Chapitre 30
« C'est comme si à chaque fois je vois on visage, entend ta voix, ma poitrine se compresse. Mais pas comme avant, pas avec joie et allégresse, mais avec tristesse et désespoir à la place. »
TOBIAS.
La sonnette retentit à travers la grande maison mais Tobias ne bougea pas, fixant juste le mur en face de lui comme il le faisait depuis trois heures. Comme il le faisait depuis trois jours.
Il entendit les pas de sa mère dans l'entrée et la porte s'ouvrir.
-Oh, bonjour mon garçon, je peux t'aider ? Annonça - hypocritement - sa mère.
-Bonjour madame Carl, je suis un ami de votre fils, Tobias, et je voulais savoir s'il était ici ? Il ne répond pas à mes messages et je commençais à m'inquiéter.
Tobias ferma les yeux en soupirant.
Non, pas maintenant, je t'en supplie.
Le châtain entendit la porte se fermer et des pas dans l'escalier.
-Oui, il est ici, mais il est enfermé dans sa chambre depuis trois jours. Je le soupçonne de ne pas aller en cours, mais il refuse de nous parler. Je ne sais pas vraiment quoi faire, j'espère vraiment que tu pourras nous aider.
C'était l'un des côtés que Tobias affectionnait particulièrement chez sa mère : elle n'était pas trop intrusive dans sa vie. Tant qu'il avait de bons résultats et des habits propres, elle s'en foutait pas mal de ce qu'il faisait à côté.
-Honnêtement, c'est un peu flou pour moi aussi, répondit l'invité.
Le châtain entendit sa mère soupirer puis trois coups être donné contre sa porte.
-Mon lapin ? Il y a un ami qui veut te voir, annonça doucement Nicky.
Tobias soupira.
-Laissez-moi tranquille, il répondit, assez fort pour que sa voix traverse les cloisons.
Mais sa mère ne sembla pas comprendre et la porte s'ouvrit. La lumière du couloir pénétra dans la pièce et Tobias se cacha sous sa couette, ses rétines s'étant habituées à la pénombre.
-Hey, Tobias, souffla amicalement une voix que Tobias détestait.
-Je vous laisse, dit aussi sa mère et le châtain entendit la porte se fermait.
Puis un silence s'abattit dans la chambre mais Tobias savait que Loé était toujours là.
-Ça va ? J'ai essayé de te joindre mais tu ne réponds pas alors je suis venu, j'espère que tu ne m'en veux pas.
Le châtain ne répondit pas et resta dans son mutisme, essayant de se concentrer sur sa respiration pour contrôler sa colère et son désespoir.
-Mais je vois que ça doit faire trois jours que t'es enfermé ici, ça sent le mort, ria légèrement Loé.
Puis il soupira parce que Tobias ne répondait toujours pas.
-Ouais, ok, peut-être que les blagues c'est pas encore pour maintenant.
L'étudiant en droit entendit les pas de Loé puis son matelas s'affaissa un peu, signe que le grand brun venait de s'asseoir sur son lit.
-Je t'ai amené des Oreo, de la glace au cookie et de la limonade, essaya Loé.
Tobias se contenta de soupirer quand il entendit le bruit d'un sac plastique, préférant ne pas répondre parce que Loé n'allait pas l'acheter avec de la nourriture.
Son prétendu ami souffla et deux minutes passèrent sans qu'aucun des deux garçons ne parlent.
Puis, Tobias sentit une main se poser sur sa hanche, au-dessus de la couette.
-Écoute, Tobias, je suis vraiment désolé. J'ai essayé de parler à Brody quand j'ai vu que ça prenait trop d'ampleur, mais il ne voulait pas m'écouter. J'ai vraiment essayé, je te promets, mais j'ai rien pu faire. Y a pleins de fois où j'ai voulu te le dire mais t'étais tellement heureux que je me voyais pas te faire autant de mal, tu vois ? Je sais que j'ai merdé et je suis vraiment désolé, et si tu veux tout savoir, je n'aime pas trop Brody non plus.
Le châtain ferma les yeux un instant, respirant lentement pour contrôler la boule dans sa gorge. Elle était constamment là et menaçait d'éclater à tout moment chaque fois que Brody devenait un sujet de discussion ou chaque fois que Tobias pensait à lui.
Cette boule, c'était tous les sanglots que Tobias tentait de faire disparaitre car le basané ne méritait pas ses larmes, il ne méritait rien du tout de lui.
-Raconte-moi, il murmura.
Il y eut un silence et Tobias pensa que Loé devait probablement être surprit qu'il prenne la parole. Mais le châtain resta sous sa couette, parce qu'il n'était pas encore prêt à affronter le monde extérieur.
-Oh euh eh bien - je n'étais pas là quand ça s'est fait mais Yann m'a raconté.
Et Tobias encaissa tout.
De la manière dont Brody avait apprécié regarder sa soeur, jusqu'à l'intervention de Paul et son idée du pari, comment Yann et lui avaient poussé Brody a accepté le défi et la façon dont il avait finalement accepté quand il avait vu Tobias pour la première fois.
Mais il dû aussi écouter tout ce qu'il s'était passé après, comment les autres gars de la bande avait rajouté de l'argent pour que le défi deviennent plus intéressant, tout ce que Brody leur avait raconté, leurs sorties, leurs paroles, leurs baisers.
Et les photos. Ces photos si personnelles et si précieuses que tout le monde avait vu.
Au fur et à mesure que Loé parlait, Tobias sentait les pans de son coeur se déchirer et il pleurait silencieusement, fixant le mur en face de lui en se rappelant chaque moment pas si intimes que ça qu'il avait passé avec Brody.
-Arthur et moi sommes les seuls qui n'ont jamais participé à cette histoire de pari. On était contre et Hercule a fini par nous rejoindre aussi à la fin. C'est vrai qu'il a dit et fait des choses pas très cool, mais je te promets qu'il regrette maintenant. Y a eu une énorme engueulade à la villa à cause de ça. Ça a dégénéré et c'est parti en règlement de compte et maintenant y a en quelque sorte deux clans. Y a Paul, Cami, Nora, Jodi, Harold et Yann qui soutiennent à fond toutes les conneries de Brody, puis y a Arthur, Hercule et moi qui essayons plutôt de le faire comprendre que c'est vraiment dégueulasse.
Tobias resta silencieux un instant, prenant en compte tout ce que Loé avait dit.
Il le comprenait, dans un sens, et lui en voulait quand même, mais il comprenait les motivations de Loé : il avait préféré essayer de prospérer leur relation plutôt que de la détruire.
-Et Brody ? Demanda doucement Tobias.
-Quoi Brody ?
-Il est où dans tout ça ?
Loé soupira un peu.
-On sait pas. On l'a pas vu depuis - depuis longtemps. On sait pas où il est. Il veut parler à personne, même pas à Paul, alors on sait rien. Y aurait des histoires comme quoi il serait reparti chez ses parents, mais j'y crois pas trop, je crois juste qu'il se cache quelque part et attends que ça se calme.
Tobias papillonna des paupières, laissant les dernières larmes perler sur ses joues.
-Le truc dans l'histoire que je comprends vraiment pas, c'est que c'est la première fois que ça se passe comme ça après un pari, continua Loé.
Il ne fallut qu'une demie seconde pour que Tobias se retrouve assit sur son lit, les sourcils froncés et le coeur battant.
-Attends, quoi ?
Loé sembla confus et entrouvrit lentement la bouche, regardant autour de lui.
-Hum... quoi quoi ?
-Il y a eu d'autres paris ?
Le grand brun eut l'air de comprendre et baissa lentement la tête.
-Ouais, y a eu d'autres paris. C'est un truc assez réputé dans la bande, les paris de Brody. C'est genre le tombeur de la bande du coup - c'est autour de lui que ça tournait.
-Combien ?
Tobias sentait la colère bouillonner dans ses veines. C'est comme si chaque jour, il se prenait une nouvelle claque encore plus forte que la précédente.
-Euh... une dizaine ? Je sais plus. Généralement, c'est des petits défis genre embrasser un mec hétéro ou coucher avec trois filles différentes à la même soirée, mais les longs et gros paris qui s'étendent sur plusieurs mois, y'en a eu que deux.
Le châtain se laissa tomber sur son lit, pressant le talon de ses mains contre ses paupières alors qu'il ravalait ses larmes.
-Qui ?
-Le premier, c'était Antonio Gale, y a deux ans. C'était un gars très catholique qui sortait avec une jolie fille de ses cours de catéchisme. C'était le fils d'une famille très amie avec celle de Nora. Brody avait toujours eu de petits paris un peu nul, mais quand Nora est venue se plaindre qu'elle devait assister à un dîner avec la famille d'Antonio en disant que - je cite - « les petits coincés du cul parfait comme lui, ça m'horripile », Paul est venu avec cette idée : un mois pour le baiser, deux pour qu'Antonio tombe amoureux de lui.
Loé soupira un peu et Tobias sentit son coeur souffrir en se disant que son amour pour Brody était basé sur une idée stupide, puérile et sadique de Paul.
-Les règles étaient simples : Brody pouvait faire tout ce qu'il voulait, mais les gars voulaient des preuves de son avancée dans le pari, et au moment où Antonio lui dirait qu'il l'aime, Brody devait lui dire qu'il se foutait de sa gueule depuis le début et qu'il s'était servi de lui pour gagner trois cent dollars. Et il a réussi. Précisément un mois après qu'ils se soient rencontré pour la première fois, Brody l'a baisé. Antonio a quitté sa petite-amie pour lui et s'est même attiré les foudres de ses parents quand il leur a annoncé qu'il aimait les hommes.
Tobias savait ce qui allait suivre et il se sentait déjà incroyablement mal pour ce pauvre Antonio.
-Il s'est fait rejeter par toute sa famille et par l'église. Mais il s'était dit que ça importait peu, puisqu'il avait Brody. Mais quand il lui a dit tout ce qu'il avait fait pour lui et que c'était seulement par amour, Brody l'a jeté dehors en rigolant, lui balançant à la figure qu'il s'en foutait pas mal parce qu'il se foutait de sa gueule depuis le début. On était tous là quand c'est arrivé et je te promets que ce n'était vraiment pas beau à voir. J'ai jamais vu quelqu'un d'aussi détruit qu'Antonio. J'ai essayé de retrouver Antonio après ça, mais il a complètement disparu de la circulation, personne ne savait où il était. En revanche, Brody et les autres ont fait la fête et se sont foutu de sa gueule pendant au moins les quatre mois qui ont suivi. Ils se foutent encore de sa gueule aujourd'hui en fait.
Loé soupira longuement et marqua une pause un instant, laissant le temps à Tobias de commençait à digérer tout ça.
-Je m'en suis voulu de n'avoir jamais rien fait. Je n'approuvais vraiment pas cette histoire, mais je ne suis jamais intervenu. J'ai juste fermé ma gueule et m'en suis jamais mêlé. C'est pour ça qu'avec Brody on est pas vraiment très proches, je le déteste presque. C'est une si mauvaise personne...
Tobias ne le voyait pas mais il était certain que Loé secouait la tête lentement avec un air de dégoût.
-Et j'ai voulu essayer cette fois-ci, je te promets que j'ai essayé mais-
-Je ne t'en veux pas, Loé.
Loé sembla surpris quand il rencontra le regard de Tobias.
-Tu devrais, je ne te l'ai pas dis, murmura le grand brun.
L'étudiant en droit secoua la tête.
-Non. J'en veux aux autres, à Paul et à Yann et surtout à Brody, mais je ne t'en veux pas. Je suis même content de t'avoir comme ami.
Loé laissa un faible sourire se dessiner sur ses lèvres.
-Allez, passe-moi moi les Oreo maintenant, sourit faiblement Tobias et Loé ria un peu en attrapant le sac plastique.
Les deux garçons passèrent le reste de l'après-midi à regarder la télé et à partager la nourriture que Loé avait amené.
Tobias remercia le ciel parce que Loé n'avait fait aucun commentaire sur ses habits sales, son odeur répugnantes ou le fait qu'il ait les cheveux gras, et aucun non plus sur le fait Tobias ne parla pas beaucoup. Il était resté silencieux la plupart du temps, laissant Loé lui raconter quelques anecdotes sur lui-même et faire des commentaires sur Sheldon et ses tocs bizarres.
Son faible sourire était le maximum qu'il puisse faire parce qu'il se sentait encore plus détruit aujourd'hui que le jour où il avait apprit pour le pari.
Mais Loé était là et c'était comme un pilier qui l'empêchait de s'enfermer dans sa chambre et penser à toutes ces horribles choses dans le noir de la pièce. Il y pensait tout le temps parce que la douleur dans sa poitrine était loin d'être supportable, mais Loé le distrayait un peu.
Tobias avait toujours était quelqu'un de très réfléchi, calme et posé, et dans ce cas-là, ça lui causait du tort. Ses constantes réflexions sur ce qui l'entourait le conduisait aujourd'hui à constamment penser à Brody et c'était si douloureux et si destructeur.
Mais il essayait vraiment de ne pas penser à lui. Il essayait tellement fort mais c'était impossible parce que tout le ramenait à Brody. Tout. De Penny qui embrassait Leonard dans le couloir à son balcon jusqu'à ses draps et ses livres. Tout était imprégné de Brody et il se détestait tellement pour vouloir à la fois tout brûler et tout encadrer comme des oeuvres d'art.
Mais plus que tout, il détestait être encore amoureux de Brody.
Tobias détestait sentir ce vide dans sa poitrine et sa vie, il détestait se tourner vers Loé et espérer y voir Brody à sa place, il détestait regarder sa baie-vitrée dans l'espoir qu'un beau basané frappe à sa fenêtre.
Il se détestait lui-même autant qu'il aimait et haïssait Brody.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top