CHAPITRE 8
« Je me suis perdu en lui et c'est le genre de perte qui est exactement comme être retrouvé. »
TOBIAS.
Il n'était qu'onze heures lorsque Brody revint dans le salon avec deux pots de nouilles bouillants et une bouteille de limonade. Apparemment, le sexe lui donnait faim et il avait clamé que personne n'était là pour les juger s'ils mangeaient avant midi. Tobias aurait dû trouver ça étrange, mais il avait, au contraire, juste été attendri par l'image très juvénile d'un Brody affamé après des activités vraiment pas juvéniles.
Tobias avait déjà éteint la WII - depuis longtemps oubliée - et avait choisi un film parmi l'énorme collection de DVD que les colocataires de Brody possédaient.
-C'est quoi ça Casablanca ? demanda Brody en s'asseyant à côté de lui.
-Le meilleur film de tous les temps, répondit Tobias en saisissant le pot de nouilles qu'il lui tendait.
D'un geste qui paraissait presque trop familier, Brody attira Tobias contre lui, entourant ses épaules d'un bras. Tobias se pinçait les lèvres pour retenir un sourire alors qu'il accueillait la chaleur de Brody avec joie.
-Mais c'est en noir et blanc, se plaignit Brody alors que ce n'était que la première scène.
-Ouais, c'est ça qui fait tout son charme, rétorqua Tobias.
Brody fronçait les sourcils.
-C'est un film d'amour ? demanda-t-il alors.
-Ouais, sourit le châtain.
-Je comprends déjà rien, râla Brody en retirant son bras des épaules de Tobias pour piquer une fourchette de nouilles. Qu'est-ce qui se passe là ?
Ils en étaient seulement à la scène où, dans le café de Rick, tous les clients chantaient La Marseillaise en choeur avec Victor Laszlo.
-C'est l'histoire d'un homme qui doit choisir entre laisser sa bien-aimée partir vers un avenir meilleur en Amérique ou la garder près de lui, à ses risques et péril.
-Mais ils sont pas en Amérique, là ? rétorqua Brody.
-Mais non, idiot, rit Tobias. Ils sont à Casablanca, c'est au nord de l'Afrique. C'est le titre du film, Brody.
-Ouais, bref, soupira le basané. J'aime pas les comédies romantiques, et en plus c'est en noir et blanc.
L'étudiant en droit lui donna un coup dans l'épaule.
-Hé ! protesta-t-il. C'est un film culte, pas une comédie romantique. Et c'est une histoire d'amour magnifique, encore plus en noir et blanc. C'est tellement plus - beau. Charmant. Idyllique.
La voix de Tobias s'éteignit sur un ton rêveur et il sentit ses joues chauffer alors que Brody l'observait avec un doux sourire. Il prétendit regarder le film et avala une grosse bouchée de nouilles pour dissimuler ses joues rouges.
Brody finit par détourner le regard également et ils mangèrent en silence alors qu'Ilsa racontait ces longs mois d'amour à Paris avec Rick. Pressés dans l'espace de l'autre, ils se passaient la limonade autour de rires discrets et de baisers volés. Brody était plus concentré à distraire Tobias qu'à réellement regarder le film, mais le châtain s'en fichait. Il n'avait jamais autant aimé Casablanca qu'en la compagnie de Brody.
Lorsque l'avion décolla à travers l'écran, signant la fin du film, Tobias était allongé sur le canapé, sa tête étalée sur les cuisses de Brody alors que le basané entortillait ses doigts dans ses mèches châtains.
-Il était bien, non ? souffla Tobias en tournant la tête vers le haut pour rencontrer le regard de Brody.
-Oui, ça va, répondit le basané en aplatissant les cheveux sur le front de Tobias pour lui faire une frange. Mais ça ne vaut pas un Jack Ryan.
Il sourit doucement.
-Jack qui ? demanda Tobias en fronçant les sourcils.
-Jack Ryan, répéta Brody. Un gars de la CIA qui fait des trucs de fou avec des explosions, des sous-marins et des deals de drogues.
Tobias grimaça et Brody gloussa en lui pinçant le bout du nez.
-Y a rien de glamour là-dedans, marmonna Tobias, claquant la main de Brody pour l'éloigner de son visage.
-Peut-être, ouais, mais y a de l'action et Harrison Ford joue dans l'un d'eux - et il est trop sexy, répondit le basané en se vengeant avec une pichenette contre le nez de Tobias.
L'étudiant en droit leva les yeux au ciel.
-C'est juste des films de débiles avec des accidents de voitures et des hommes machos, rétorqua-t-il. Ça ne t'apprend rien.
-Parce que tu crois que Casablanca, ça nous a appris quelque chose ? rit Brody.
-Mais oui ! Ça nous en apprend sur la Seconde Guerre Mondiale, comment les gens s'en sortaient, ça nous apprend que l'amour a des limites, mais qu'il est plus fort que tout, qu'une personne peut nous changer et que-
-Hé, Golden Boy, le coupa Brody avec un sourire. Le but d'un film n'est pas d'en apprendre sur des choses inutiles, mais de se détendre.
-Mais si, c'est-
Tobias fut coupé par des lèvres sur les siennes, l'embrassant furtivement mais avec assez d'insistance pour lui retourner le cerveau.
-Tais-toi, ok ? On s'en fout.
Le châtain fit la moue tandis que Brody rigolait.
-T'es pas très gentil, marmonna-t-il.
Brody rit encore plus fort.
-Tu préfères débattre sur l'utilité de Casablanca ou me rouler des pelles ?
Et ok, Tobias n'avait peut-être pas vu la question sous ce point de vue là. Il leva les yeux au ciel, mais il souriait et il laissa Brody presser un sourire contre ses lèvres.
-Tu m'énerves, souffla-t-il dans le baiser.
Brody glissa une main contre sa hanche et enfonça ses doigts dans la chair tendre.
-Menteur, chuchota-t-il.
Tobias se perdait dans les coussins du canapé, gloussant sous le toucher de Brody et embrassant ses lèvres charnues jusqu'à ce qu'elles soient gercées.
********
Quelques heures plus tard, après que Brody se soit battu avec Tobias pour le sortir du canapé, les deux garçons étaient partis faire les courses. Brody avait promis à ses colocataires qu'il s'occuperait de faire les achats pour la soirée qu'il organisait ce jour-là, alors Tobias l'avait suivi jusque dans les allées d'un grand supermarché à quelques minutes de la villa.
Il était encore en jogging et ses cheveux n'était pas coiffé, mais pour la première fois, Tobias s'en fichait. Il suivait Brody à travers les rayons d'alcool en se demandant à quoi il ressemblerait s'il était bourré.
-C'est un peu beaucoup, non ? se permit de demander Tobias alors qu'il regardait le cadis à moitié rempli de bouteilles d'alcool. Tu vas les rendre malades avec tout cet alcool.
Brody se tourna vers lui avec un sourire attendri et il attrapa la main de Tobias pour le tirer vers lui.
-Je t'aime bien, Golden Boy, chuchota-t-il contre sa mâchoire avant d'y déposer un baiser.
Tobias rougit en le repoussant timidement, jetant un regard autour de lui parce qu'il avait peur de se faire surprendre - ce n'était pas vraiment le genre de comportement approprié en publique.
-Pourquoi ? souffla-t-il en battant des cils.
Il ancra son regard dans celui de Brody.
-Pourquoi pas ? rétorqua Brody en souriant.
Ils reprirent leur lente ballade à travers les allées. Tobias regardait ses chaussures en sachant pertinemment que Brody ne le regardait que lui.
-Parce que je ne suis pas le genre de mec sur qui tu te retournerais si tu me croisais dans la rue, répondit Tobias avant de glisser sa lèvre inférieure entre ses dents.
Il commença à la mordiller alors qu'il ancrait à nouveau son regard dans celui de Brody. Le basané souriait doucement en levant les yeux au ciel.
-Et alors ? répliqua-t-il. Qu'est-ce que ça fait ? Je suis pas là pour tomber amoureux d'un physique, je suis là pour la personne. Je m'en fous du superficiel.
Tomber amoureux.
Tobias sentit son estomac se retourner à la seule idée que Brody tombe amoureux de lui.
Non, c'est trop tôt, tu ne peux pas déjà penser à ça.
-Ouais, mais - je veux dire-
Il se pinça à nouveau les lèvres.
-Tu vois ce que je veux dire, Brody, soupira-t-il en se tournant vers lui.
-Ouais, je vois ce que tu veux dire, répondit Brody en s'arrêtant au milieu de l'allée. Mais ça veut pas dire pour autant que tu n'as pas tort.
Tobias s'arrêta quelques pas après lui et se retourna en fronçant les sourcils.
-Je t'aime bien, c'est tout, continua Brody. Arrête de contester ce que j'dis alors que t'as pas ton avis à avoir sur la question.
Tobias aspira sa lèvre inférieure entre ses dents et baissa à nouveau les yeux en rougissant.
-T'es vraiment nul avec les mots, chuchota-t-il.
Il entendit Brody glousser près de lui et lorsqu'il leva la tête, le basané était devant lui, tendant un bras pour le glisser autour de sa taille.
-Désolé de ne pas être Shakespeare, gloussa-t-il en pressant Tobias contre lui.
Le châtain posa timidement ses mains contre les biceps de Brody.
-Je mets des points pour l'effort, souffla-t-il en souriant. C'était assez mignon. Une autre formulation t'aurait valu un vingt-sur-vingt.
-Oh mon doux prince, mon coeur palpite dans ma cage de chair humaine lorsque je croise vos yeux charmeurs, commença Brody sur un ton dramatiquement désespéré. Je ne peux concevoir l'idée même que vous pensiez que j'oserais vous mentir sur mes plus sincères sentiments. S'il vous plaît, sachez que je vous suis dévoué, que vous le souhaitiez ou non.
Tobias explosa de rire dans les bras du basané. Brody l'observait en souriant, visiblement satisfait de sa prestation, et Tobias ne pouvait empêcher une douce chaleur de se glisser dans sa poitrine et envelopper son coeur dans un cocon de sentiments inconnus.
-T'es vraiment un gros crétin, souffla-t-il.
-Et fier de l'être, gloussa Brody avant de presser ses lèvres contre les siennes.
Dans toutes autres circonstances, Tobias aurait été gêné et aurait repoussé Brody parce qu'ils étaient en publique, en plein milieu d'un supermarché, mais pas cette fois-ci.
C'était peut-être parce que les mots de Brody résonnaient encore dans sa tête, ou peut-être aussi parce que Brody souriait contre ses lèvres, mais Tobias croisa ses bras derrière la nuque de Brody et oublia l'instant présent.
Il oublia même qu'il y avait des caméras partout et qu'il y avait aussi une dame âgée qui les observait au bout de l'allée.
********
-Je pensais qu'on était censés ranger les courses, souffla Tobias.
-Mmh, fredonna Brody contre sa mâchoire.
Ses lèvres glissèrent contre la peau de Tobias jusqu'à ce qu'il dépose un baiser juste sous son oreille. L'étudiant en droit pencha la tête sur le côté en fermant les yeux, attrapant sa lèvre inférieure entre ses dents.
-Tu me distrais, chuchota Brody dans son cou.
Tobias sentit les mots vibrer contre son pouls et il croisa ses bras plus fermement autour de la nuque de Brody, juste pour s'accrocher à quelque chose. Les mains de Brody glissèrent contre ses hanches jusqu'à s'infiltrer sous son pull, pressant la chair tendre de Tobias tout en le poussant plus près de lui encore.
Assis au bord de l'îlot central de la cuisine, Tobias laissa ses cuisses encadrer les hanches de Brody, rendant l'étreinte plus étroite qu'elle ne l'était encore. Brody était debout, contre lui, ses mains agrippants les cuisses charnues de Tobias.
-Je n'ai rien fait, protesta l'étudiant en droit.
Mais c'était sans grande conviction. Il pencha la tête en arrière lorsqu'il sentit les lèvres de Brody s'attacher à la colonne pâle de son cou et un doux gémissement déborda de sa poitrine.
-Mmh, fredonna à nouveau Brody.
Il tira Tobias dans un baiser désordonné, pressant avidement ses lèvres contre les siennes jusqu'à ce que Tobias perde son souffle.
-Comment je pourrais te distraire ? souffla Tobias dans le baiser. Tu es celui qui as commencé à m'embrasser.
Brody se recula en humectant ses lèvres, comme s'il cherchait encore le goût de celles de Tobias. Leurs regards se rencontrèrent à travers l'épaisse brume de luxure qui planait autour d'eux.
-Tu me distrais tout le temps, répondit Brody en poussant une mèche du front de Tobias.
C'était un mouvement lent et délicat, presque un peu trop attentionné pour Brody.
-C'est compliqué de penser à autre chose que ta bite maintenant que je l'ai vue en action, ajouta encore le basané.
Et ok, ça c'était vraiment du Brody tout craché.
Tobias rougit furieusement en laissant son visage tomber contre l'épaule de Brody pour cacher un rire à la fois embarrassé et amusé.
-Tu me répugnes, marmonna-t-il en frappant son épaule.
Brody éclata de rire et Tobias sentit le son vibrer contre sa joue, pressée contre sa poitrine.
-On n'y peut rien, c'est la nature de l'homme, gloussa Brody. Quand on voit un beau morceau de viande, on veut pas le lâcher.
Tobias se détacha de lui, plus outré encore que quelques secondes auparavant. Brody le regardait avec un grand sourire, les bras levés en signe d'innocence, et Tobias ne put s'empêcher de lui claquer une nouvelle fois l'épaule.
-Mais quoi ? protesta Brody en rigolant. C'est vrai !
-T'es en train de me comparer à un putain de steak haché, Brody, à quel moment tu penses que je vais prendre ça bien ?
Et Brody riait encore plus fort, penchant la tête en arrière. Tobias devait se pincer les lèvres pour se retenir de rire.
-Tu t'attardes sur les détails techniques, Golden Boy.
-Je maintiens toujours le fait que t'es vraiment nul avec les mots, rétorqua Tobias en croisant les bras sur sa poitrine.
Brody souleva un sourcil en souriant, visiblement pas impressionné par Tobias. Il glissa à nouveau ses mains contre les hanches de l'étudiant en droit, pressant ses hanches jusqu'à le pousser plus près de son bassin.
-Mais c'est l'intention derrière les mots qui compte, nan ? murmura-t-il d'une voix beaucoup trop niaise et aigu. Retiens juste que t'es un putain de beau steak haché et que j'ai pas envie de te lâcher.
Tobias leva les yeux au ciel, mais un sourire courbait aussi ses lèvres. Brody était définitivement loin d'être un roi du romantisme, peut-être plutôt un champion de la beauferie, mais quelque part, c'était attendrissant. Ce n'était généralement pas l'humour que Tobias appréciait le plus, mais ce n'était pas la même chose lorsque ça venait de Brody. Il était idiot et maladroit, mais en même temps, il savait exactement ce qu'il faisait.
Il savait exactement ce qu'il faisait à Tobias.
-T'es un abruti, souffla Tobias.
Brody lui pinça la hanche avant de lui voler un baiser.
-Aide-moi à ranger les courses maintenant ! s'exclama-t-il lorsqu'il se sépara de lui.
Tobias se laissa tomber de l'îlot central en soupirant. Rouler des pelles à Brody était quand même beaucoup plus amusant.
********
Plus tard dans l'après-midi, Tobias se retrouva allongé dans le lit de Brody. Big Star murmurait agréablement dans la pièce alors que Brody lisait un manuel, un bras pressé sous la nuque de Tobias qui somnolait à moitié contre lui.
-Qu'est-ce que tu lis ? chuchota Tobias.
-Un truc pour l'université, répondit Brody en tournant une page. C'est sur la création variétale et l'amélioration génétique des plantes.
-Je savais pas que tu parlais russe.
Brody gloussa et Tobias cacha un sourire dans son épaule.
-Abruti, souffla le basané contre son oreille avant d'embrasser sa tempe.
Tobias se blottit un peu plus près de lui, jetant un oeil aux images sur les pages du manuel. Il y avait des schémas incompréhensibles, des fleurs que Tobias n'avait jamais vues et beaucoup de photos pris depuis un microscope. Tobias essayait de lire les petits encadrés de texte, mais rien n'avait de sens. C'était vraiment du russe à ses yeux.
-T'étudies quoi dans les sciences ? demanda Tobias.
-La biotechnologie, répondit Brody, sans même détourner les yeux de son livre.
-Ça a l'air chiant.
Brody gloussa à nouveau.
-Pour toi, ouais. Moi je trouve que le droit, ça a l'air super chiant aussi.
Crois-moi, ça l'est, pensa Tobias, mais il préféra ne rien dire.
-Pourquoi est-ce tu étudies ça ?
Brody prit une inspiration en posant finalement son manuel sur son ventre. Tobias roula sur son flanc, se pressant contre Brody jusqu'à croiser ses yeux dorés.
-Pour plein de raisons, répondit Brody. Une partie de moi a commencé ces études parce que j'avais énormément de haine envers la religion. Je pense que je voulais prouver que Dieu n'existait pas parce que j'en avais marre d'entendre certaines personnes utiliser l'excuse de la religion pour justifier leur homophobie ou leur fermeture d'esprit.
-Tu l'as vécu ?
La poitrine de Brody se souleva lourdement lorsqu'il lâcha un soupir et il entortilla distraitement ses doigts dans les mèches châtains de Tobias.
-Ouais, répondit-il. J'viens d'un coin paumé, en Ohio, j'ai vécu là-bas pratiquement toute ma vie. J'ai compris que j'aimais pas que les femmes quand j'avais quinze ou seize ans et mes parents l'ont étonnamment bien pris. Mais ça n'a pas forcément été le cas de tout le monde.
Tobias tendit la main pour la presser contre le pectoral de Brody, caressant distraitement l'espace entre son coeur et sa clavicule. Brody la saisit et la serra entre ses doigts.
-Dans ce genre de petite ville de campagne, tout le monde se connaît alors les nouvelles se propagent très vites. J'étais le seul mec ouvertement bi de mon lycée et je me suis retrouvé complètement marginalisé. Je m'en foutais pas mal parce que j'avais toujours su que je ne serais pas accepté par tout le monde.
-C'est pour ça que tu es venu ici ? demanda encore Tobias.
-Ouais, souffla Brody en ancrant enfin son regard dans le sien. Je suis venu ici quelques semaines après avoir passé les SATs. J'voulais juste visiter le campus de l'université de Princeton, ce n'était même pas mon premier choix parmi toutes les universités où j'avais postulé, mais je me suis vraiment plu ici. J'ai connu Harold et Arthur dans une boîte de nuit et ils s'en foutaient que j'ai des préférences sexuelles différentes ou que j'embrasse autant de nanas que de mecs, alors je suis resté. Puis ici, les gens peuvent être religieux et totalement ouverts d'esprit. Ça change de ma petite campagne paumée.
-Et comment tu as rencontré Paul alors ?
Brody gloussa doucement.
-Curieux, hein ?
Tobias se contenta de sourire innocemment.
-On était dans la même crèche quand on était gamins, ça a toujours été un peu mon p'tit frère. On a été séparé un an quand j'ai déménagé à Princeton, mais il m'a rejoint l'année d'après quand il a été diplômé aussi. Il y a une chouette école d'art pas loin de Princeton dans laquelle il a décidé d'aller étudier.
Un sourire nostalgique apparut sur les lèvres de Brody et Tobias ne put s'empêcher de sourire aussi, s'imaginant deux têtes blondes faisant les quatre cents coups dans leur quartier natale. Brody était bien plus intéressant qu'il ne le prétendait.
-Raconte-moi d'autres choses, souffla Tobias.
-Je déteste les fraises, si ça t'intéresse, et je suis allergique au kiwi. J'adore prendre des photos aussi, capturer un souvenir.
Brody sourit et ancra son regard dans celui du châtain.
-J'adore la peinture aussi parce que peu importe combien de fois tu peins le même paysage, ce ne sera jamais exactement le même. Mais je ne suis vraiment pas doué avec mes mains alors je me suis mis à la photographie. C'est cool aussi, je me dis souvent que je capture un instant qui n'existera plus jamais. On n'y pense pas vraiment, mais chaque instant est unique. On ne revivra plus jamais de vingt-sept octobre deux-mille deux, ou de quatorze mars mille neuf-cent quatre-vingt-sept. Tout est éphémère, mais pas la photo. C'est une empreinte dans le temps.
Il y avait tellement de passion dans les mots de Brody que Tobias sentit son coeur se serrer dans sa poitrine. C'était poétique et incroyablement romantique, mais Brody ne le réalisait même pas. Tobias se sentait littéralement tomber.
-Pourquoi est-ce que tu ne fais pas des études dans ce domaine alors ?
Brody détourna le regard un instant, coinçant sa lèvre entre ses dents.
-Parce que je veux faire plus, murmura-t-il. Je sais que je peux faire plus.
Tobias fronça légèrement les sourcils.
-Comment ça ?
Brody laissa un soupir déborder de ses lèvres, mais ne regarda toujours pas Tobias.
-J'aimerais travailler dans la recherche, répondit-il. Sur les maladies génétiques, en particulier.
Il marqua une pause un instant, humectant ses lèvres avant de planter son regard dans celui de Tobias.
-J'ai envie de sauver des vies.
Tobias ne s'était pas vraiment attendu à ça. Ça sonnait à la fois si altruiste et si personnel qu'il se retrouva bouche bée l'espace de quelques secondes.
-Tu vas te moquer de moi maintenant ? souffla Brody lorsque le silence devint un peu trop long.
Il y avait des doutes dans ses yeux et Tobias aurait voulu effacer la barre soucieuse entre ses sourcils, mais il fut aussi étonnamment attendri par la gêne et la timidité dans la voix de Brody.
-Pourquoi je me moquerais de toi ?
-Je ne sais pas, répondit Brody. C'est un peu ridicule comme rêve, non ? Tous les enfants souhaitent ça.
-Je trouve ça génial, Brody, rétorqua Tobias avec un sourire.
Il glissa une main contre la joue de Brody et un sourire courba les lèvres pleines du basané.
-Vraiment ?
Tobias hocha vivement la tête.
-C'est - inspirant.
Le basané se contenta de glousser.
-J'en sais rien. Mais trop de parlotte, pas assez d'action. Tu veux pas plutôt qu'on se roule des pelles ?
Mais ce n'était pas vraiment une question. Tobias rigolait alors que Brody pressait ses lèvres contre les siennes, glissant sa langue contre la sienne. Le rire de Tobias mourut dans le baiser alors que Brody s'allongeait sur le dos en l'attirant sur ses cuisses. Les doigts du basané courraient sur les flancs de Tobias, glissants sous son t-shirt jusqu'à presser sa peau chaude.
L'étudiant en droit enfonça ses mains de part et d'autre du visage de Brody, encadrant ses hanches avec des cuisses. Ils se séparèrent lentement, mais Tobias resta penché au-dessus de lui. Brody pressa une main sur sa joue et fit courir son pouce contre la lèvre inférieure de Tobias.
-J'adore la couleur de tes lèvres, murmura-t-il pensivement.
Tobias sourit légèrement.
-Ah ouais ?
Brody hocha la tête.
-Je pourrais t'embrasser pour l'éternité.
Tobias sentit ses joues chauffer et son coeur palpitait si vite dans sa poitrine que ça lui faisait presque mal. Il battit des cils et embrassa le pouce de Brody.
Mais il n'eut pas le temps d'en faire plus que la porte d'entrée claqua bruyamment au rez-de-chaussée.
-Hé, Brody ! hurla une voix en bas des escaliers. Je suis rentré !
-Je suis dans ma chambre ! s'exclama Brody en retour.
Tobias fronça les sourcils et se redressa sur les cuisses de Brody.
-C'est qui ? chuchota-t-il.
Mais Brody n'eut même pas besoin de répondre : la porte de la chambre s'ouvrit derrière Tobias.
-J'ai vu que t'étais allé - oh ! Merde ! Pardon ! Putain, merde !
Tobias s'empressa de descendre des cuisses de Brody et il aurait voulu se lever pour paraître plus présentable, peut-être même serrer la main du nouvel arrivant, mais Brody le retint en rigolant.
-Je te présente Arthur, l'un des autres trou du cul qui vit ici, commença Brody. Et Arthur, je te présente Tobias un - ami.
Tobias remarqua immédiatement l'hésitation dans la voix de Brody lorsqu'il l'avait qualifié d'ami, mais pour le moment, il était plus dérangé par le fait qu'Arthur soit rentré en pensant que Brody et lui faisaient des cochonneries.
-Eh bien, enchanté, Tobias, sourit Arthur.
Arthur était un grand jeune homme - comme dans vraiment grand - avec de courts cheveux bruns légèrement bouclés et de grands yeux verts éclatants. Il portait un pantalon taché de suie et de grosses Caterpillar aux pieds, il semblait tout droit sorti d'un rêve érotique dans un garage automobile.
Enfin... il n'était quand même pas aussi beau que Brody.
-Enchanté aussi, murmura-t-il. Désolé pour - hum - tout à l'heure. Ce n'était peut-être pas la façon la plus appropriée de te rencontrer.
Au grand étonnement de Tobias, Arthur se contenta d'éclater de rire.
-Oh tu sais, t'es loin d'être le premier petit-copain de Brooklyn que je rencontre comme ça. Généralement, ils sont moins habillés et ils s'arrêtent même pas quand je rentre dans la chambre. Tu dois être l'un des bons.
Brody leva les yeux au ciel en montrant son majeur à Arthur tandis que Tobias était un peu partagé par ce qui venait d'être dit. Il sourit maladroitement à Arthur en sentant sa poitrine être compressée par un sentiment de jalousie, mais aussi un sentiment d'euphorie qui martelait son crâne parce qu'Arthur venait de dire « petit-copain de Brooklyn ». Était-ce comme ça que les autres les voyaient ? Étaient-ils vraiment en couple ?
-Bon, on a plein de choses à faire pour ce soir, déclara Arthur. Vous venez m'aider à installer la table de ping-pong ?
-Ouais, ok, on arrive, répondit Brody.
Arthur leur fit un clin d'oeil avant de fermer la porte et dévaler les escaliers. Tobias n'eut même pas le temps de reprendre son souffle que Brody se glissait déjà entre ses cuisses, pressant ses mains de chaque côté du visage de Tobias.
-Coucou, souffla-t-il avec un sourire avant d'embrasser le bout de son nez.
Tobias gloussa en croisant ses bras derrière la nuque de Brody.
-Hey, Brooklyn, répondit-il alors.
-Oh non, tais-toi, je déteste mon prénom, râla le basané.
Tobias rit avant de sentir les lèvres de Brody se presser contre les siennes. C'était lent et parfait et Tobias avait l'impression que ses poumons se remplissaient enfin d'air chaque fois qu'il embrassait Brody. Il savait aussi qu'ils étaient censés aller aider Arthur, mais il perdait toujours la notion du temps avec Brody. Ce ne fut que lorsque Arthur s'impatienta et hurla « baiser avec son mec alors qu'on a promis d'aider son pote, c'est vraiment pas cool ! » pour que Brody et Tobias se décident enfin à sortir du lit.
Et tout semblait si facile. Peut-être trop facile. L'espace d'un instant, Tobias pensa qu'il pourrait peut-être finir par se plaire à Princeton.
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