Chapitre 8 - Partie 1.

« Comptes-tu rester endormie longtemps ? »

Cette question résonne dans mon esprit et j'ouvre les yeux lentement. Je mets un instant avant de me rappeler et pousse un soupir tout en me redressant sur mes coudes. Je me trouve dans un lit. L'un des lits les plus moelleux sur lequel il m'ait été donné de m'allonger, d'ailleurs.

« Vas-y doucement, ce serait idiot que tu tombes encore dans les pommes. »

Mes sourcils se froncent et mon regard arpente la pièce. Il s'agit d'une chambre magnifique, à l'instar de ce que j'ai déjà pu voir de ce château. Tout est si banc, si pur que je crains presque de me lever et de salir le sol, ou le mobilier.

Pourtant, ce qui me frappe le plus, ce n'est pas la pièce en elle-même... mais l'absence de vie hormis la mienne, ici.

J'aurais pourtant juré entendre une voix me parler ! Peut-être que je suis en train de perdre la tête, à cause de tous les évènements survenus ces dernières heures.

« Ne t'inquiète pas, tu es parfaitement saine d'esprit. »

Je sursaute, yeux écarquillés alors que la voix s'insinue encore une fois dans ma tête. Je regarde partout une nouvelle fois, mes cheveux détachés se balançant, si bien que quelques mèches terminent devant mon visage. Avec un soupir, je les retire afin de pouvoir y voir et repousse les épaisses couvertures. Une fois encore, j'ai été changée, cette fois pour un habit de nuit.

Il faut vraiment que j'arrête de m'évanouir, et surtout il faut que l'on cesse de m'affubler de nouveaux vêtements alors que je suis endormie !

« Je ne te le fais pas dire. »

— Qui es-tu, bon sang ? marmonné-je en frappant le côté de mon crâne, du plat de ma main.

« Approche-toi de ce miroir et je te monterai. »

Dans un coin de la pièce, posé près d'une fenêtre couverte d'un long et épais rideau couleur rubis, se trouve un miroir. Il est immense et peut aisément me montrer mon reflet, de la tête au pieds.

Pieds nus sur le sol glacé, j'approche lentement. La robe que je porte est faite d'un tissu fin et élégant, me couvrant des épaules jusqu'à mes orteils, effleurant le marbre à chacun de mes pas.

Une fois devant le miroir, je ne vois que... moi.

Une version de moi que je n'ai pourtant jamais vue, puisque je ne suis pas vêtue comme à l'accoutumée. J'ai été lavée, ma peau sent le savon et mes cheveux ont un parfum floral léger et doux.

— Que suis censée voir, au juste ? Mon reflet ?

« Regarde mieux. »

Je fais quelques pas de plus, m'approchant tellement de l'objet que je le touche presque. J'inspecte mon corps, commençant par mes pieds. Je ne peux voir grand-chose à cause de la robe, mais je devine mes formes sous celle-ci.

« Plus haut. »

Mes yeux tombent alors sur leur reflet et mon souffle se coupe soudain.

Je ne trouve pas mes prunelles couleur chocolat. Elles ont été remplacées par une couleur bleue irréelle, mouchetée d'éclats rouge vifs. Ils n'ont plus rien d'humain, car en leur centre, la pupille est fendue verticalement, comme celle d'un serpent.

Mes paupières papillonnent une fois alors qu'un halètement m'échappe et lorsque mes yeux se rouvrent, l'un d'entre eux est redevenu normal, l'autre gardant cet aspect si effrayant.

— Mais qu'est-ce que...

Je me penche en avant, afin de mieux regarder et dans ma tête, résonne un rire.

« Si tu as peur de moi maintenant, je n'ose même pas imaginer ce que ça sera, lorsque tu verras ma vraie forme. »

— Tu...

Là, les mots d'Evander me reviennent en tête. Avec tout ça, j'avais totalement occulté la discussion que nous avons eu, après mon réveil, dans la calèche. L'entité qui était dormante dans mon corps et qui en a pris possession, lorsque j'ai failli être tuée...

— Tu es mon...

« Familier. Oui. Ravi de pouvoir enfin faire ta connaissance. Enfin, de vive voix, si je puis dire. »

Je fixe mon propre regard, l'oeil bleu et rouge me fascinant autant qu'il m'effraie.

— Pourquoi est-ce que mes yeux sont comme ça ?

« Je suis éveillé, et une des seules preuves que je puisse te fournir de ma présence. Pas d'inquiétude, ils redeviendront normaux lorsque je repartirai dans ton inconscient. »

Cette voix... Pourquoi me dit-elle quelque chose ?

« Nous nous sommes déjà vus, c'est pour cela que tu as l'impression de déjà me connaître. »

— Lis-tu dans mes pensées ?

Je l'entends rire. Étrangement, ce n'est pas le même rire que celui qu'il a utilisé avant de tuer tout le monde, dans cette forêt. Nous sommes ici bien loin de l'éclat d'hilarité exaltée et sadique de cet instant-là.

« Malheureusement, oui. Tu ne peux rien me cacher, comme je ne peux rien te cacher. Avec de l'entraînement, tu pourras me fermer tes pensées, mais je pourrais toujours lire clair en tes sentiments. Tel est le rôle d'un Familier. »

— Je... ne me rappelle pas de toi.

« Ça viendra. Nous sommes liés depuis ta naissance, mais je n'ai commencé à réapparaitre dans ton esprit qu'il y a quelque temps. Sous forme de rêves, j'imagine. »

Alors qu'il me dit ceci, une pièce du puzzle se remet en place et je pense au dragon que j'ai vu dans un de mes rêves, justement le jour où la Garde est venue dans mon village.

— C'est impossible, dis-je dans un souffle.

Il ricane à nouveau, sans doute car il est en train de voir clair dans mes pensées et dans les souvenirs du rêve qui me reviennent en mémoire.

« Tout comme il serait impossible que tu sois une princesse et une future reine ? Tout comme il est impossible que tu fasses partie des plus grands êtres dotés de pouvoirs magiques au monde ? Tu sauras, ma chère âme jumelle, que l'impossible n'existe pas. »

— Comment est-ce que tu peux savoir ce que je suis, alors que tu n'as fait qu'hiberner, depuis deux décennies. Pourquoi ne t'es-tu jamais manifesté ?

Il grogne et les vibrations résonnent dans tout mon corps.

« Ce n'était pas par plaisir, crois-moi. Après ta fuite dans les bois, quand tu étais petite, je t'ai guidée et maintenue en sécurité, pendant des jours. Alors que tu n'as presque pas pu boire ou te nourrir, c'est ma propre énergie qui t'a maintenue. Lorsque tes parents adoptifs t'ont trouvée, j'étais affaibli et j'ai senti qu'ils te protégeraient, qu'ils prendraient soin de toi. Je me trompe rarement et de toute évidence, j'avais raison. Je suis alors entré en hibernation, non seulement pour pouvoir me régénérer, mais également pour ta sécurité. »

Tout ce qu'il me dit devrait me paraître irréel. Une pure hérésie. Je devrais me dire que je suis folle et que tout ceci n'est que le fruit de mon imagination. Pourtant, je sais au plus profond de moi que ce n'est pas le cas.

Finalement, mes pensées se tournent vers mes parents. Combien de temps est-ce que ça fait ? Depuis quand suis-je partie ? Depuis combien d'heures, de jours, mes parents sont-ils sans nouvelles de moi, alors que j'étais censée rentrer à la maison ?

« Pourquoi es-tu triste ? Ils ne sont pas morts, et toi non plus. Tu les reverras sans doute. Peut-être, un jour. »

L'idée du « peut-être » me retourne l'estomac et me donne la nausée. J'ai tant envie d'être auprès d'eux là, tout de suite.

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Hello !

Premier "vrai" échange entre Elea' et son familier ! Qu'en pensez-vous ?

À très vite pour la suite !

Pour retrouver toutes les news, fiches de personnages et quelques exclus sur le roman, c'est sur Instagram que ça se passe ! : @adelinegeorges.auteure !

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