❝ for the reluctant heroes ❞
alors. oui. ça fait très très longtemps, et une des seules raisons pour lesquelles j'ai pas posté la fin de cette week (en 2020) est que je n'ai pas eu le courage de me relire...
(j'ai retrouver ces textes par hasard)
je dois avouer que j'aurais jamais le temps et le courage (le supérieur me prenant trop de temps 😭) de relire ces textes entièrement, donc les voici, pas corrigés ni relus, parce que je me suis dit qu'il fallait au moins que je finisse cette très ancienne week.
j'espère que ces textes ne seront si horribles que ça, même datant de 3 ans (ahah 🥲)
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France, mai 1943
La chaleur était étouffante. Dazai avait beau essayer de se ventiler comme il le pouvait avec son chapeau, il ne parvenait pas à refroidir la température de son corps.
Il poussa un soupir dramatique avant de se laisser aller contre la banquette en cuir de leur cabine de train.
— Tiens toi tranquille, grommela une voix et la remarque fut accompagnée d'une tape contre des côtes.
— Mais il fait chaud, geignit-il.
— Tu diras ça au contrôleur du train quand il remarquera ta présence dans mes bagages.
Dazai voulut répliquer mais il se trouvait que son partenaire avait raison : sa présence serait difficilement justifiable dans les paquets de vêtements.
Alors le jeune homme prit son mal en patience tout en grommelant intérieurement que Chuuya était le plus petit des deux et donc par conséquent qu'il aurait dû être celui dans la valise.
Le brun faisait uniquement preuve de mauvaise foi et il le savait très bien étant donné qu'il était activement recherché en France.
Chuuya et lui ne pouvaient pas prendre le risque de se faire prendre, pas au beau milieu de l'une de leur mission.
— Bonjour.
Dazai se tendit imperceptiblement quand il entendit la voix du contrôleur résonner dans l'habitacle.
Chuuya lui rendit la politesse avant de lui présenter son billet, lui prouvant qu'il était parfaitement en règle.
— C'est une grosse valise que vous avez là, fit remarquer l'homme sur le seuil de la porte.
Dazai ne pouvait voir mais ses oreilles fonctionnaient encore avec précision.
— Oh vous savez… les complications d'un mariage et de la vie de couple, répondit Chuuya sans hésiter.
Le brun n'avait pas besoin d'utiliser ses yeux pour savoir que le jeune homme faisait distraitement tourner sa fausse bague de fiançailles devant le nez du contrôleur.
Cela dû le satisfaire car la porte coulissa quelques secondes plus tard et les pas de l'homme s'éloignèrent.
Chuuya tapota doucement contre la valise, lui faisant signe que tout était en ordre et qu'il pouvait se mettre à parler sans risque.
— Impressionnant. On pourrait presque dire que tu joues dans la cour des grands si ce n'est ta taille~
La réponse ne se fit pas attendre : un violent coup de pied vint heurter ses côtes et Dazai réprima un rire peu discret.
— Ferme-là. Les bagages ne parlent pas.
— Tu me blesses là, mon petit cœur.
Un autre coup de pied atterrit contre son flanc et il ne put s'empêcher de sourire sarcastiquement.
— Concentre-toi sur la mission. Tu ne peux pas être distrait : toute notre attention doit être focalisée sur le terrain. On ne voyage plus si facilement aujourd'hui Dazai. Surtout depuis qu'ils ont envahi la zone libre.
Le jeune homme gigota quelques secondes encore avant de trouver une position plus ou moins confortable pour son dos.
— Aucun militaire sain d'esprit ne nous laissera passer sans poser de questions : ce plan est juste de la folie pure, siffla Chuuya entre ses dents.
— D'où l'intérêt que tu joues l'amoureux éperdu de sa fiancée et prêt à tout pour se marier avec elle~
— Oh mon dieu, cracha Chuuya. On sait tous les deux très bien qui j'aimerais avoir comme fiancé à la place d'une jeune femme imaginaire. Et ton stratagème a intérêt à fonctionner sinon je te fais la peau.
— Je serais déjà mort, théoriquement tu ne peux pas–
Des bruits de pas résonnèrent dans le couloir, suffisamment pour pouvoir faire taire Dazai pendant quelques minutes, le temps d'être sûr que tout danger soit écarté.
Chuuya s'était contracté même s'il était assis sur la banquette du train. Comme un seul homme, ils retinrent leur souffle dans l'attente des événements à venir.
Même si Dazai ne possédait pas la possibilité d'observer l'environnement, il sentit néanmoins la tension quitter les muscles du rouquin, signifiant que tout danger était écarté.
— Je ne sais même pas pourquoi je m'embête à te trimballer avec moi, lui souffla furieusement Chuuya.
Le brun eut un sourire que le rouquin ne put malheureusement pas voir.
— Je connais très bien la ville. Tu serais perdu sans moi. Dans tous les sens du terme~
À son grand étonnement, son partenaire ne releva pas sa dernière phrase, la laissant couler au milieu des autres. Le fait que Chuuya ne prenne même pas le temps de protester l'inquiétait plus qu'il ne voulait l'admettre, mais Dazai en tira également une certaine fierté.
Il était agréable par moment de se rappeler que Chuuya avait besoin de lui tout autant que l'inverse était vrai.
~
Quand le train arrêta de bouger, Dazai ne sentait plus aucun muscle de son corps. Il ne savait pas si cette perspective était une bonne nouvelle étant donné la souffrance que ses articulations avaient ressenti pendant le trajet, ou une mauvaise vu qu'il était totalement inutile.
Le jeune homme réprima un gémissement de douleur quand Chuuya souleva le sac dans lequel il se trouvait, sans grandes difficultés malgré les apparences.
Ses muscles se réveillaient brutalement sous le choc de la douleur et il n'avait d'autre choix que de serrer les dents et souffrir en silence.
— Vous voulez de l'aide ? Votre valise à l'air plutôt lourde à porter Monsieur.
— Non, non je vous remercie.
Chuuya émit un petit rire embarrassé.
— C'est juste– Enfin vous savez comment sont les mariages : on prend toujours beaucoup trop d'affaires.
Malgré tout l'interlocuteur de Chuuya parut être convaincu par les propos de ce dernier et les deux hommes échangèrent rapidement les politesse d'au revoir convenues.
Chuuya se remit immédiatement à traîner la valise derrière lui, secouant sans ménagement Dazai dans tous les sens.
Au son que les roulettes produisaient en frottant contre le sol, le brun put deviner sans mal qu'ils venaient de quitter la gare de Lyon.
Le jeune homme roux faisait ce qui était convenu : il se dirigeait d'un pas assuré dans la direction qu'il lui avait été assigné avant leur départ.
Ce fut sûrement la démarche convenue de Chuuya ou alors juste son regard déterminé et froid, mais aucun militaire ne vint leur poser des questions peu discrètes.
Quand ils furent suffisamment loin de la gare, Dazai s'autorisa à se relâcher malgré la douleur qui parcourait toujours ses muscles.
Malgré son envie de discuter des derniers éléments qui venaient de se produire, le jeune homme s'appliqua néanmoins à rester discret : les gens pourraient se poser des questions s'ils entendaient une valise parler.
Dazai ne s'autorisa à rouvrir la bouche uniquement lorsque Chuuya stoppa tout mouvement après être entré dans la chambre qu'ils avaient réservé.
Après de longues minutes passées dans le silence le plus total afin d'être sûr que personne n'écoutait ce qui se passait à l'intérieur de la chambre, le rouquin vint ouvrir la valise.
— C'est pas trop tôt, commenta Dazai en s'étirant doucement afin de refaire circuler le sang correctement dans ses muscles.
Chuuya ne prit même pas le temps de considérer ses gémissements plaintifs : il l'ignora totalement en se laissant tomber sur l'unique lit de la pièce.
Dazai se sentit déglutir de travers : prendre une chambre à deux lits aurait été suspicieux étant donné que Chuuya était seul, du moins en apparence.
Le brun devrait donc dormir dans le même lit que son partenaire. Il ne savait pas si ce fait le réjouissait ou le terrifiait au plus haut point.
— Est-ce que tu comptes observer le lit toute la nuit ou bien est-ce que tu comptes dormir, comme tout être humain normal ?
Dazai émit un petit ricanement.
— Oh chéri, les normes ne s'appliquent pas à moi.
Mais le brun obéit néanmoins et il vint s'étendre aux côtés de Chuuya qui était déjà allongé au milieu des couvertures.
Le jeune homme laissa son regard s'attarder sur le rouquin, s'imprègnant de chaque petit détail qu'il pouvait remarquer. Les différentes nuances de bleu dans les prunelles de Chuuya. Ses mèches rousses rebelles qui rebiquaient légèrement sur son front ou encore ses longs cils recourbés.
Dazai ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter : si quelqu'un décidait de faire irruption dans la pièce, il savait pertinemment de quoi ils avaient l'air. Deux hommes dans un même lit, cela ne laissait pas beaucoup de place au doute.
Le brun songea vainement que Chuuya aurait été plus en sécurité si son partenaire sur cette mission avait été une femme : Dazai avait beau connaitre Lyon comme sa poche, cela ne représentait pas un avantage si indispensable à ses yeux.
Mais apparemment cela l'était pour leur supérieur : il n'avait d'autre choix que celui de se soumettre à leur décision.
Il leur avait été ordonné d'agir le lendemain de leur arrivée afin de ne pas attirer trop de soupçons et de disposer de toutes leur forces, ce qui n'aurait pas été le cas après le voyage.
Dazai tenta vainement de se détendre sur le matelas mais il était trop conscient de la présence de Chuuya à ses côtés pour pouvoir totalement se laisser aller dans le sommeil.
Mais la fatigue dut finalement avoir raison de lui car le jeune homme finit par sombrer dans l'inconscience à son tour.
~
Des cris et des coups frappés contre la porte le tirèrent brutalement du sommeil qu'il avait si durement trouvé.
— Ouvrez ! Au nom de la loi, ouvrez !
Ses prunelles croisèrent celles de Chuuya et le même affolement se reflétait dans leurs yeux écarquillés.
Le rouquin se jeta hors du lit en même temps qu'il lançait ce qui ressemblait à un morceau de tissu à Dazai. Quand il déplia ledit tissu, une robe de nuit se déroula devant ses yeux.
Le brun n'avait pas besoin de plus explicite : il avait compris où voulait en venir Chuuya.
Alors que le roux aux yeux bleus essayait de gagner du temps, criant aux soldats derrière leur porte qu'il s'habillait, Dazai se dépêcha d'enlever la légère tunique qu'il portait et d'enfiler la robe de chambre à contrecœur.
Le jeune homme ébouriffa ses cheveux et se tassant légèrement sur lui-même afin de dissimuler sa carrure un peu trop masculine. Les deux hommes échangèrent un ultime regard avant que Chuuya aille finalement ouvrir la porte.
— C'est pas trop tôt, grommela un des soldat en entrant. Qu'est-ce qui vous a pris autant de temps ?
— Je vous l'ai dit : je me m'habillais.
Le rouquin jeta en regard en biais à Dazai qui baissa le regard et battit lentement des cils comme s'il était trop intimidé et gêné pour affronter les soldats de la milice.
Il espérait que ça serait suffisamment explicite pour les dissuader de poser plus de questions sur pourquoi ils avaient ouvert aussi tard.
Les intrus ne parurent pas prêter une grande attention à sa satura masculine et ils se reportèrent sur Chuuya qui bomba légèrement le torse.
— Que faites-vous à Lyon ?
Le rouquin jeta un regard langoureux à Dazai par dessus son épaule si bien que ce dernier aurait presque pu y croire.
Le brun ne put s'empêcher de frissonner en sentant les yeux de son partenaire le dévisager de haut en bas, rajoutant un peu de crédibilité dans leur mensonge.
— Oh vous savez… répondit nonchalamment Chuuya. Les affaires… Et puis – il se retourna pour attraper la main de Dazai – c'était une occasion en or pour enfin se marier. Vous savez avec le début de la guerre, notre mariage a été retardé…
Le soldat le plus à gauche hocha gravement la tête comme s'il comprenait l'ampleur de leur problème et compatissait.
— Ma sœur est dans la même situation. Elle avait quitté Lyon il y avait quelques années, mais elle a été obligée de revenir pour pouvoir se marier.
Chuuya hocha lentement la tête, et le brun ne put s'empêcher de remarquer que le rouquin était un bon acteur, sachant paraître naturel même lorsque la situation était tendue.
— Pardonnez-nous du dérangement, bredouilla l'autre homme, visiblement mortifié. Un signalement a été donné à la police, et le maire a pensé qu'il était plus sûr de fouiller la ville que passer à côté d'espions.
— D'espions ?!
Chuuya prit une mine catastrophée tandis qu'il jetait un regard inquiet en direction du brun.
— Rien de grave j'espère, renchérit le rouquin. Je ne voudrais pas qu'une mauvaise nouvelle retarde une fois de plus notre mariage.
Dazai hocha lentement la tête pour appuyer les propos de son partenaire.
— Vous avez tout mon courage, répondit simplement un des soldats et après un court hochement de tête avec son collègue de travail, il ajouta une phrase.
— Veuillez nous excuser pour ce dérangement. Passez une bonne soirée.
Un des hommes fit une révérence dans leur direction et Dazai se força à glousser afin de rester le plus possible dans son personnage.
Ce ne fut que lorsqu'ils furent totalement sûrs que les deux soldats soient sortis du petit hôtel qu'ils purent respirer un peu mieux.
— C'est passé pas loin, fit remarquer Chuuya à voix basse par pure précaution. Heureusement que tu as réagi vite.
Dazai fit mine de s'éventer.
— C'est ça être un grand acteur : tu peux toujours improviser, quelque soit la situation.
Son partenaire se contenta de rouler des yeux, ne lui faisant même pas l'honneur de lui répondre avec une phrase construite.
— Il vaudrait mieux dormir à tour de rôle, déclare finalement Chuuya. Ce sera peut-être plus sûr si ce genre d'événement se reproduit.
Malheureusement, Dazai réalisa que le rouquin n'avait pas totalement tort, à son plus grand désespoir.
— Je prends le premier tour. Je n'arriverais pas à me rendormir, et puis si jamais ils reviennent, je serais déjà en tenue.
Le brun fit un geste vague de la main en direction de son corps.
Les prunelles céruléennes du jeune homme s'attardèrent longuement sur sa silhouette au point où Dazai fit mine de souffler un baiser dans la direction du rouquin afin de lever son malaise.
Il ne fit qu'empirer le sentiment.
Dazai refusa fermement de rougir sous le regard déstabilisant de Chuuya qui le mettait à nu, alors il préféra tourner légèrement la tête et de se concentrer sur ses mains.
Le rouquin eut un soupir découragé et il se recoucha dans le lit sans rien dire de plus.
Avec fascination, le jeune homme entendit la respiration de son partenaire ralentir jusqu'à adopter le rythme d'un dormeur. Dazai serait toujours impressionné par la capacité du rouquin à s'endormir rapidement, que ce soit avec une bouteille d'alcool dans le sang ou non.
Il laissa aller son dos contre le dossier de la chaise, et pencha légèrement sa tête en arrière, se lançant dans la contemplation du plafond, chose qui était plus sécure à faire qu'observer Chuuya dormir.
~
— Dazai !
L'apostrophe fut secondée par une importante secousse de son épaule qui se répartit dans la totalité de son corps.
Le jeune homme ouvrit une paupière avant de la refermer aussitôt face à la lumière du jour qui agressait sa rétine.
— Bordel bouge toi ! On va être en retard.
Le ton suffisamment pressant du rouquin finit par le convaincre à ouvrir totalement les yeux malgré la lumière environnante.
Chuuya était baigné par les rayons de soleil, l'entourant d'un halo doré. En cet instant précis, il avait tout de l'ange tombé du ciel, et Dazai ne pouvait être plus d'accord avec cette comparaison.
— Quoi ? murmura-t-il faiblement, encore enveloppé par les vapes du sommeil.
— La livraison.
Le ton de son partenaire était pressant.
— On va être en retard si tu ne te dépêches pas.
Cette remarque eut le don de réveiller un peu mieux le jeune homme qui se remémora les plans dans sa tête afin de se sortir totalement de sa léthargie.
— Le café "Le Lupin", souffla-t-il en même temps que le nom lui revenait en mémoire.
Chuuya confirma ses dires d'un simple hochement de tête.
— Il n'est pas facile à trouver, alors je vais avoir besoin de ton aide.
Dazai s'étira longuement avant de partir à la recherche d'une tenue décente tout en écoutant la voix de Chuuya récapituler les derniers points.
— Tu seras dans la valise bien évidemment, on ne peut pas prendre le risque que tu sois vu. Mais tu n'auras qu'à gigoter un peu – je le sentirais – et je m'arrêterais. Comme ça tu n'auras qu'à tapoter ma jambe à travers la valise.
— Comment suis-je sensé te guider alors que je ne vois même pas la route ?
— Oh s'il te plaît. Ton sens de l'orientation est excellent et dans le pire des cas, je ferais semblant de me parler à voix haute. Rassuré ?
Voyant que Chuuya semblait avoir tout prévu, Dazai hocha la tête, considérant que cela ne servait à rien d'insister plus.
~
— Hey, murmura Chuuya alors qu'ils se trouvaient devant un passage piéton dans une rue vide de monde.
— Je me suis toujours dit que servir mon pays et mourir pour lui était quelque chose qui allait de soi. Que la torture ne me ferait jamais parler et que la douleur ne représentait rien. Mais pourquoi suis-je si terrifié que quelqu'un sache ? Pourquoi est-ce que je tremble à la simple idée d'être capturé et torturé ?
Chuuya déglutit péniblement.
— Tu sais, dans les forces, tout le mond pense que je suis immunisé contre la peur, que je me suis engagé sans l'ombre d'un doute. Mais pour tout te dire, j'ai longuement hésité : est-ce que j'allais me contenter de vivre une vie privée de liberté comme tous les autres ou est-ce que j'allais avoir le courage de défendre mes, nos, valeurs ?
Le jeune homme laissa échapper un rire tremblant et si Dazai avait pu, il lui aurait tapoté le dos afin de lui faire sentir qu'il était là.
Il se contenta d'exercer une légère pression sur sa jambe.
— Est-ce que je serais un lâche finalement ? Est-ce refuser de mourir dans d'affreuses souffrances fait de moi une mauvaise personne ?
Le silence s'étendit entre eux, lourd et pesant, avant que Dazai ne se décide à répondre.
— Non. Tu es simplement humain. Et personne ne pourra te le reprocher.
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Après avoir passé de nouvelles heures coincées dans cette valise tout juste assez grande pour l'accueillir, Dazai retint enfin son souffle quand Chuuya passa le seuil de l'établissement.
Heureusement, personne ne hurla au traître quand ils pénétrèrent dans la salle de restauration.
Le jeune homme retint sa respiration pendant que l'enjeu du monde se résumait à quelques pauvres secondes.
— Bonjour, que suis-je faire pour vous ? salua aimablement le gérant du bar quand il aperçut Chuuya et sa valise.
— Un bon verre de petrus serait amplement suffisant.
Le gérant hocha la tête, comprenant immédiatement le sous-entendu dans sa phrase.
— Bien. Je dispose d'une large collection de bouteilles, il faut me préciser laquelle vous désirez.
Chuuya tapota légèrement son pied contre la valise avant de prendre un air songeur.
— Je ne sais pas vraiment. Est-ce que je peux voir les bouteilles ? Mon père s'y connaissait en vins et je serais capable de les identifier.
Chuuya récitait son dialogue par cœur et en face de lui, l'autre homme en faisait tout autant. Estimant que personne n'essayait de lui soutirer discrètement des informations, le patron du bar hocha la tête.
— Suivez moi.
Le rouquin s'exécuta, traînant sa valise – Dazai – derrière lui. S'il ne connaissait pas un peu mieux son partenaire, il aurait cru que ce dernier débordait de confiance en lui et d'assurance, mais c'était tout le contraire : Chuuya n'en menait pas large.
Un lourd claquement résonna, signe que l'homme venait de refermer le lourd battant menant au cellier après leur passage.
— Alors ? demanda le gérant avec un ton pressant. Vous devez être Corruption, et même si je ne le vois nulle part, j'imagine que Déchéance doit être avec vous.
Chuuya donna un léger coup de pied dans la valise.
— En effet. Il ne se montrera pas mais je serais ses yeux et sa bouche. Je suppose que vous êtes Baudry alors ?
— Oui, confirma le gérant de l'établissement.
Leurs identités ayant été établies, les deux hommes se contemplèrent dans le blanc des yeux pendant de longues secondes durant lesquelles Dazai n'entendit plus qu'un silence lourd et pesant.
— Cachez les éventuelles personnes juives qui n'ont pas pu évacuer la ville. Ils vont bientôt faire une fouille des maisons.
Ils ne savaient pas vraiment comment leurs supérieurs – Mori Ogai et Fukuzawa Yukichi, deux hommes terrifiants, chacun à leur manière – se débrouillaient pour se procurer des informations fiables à chaque fois, mais les faits étaient là.
Le duo d'espions était bien obligé de leur faire confiance sur la véracité de leur dire, et même dans le cas contraire, ce n'était pas à eux de discuter de la valeur de l'information.
Dazai et Chuuya étaient uniquement là pour transmettre les messages, quelque soit la méthode employée. Et dieu seul savait à quel point les deux hommes pouvaient se montrer inventifs.
Baudry hocha lentement la tête.
— Très bien, je m'assurerais que le message soit donné. Quelque chose d'autre ?
Chuuya eut un mouvement négatif de la tête.
— Non, c'est tout.
— J'imagine que c'est l'heure où nos chemins se séparent.
Son partenaire confirma ses dires d'un simple hochement de tête, et il ne put s'empêcher de laisser échapper un discret soupir de soulagement en constatant la réussite de la mission.
Peut-être que crier victoire trop tôt était une erreur, mais sur le moment, Dazai était trop soulagé pour s'en soucier.
~
Dazai avait posé ses coudes sur la tablette du siège passager, n'étant pas totalement rentré dans la valise qui lui servait de moyen de transport.
Ils étaient rentrés dans le train de retour sans aucun problème avec le contrôleur, et le brun profitait du léger répit pour pouvoir discuter un peu avec son partenaire.
— Tu n'avais pas tant besoin de moi que ça pour te repérer dans cette ville.
— Mais Mori et Fukuzawa savaient que j'ai besoin de toi pour une toute autre raison.
Dazai haussa un sourcil, piqué par la curiosité.
— Oh ? Laquelle serait-ce ? Je croyais que rien que ma présence était insupportable pour toi.
Chuuya roula des yeux et grommela une réponse incompréhensible à un premier abord. Puis il se racla la gorge et reprit d'une voix intelligible.
— Il faut croire que je m'étais trompée… Ça arrive même aux meilleurs, comme tu le dis si souvent.
Une lueur de moquerie passa dans les prunelles céruléennes de son partenaire.
— J'imagine que tu me permets de rester dans l,e droit chemin. C'est assez ironique sachant le genre de personne que tu es, mais je ne pourrais pas dire mieux. Et sans toi, je pense que je serais perdu.
— Et la réciproque est vraie, confirma Dazai alors que sa gorge commençait à se noyer, refusant de laisser sortir les mots qui s'agitaient à l'intérieur de son cerveau.
Pendant un long moment, les deux hommes s'observèrent dans le blanc des yeux, se transmettant des émotions que ni l'un ni l'autre n'aurait réussi à poser des phrases dessus.
Instinctivement leurs mains vinrent se trouver et leurs doigts s'entremêlèrent en guise de silencieuse promesse de toujours rester aux côtés de l'autre.
Dazai aurait voulu dire tant de choses, mais aucune ne semblait vouloir prendre vie sur sa langue, alors il se contentait de dévisager Chuuya de ce regard aimant qu'il prenait si peu.
Et les yeux du rouquin étaient l'exact miroir des siens, le sentiment lui étant renvoyé avec toute la fougue dont disposait Chuuya.
Alors il se pencha en avant, s'en remettant pleinement à son instinct. Et les lèvres de son partenaire vinrent rencontrer les siennes comme si c'était la chose la plus naturelle et la mieux fondée qu'il soit au monde.
En cet instant précis, Dazai ne pouvait pas se soucier moins des normes que la société leur imposant ou le fait que ce simple acte soit considéré comme criminel : seul comptait Chuuya et la force des émotions qu'il éprouvait à son égard.
Le jeune homme finit par se reculer de quelques centimètres au grand désarroi du plus grand, une lueur d'interrogation dans les yeux.
— Est-ce que… murmura Chuuya mais il ne lui laissa pas le temps de finir.
— Oui, répondit-il avec toute l'assurance dont il disposait.
Le jeune homme parut déstabilisé par son manque d'hésitation et il s'apprêta à répliquer quand des éclats de voix dans le couloir l'en empêcha.
Rapidement, Chuuya poussa sa tête pour qu'il puisse rentrer entièrement dans la valise avant de pousser cette dernière avec force sous la banquette.
Ainsi quand le contrôleur entra dans le petit habitacle il n'y trouva que le jeune homme roux.
— Monsieur Nakahara ?
— C'est moi, répond avec assurance mais Dazai sentait avec facilité que ce n'était qu'une façade.
— Je vais vous demander de venir avec moi.
— Pour quelles raisons ? répliqua immédiatement le rouquin désormais sur la défensive.
Au son de la respiration du Chuuya qui s'était légèrement entrecoupée pendant quelques seconde et à l'entende de l'entrée de nouveaux arrivants, Dazai sut que la situation était mauvaise.
— Qu'est-ce que tout ça signifie ? protesta Chuuya.
Le jeune homme voulut esquisser un mouvement pour essayer de lui venir en aide – peu importe comment, il ne pouvait pas rester là sans rien faire – mais le rouquin dut sentir son agitation car il donna un violent coup de pied dans la valise.
— Vous êtes soupçonné de trahison Monsieur.
— C'est inacceptable. Est-ce que c'est vraiment ainsi que vous traitez vos passagers ? On a vu bien mieux.
— Si vous niez les faits, alors je suppose que vous ne verrez aucun inconvénient à nous accompagner au poste le plus proche, intervint une nouvelle voix.
Chuuya était dans une impasse : s'il refusait il serait automatiquement déclaré comme traître et s'il obéissait cela n'augurait rien de bon pour le futur.
Dazai aurait désespérément voulu pouvoir aider son partenaire mais même son cerveau de génie n'arrivait à lui soumettre une solution.
Alors il entendit Chuuya se lever de la banquette sur laquelle il était assise avec toute la fatalité de quelqu'un qui s'était déjà résigné sur son sort.
— Laissez mes affaires ici, fit simplement le rouquin. Je reviendrai les chercher.
Les autres hommes durent accepter son excuse car quelques secondes plus tard les bruits de pas s'éloignèrent.
Dazai n'attendit pas que quelqu'un vienne inspecter les bagages de son partenaire pour s'en extirper.
Avec ce qui lui tombait sous la main, il s'employa à rendre sa taille plus fine en enroulant une bande de tissu autour et en retenant sa respiration. Ensuite, il enfila l'unique chemise de nuit dont il disposait pour venir compléter le tour avec une veste qui dissimulait totalement le haut de son corps.
Il ébouriffa rapidement ses cheveux afin de donner une impression de longueur et il battit vainement des cils dans l'espoir de rentrer encore mieux dans son rôle.
Dazai enfila maladroitement les chaussures à talons qu'il avait acheté uniquement pour cette mission, et il se leva en tentant de garder une démarche la plus droite possible.
Il s'assit dans une autre cabine de train, et lorsqu'il prit conscience que la locomotive se mettait en marche entrainant ainsi les autres wagons, il réalisa que ses chances de revoir Chuuya s'amenuisaient de seconde en seconde.
Il n'était pas prêt à renoncer à cet espoir de revoir le roux vivant tout comme il n'était pas prêt à vivre avec le poid de la culpabilité de n'avoir rien tenté pour intervenir.
~
Juillet 1946
Il y avait un grand soleil dans le ciel comme on pouvait s'y attendre d'une journée de juillet.
Dazai était entièrement focalisé sur la missive de papier qu'il tenait entre ses mains, éclipsant totalement le paysage qui l'entourait.
"Chuuya Nakahara né un vingt-neuf avril est officiellement reconnu comme faisant par des Forces Françaises Intérieures. Sa date de décès étant incertaine, on considérera qu'il est resté engagé jusqu'à la fin de sa vie."
Dazai avait une envie puissant de déchirer ce mot en mille petits morceaux.
Ils faisaient de Chuuya un héros, un sauveur de la patrie au sens propre du terme que les gens s'en feraient des années plus tard.
Avoir fait part de la Résistance n'avait rien de reluisant, d'une expérience dont on pouvait se vanter.
Dazai avait laissé mourir une partie de lui-même ce jour où il avait décidé d'écouter le rouquin et de ne pas intervenir.
Ils avaient tous abandonné une part d'eux-mêmes dans ce combat qui les avait écrasés.
Il était vivant et il ne savait plus pourquoi il parvenait toujours à tenir debout. Comme le reste du monde entier, il avait été abîmé, épuisé, terrifié par cette guerre si bien que son cœur lui semblait vide d'émotions.
Mais pour tous ces héros réticents à l'image de Chuuya, Dazai resterait vivant honorant leur mémoire jusqu'à son dernier souffle.
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