❝ goodbye scarlet brick road ❞
dans mes vieux souvenirs, ce texte était plutôt angst (ça fait trois ans, ça vaut ce que ça vaut–)
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La première sensation qui arriva à son cerveau lorsqu'il reprit connaissance fut la froideur qui envahissait lentement chaque parcelle de son corps.
— Dazai, murmura une voix à ses côtés et il eut à peine le temps d'enregistrer que l'on s'adressait à lui qu'une main chaude se referma sur la sienne.
Quand il ouvrit les yeux, le monde était peint en rouge. Dazai n'avait aucune idée si c'était la faute de la chevelure rousse éclatante de Chuuya qui envahissait son champ de vision ou simplement la vision de son sang s'écoulant lentement hors de son corps.
— Ch– tenta-t-il maladroitement de formuler. Est-ce que la bataille est terminée ?
Le rouquin sembla surpris par sa soudaine prise de parole et il s'empressa de presser une de ses mains dans le cuir chevelu de Dazai.
Le jeune homme jeta un coup d'oeil rapide autour de lui avant de déclarer d'une voix brisée :
— Non.
Dazai aurait roulé des yeux si son état n'avait pas été si déplorable.
— On ne s'arrête pas au milieu d'une bataille pour veiller sur un des blessés, avec tout le respect que je vous dois, mon Général.
Le brun avait fait exprès de se référer au grade du rouquin, chose qu'il ne faisait jamais habituellement pour le faire réagir.
— Tu es mon meilleur stratège, Dazai.
— Mais ce n'est pas en mourant que tu vas gagner cette guerre. Ma perte peut toujours être remplacée, mais les armées n'iront nulle part si leur général n'est plus là pour les guider. Ils ont confiance en toi et ils n'hésiteraient pas une seconde à mettre leur vie en jeu pour toi.
Regarde où j'en suis maintenant pour tes beaux yeux, voulut-il dire mais la phrase de franchit jamais ses lèvres.
— Tu– Tu– balbutia Chuuya et Dazai se fit la réflexion que s'il commençait à bégayer cela n'augurait rien de bon.
— Tu as pris une putain de balle pour moi ! explosa le rouquin. Comment suis-je censé te laisser après ça ? Tu es un de mes stratèges, pas un de mes gardes du corps ou je ne sais quoi !
— Je te reconnais mieux là.
Dazai sourit faiblement. Quand il avait vu le sniper menaçait la vie du général, il n'avait pas hésité longtemps et il avait poussé Chuuya hors de la trajectoire du tir. Sauver le rouquin était son but primordial, se faire blesser par la même occasion n'était qu'un détail.
Le brun réprima un frisson et le général serra sa main un peu plus fort.
— Je me vide de mon sang Chuuya. Alors sous réaliste : à moins que tu arrives à me transporter jusqu'à l'infirmerie de Yosano, je ne survivrais pas. Laisse un homme mort et continue.
— Je refuse.
La voix du rouquin était froide et déterminée, et Dazai ne put s'empêcher de ressentir une pointe de fierté.
Les gens pensaient toujours que Dazai était le général et Chuuya son second et d'un point de vue sécurité ils n'avaient jamais clarifié les malentendus – il avait particulièrement insisté, le rouquin n'étant pas d'accord – mais ils se trompaient lourdement.
Si le brun avait toutes les qualités requises d'un général, il n'était jamais parvenu à s'entendre avec les soldats sous ses ordres.
Mais Chuuya possédait cette capacité exceptionnelle d'être naturellement aimé par les gens, et ils ne pouvaient pas perdre cet atout. Pas contre Dostoïevski qui leur menait une guerre sans pitié.
— Chuuya, regarde moi, ordonna-t-il et étrangement le général obéit sans protester. Je suis en train de me vider de mon sang. Et la dernière chose que je veux c'est que tu y restes toi aussi. C'était mon choix de me mettre dans la trajectoire de cette balle alors tu l'as rien à te reprocher. D'accord ?
Le rouquin ne parut pas valider ses propos le moins du monde mais il hocha néanmoins la tête.
Dazai eut un sourire satisfait tandis qu'il laissait retomber sa tête contre le sol de pierre qui lui glaçait le dos. Contrairement à ce qu'il avait pensé, les mains chaudes de Chuuya ne se retirèrent pas, continuant à lui provoquer une douce sensation de chaleur.
Son sang s'écoulait lentement hors de son corps pour le général et Dazai n'aurait aucune hésitation à recommencer encore et encore si cela signifiait sauver ce petit soleil qui avait éclairé ses jours.
— Tu n'es pas obligé de rester jusqu'au bout, souffla-t-il doucement.
Chuuya évita soigneusement son regard comme si cela allait rendre moins vrai le fait qu'il était en train de mourir.
— Si. Tu ne me laisseras pas prendre le risque de te déplacer jusqu'à la tente de Yosano alors je veux au moins rester avec toi.
— C'est dangereux.
Les yeux céruléens de Chuuya parcoururent rapidement le paysage autour d'eux.
— Donne moi une seule chose que tu vois et qui n'est pas dangereuse.
— Toi.
Dans un autre contexte, le rouquin lui aurait certainement asséné un coup de poing, mais à cause de la blessure il se contenta d'un regard noir.
Dazai ne pourrait jamais utiliser les mots nécessaires pour décrire à quel point Chuuya détenait une place important dans sa vie. Même s'il s'efforçait de le montrer le moins possible, le jeune homme était entièrement loyal au rouquin et la réciproque était vraie aussi invraisemblable qu'elle paraissait.
Personne ne pouvait imaginer que le si intègre Chuuya Nakahara puisse considérer vendre son âme au diable juste pour lui venir en aide.
Dazai sourit à cette pensée : d'une certaine façon, le général avait vendu son âme à un démon quand il avait accepté de commencer une relation avec lui.
Il ne détenait pas le nom de Démon noir pour n'importe quelle raison : Dazai effrayait les gens et au mieux, les mettait mal à l'aise.
Mais cela n'avait jamais été le cas pour Chuuya et il n'avait jamais su quoi en penser. Au départ de leur relation, quand le rouquin n'était qu'un simple soldat, les gens voyaient Dazai – qui avait choisi de rester aux côtés de Chuuya malgré tout – comme quelqu'un dont il fallait se méfier. Et le rouquin quant à lui, était simplement vu comme son homme de main, un chien qu'il envoyait faire le sale boulot à sa place.
Puis Chuuya, grâce à son aide, avait fini par monter les échelons afin de pouvoir changer ce système injuste qu'il haïssait tant, et l'opinion des gens avait encore changé.
Dazai était devenu l'homme de main du rouquin dans l'opinion publique et Chuuya était devenu le héros que tout le monde aimait et vénérait.
C'était uniquement l'ordre logique des choses.
Le dos contre le sol glacé, une seule certitude le frappa violemment : quoiqu'il arrive Chuuya devait survivre et il ne se le pardonnerait jamais.
Alors Dazai dénudait sans hésiter ses bras, mettant sa peau à nue qu'il cachait habituellement sous ses bandages. Et il exposait chacun des péchés qu'il avait commis, chacune des blessures qu'il lui avait été infligées lorsque ses victimes se débattaient avec l'énergie du désespoir contre leur fin inéluctable.
Pendant la plus grande partie de sa vie, Dazai avait été un tueur à gage, obéissant simplement aux ordres et ne cherchant surtout pas à savoir si la demande était légitime ou non.
C'était plus simple ainsi de se convaincre qu'il n'était pas totalement une mauvaise personne. Qu'il faisait juste un boulot comme un autre afin d'avoir quelque chose dans son assiette. Que voir la lueur de vue quitter les prunelles de ses cibles ne l'affectait plus après des années de pratique.
Chacune de ses choses énoncées était fausse, mais Dazai était devenu fort pour prétendre le contraire.
Le jeune homme se demandait si comme toutes ces personnes dont il avait pris la vie, Chuuya verrait ses yeux s'éteindre en même temps que son dernier souffle aurait traversé ses lèvres.
Chacune des blessures sous ses bandages était un rappel constant de qui il était et ce qu'il avait dû faire pour survivre.
Dazai aurait préféré oublier sa vie passée mais il ne pouvait pas se permettre ce manque de respect à toutes les personnes dont il avait pris la vie.
Le jeune homme songeait que si son mentor n'était pas mort si soudainement suite à un complot qui s'était retourné contre lui, il se serait laissé enfermer dans cette routine sanglante.
Dazai porta ses paules tachées de sang à son visage. Au final, il avait beau récurer sa peau avec tous les soins nécessaires, le sang serait toujours incrusté dessus.
Si on lui demandait, il dirait sans hésiter que le nombres de pêchés qu'il avait commis était trop important pour être compté avec précision. Alors il se contentait de fermer les yeux et de prendre sur lui pendant que son sang coulait hors de son corps. Et tout cela pour Chuuya uniquement Chuuya.
Des cris le ramenèrent à la réalité, et le brun prit conscience que le général s'accrochait désespérément à sa poitrine essayant d'obtenir une réaction de son corps inanimé.
— Chuuya, murmura-t-il doucement n'osant pas passer une main dans les boucles rousses de l'autre. Le jour est venu, celui où je commence à perdre de vue le chemin que je voulais réellement suivre. Raisonne toi Chuuya, la colère ne te mènera nulle part.
Les saisons passaient et passaient jusqu'à ce qu'il en perde la notion du temps et qu'il en vienne à se demander quel jour il était. Dazai eut un sourire ironique : apparement le cours de la vie allait définitivement se stopper pour lui.
Alors le jeune homme continua à contempler le ciel, le dos contre la pierre dure, jusqu'à ce que les cieux tournent au gris et que les cris dans sa tête se mettent à hurler de plus belle dans son esprit.
Dazai ferma brièvement les yeux, se retirant au plus profond de son être, juste pour vérifier que son cœur battait toujours.
Il entendit lointainement la voix de Chuuya qui lui hurlait de s'accrocher, de respirer afin de gagner un peu de terrain sur la mort qui approchait.
Mais l'innocence des premiers moments était passée : Dazai savait pertinemment ce qui l'attendait et les supplications du général n'y changeraient rien.
— Je ne te pardonnerais jamais si tu oses mourir !
Le brun reprit brutalement contact avec la réalité, la voix de Chuuya étant la dernière chose le raccrochant à la réalité.
— Tu le devrais bien, souffla-t-il faiblement.
Les yeux bleus du jeune homme le dévisagèrent avec inquiétude non dissimulée tandis qu'il pressait de plus en plus fort contre sa blessure au ventre.
Le général avait beau clamer des phrases agressives remplies de colère et Dazai avait beau être allongé sur le sol se vidant lentement de son sang, il n'en savait pas moins déchiffrer les paroles du plus petits.
— Tu n'as rien à te reprocher.
Cette fois-ci, Dazai osa lever une main tremblante et la posa contre sa joue, tachant de sang cette lumière immaculée que représentait Chuuya.
— C'est une décision que j'ai prise en connaissance de cause et que je n'aurais pu prévoir avant la bataille.
Dazai referma ses paupières à moitié pour éviter de voir les yeux larmoyants du rouquin au-dessus de lui. Et comme à chaque fois que les incertitudes commençaient à attaquer son cœur, le soldat se mit à réciter lentement la longue liste du nom de ses cibles.
Il entendit vaguement Chuuya crier un ordre à un des soldats qui était présent sur le champ de bataille, et quelques secondes plus tard, des explosions secouèrent le sol.
Il émit un gémissement et sentit quelques gouttes de sang couler le long de sa joue.
La main chaude de Chuuya vint se poser sur sa joue en retour, essuyant doucement les éclaboussures.
— Ça va aller Dazai. Tu entends ? Ça va aller.
Il avait une envie pressante de le croire, mais au plus profond de lui il savait que la fin était proche.
Et le désespoir commençait à les envahir, lentement et insidieusement.
— Dazai !
Le cri de Chuuya résonna sur le champ de bataille, si similaire à un hurlement d'un loup solitaire pleurant une personne chère.
Le jeune homme fit un effort surhumain pour garder les paupières en même que Chuuya se retournait et dégageait d'un bon coup de pistolet un soldat adverse s'étant approché un peu trop près.
— J'aurais du te déplacer, grommela le rouquin pour lui-même, mais Dazai entendit tout de même.
Le général s'accrochait désespérément à toute trace d'espoir qu'il pouvait trouver, niant les faits les plus évidents.
Pour le brun, l'innocence du déni était passé, et il attendait simplement le dénouement avec un sang-froid inébranlable.
Le vide et les ténèbres l'envahissaient lentement, et il se laissa avaler sans résister, retournant dans le monde qui l'avait accueilli dès sa plus tendre enfance.
Les sons s'atténuaient, les sensations diminuaient, le froid quittant lentement sa poitrine.
Dazai serait les dents jusqu'à s'en déloger la mâchoire afin de faire face à la douleur qui parcourait son corps.
Quelque part dans ce monde Chuuya lui criait de continuer à s'accrocher, de continuer à respirer coûte que coûte, mais les bruits devenaient de plus en plus ténus.
Tout au long de sa vie, Dazai n'avait pas eu beaucoup de certitudes, mais l'unique espoir de savoir Chuuya vivant, qu'il s'en sortirait quoiqu'il arrive, lui était suffisant.
Et il songea, alors que sa conscience s'envolait jusqu'à se fondre avec le gris des cieux, que son sang pouvait bien couler hors de ses veines encore et encore, tant que l'homme qui faisait battre son cœur restait en vie.
Si son souffle s'éteignait, si sa conscience s'effilochait, si son sang coulait, tout cela n'avait pas d'importance.
Chuuya Nakahara était vivant, même si Dazai devait se vider de son liquide sanguin pour permettre ce dernier fait.
C'était uniquement un moindre mal.
Alors il fermait les yeux, prenait une ultime inspiration et abandonnait Chuuya à cette vie cruelle et sanglante qui n'était qu'autre qu'un chemin pavé de sang.
Dazai faisait ses ultimes adieux à cette route pavée de briques rouges écarlates, laissant son cœur derrière lui.
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