et il se prenait Hana en pleine face. 


— Wow, wow, Grincheux ! Doucement, lança-t-il en faisant mine de la stabiliser en la tenant par les épaules. 

— Bats les pattes et pousse-toi, j'ai pas mon temps là, j'crois que j'ai perdu mes clés ! 

— De voiture ? 

— Non, je... Enfin je ne sais pas... Je..., balbutia-t-elle en passant sa main dans son carré blond. J'ai sûrement dû les oublier à la maison, conclut-elle. 


Minho fronça les sourcils et se mit à scruter Hana comme si elle était une espèce en voie de disparition. La trouvant plus qu'étrange, il se contenta de tout simplement prononcer la phrase suivante : 


— Peu importe, on a cours. 


Puis, sans prendre la peine de regarder si la jeune femme le suivait, il entra dans la pièce et alla s'installer au troisième rang. Sûr de lui, il sortit ses affaires et ouvrit son ordinateur, prêt à attaquer le cours d'informatique. 


— Salut Minho ! 

— Salut, répondit-il tout simplement en entendant une voix féminine le saluer. 


Puis très vite, il fut forcé de dire bonjour à tout le monde et d'esquisser des sourires forcés en entendant certains lui relater des anecdotes de vacances. Il comprit dès lors qu'il pouvait dire adieu à la paix et au silence tant que le cours n'aurait pas commencé. Alors qu'il se sentait absorbé dans un brouhaha infernal, son regard désenchanté se posa sur Hana. Cette dernière avait littéralement vidé son sac sur la table, et elle semblait discuter au téléphone avec une personne qui était sans aucun doute sa sœur Hinata. D'où il était, Minho s'amusait à imaginer la conversation que les deux jeunes Suzuki pouvaient entretenir. En voyant Hana soupirer, il devina que sa petite-sœur était sans aucun doute en train de lui apprendre qu'elle avait oublié ses clés chez elles. Probablement dans leur chambre. 


Le brun posa son menton sur le creux de sa main, et continua à émettre mille et une hypothèses avant de se perdre dans le flux de ses pensées. 


Est-ce que Hana avait récemment discuté avec Kane ? Et si ce dernier les avait trahis ? Non, c'était impossible. La blonde avait-elle croisé Shin dans les couloirs ? Il espérait que non. Tiens, il n'était plus sûr d'avoir donné à manger à ses chats. Mais bon, pas de quoi paniquer, après l'info' il aurait largement le temps de rentrer chez lui pour manger, se détendre un peu et retourner à la fac pour le cours de physique. Oh zut... 


— Minho ça va ? T'as l'air complètement ailleurs. 


Il sortit de ses pensées et cligna enfin des yeux en entendant la voix d'un camarade de classe dont il avait oublié le nom. Il remarqua que le bruit s'était atténué. Autour de lui, tous les étudiants - y compris Hana qui était maintenant en train de rassembler ses cheveux en un chignon qui avait de grandes chances d'être raté - avaient ouvert leurs ordinateurs, prêts à prêter une oreille attentive au cours qui allait être donné. 


— Oui, oui ça va, murmura-t-il. Je viens tout juste de penser que j'ai oublié de fermer la fenêtre de ma chambre. 


____

GONE DAYS 

____


Dès qu'il fut de retour chez lui, Minho retira sa veste et lança des coups d'œil un peu partout en espérant voir les petites têtes de ses chats. 


— Oh t'es rentré ! s'exclama sa mère. Je suis en train de donner à manger aux chats, mais Soonie reste introuvable, fit-elle remarquer en faisant les cent pas dans la salle de séjour. 

— Ah bon ? s'étonna le brun. Elle va sûrement se montrer en m'entendant ! Soonie ! 


Mais l'animal ne se manifesta pas. Alors le brun se mit à rôder dans les alentours et à scruter chaque coin en espérant tomber sur un pelage roux et blanc. Il explora le petit espace qu'ils avaient spécialement aménagé pour les chats, mais il ne vit toujours rien. Il fronça les sourcils en remarquant que Dongie et Dori n'avaient pas touché à leur repas. Cependant, jugeant que la recherche de Soonie était primordiale, il monta les escaliers et poursuivit ses recherches à l'étage. Le temps passait, et le cœur de Minho était de plus en plus rongé par de l'inquiétude. Il avait beau hurler le nom de Soonie un peu partout, la chatte ne se manifestait pas. Sa panique et sa peur devinrent encore plus grandes lorsque sa mère fit remarquer que leur animal n'était pas du genre à se cacher aussi longtemps. 


— Elle est pas chez les voisins ? demanda-t-il désespéré. 

— Non, répondit Madame Lee en se laissant tomber sur un fauteuil. Les enfants étaient à l'école et les parents travaillent, y avait personne chez eux. Puis, on le saurait quand même ! 


Le jeune homme ne tenait plus en place. Quelque chose n'allait pas, et il était dévoré par un mauvais pressentiment. Tout en se pinçant l'arête nasale il se mit à respirer, en espérant que ce simple mécanisme parviendrait à apaiser l'allure effrénée de ses battements cardiaques. Mais rien ne se produisit. 

C'était sans aucun doute Hana qui avait pris Soonie... Ça ne pouvait être qu'elle. Et au fond de lui, il espérait que ce soit elle. Sans plus attendre, le brun attrapa son trousseau de clés, sortit en trombe de l'appartement avant de quitter l'immeuble et de faire une trentaine de pas pour atteindre celui situé juste en face. En un temps record, il se positionna devant la porte des Suzuki et dressa le poing, prêt à toquer. Dès que ce fut fait, il jugea que cela faisait beaucoup trop longtemps qu'il était en train d'attendre, alors il sonna une première fois. Puis, une seconde fois. Une troisième fois. Hana lui hurla de dévoiler son identité, et il cria son propre nom en guise de réponse. 


— Y a un mort !? s'exclama sa voisine en ouvrant la porte avec une brutalité effrayante. 

— Quasiment ! Soonie ! Où est-elle ? 


Le brun oublia toutes les règles de politesse qu'il avait pu apprendre durant son enfance. Il entra en trombe dans l'appartement des Suzuki, et se mit à tourner la tête de chaque côté, les yeux grands ouverts. 


— Elle est où ? 

— Euh... 

— Où est Soonie ? 


Il fit volte-face et riva sur sa voisine un regard menaçant mais en même temps animé par de la frayeur. 

Un silence plana. Hana le fixait avec incrédulité, les bras croisés. Au bout d'une trentaine de secondes elle se décida enfin à reprendre la parole :


— Tu es devenu complètement fou ? 

— Oh non... Ne me dis pas que mon chat n'est pas chez toi ! Hana, c'est une catastrophe : Soonie a disparu. Ok, il faut que je me calme. 

— Soonie ? répéta la jeune femme. 

— Elle est nulle part. 

Il souffla, et se mit à faire les cent pas tout en se rongeant l'ongle du pouce. Cette situation était cauchemardesque. 

— T'es sûr qu'elle n'est pas tout simplement partie se promener ? 

La voix d'Hana avait été calme, posée et elle jurait avec celle de son interlocuteur qui était en proie au débordement.

— Ce n'est pas son genre. 


Sentant qu'une boule immense s'était logée dans sa gorge, Minho décida de s'asseoir et de se calmer pendant au moins une trentaine de secondes. Les yeux fermés, il était incapable de deviner ce qu'était en train de faire l'aînée des Suzuki. Des questionnements commençaient à lui tarauder l'esprit. Soonie s'était peut-être échappée par la fenêtre ? Mais pourquoi aurait-elle fait ça ? 


— Tiens. 


Il redressa la tête et ouvrit les yeux en entendant la voix d'Hana. Cette dernière lui tendait un verre d'eau. Il l'accepta et en vida le contenu sans véritablement apprécier l'effet stimulant du liquide. 


— Enfile ça, et lève-toi. On va chercher Soonie dans le quartier. 


Jamais Lee Minho n'aurait cru qu'il s'illustrerait aussi docile face aux ordres de l'impitoyable Hana Suzuki. Il accepta le pull violet qu'elle lui tendait, car au fond, il était forcé d'avouer qu'il mourrait de froid avec son simple t-shirt. L'hiver ne semblait pas encore totalement prêt à céder sa place au printemps. 


— C'est à ton cousin, fit-il remarquer. 

— Oui, il l'a oublié un jour et je lui ai jamais rendu. Enfin bref, enfile le et lève toi ! 


Dès qu'il fut vêtu de l'habit de son ancien ami, sa voisine éteignit toutes les lumières de l'appartement  avant de le quitter aux côtés de Minho. Elle ferma la porte à clé, et les deux jeunes gens dévalèrent les escaliers avec vitesse. 


— J'avais laissé la fenêtre de ma chambre ouverte, expliqua le garçon lorsqu'il furent dehors. Mais tu la connais assez pour savoir qu'elle n'est pas du genre à s'enfuir, non ? Elle se sent bien à la maison. 

— Il y a peut-être quelque chose dehors qui a titillé son attention, fit remarquer la blonde. 

— Possible. D'ailleurs, j'ai remarqué que Dongie et Dori n'avaient pas l'air dans leur assiette. 

Pendant qu'ils marchaient l'un près de l'autre, Hana fourra ses mains dans les poches de son fameux vieux sweat rouge avant de froncer les sourcils. 

— Tu penses qu'elles savent quelque chose ? 

— Je ne le pense pas, j'en suis sûr ! 


____

GONE DAYS 

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Pendant une heure, les deux jeunes gens avaient fait le tour du quartier et Minho s'était mis à hurler le nom de Soonie un peu partout. Ils n'avaient pas hésité à jeter des coups d'œil en dessous des voitures, et ils étaient même allés faire un tour dans la petite supérette que tenait le père d'Hana. Sans surprise, lorsqu'ils avaient demandé à certaines personnes du quartier si elles n'avaient pas aperçu un chat au pelage roux et blanc, elles s'étaient empressées de répondre négativement. Il aurait fallut être aveugle pour ne pas remarquer les regards curieux qui étaient lancés à Minho. Les gens pensaient sans doute qu'il en faisait un peu trop pour un chat.


— Non désolé, je n'ai vu aucun chat sur ma route, leur répondit une vieille femme qui était équipée d'un petit sachet contenant quelques courses. Je vous conseille de rentrer chez vous, au bout d'un certain temps vous finirez peut-être par savoir ce qui lui est arrivé. 

— Ah non, ça c'est impossible pour moi, répliqua aussitôt Minho. 


La petite femme laissa échapper un léger rire, et le brun était curieux de savoir qu'est-ce qu'il y avait de drôle. 


— Ah, quel jeune couple adorable. Ils perdent un chat et ils s'affolent ! Qu'est-ce que ça va donner lorsque vous aurez des enfants ? Laissez un petit avis de recherche, et priez pour la revoir. 


Elle leur offrit un sourire sincère, mais aucun d'eux ne fut en mesure de dire quoique ce soit et encore moins d'esquisser le moindre geste. Le brun remarqua du coin de l'œil que les yeux de la blonde s'étaient écarquillés lorsqu'elle avait entendu les propos de leur interlocutrice. Beaucoup trop choqués, ils se contentèrent de laisser cette vieille femme s'éloigner, sans même prendre la peine de la corriger. Pendant environ une dizaine de secondes les deux voisins demeurèrent sans voix. 


— Je crois qu'on a un cours de physique dans deux heures, lui rappela Hana. 

— Hé zut..., soupira Minho.


Il prit soin de s'éloigner de la blonde, peu désireux qu'une autre personne fasse l'erreur d'imaginer qu'il existait entre eux une relation qu'il ne voulait même pas nommer. Au vu de la façon dont elle s'était légèrement décalée, il devina aisément qu'elle était animée par les mêmes ressentis que lui. 


— Vas-y, tu peux aller en cours. Ne t'en fais pas pour moi je peux me débrouiller tout seul, dit-il à la jeune femme. 

— Mais je m'en fiche de toi, je suis inquiète pour Soonie, répliqua Hana tandis qu'ils étaient de nouveau en train d'avancer. Franchement tu peux être fier de toi... 


Son ton dédaigneux était la dernière chose qu'il voulait entendre. Il tenta de dompter sa colère et de conserver un calme olympien. 


— Tout était fermé chez toi. Tout, à part une chose : ta fichue fenêtre. 

— Ah parce que maintenant c'est de ma faute ? s'indigna-t-il. 

— C'est ton chat Minho ! Arrête de fuir tes responsabilités et de jouer encore une fois les victimes !

— Franchement Hana, vas-t-en. 


Il se mordit la langue pour empêcher ses sanglots d'éclater. Personne ne pouvait comprendre la douleur qui le torturait. Hana avait le don de trouver les mots qui faisaient mal. Et si jusqu'à présent, il avait toujours su jouer les sourdes oreilles tout en prônant un beau sourire arrogant, cette fois-ci il ne se sentait plus en mesure d'arborer une telle attitude. 


— C'est comme tu voudras Lee Minho. Mais t'as intérêt à la retrouver. 

— Je t'ai dit de partir, répéta-t-il. 

—Dis-moi, est-ce que ton entêtement, ta manie à te croire parfait et jamais coupable, sont des raisons pour lesquelles c'est le bordel dans ton groupe d'amis ? 

Des souvenirs atroces se mirent à surgir dans son esprit. Son corps tremblait, et à cet instant il était heureux d'être couvert par le pull de Kane.

— Bouge-toi Minho. Fais un truc. L'avis de recherche ça peut être utile, je suis sûre que tes potes pourraient t'aider. 


Sur ces mots, elle s'en alla sans avoir conscience que ses paroles venaient de planter un poignard sur une plaie saillante qui n'allaient sans aucun doute jamais cicatriser. Elle était comme ça Hana : sans qu'elle le sache, ses mots étaient plus blessants que la lame aiguisée d'un guerrier.



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