Chapitre 42
« je me sens juste putain de vide parfois et c'est épuisant de ne ressentir rien et tout à la fois. »
TOBIAS.
Il était deux heures du matin et Tobias demeurait toujours immobile sur le siège de la salle d'attente. Sa mère faisait les cents pas autour de la table basse et le bruit de ses talons aiguilles claquant contre le parquet semblait si lointain pour Tobias, si sourd et insignifiant.
Sa tête bourdonnait et son coeur battait fort dans sa poitrine, couvrant tous les autres sons. C'était douloureux parce qu'il ressentait un tas de choses tout en se sentant incroyablement vide. C'était épuisant. Incroyablement épuisant.
La salle d'attente était presque vide, il n'y avait qu'un garçon d'une douzaine d'années qui attendait, mais Tobias s'en fichait pas mal. L'hôpital était presqu'aussi silencieux, les quelques infirmiers se déplaçant dans les couloirs étant le seul réel mouvement qui montrait un peu de vie dans le bâtiment.
Tobias était ailleurs, absent, perdu dans un monde tourmenté et torturé.
Ses mains tremblaient un peu alors qu'il serrait son téléphone et regardait le sol de linoléum.
Il était vide. De nouveau, le néant l'avait gagné.
Des larmes silencieuses perlaient toujours sur ses joues mais il ne savait même pas réellement pourquoi. Peut-être parce que l'homme qu'il aimait avait failli tuer son père, ou peut-être parce que les deux seuls personnes qui étaient censés l'aimer pour toujours le rejetaient complètement. Tobias ne savait plus où il en était et il attendait juste que Loé vienne le sauver de cette situation.
-Vous allez porter plainte contre lui ? Il murmura finalement, son regard ne se détournant pas de là où le plastique se décollait un peu du béton.
Les claquements de talons s'arrêtèrent et Tobias releva son regard vers sa mère, immobile devant lui, son visage trahissant sa fatigue et son inquiétude.
-Je ne sais pas, elle répondit.
Nicki vint s'asseoir à côté de son fils.
-C'est à ton père de le décider.
Tobias hocha la tête lentement et détourna de nouveau le regard. Il remarqua d'ailleurs que le petit garçon le regardait alors que le silence revint s'abattre sur la salle. Il semblait si jeune et si seul, assit depuis presque autant de temps qu'eux ici - ce qui voulait dire trois heures. Tobias n'eut même pas la force de lui sourire.
-Je pense que tu sais pourquoi nous sommes partis, Tobias.
Le châtain dirigea son regard vers sa mère de nouveau. Ses yeux étaient empreints de tendresses et d'inquiétudes à la fois. Tobias hocha lentement la tête.
-Vous allez divorcer, pas vrai ?
Nicki soupira et passa une main sur son visage d'habitude si strictement maquillé et rayonnant de jeunesse. Là, on découvrait toute la fatigue qu'elle accumulait et la vieillesse qui commençait à tirer ses traits pourtant si fins.
-Oui. Je quitte ton père. Je pense qu'on sera mieux ainsi.
Tobias hocha lentement la tête sans répondre parce qu'en soit, il n'y avait rien à répondre, il le savait déjà.
-George va repartir à New York. Je vais rester ici et m'installer avec Jonny. Tu es libre de faire ce que tu veux mais - je - je ne veux pas que tu viennes habiter - avec moi.
Le regard de Tobias tomba sur le visage baissé de Nicki. Son ventre se noua alors qui battait des paupières pour repousser de nouvelles larmes.
-C'est à cause de Brody, c'est ça ? C'est parce que je suis gay ?
Nicki passa une main sur son visage en soupirant et Tobias dû se mordre la lèvre pour ne pas exploser en sanglots. Bien-sûr que sa mère ne voulait plus de lui.
-C'est plus compliqué que ça, Toby. Je pense que tu es perdu et tu as besoin de temps seul. Il faut encore que tu grandisses et sortes de ta période de questionnements sur - eh bien sur tout ça.
Elle fit un geste vague pour désigner la sexualité de Tobias.
-Tu es encore trop jeune pour comprendre, mais quand tu réaliseras tes erreurs et le temps que tu perds, peut-être que-
-Mes erreurs ? Le temps que je perds ? Sérieusement ? Il s'exclama, ses yeux se brouillant de larmes de rage.
L'infirmière de l'accueil lui envoya un regard lourd de sous-entendus mais Tobias en avait tellement rien à foutre que même lui était choqué de sa propre impolitesse.
-Ce n'est pas des bêtises, maman, je suis pas entrain d'essayer des trucs, je me découvre ! Je suis gay, accepte-le, c'est tout. C'est quoi la différence ? Tu préfères que je sois malheureux avec une femme toute ma vie et rentré dans tes petites cases pourries ou que je sois libre avec un homme que j'aime réellement ?
Nicki releva son regard vers lui.
-La petite Sandy était vraiment mignonne. Je suis sûr que si tu essayais, tu serais heureux avec elle, murmura-t-elle. Tu pourrais voir un psychologue pour y voir plus clair dans tout ça.
Tobias ria nerveusement.
-Mais tu t'entends parler ? Dans quel siècle tu vis, bordel ?
Cette fois-ci, l'infirmière se leva.
-Excusez-moi, vous êtes dans un lieu public, gardez le volume plus bas, merci.
Tobias lui envoya un regard furieux avant de se lever.
-De toute façon, je me barre, il cracha.
Il attendit juste un peu, juste au cas où sa mère voudrait le retenir, mais Nicki garda la tête baissée alors Tobias arpenta furieusement le couloir et se précipita dans l'ascenseur. Quand il sortit finalement de l'hôpital, son coeur battait la chamade et il s'empressa de sortir son téléphone pour appeler Loé.
-Allô ? Répondit le brun au bout de deux sonneries.
-Ouais, t'es où ?
-Je suis là dans deux minutes.
-Ok, je t'attends devant l'hôpital.
Tobias raccrocha et pendant quelques minutes, il eut le temps de faire descendre la pression.
Il était rarement en colère, vraiment très rarement, et il détestait cette sensation d'avoir les veines en feu et cette envie démangeante de casser quelque chose. Tobias fit tout son possible pour faire partir la rage et il était presque calme quand la Range Rover de Loé se gara près de trottoir. Tobias sauta sur le siège passager et son ami ne perdit pas de temps pour démarrer.
-Tu veux en parler ? Demanda doucement Loé alors qu'il sortait du complexe de l'hôpital.
Le châtain secoua la tête sans le regarder. Loé soupira et accéléra. Tobias lui était vraiment reconnaissant de s'être déplacé à deux heures du matin pour le chercher, mais il sentait toujours la colère dans ses veines et il avait juste besoin de se calmer. Il ferma les yeux, soupira et pressa son crâne contre l'appui-tête jusqu'à la fin du trajet.
Quand ils arrivèrent en face du grand immeuble de Loé, l'horloge s'approchait des trois heures du matin et la pluie sonnait contre les carreaux. Les deux garçons se précipitèrent dans le hall et prirent rapidement l'ascenseur jusqu'au quatrième étage. Là, Loé mena Tobias jusqu'à sa colocation. Hercule et Arthur dormaient déjà.
-Tu veux quelque chose à boire ou à manger ? Lui proposa Loé.
De nouveau, Tobias secoua la tête.
-Je veux juste dormir. Je peux dormir ici ?
-Bien-sûr. Nick ne rentre pas ce soir. Je suis sûr que ça ne le dérangera pas si tu dors dans sa chambre.
Loé conduisit Tobias jusqu'à la grande chambre au fond du couloir. Elle avait un grand lit, une salle de bains et une agréable odeur de cannelle flottait dans la pièce.
-Il y a des draps propres dans le placard et si tu veux prendre une douche, les serviettes sont sous l'évier.
Tobias hocha lentement la tête tandis que Loé resta quelques instant dans l'embrasure de la porte avant de soupirer.
-Bon eh bien - je vais te laisser, ok ? Bonne nuit.
-Attends, le retint le châtain avant que son ami ne s'échappe dans le couloir.
Le grand brun revint.
-Oui ?
Tobias tenta un faible sourire.
-Merci, il souffla.
Loé resta quelques secondes interdit avant de sourire également. Il donna une tape amicale contre l'épaule de Tobias.
-De rien. Tu sais que je ferais tout pour toi.
Tobias hocha la tête et le remercia de nouveau. Puis Loé ferma la porte et alla se coucher tandis que le châtain se déshabilla pour une douche. Il sentait encore l'odeur de Brody sur lui et ça le dégoutait presque, mais il avait aussi du sang sur son t-shirt et il avait juste besoin de se laver de cette soirée.
Et alors que l'eau brûlante coulée sur sa peau rougie par la chaleur, Tobias se permit enfin de tout relâcher. Littéralement tout. Les sanglots l'étouffèrent et il pleura sous le jet, un peu silencieusement, des gémissements lui échappant parfois.
Mais Tobias en avait juste marre. Chaque fois qu'il pensait que tout allait mieux, que tout irait mieux, une nouvelle merde lui tombait dessus et il était juste fatigué. Si fatigué.
Il voulait tout éteindre, peut-être même s'éteindre lui-même ou alors se couper du monde parce que l'envie de s'échapper devenait de plus en plus forte au fur et à mesure qu'il réalisait que rien n'irait mieux. Ses parents allaient probablement portaient plaintes, Brody était un monstre et même s'il avait Loé, Arthur et Hercule, Tobias ne s'était jamais senti aussi seul. Il n'avait plus personne.
Tobias réalisait maintenant combien il était réellement détruit, combien Brody avait fait de lui une loque humaine, combien il était dépendant de lui. Tobias réalisait maintenant que tout avait toujours tournait autour de Brody depuis leur rencontre et que maintenant qu'il n'était plus là, il était juste seul.
Et c'était un retour à la réalité brutal.
Une réalité sans Brody où tout était gris et moche et morose et Tobias n'aimait pas cette réalité. Il n'aimait plus rien et voulait juste tout éteindre et dormir pour toujours.
Il était vide. Il n'était rien et ne ressentait rien et quand il fermait les yeux et rencontrait le néant, il se sentait chez lui.
Éventuellement, Tobias finit par sortir de la douche. Il attrapa une serviette sous l'évier et s'essuya le corps avant de la passer dans ses cheveux tout en entrant dans la chambre sans se soucier de sa nudité étant donné qu'il était seul.
Enfin, c'est ce qu'il pensait.
Alors qu'il retirait la serviette de ses cheveux humides, il rencontra deux yeux bleus et un énorme sourire. Tobias lâcha un cri et s'immobilisa dans la chambre, regardant le garçon assit sur le lit.
-Euh, salut ? Sourit l'inconnu.
Le rouge monta aux joues de Tobias qui, sortit de sa paralysie, s'échappa dans la salle de bains. Il entendit un rire derrière la porte et son souffle s'accéléra.
-Hé, ça va, je n'air rien vu, lui dit le garçon.
-C'est vrai ?
-Bien-sûr que non.
Tobias rougit encore plus et ferma les yeux. Mais qui était ce garçon et que faisait-il ici ? Le châtain noua la serviette autour de sa taille et sortit de la salle de bains, couvert cette fois-ci. Le garçon était toujours assit sur le lit.
-Salut encore, content de pouvoir te rencontrer habillé cette fois-ci, gloussa l'inconnu.
Le châtain ne comprit que maintenant que le garçon devait probablement être bourré. Il remarqua d'ailleurs que ses joues étaient rouges et ses yeux vitreux derrière ses lunettes.
-Hum - qui es-tu ? Il demanda doucement.
-Je pense que c'est à moi de te poser la question, tu es un peu dans ma chambre.
Tobias comprit immédiatement qu'il devait être le mystérieux colocataire de ses trois amis. Il rougit encore plus et détourna le regard.
-Oh, hum, désolé. Loé m'avait dit que tu n'étais pas là ce soir.
Le blondinet fit la moue.
-Je pensais aussi mais la soirée a été annulée, les flics sont arrivés. Du coup, me voilà !
Il ria et Tobias sourit nerveusement.
-Tu es le colocataire, c'est ça ? L'étudiant en médecine ?
Le garçon sourit grandement.
-C'est ça, c'est moi.
Tobias hocha la tête.
-Je vais juste prendre mes vêtements et - et m'habiller. Après je pars.
L'inconnu hocha la tête et retourna sur son téléphone tandis que Tobias attrapa ses habits sur le bord du matelas.
Deux minutes plus tard, il était sec et habillé quand il pénétra dans la chambre. Le blondinet avait retiré sa veste et aligné ses chaussures à côté de la porte et Tobias ne savait pas quoi faire de lui-même.
-Bon, eh bien - je vais-
-Je pense que les présentations n'ont pas été correctement faites, le coupa le garçon avec un sourire amical et chaleureux. On devrait recommencer, non ? Je suis Nicholas, ou Nick, comme tu veux.
Tobias eu un sourire timide.
-Tobias, l'ami de Loé, Arthur et Hercule.
-Ah, j'ai déjà entendu parlé de toi ! J'avais hâte de te rencontrer !
De nouveau, Tobias sourit un peu et détourna le regard.
-Bon, en tout cas je suis pas déçu. Je n'ai que vu les plaquettes de chocolats, mais tu m'as l'air gentil, beau gosse. Enchanté, Tobias. Ou je peux t'appeler Toby ?
Le sourire de Nick était juste éclatant tandis que Tobias rougissait dans son coin.
-Enchanté, Nick, il murmura en retour.
Et peut-être, oui peut-être que Tobias commençait lentement à se reconstruire.
🌈🌈🌈
NE ME TUEZ PAS SVP, JE VOUS AIME FORT!!!!! PROCHAIN CHAPITRE MARDI!!!
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