CHAPITRE 12




« La vie n'est pas un conte de fée mon cœur. »

TOBIAS.

L'un des avantages de Princeton était qu'il y avait toujours des studios libres et ouverts pour les étudiants. L'université abritait tout un complexe sportif étendu sur son campus avec des nouveaux locaux qui offraient un grand choix de variétés au niveau des activités.

Mais Tobias n'avait jamais été un grand fan de clubs ou d'entraînements avec d'autres personnes. Il aimait danser dans son coin, seul, avec sa musique, sans que personne ne lui dise quand ou comment bouger. Alors lorsqu'il voulait danser, il s'aventurait derrière les bâtiments des études scientifiques, là où résidaient encore les anciens studios. Ils servaient maintenant d'entrepôt pour le matériel, mais l'une des salles était toujours vide et inoccupée.

Les grands miroirs étaient un peu sales, il y avait des trous aux fenêtres et le parquet était un peu gondolé à cause de l'humidité, mais Tobias s'y sentait bien. L'acoustique était bonne et personne ne venait jamais traîner par ici alors il savait qu'il pouvait y passer des heures sans que personne ne le sache.

Tobias s'était changé dans des collants gris et un t-shirt banc avant de commencer à s'échauffer à la barre, exécutant des grands pliés et des arabesques.

Lorsqu'il se sentit prêt à laisser son corps parler, il enfonça ses écouteurs dans ses oreilles en s'avançant vers le centre de la salle et coinça son portable dans la ceinture de son collant. Tobias se tourna vers le miroir, rencontrant le regard de son reflet, puis entama l'adagio du Lac Des Cygnes. C'était l'un de ses ballets préféré. Il imaginait un partenaire à ses côtés, tranchant l'air de ses longs membres et tendant les bras vers le ciel.

Tobias tournait et bougeait, laissant la musique posséder son corps dans cette danse lente et complexe. Il savait qu'il ne l'exécutait pas aussi bien que les meilleurs danseurs du Bolshoï et qu'il avait probablement besoin de cours pour s'améliorer, mais Tobias s'en fichait. Il dansait pour lui-même, pour le plaisir de sentir la musique déferler dans ses veines jusqu'à ce qu'elle le possède et guide son corps sur le parquet, alors ce n'était pas grave si ce qu'il faisait n'était pas beau, pas harmonieux, pas cohérent. Il fermait les yeux et il oubliait qui il était.

Plus rien n'avait d'importance autour de lui et il était seul avec sa musique, créant un monde parallèle où il pouvait être qui il voulait. Il n'était plus Tobias Carl, l'étudiant en droit timide et maladroit qui n'avait pas d'ami, il était David Hallberg et il tranchait l'air de ses longs membres sur la scène du théâtre du Bolshoï.

Lorsque la musique cessa, Tobias ouvrit les yeux, retrouvant une réalité beaucoup moins joyeuse. Il croisa son reflet dans le miroir, remarquant la transpiration qui glissait sur sa peau et la façon dont sa poitrine se soulevait lourdement. Tout était silencieux à l'exception de sa respiration haletante.

Puis des applaudissements retentirent et Tobias sursauta presque avant de remarquer la présence de Brody à travers le miroir. Il se tourna vers la porte où Brody se tenait, appuyé contre le chambranle, un doux sourire jouant sur ses lèvres. Il tapait encore dans ses mains.

-Impressionnant, déclara-t-il.

Tobias sentit immédiatement ses joues rougirent et il retira ses écouteurs en avalant difficilement sa salive. Jamais personne ne l'avait vu danser - même pas sa soeur - et Tobias n'était pas sûr qu'il aurait choisi Brody comme première personne. Il n'était pas encore assez bon et encore moins pour mériter des applaudissements.

-Qu'est-ce que tu fais ici ? souffla-t-il en se tournant, évitant le regard de Brody.

Il s'approcha du miroir pour récupérer sa bouteille d'eau.

-Tu ne répondais pas à mes messages.

Tobias regarda Brody se déplacer à travers le miroir. Autour de son cou pendait son appareil photo et il semblait observer le studio, les mains croisées derrière le dos. Son inséparable veste en cuir modelait encore ses épaules et il portait un large jean délavé avec des rangers boueuses.

-Mais maintenant, je comprends pourquoi, continua Brody en lui lançant un sourire à travers le miroir.

-Comment tu as su que j'étais là ? demanda encore Tobias en se retournant.

-Parce que je sais que tu ne t'entraînes pas avec les autres, répondit Brody.

Il leva son appareil vers son visage et prit une photo de Tobias. Il sourit en regardant le retour de sa caméra et Tobias se pinça les lèvres pour retenir son propre sourire.

-Et je bosse sur mon projet final dans les serres à côté, continua Brody en s'approchant de Tobias. Je t'ai déjà vu venir plusieurs fois ici, avant qu'on se rencontre. Tu dois être le seul à vouloir t'entraîner dans ces vieux locaux pourris.

Tobias haussa une épaule alors que Brody prenait une autre photo de lui. Il détourna le regard en croisant les bras sur sa poitrine, mal à l'aise d'être au centre de l'attention de Brody et de son appareil.

-J'aime bien cet endroit, rétorqua l'étudiant en droit. Il n'est peut-être pas aussi bien que les nouveaux locaux, mais il est - j'en sais rien, il a quelque chose de rustique que j'aime vraiment bien.

Brody lâcha un petit rire.

-Rustique ? répéta-t-il. T'es vachement gentil, il y a carrément des fenêtres cassées et la stéréo ne fonctionne même plus.

-Et alors ? C'est ça la magie de la danse, tu peux le faire n'importe où, dans n'importe quelle circonstance. Je n'ai pas besoin d'une grande scène avec un parquet fraîchement ciré pour danser.

Brody souriait encore alors qu'il arrivait enfin à la hauteur de Tobias. L'une de ses mains se pressa contre sa hanche, la poussant légèrement jusqu'à ce que Tobias colle son dos contre les miroirs derrière lui.

-Tu devrais, chuchota Brody en regardant ses doigts qui se glissaient sous le t-shirt de Tobias. Tu mérites un parquet fraîchement ciré et une grande scène.

Et Tobias aurait voulu répondre, mais son esprit était obnubilé par le fait que Brody était partout dans son espace, beau comme un Dieu dans sa veste en cuir, alors que Tobias collait de transpiration et portait encore ses stupides collants.

-Jolis collants, murmura Brody, comme s'il avait lu dans l'esprit de Tobias.

Il ancra son regard dans le sien avec un sourire malicieux et Tobias rougit plus fort encore.

-Merci, chuchota-t-il, même si Brody se foutait probablement de lui en disant ça.

Le basané accrocha la sangle de son appareil photo au bout de la barre d'exercice et se pencha enfin plus près de Tobias, pressant une main contre le miroir à côté de sa tête. Ses lèvres rencontrèrent celles de Tobias pour un baiser bref, mais si doux, et l'étudiant en droit planta ses doigts dans la chair tendre de la taille de Brody.

-Hey, souffla Brody en se séparant juste assez de lui pour qu'ils puissent partager le même air.

-Coucou, répondit Tobias avec un sourire timide avant de se pincer les lèvres.

La différence de taille était toujours frappante lorsqu'ils étaient si près l'un de l'autre et Tobias regardait le poitrail de Brody, droit devant lui, en essayant toujours d'oublier que Brody l'avait vu danser.

-Pourquoi tu danses toujours tout seul ?

L'étudiant en droit baissa les yeux vers ses chaussons, qui étaient encadrés par les grosses bottes de Brody. Encore une fois, c'était l'une de ces images qui paraissaient beaucoup trop antithétiques pour que ce soit normal, mais pour Tobias, c'était la plus belle chose sur Terre.

-Parce que je ne suis pas assez bon pour m'inscrire aux cours, répondit Tobias. Et mes parents ne peuvent pas découvrir - tout ça. Ils veulent que je me concentre sur mes études.

Il se pinça les lèvres, se sentant tellement idiot de confier tout ça. Un long silence suivit ses aveux et Tobias remonta prudemment son regard vers Brody, s'attendant à rencontrer ses yeux pleins de moqueries et de jugements. Mais le basané le regardait déjà et il semblait presque - en colère ?

-Tu danses très bien, Golden Boy.

Brody l'avait dit d'une manière si neutre que Tobias n'arrivait pas à savoir s'il était sérieux ou non.

Il sut que Brody l'était lorsque le basané tapa légèrement le miroir derrière lui avec la main qui était précédemment déjà appuyée dessus.

-Bordel, arrête de faire tout ce que tes parents veulent que tu fasses. T'es un putain d'adulte et si tu veux danser, danse merde. Personne ne devrait t'empêcher de faire ce que tu aimes.

-C'est plus compliqué que ça, Brody, c'est-

-Non, ça l'est pas ! l'interrompit Brody. Tu te mets des barrières parce que tes parents t'ont dit de le faire, mais c'est ta vie et tes choix. T'es pas là pour être la version de toi-même que tes parents veulent que tu sois, t'es là pour toi, Tobias.

Il appuya un index contre le poitrail de Tobias pour accentuer ses mots et l'étudiant en droit sentit sa respiration s'interrompre un bref instant.

-T'es là pour ta gueule et que pour la tienne.

En même temps, il laissa ses mains glisser jusqu'à celles de Tobias. Il les saisit et commença à marcher à reculons vers le centre du grand studio, tirant Tobias avec lui.

-T'es là pour être la version de toi-même que toi tu veux être, continua-t-il.

Il lâcha l'un de ses mains pour le faire tourner et Tobias se laissa faire en gloussant. Il atterrit dans les bras de Brody, qui pressa une main contre sa taille en gardant son autre main dans celle de Tobias. Le basané souriait en entamant une valse maladroite alors que Tobias accrochait sa main libre à son épaule en suivant ses mouvements. Ils virevoltèrent autour du grand studio, gloussant dans le cou de l'autre.

-Je ne sais pas encore quelle version de moi je veux être, chuchota Tobias en pressant son nez contre la clavicule de Brody, fermant les yeux un instant.

Ça paraissait peut-être stupide pour le reste du monde, mais Tobias eut l'impression qu'il venait de confesser quelque chose de beaucoup plus gros que lui, quelque chose qu'il ne pouvait pas vraiment contrôler.

Il se laissa bercer par les doux mouvements de Brody, qui ne ressemblaient plus vraiment à une valse, mais plutôt à deux personnes pressées dans le même espace qui tournaient en rond. Il sentait la respiration de Brody s'échouer contre son oreille et des doigts tracer des formes incohérentes dans le bas de son dos, rien n'était vraiment harmonieux, mais c'était parfait.

-C'est parce que tu ne sais pas encore quelle version de toi-même tu peux être, chuchota Brody contre son oreille.

Tobias resta silencieux un instant, retournant les mots de Brody dans son cerveau jusqu'à ce que plus rien n'ait de sens.

Il savait que Brody avait raison, mais il n'avait jamais pensé à tout ça et il eut l'impression de se prendre un sac de briques dans la figure lorsqu'il prit conscience que c'était exactement ça. Tobias ne s'était jamais assez laissé vivre pour savoir exactement quelle personne il pouvait être.

-Tu es quelle version de toi-même, toi ? chuchota Tobias en levant à nouveau les yeux vers Brody.

Le basané ancra son regard dans le sien.

-Pas celle que je voudrais être.

-Pourquoi pas ?

Brody lâcha un soupir pensif et soudain, ses yeux furent de nouveau remplis de secrets. Tobias avait déjà vu ce regard sur Brody, peut-être même un peu trop. C'était un regard où planait des mystères et des peines que Tobias ne comprenait pas et il voulait poser tellement de questions, mais parfois, lorsqu'il apercevait ce regard sur le visage de Brody, il avait juste l'impression de voir un petit garçon en train de souffrir qui ne voulait rien d'autre que pleurer dans les jupes de sa mère. Alors il se taisait et attendait que Brody soit distrait par autre chose et retrouve son sourire.

-Parce que j'suis un connard et je le resterai probablement toute ma vie, répondit Brody.

Ses yeux débordaient de sincérité.

-Je sais juste pas être une autre version que celle-là.

Tobias fronça les sourcils et interrompit leur lente valse. Ce n'était pas grand chose, mais c'était la première fois que Brody se confiait un peu et c'était - Tobias voulait en savoir tellement plus.

-Tu dis n'importe quoi, rétorqua Tobias. On a tous fait des erreurs, ça ne fait pas de nous des connards. Tu es plus que ce que tu penses être, Brody.

-Je suis bien plus que ce que tu crois, Toby.

-Oui, mais je vais découvrir tout ça, n'est-ce pas ?

-Oui, tu vas - découvrir tout ça, répéta Brody.

Il avala bruyamment sa salive avant d'offrir un sourire maladroit à Tobias et l'étudiant en droit sentait que cette discussion commençait à être beaucoup trop pour Brody. Il y avait encore un milliard de questions dans son esprit, mais il avait aussi assez confiance en Brody pour savoir qu'il avait encore tellement de temps devant lui pour découvrir tout ce qui faisait de Brody ce qu'il était.

Tobias se contenta alors de se redresser sur la pointe des pieds, tirant la nuque de Brody pour presser ses lèvres contre les siennes. Le basané accrocha ses mains à ses hanches alors que Tobias entortillait ses doigts libres dans l'étoffe douce du t-shirt de Brody, tirant dessus jusqu'à ce que leur étreinte soit désespérément étroite.

Le studio était complètement silencieux à l'exception du son obscène que produisait leur baiser. Tobias était déjà perdu dans le monde Brody, léchant et mordillant sa lèvre inférieure jusqu'à ce que le souffle lui manque.

-Danse encore, souffla Brody lorsque ses lèvres dérivèrent vers la mâchoire de Tobias. Pour moi. Danse encore une fois pour moi.

-Je ne suis vraiment pas très bon, haleta Tobias lorsqu'il sentit les lèvres de Brody s'attacher à la colonne pâle de son cou.

-Ton avis n'est pas objectif.

-Le tien non plus.

Brody gloussa en remontant son visage vers celui de Tobias. Leurs regards se croisèrent et l'étudiant en droit fut à deux doigts de faire un scandale, exigeant de ressentir les lèvres de Brody contre son cou immédiatement, mais il savait qu'il aurait l'air d'un enfant de quatre ans faisant un caprice pour rien.

-Arrête de discuter, souffla Brody. S'il te plaît, danse pour moi.

Tobias détourna le regard en se pinçant les lèvres. Il ne pouvait pas danser devant Brody, ce serait ridicule et bizarre et-

-S'te plaît, répéta Brody en poussant sa lèvre inférieure vers l'avant.

Il embrassa le haut de sa pommette.

-S'te plaît, dit-il encore.

Son autre pommette.

-S'te plaît.

La commissure de ses lèvres.

-S'te plaît.

Le bout de son nez.

-S'te plaît.

Son menton.

-S'te plaît.

-Arrête ! gloussa Tobias en s'éloignant de son étreinte.

Il céda à la requête de Brody seulement parce qu'il ne pouvait pas vraiment lui résister lorsqu'il était aussi adorable.

Tobias se plaça au centre de la pièce après avoir mis la musique sur son téléphone. Le son n'était pas génial, mais il n'avait que pris ses écouteurs et le studio n'était pas équipé d'une enceinte. Brody, lui, était appuyé contre le miroir, un grand sourire aux lèvres, son appareil photo de retour entre ses mains.

L'étudiant en droit n'avait jamais eu de public et c'était un peu étrange d'avoir la soudaine impression d'être observé, mais c'était Brody, Brody qui le poussait à avoir confiance en lui et à croire en ce qu'il faisait.

Alors lentement, alors que les premières notes de Arrival of The Birds s'élevaient dans l'air, Tobias commença à faire glisser ses chaussons contre le parquet.

Au début, ses pas restèrent relativement timides. Tobias rougissait toujours autant et il n'osait pas faire de grands mouvements de peur d'avoir l'air stupide. Il se déplaçait dans un cercle restrain et lorsqu'il exécuta finalement une première pirouette, il vit Brody sourire et il ne put que sourire aussi. Il ferma les yeux et l'espace d'un instant, il laissa son corps être porté par la musique. Ses membres le guidèrent là où ils le souhaitaient et il se laissait enfin consumer par toute l'énergie qui battait dans ses os.

-Tu es magnifique.

Tobias fut un peu surpris d'entendre la voix de Brody, ayant presque oublié sa présence. Ce n'était qu'un murmure, mais Tobias l'entendit à travers la musique, même s'il prétendit le contraire, pinçant ses lèvres pour retenir un sourire. Il avait toujours du mal à accepter les compliments de Brody, peut-être parce qu'il savait que Brody avait déjà eu un tas de garçons et de filles beaucoup plus jolis que Tobias dans son lit.

Il entendit le cliquetis distinct de l'appareil de Brody et Tobias aurait dû être gêné, mais il ne l'était pas.  Il se sentait spécial aux yeux de Brody parce que le basané voulait prendre des photos de lui, créer des souvenirs avec lui, le voir danser. Tobias aurait voulu prendre des photos de Brody aussi, de la manière dont il se contorsionnait dans des positions bizarres pour obtenir les meilleurs clichés de Tobias. Il faisait tout ça juste pour lui, se mettant à genoux et s'allongeant sur le dos alors que Tobias virevoltait autour de la salle en souriant.

Lorsque la musique cessa, Tobias s'immobilisa au centre du studio, haletant. Il croisa le regard de Brody, qui n'était qu'à quelques pas de lui. Tobias lui sourit et Brody captura un dernier cliché avant d'enfin baisser son appareil.

-J'ai tout un tas de photos de toi maintenant, sourit Brody.

-Je peux voir ? demanda Tobias en s'approchant de la barre, là où il avait posé sa bouteille d'eau et une serviette pour éponger sa transpiration.

Brody hocha la tête et l'invita à s'asseoir contre le miroir. Leurs genoux se touchaient alors qu'ils s'installaient l'un à côté de l'autre et ce simple contact suffisait à Tobias pour oublier qu'il y avait tout un monde autour d'eux. Il attrapa l'appareil photo que Brody lui tendait et commença à regarder tous les clichés de lui, écoutant les commentaires et les observations de Brody. Le basané ne cessait de lui répéter qu'il était beau et que sa peau était magnifique sous cette lumière et que la façon dont son corps bougeait était si harmonieuse et gracieuse.

Tobias ne comprenait pas la moitié de ses mots parce que c'étaient des termes de photographie trop précis pour lui, mais il hochait la tête au bon moment et souriait parfois en continuant de regarder les photos. Il y avait de la passion dans chacune d'entre elles et Brody essayait de lui expliquer que les réverbérations de lumière entre les fenêtres, le parquet et les miroirs créaient des contrastes incroyables, mais Tobias ne comprenait toujours rien, alors il se tourna vers Brody et écrasa ses lèvres contre les siennes, l'interrompant dans son charabia.

-C'est magnifique, murmura Tobias contre ses lèvres.

Brody sourit.

-Tu es magnifique.

Les joues de Tobias devinrent plus rouges encore et il détourna le regard en se mordillant la lèvre inférieure, continuant d'observer les autres clichés. Seulement, il tomba soudainement sur une photo qui n'était pas de lui et Tobias fronça les sourcils en reconnaissant la manière dont était pris le cliché : ça ressemblait à ces photos que Brody avait prises chez lui, lorsqu'ils s'étaient réveillés pour la première fois ensemble.

Au même moment, le basané se tendit à côté de lui.

-Tobias, rends-moi mon appareil, demanda-t-il doucement en tendant la main.

Mais Tobias éloigna l'appareil photo de l'autre côté et continua d'avancer dans la bibliothèque de photos. C'était un garçon aux cheveux noirs avec des yeux sombres et un sourire charmeur. Les clichés étaient pris dans un lit aux draps blancs et le coeur de Tobias rata un battement lorsqu'il remarqua que toutes les photos ressemblaient déjà à celles qu'ils avaient prises ensemble, quelques jours plus tôt.

Brody embrassait l'épaule du mystérieux jeune homme, prenait en photo les suçons dans son cou, se mettait à genoux au-dessus de lui pour capturer son sourire.

-Tobias, s'il te plaît, insista Brody.

Il essaya de nouveau de tendre le bras pour attraper son appareil, mais Tobias était déjà debout et s'éloignait de Brody. Il savait que ce n'était pas bien de fouiller dans les affaires des autres, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Un nouveau visage apparut à l'écran, une fille cette fois-ci, et Tobias avait l'impression que quelque chose s'effondrait dans sa poitrine.

Alors c'était donc ça ? Tobias était juste un parmi tant d'autres ?

Il s'était senti spécial aux yeux de Brody, mais tout le monde semblait l'être. Ou peut-être que Brody les charmait avec son joli appareil pour ensuite les attirer dans son lit et Tobias eut l'impression qu'il allait vomir lorsqu'il réalisa que le jour où Brody avait sorti son appareil pour la première fois était exactement le même jour où ils avaient partagé leur premier moment d'intimité.

Tobias ne savait plus quoi penser et il continua de passer les photos, conscient qu'il se faisait juste du mal en continuant, mais il était trop blessé pour s'en arrêter là. Seulement, des mains attrapèrent soudainement l'appareil et Tobias jeta un regard meurtrier à Brody.

-Je n'aime pas qu'on fouille dans mes affaires, marmonna le basané en éteignant son appareil.

Tobias crut sérieusement à une blague.

-C'est tout ce que tu as à me dire ?

Brody ancra son regard dans le sien, semblant presque confus.

-Je suis censé te dire autre chose ?

Tobias passa une main dans ses cheveux et dût faire appel à tout son self-control pour ne pas juste se les arracher.

-Qui sont tous ces gens ?

-Des amis, répondit simplement Brody.

-Parce que tu embrasses tes amis ? s'exclama Tobias, incrédule.

-Je t'embrasse bien toi.

Tobias eut l'impression qu'une flèche venait de transpercer sa poitrine alors qu'il regardait Brody hausser les épaules comme si ce n'était pas grand chose. Il ravala un sanglot pour ne pas se laisser étouffer par la douleur qui se mettait à sonner dans sa poitrine.

-Alors je suis juste ton ami ?

Et merde, il savait que Brody pouvait entendre le tremblement dans sa voix et il se détestait d'avoir l'air aussi stupidement faible pour lui.

-Mais tu pensais quoi, Tobias ? Qu'on était en couple ? Je t'ai jamais juré fidélité, je t'ai même pas dit que je t'aimais ! On se connaît depuis deux semaines !

Tobias songea à partir en courant parce qu'il avait l'impression que son coeur était littéralement en train de se briser dans sa cage-thoracique. Pendant qu'il pensait être en train de tomber amoureux, Brody se fichait de lui.

-Je pensais que je comptais un minium pour toi après tout ce que tu m'as dit, murmura Tobias en fixant du regard le parquet. Et tout ce que tu m'as fait.

Tobias le regretta parce qu'il avait sûrement l'air d'un idiot et un romantique désespéré. De plus, Brody lâcha un rire moqueur.

-Oh, s'il te plaît, Toby. T'es loin d'être la première personne à qui je fais tout ça.

L'étudiant en droit dût fermer les yeux si fort pour empêcher des larmes de couler sur ses joues.

-Tu pensais sincèrement que tout ça, c'était du sérieux ? ajouta encore Brody.

Et bordel, une claque aurait été moins douloureuse.

-Écoute, je t'aime bien, Toby, et c'est cool de passer du temps avec toi, mais nous deux, c'est rien. J'suis pas avec toi et va falloir que tu comprennes que t'es pas le seul.

Dix claques auraient été moins douloureuses.

Mais Tobias n'allait pas se laisser faire comme ça, pas cette fois-ci. Il comprenait pourquoi Tom avait réagi de cette manière lors de la soirée et il comprenait pourquoi Paul et Loé avaient fait tous ces commentaires sur Brody. Tobias était juste trop stupide, trop naïf à essayer de voir le bien en tout le monde, et à ce moment-là, il se détestait autant qu'il détestait Brody.

-Va te faire foutre, murmura Tobias.

Sa vision était floue à cause de toutes les larmes qu'il essayait de retenir de rouler sur ses joues.

-T'as passé du bon temps avec moi et t'as réussi à te faire branler, alors maintenant, tu vas aller te trouver un autre jouet. Franchement, je comprends pourquoi Tom dit que tu vas finir tout seul. Tu ne mérites pas que quelqu'un t'aime quand tu profites des autres comme ça.

Ses mots étaient durs et n'avaient probablement aucun sens, mais Tobias avait les yeux qui commençaient à piquer et ses joues étaient humides et il voulait juste vraiment se barrer d'ici. Il se sentait ridicule et humilié parce que bien sûr que Brody n'était pas du genre fidèle et bien sûr que Tobias était juste un cul de plus dans son appareil photo.

-Tu savais depuis le début que j'étais comme ça, ne fais pas la victime, rétorqua Brody en levant les yeux au ciel.

Et Tobias n'était vraiment quelqu'un de violent, mais il eut vraiment l'envie d'écraser la tête de Brody contre le miroir.

-Va te faire foutre, Brody, cracha à nouveau Tobias.

Il attrapa son sac et sa serviette avant de s'éloigner vers la sortir du studio sans même lancer un regard à Brody.

Seulement, avant même qu'il n'ait passé les portes, il entendit le rire de Brody retentir à travers le studio.

-À plus tard, Golden Boy.

Mais Tobias ne se retourna pas, sentant juste sa poitrine s'étreindre d'autant plus parce que Brody était vraiment un putain de gros connard. Il courra à travers le complexe abandonné jusqu'aux anciens vestiaires qui servaient maintenant d'entrepôt pour le matériel de l'équipe de football américain de l'université.

Il s'écrasa contre les casiers dans un bruit sourd et se laissa glisser jusqu'à ce qu'il soit assis sur le carrelage froid. Tobias entoura ses jambes avec ses bras et laissa sa tête tomber entre ses genoux alors qu'il laissait enfin les sanglots le noyer dans une spirale de douleur. Il entendait encore son coeur se briser dans sa poitrine parce que Brody était juste si méchant.

Tobias était persuadé que Brody savait exactement ce qu'il faisait. Il savait comment faire du mal l'étudiant en droit, il le savait, et ce jour-là, il avait sorti toutes ses armes juste pour être gratuitement méchant.

C'était exactement pour cette raison que les sanglots ne semblaient pas vouloir cesser : Brody s'en fichait tellement de Tobias qu'il n'était même pas dérangé par le fait que ses mots l'avaient touché.

Tobias ne s'était jamais senti aussi stupide.

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