CHAPITRE 20
« Est-ce qu'on peut prétendre qu'on est amoureux ? »
TOBIAS.
C'était un mercredi après-midi pluvieux où le vent étendait son royaume et le froid imposait ses règles. Pourtant, Tobias avait la sensation que le soleil chantait quelque part dans son estomac, la tête remplie de souvenirs de la veille, de doux baisers sur la plage, de gloussements au-dessus de bougies et de vin cher sur sa langue.
Ça ne faisait même pas vingt-quatre heures qu'il avait quitté Brody sur le porche de sa maison, mais Tobias avait déjà hâte de le revoir. Alors il ne pouvait vraiment s'empêcher de doucement sourire, juste parce qu'il savait qu'il allait voir Brody dans quelques minutes.
-T'as gagné au loto ? demanda Loé. Ou t'as rencontré le Père Noël ? Ou peut-être que t'as sacrément bien baisé hier ?
Tobias revint à la réalité en se tournant vers lui. Une réalité plus fade où la pluie sonnait contre le pare-brise, où le ciel était gris et où Brody était encore à beaucoup trop de kilomètres de lui.
-Hein ?
Loé sourit en lui jetant un bref regard avant de se concentrer sur la route à nouveau.
Installés dans la confortable Range Rover de Loé, les deux garçons étaient en route pour la grande villa après une matinée de cours.
-J'sais pas, tu souris tout seul, rit Loé. Qu'est-ce qui te met de si bonne humeur ?
Tobias secoua lentement la tête et gloussa, même si ses joues se teintaient de roses.
-J'suis juste heureux, c'est tout, souffla-t-il.
-Qu'est-ce qui te rend aussi heureux alors ?
L'étudiant en droit haussa les épaules en triturant nerveusement ses cuticules.
-Ou qui, peut-être ? ajouta Loé avec un sourire un peu trop malicieux.
Tobias se tourna vers lui alors que Loé jouait des sourcils avec un regard suggestif. Il rougit et baissa les yeux parce que bien sûr qu'il n'était vraiment pas discret.
-J'le savais ! s'exclama Loé avant de laisser un rire bruyant échapper sa poitrine.
Tobias leva les yeux au ciel.
-Tu es insupportable.
-Ouais, sûrement, rit Loé. Ou juste devin.
Il fit un clin d'œil à Tobias.
-Ça se passe bien avec Brody alors ? ajouta-t-il.
L'étudiant en droit hocha la tête en se pinçant les lèvres.
-Il n'est pas trop - dur à vivre ? demanda encore Loé.
Tobias haussa les épaules.
-Parfois, c'est un peu compliqué. Mais généralement, ça finit par en valoir le coup.
-Généralement ? répéta Loé en fronçant les sourcils.
Tobias papillonna des paupières et se mit à jouer nerveusement avec la couture de son t-shirt.
-C'est juste que - j'ai l'impression qu'il me cache tellement de choses, chuchota Tobias. J'ai confiance en lui, mais parfois, j'ai le sentiment qu'il manque toujours un morceau à ses histoires, tu vois ce que je veux dire ? Je sais qu'on ne se connaît pas encore assez pour qu'il me révèle tout et il en a tous les droits, mais j'aimerais juste qu'il comprenne que je ne le jugerai jamais, peu importe ce qu'il essaye de cacher.
Il soupira bruyamment.
-J'me confie souvent à lui, j'lui parle de plein de choses dont je n'ai jamais vraiment parlé, et pourtant, il est toujours sur la retenue, continua Tobias parce qu'une fois que les vannes étaient ouvertes, c'était compliqué de les refermer. Je ne comprends pas ce qu'il ne veut pas que je découvre. Je peux supporter beaucoup de choses, j'le sais, et il devrait le savoir aussi. Il ne devrait pas avoir peur.
Au même moment, Loé se garait dans l'allée de la villa. Tobias se tourna vers lui alors que Loé lâchait un long soupir, le regard posé au-delà du pare-brise en face d'eux.
-J'suis désolé, s'empressa de dire Tobias. Ce n'était pas - ce ne sont pas du tout tes affaires, je ne devrais pas te déranger avec tout ça, je sais pas pourquoi j'ai commencé à tout déballer comme ça. Tu n'es pas obligé de répondre quoi que ce soit, c'est juste-
-Tobias, arrête, je m'en fiche, ok ? le coupa Loé en se tournant vers lui. Brody est juste quelqu'un de très - secret. J'le connais depuis des années, mais je ne suis même pas vraiment sûr de le connaître. J'pense juste qu'il prend du temps à faire confiance aux gens, tu comprends ?
Tobias hocha lentement la tête. Loé soupira à nouveau.
-Mais j'pense que tu réalises pas non plus l'impact que t'as sur lui, continua-t-il. Je sais que Brody peut vraiment être un challenge de temps en temps et t'aurais tous les droits de partir, mais - s'il te plaît, ne le fais pas. Il t'apprécie vraiment plus que tu ne le penses et même s'il ne le réalise pas forcément, il finira par le comprendre. Il est juste un peu con.
L'étudiant en droit gloussa doucement et Loé laissa un faible sourire fleurir sur ses lèvres avant qu'il ne presse brièvement l'avant-bras de Tobias.
-Fais quand même attention à toi, ok ?
-Ok, souffla doucement Tobias.
Il n'était pas sûr de comprendre pourquoi Loé était aussi gentil avec lui, mais il sentit une douce chaleur envahir sa poitrine alors que Loé lui souriait avec tellement de gentillesse et de sincérité débordants de ses yeux. C'était rassurant et Tobias avait la sensation que ça faisait longtemps que quelqu'un avait été aussi gentil avec lui.
-On y va ? finit par souffler Loé.
Il fit un geste de la tête vers la portière.
Ils descendirent tous les deux de la voiture et coururent jusqu'au porche de la villa, la pluie battant encore sur leurs épaules.
-Ah, des revenants ! s'exclama Paul alors qu'ils passaient le pas de la porte.
Loé lança un salut général à toute la joyeuse bande.
Comme d'habitude, Cami et Nora étaient affalés dans l'un des fauteuils dans une pile de membres emmêlés, Yann partageait un joint avec Paul sur le canapé, Hercule et Arthur s'affrontaient à une partie de FIFA alors que Jodi essayait de les déconcentrer en dansant devant la télé. C'était désormais étrangement familier et Tobias se laissa aller à un sourire en leur faisant un signe de main.
Pourtant, il ne put empêcher de remarquer que Brody manquait à l'appel.
-Il dort encore, murmura Loé en se penchant vers lui avec un petit sourire.
Tobias se maudit d'être aussi prévisible, mais il se tourna tout de même vers Loé pour le remercier d'un hochement de tête avant d'effacer la distances qui le séparait des escaliers. Il grimpa les marches et traversa le couloir jusqu'à la dernière porte.
Brody était encore étendu dans son lit, seulement vêtu d'un caleçon, à moitié recouvert de se couverture épaisse, un léger ronflement s'échappait de ses lèvres. Tobias mordit un sourire et ferma silencieusement la porte derrière lui.
Il traversa la chambre jusqu'au lit et, avec une délicatesse et une souplesse gagnées après des années de danse classique, Tobias passa une jambe au-dessus de celles de Brody pour s'asseoir sur ses cuisses en douceur. Ses genoux encadraient ses hanches étroites et Brody remua légèrement dans son sommeil, fronçant les sourcils alors que Tobias souriait.
Lentement, il appuya ses mains de chaque côté de la taille de Brody avant de presser ses lèvres entre les omoplates du basané. Tobias garda son regard rivé sur le crâne de Brody alors qu'il embrassait encore sa colonne vertébrale. Ses lèvres glissèrent jusqu'à la ceinture du caleçon de basané.
Son regard croisa alors le dessin gravé dans la hanche de Brody.
Tobias avait déjà remarqué son tatouage auparavant, Brody en possédait quelques autres que l'étudiant en droit avait eu l'occasion de découvrir lors de leurs quelques moments intimes, mais il n'y avait jamais vraiment fait attention. Ce n'était pas vraiment étonnant venant d'un garçon aux allures de punk qui portait continuellement une veste en cuir.
De plus, lorsque Brody était nu, ce n'était jamais vraiment le genre de situation où Tobias avait encore assez de lucidité pour demander quelles étaient les significations de ses tatouages, mais plutôt à d'autres choses. Des choses plus intéressantes.
Seulement, cette fois-ci, la chambre était calme, Brody dormait encore et Tobias pouvait admirer ses tatouages dans leurs détails. Il y en avait un petit, à l'arrière de son bras, juste au-dessus de son coude, qui représentait Bart Simpson tirant la langue. Il y en avait un autre, sur sa cuisse, qui était des mots écrits en cursives, Don't go chasing waterfalls, Please stick to the rivers and the lakes that you're used to. Il y en avait encore un autre, sur le côté de son autre bras, juste en-dessous de son épaule, qui était le dessin d'un démon avec une longue langue de serpent et des yeux malicieux.
Il y en avait aussi plein d'autres, mais le regard de Tobias s'arrêta encore une fois sur les volutes noires sur la hanche de Brody. C'était une nuée d'hirondelles, un rassemblement de plus ou moins grands et petits oiseaux, qui se dirigeaient vers l'intérieur de la taille de Brody. Seulement, il y avait une seule hirondelle, complètement détachée du groupe, qui était ancrée vers le creux de ses reins. Tobias ne l'avait jamais remarquée auparavant et il fronça les sourcils lorsqu'il réalisa que c'était seulement parce que le caleçon de Brody était bas sur ses hanches qu'il pouvait apercevoir l'hirondelle solitaire.
Ses doigts se posèrent sur le dessin et il le caressa distraitement en se demandant quelle était la signification de ce tatouage.
-C'est flippant, marmonna soudainement une voix rauque.
Tobias sursauta presque et releva le regard vers le visage de Brody, mais le basané avait encore les yeux fermés et la moitié du visage enfoui dans l'oreiller.
-De quoi ? souffla Tobias.
Un sourire se dessina sur le visage endormi de Brody.
-Ta façon de me regarder quand je dors, répondit-il.
Tobias fut confus l'espace d'un instant, mais il ne fallut qu'une demie seconde pour qu'il se souvienne de leur premier réveil ensemble, dans ce même lit. Il sourit doucement avant de se pincer les lèvres.
-Tu n'as plus vraiment l'air de dormir, répéta-t-il alors.
Brody ouvrit un oeil et jeta un regard au-dessus de son épaule.
-Oui, mais tu me regardais alors que j'essayais de dormir, alors ça revient au même, continua Brody.
Les doigts de Tobias retracèrent la colonne vertébrale de Brody alors qu'il souriait doucement. Il se souvenait exactement de sa réplique suivante.
-Profiter des belles choses de la nature ne devrait pas être un crime, murmura-t-il.
Avant que Tobias n'ait le temps de comprendre ce qu'il se passait, il fut renversé sur le dos et plaqué contre le matelas. L'étudiant en droit couina bruyamment et Brody gloussa en saisissant les mains de Tobias pour les presser au-dessus de sa tête. Bientôt, le basané se glissait entre les cuisses de Tobias et l'étudiant en droit rougissait furieusement.
-C'est toi la plus belle chose de la nature, sunshine, souffla Brody.
Il pressa ses lèvres contre le sourire de Tobias et soudainement, plus rien d'autre n'avait d'importance autour d'eux. Brody l'embrassait avec cette douceur et cette délicatesse qui contrastaient avec ce besoin et cette passion qui résidaient dans la manière dont il tenait encore les mains de Tobias au-dessus de sa tête et agrippait sa hanche en même temps.
Tobias prenait conscience de la manière dont ils parlaient avec ces gestes qui leur venaient si facilement, avec des caresses qui comblaient les vides entre les mots et des sourires qui chuchotaient silencieusement. Tobias savait comprendre Brody d'une manière différente, plus profonde et plus intime, lorsqu'il communiquait avec ses mains et lui confessait tous ses péchés avec ses lèvres.
Brody embrassa sa mâchoire avant de presser son nez contre le cou de Tobias, lâchant ses mains pour entourer le corps de l'étudiant en droit. Tobias sourit légèrement alors que Brody soupirait, et il laissa ses doigts glisser contre la peau nue du basané.
Brody était encore un peu dans les vapes du sommeil et Tobias le laissa prendre quelques minutes de plus pour se réveiller. Brody lui avait un jour confié, lors de leurs nombreuses conversations par textos, qu'il dormait mieux en sa compagnie. Tobias se rappelait encore de la manière dont son ventre avait battu douloureusement alors qu'une nuée de papillons s'étaient mis à virevolter dans son estomac.
Alors Tobias ferma lentement les yeux, et apprécia l'instant présent, l'odeur de lavande et de cigarettes, le coeur de Brody qui battait contre le sien, les rayons du soleil qui filtraient à travers les stores et ondulaient sur leurs peaux, la respiration lente et stable du basané contre son cou.
-Hé ! s'exclama soudainement une voix dans le couloir. Toby, Brody ! On fait un Risk, venez !
Tobias reconnut celle de Paul et il entendit Brody soupirer contre lui.
-Ta gueule ! hurla Brody en relevant la tête vers la porte.
L'étudiant en droit gloussa derrière son poing.
-Va te faire enculer ! rétorqua Paul à travers la porte.
-C'est ce que j'essaye de faire, mais tu nous déranges là !
Et Tobias devrait être gêné, mais il ne l'était pas vraiment, riant encore plus fort alors que Paul poussait un cri d'indignation de l'autre côté du mur.
-Sans moi ? s'offusqua-t-il. Je pensais qu'entre meilleurs amis, on faisait tout ensemble. Partage Tobias un peu.
-Putain, Paul, dégage ! s'exclama Brody, semblant un peu agacé. On arrive, ok ? Laisse-nous tranquilles deux secondes !
-Rooh, t'es vraiment pas drôle, marmonna Paul. J'vous attends en bas, bande d'enculés.
Mais Brody n'écoutait déjà plus parce que ses lèvres étaient sur celles de Tobias et ils se perdirent dans des baisers fiévreux et des gloussements discrets jusqu'à ce que Paul gueule que J'rigole vraiment pas par contre, j'viens vous chercher par la peau du cul, que vous baisiez ou pas, si z'êtes pas en bas dans cinq minutes !
Brody embrassa une dernière fois la commissure des lèvres de Tobias avant de sauter hors du lit en levant les yeux au ciel. Il se dirigea vers la salle de bains alors que Tobias se redressait sur ses coudes, encore allongé sur le lit. Il observait le corps à moitié dénudé de Brody bouger autour de lui.
Il se pinça les lèvres alors que Brody se penchait en avant, vers son lavabo, pour se rincer le visage. Ses yeux glissèrent sur les douces courbes de son corps, sur l'architecture puissante de son dos, la finesse de sa taille et les volutes noires qui dansaient sous sa peau alors qu'il se redressait pour passer une main dans ses cheveux.
-Ils signifient quoi ? demanda alors Tobias.
Brody se tourna vers lui avec un serviette dans les mains. Il s'épongeait encore le visage alors qu'il pénétrait à nouveau dans la chambre.
-De quoi ?
-Tes tatouages.
Brody regarda distraitement son corps en lâchant un doux soupir.
-J'ai Bart, juste là, parce que j'le trouvais trop cool quand j'étais gosse et j'me suis toujours un peu identifié à lui, commença Brody en pointant son bras avant de toucher son épaule. Là, j'ai un démon parce que - j'en sais rien, on a tous des démons sous la peau j'suppose.
Il montra sa cuisse.
-Ça, c'est les paroles de l'une de mes chansons préférées que j'écoutais souvent en voiture avec mon père quand j'étais gamin. Je l'écoute encore chaque fois que j'monte dans ma caisse.
Brody pointa l'arrière de ses chevilles.
-J'ai des fleurs derrière mes chevilles pour mes grands-parents. Une marguerite pour ma grand-mère et de la lavande pour mon grand-père. Après, j'en ai d'autres, mais ça prendrait des heures de-
-Et celui sur ta hanche ? le coupa Tobias.
Brody leva les yeux vers lui avant de regarder sa hanche. Un soupir échappa ses lèvres alors qu'il se baissait pour ramasser un t-shirt qui traînait sur le sol.
-Des oiseaux, répondit-il vaguement.
Il enfila son t-shirt ainsi qu'un bas de jogging. Tobias ne cachait même pas le fait qu'il profitait du spectacle du corps de Brody en mouvement.
-J'avais cru comprendre, oui, souffla-t-il. Mais pourquoi est-ce qu'il y en a un tout seul ?
Comme si c'était un geste mécanique, Tobias vit Brody remonter la ceinture de son caleçon et de son jogging sur ses hanches. L'étudiant en droit était persuadé que l'oiseau solitaire était désormais dissimulé quelque part sous ses vêtements.
Brody soupirait doucement et il haussa les épaules en regardant à travers la fenêtre, les bras croisés sur sa poitrine comme s'il essayait de se protéger de quelque chose que Tobias ne pouvait pas voir.
-Parce que la plupart du temps, j'me sens seul, souffla Brody. Même quand j'suis entouré de plein de personnes. C'est juste-
Il soupira à nouveau avant de lentement secouer la tête en passant une main sur son visage.
-C'était un tatouage sur un coup de tête, rien de bien important.
Et Tobias savait que ce n'était pas juste rien de bien important. Il y avait une signification beaucoup plus profonde dans ce tatouage, des dimensions plus personnelles et plus douloureuses cachées derrière cet oiseau solitaire. L'étudiant en droit aurait voulu en savoir plus, mais il rencontra le regard de Brody avant qu'il ne puisse demander quoi que ce soit.
Le basané le regardait avec ce petit sourire et ces yeux qui le suppliaient silencieusement de ne juste pas poser de questions.
-On va jouer avec les autres ? proposa-t-il alors, d'une voix douce et lente, comme s'il était un peu timide.
Tobias ne put s'empêcher de le trouver absolument adorable.
Il hocha la tête en descendant du lit, mais il retint Brody par la main avant qu'il ne quitte la chambre.
-Hé, hum - hé, Brody, regarde-moi un instant.
Le basané se tourna vers lui avec des sourcils froncés et Tobias saisit son autre main en se pinçant les lèvres. Il envahit l'espace de Brody jusqu'à ce qu'il sente la lavande et la cigarette tout autour de lui.
-Qu'est-ce qui y a ? souffla Brody.
Tobias lâcha un long soupir.
-Tu sais que je ne te jugerai jamais, n'est-ce pas ? chuchota-t-il. Tu peux me parler de ce genre de chose, ça ne changera jamais la vision que j'ai de toi.
Brody l'observa un instant, silencieux, avant de détourner le regard en se mordillant le coin de la lèvre inférieure.
-Ce n'est pas que je ne veux pas t'en parler, Toby, c'est juste que ça ne servirait à rien. Tu ne comprendrais pas parce que c'est juste trop compliqué à expliquer et-
-Tu me sous-estimes, le coupa Tobias.
Le basané ancra son regard dans le sien et à son tour, il lâcha un soupir.
-Tu me sous-estimes parce que tu me penses pas capable de supporter certaines de tes réalités ou alors t'as peur. Que je te juge, que je te rejette, j'en sais rien, mais t'as peur. Arrête d'avoir peur, Brooklyn.
Et Tobias eut la sensation qu'il venait de toucher une corde sensible. Le regard de Brody se voila de quelque chose que Tobias ne comprenait pas et le basané serra ses doigts encore plus fort. Il se pinça les lèvres et prit une grande inspiration.
-Mais c'est de toi dont j'ai peur, Toby, chuchota-t-il.
Tobias fronça les sourcils, confus, mais avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, Paul martelait la porte de la chambre.
-SORTEZ VOUS LES DOIGTS DU CUL ET VENEZ JOUER, PUTAIN !
-C'est bon, on arrive, P ! s'exclama Brody en retour.
Paul grommelait encore derrière la porte, mais Tobias n'arrivait pas vraiment à détourner son attention des quelques mots que Brody venez de prononcer.
C'est de toi dont j'ai peur, Toby.
-Pourquoi tu as peur de moi ? souffla Tobias alors que Brody se dirigeait déjà vers la porte.
Le basané se tourna vers lui.
-On peut parler de ça après ? soupira-t-il. Les autres nous attendent.
-Non, dis-moi maintenant.
Brody ferma les yeux un instant et inspira longuement, une main déjà sur la poignée de la porte.
-Parce que je sais que tu peux me faire mal, Golden Boy. T'as peur de moi pour les mêmes raisons. On est des risques et on décide quand même de se choisir mutuellement alors qu'on sait pertinemment que ça pourrait se finir en feux d'artifices.
Puis un triste sourire grandit sur ses lèvres.
-Mais que serait la vie si on ne prenait jamais de risque, n'est-ce pas ?
********
-Jaune, ça te va ? demanda Brody. Ou tu préfères être les noirs ?
Tobias regarda la planche de jeu où Hercule et Yann étaient déjà en train de placer stratégiquement leurs armées.
Toute la joyeuse petite bande s'était répartie en groupe de deux et, évidemment, Tobias se retrouva avec Brody. Ils s'étaient assis sur la confortable moquette en partageant un plaid, drapé au-dessus de leurs épaules, alors qu'ils appréciaient la douce odeur des chocolats chauds qu'Arthur préparait dans la cuisine avec Loé.
-Les jaunes, répondit-il. C'est bien les jaunes.
Brody commença à placer leurs petits soldats sur leurs territoires. De l'autre côté de la table basse, Nora et Paul complotaient sur une probable stratégie démoniaque.
-On devrait essayer de prendre toute l'Amérique du Sud, proposa Tobias en se penchant vers Brody. J'pense que ça pourrait nous faire gagner.
-Ouais, mais on pourrait prendre l'Europe aussi, souffla Brody. Ça nous rapporterait plus de points.
Tobias secoua lentement la tête.
-C'est beaucoup trop compliqué à garder, on peut se faire attaquer de tous les côtes. Fais-moi confiance, emparons-nous de l'Amérique du Sud.
Brody rit doucement et glissa un bras autour des hanches de Tobias. Il se pencha vers son oreille.
-Ouais, ok, souffla-t-il. Mais si on perd à cause de ta stratégie, tu me devras une faveur.
-Une faveur ? répéta Tobias en se tournant vers lui.
Brody jouait des sourcils et Tobias ne put s'empêcher de rougir en gloussant doucement. Il aurait dû se douter que c'était ce genre de faveur.
-Ok, chuchota-t-il. Mais si on gagne alors-
-Je te devrais une faveur, compléta Brody avec un sourire malicieux.
Il pinça la hanche de Tobias et l'étudiant en droit couina bruyamment alors que Brody riait à côté de lui.
La partie commença peu après. Arthur et Loé avaient rapporté la tournée de chocolats chauds et un énorme bol de confiseries. Tobias s'amusa plus qu'il ne l'aurait pensé, il lançait les dés sur le plateau de jeu et essuyait le coin des lèvres de Brody chaque fois qu'il avait un peu de crème fouetté. Le basané fronçait le nez et l'embrassait et c'était - ça paraissait tellement domestique. C'était juste normal.
Yann et Paul avaient plusieurs fois fait semblant de se tirer une balle dans le crâne, mais ce n'était pas si grave. Pas quand la main de Brody était toujours quelque part sur Tobias. Pas quand l'étudiant en droit avait la sensation d'être vraiment heureux.
********
Hercule et Yann dominaient complètement le jeu avec leurs pions violets et prenaient de plus en plus de territoires, éliminant presque Paul et Nora, qui ne possédaient plus que l'Océanie, et Cami et Jodi, qui semblaient à deux doigts de déclarer forfait étant donné leur très mauvaise position dans le jeu.
Arthur et Loé étaient également en train de perdre. Ils ne possédaient plus que trois territoires, mais ils riaient d'eux-mêmes, se donnaient en spectacle en sautant partout autour de la table basse, et se collaient des bonbons sur le front en prenant des voix étranges pour personnifier leur petit soldat.
En revanche, Tobias et Brody se défendaient encore bien. Ils étaient les seuls qui tenaient encore en force contre les redoutables armées d'Hercule et Yann. L'étudiant en droit lançait toujours les dés avec sa langue coincée entre ses lèvres et les doigts croisaient pour obtenir des six. Brody se moquait gentiment de lui avant d'embrasser son épaule. Et encore une fois, c'était tellement - c'était juste normal pour tout le monde.
Loé et Arthur finirent par perdre, mais ils riaient bruyamment, alors ça ne semblait pas si grave. Brody encercla la taille de Tobias d'un bras et l'attira contre lui. Soudain, l'étudiant en droit eut la sensation qu'il respiration mieux. Et c'était juste normal.
Une lutte acharnée prit alors place sur le plateau de jeu alors que les armées jaunes de Tobias et Brody affrontaient les pions violets d'Hercule et Yann pour la domination du monde. Cami et Loé avaient déjà commencé à rouler quelques joints sur le canapé alors que Brody pressait la cuisse de Tobias, visiblement plus intéressé par toucher et embêter l'étudiant en droit que réellement participer au jeu.
-Six et quatre ! s'exclama victorieusement Tobias après avoir lancé les dés.
Il se tourna vers Brody.
-On a gagné !
Le basané lui offrit un grand sourire et ils crièrent victoire alors que les perdants soupiraient. Ils donnèrent un coup dramatique dans leurs armées, les éparpillants à travers la table basse et jusqu'au sol. Hercule et Yann grommelaient et Arthur leur promit des bières en se levant déjà pour rejoindre la cuisine.
L'ambiance était bonne, les discussions faciles. Tobias avait également accepté une bière sous le regard surpris de Brody - Tu bois en journée toi maintenant ? - et il était resté pressé contre le corps du basané toute l'après-midi, échangeants des caresses discrètes et des sourires privés. Et c'était juste normal.
Tobias avait enfin l'impression d'appartenir à quelque chose de plus gros que lui. L'alcool et la drogue se mettaient à peupler le petit salon alors que Tobias riait autour de discussions légères tout en pressant le genou de Brody sous ses doigts. Il n'avait jamais pensé qu'il aurait un jour l'occasion de goûter à ce monde-là, mais alors que Brody caressait doucement sa taille sous son sweat, alors que Paul lui racontait sa rupture avec son dernier copain, Tobias avait l'impression que c'était juste normal.
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